Bienvenue au Crust [Lawrence & Raedhun]

J'hoche la tête en un coup un peu sec, tout en l'observant.

- Recevoir ce type de commentaires de la part d'une pointure de votre genre en navigation, ça fait chaud au coeur. Je vous l'ai dit ; le Crust, c'est mon bébé. Mon mari et moi-même, on a beaucoup bossé dessus et on a fait en sorte de rien laisser au hasard. On fait pas n'importe quoi avec un tas de ferrailles de cette taille, vous le savez bien.

Je me redresse, abandonnant le mur sur lequel j'étais appuyée, mais je garde les bras croisés.

- Vous avez encore des questions à poser ou des paramètres à vérifier ? Sinon, j'vous inviterai bien volontiers à boire un verre.

"J'crois que j'ai fait le tour et je veux bien un verre, surtout offert par la patronne, c'est sympa. Vous faisiez quoi avant d'ouvrir le Crust avec votre mari, si ce n'est pas trop indiscret ?"

J'veux pas des détails hein, surtout si c'est illégal mais juste, si elle était dans la mécanique, ou dans la vente ou dans le pot-de-fleurage, qui sait. J'essaie de me l'imaginer en belle robe, échec système. Elle doit être canon pourtant, elle est assez jolie mais je sais pas, je l'imagine trop sauvage pour la voir mise en valeur dans ces saloperies de satin.

J'suis contente qu'elle accepte ma proposition. Ca fait toujours de la bonne pub pour nous, des verres offerts à des clients. Et franchement, vu notre chiffre d'affaire, ça risque pas de nous ruiner. Je salue mes gars, et je m'accroupis pour récupérer Waalan - si je l'oublie, elle va faire la gueule. Elle revient vers moi, et elle s'enroule autour de mon torse et de ma taille, sa queue trainant un peu par terre. Je lâche un soupire en me relevant - c'est qu'elle est lourde, putain. Et puis on sort de la salle et je referme la porte derrière ma cliente, devenue mon invitée.

- On était déjà dans la restauration. Mon beau-père tenait un chouette petit restaurant sur Renaissance. C'était un endroit pas très connu, mais on avait notre petite clientèle, et on servait de la bonne cuisine. Mais mon mari et moi, on a toujours eu envie de pouvoir toucher les étoiles. On se voyait pas finir notre vie dans ce petit restau' là. Et vous, vous faisiez quoi avant d'être navigatrice sur l'Albatros ?

"L'armée. J'y suis toujours. Lieutenant Lawrence Dawind détachée sur l'Albatros. Parfois, pour faire plaisir je fais aussi le pot de fleur mais je préfère naviguer." Ouais, je sais, j'ai pas la gueule de l'emploi avec mon air de poupée mais ceux qui connaissent mon père le Colonel savent qu'on avait pas trop le choix, et ceux qui connaissent pas ont tendance à me prendre un peu de haut mais je m'en fiche. Je sais ce que je vaux depuis longtemps. "L'ambiance corsaire ça change mais c'est pas plus mal de voir d'autres façons de fonctionner." Et maintenant, j'attends. Est-ce que la fille va se raidir et me considérer comme une espionne ou est-ce qu'elle va rester commerciale jusqu'au bout.

Le suspens est insoutenable, tout ça.

J'm'attendais pas franchement à ce qu'elle fasse partie de l'armée, mais je note bien soigneusement l'info dans mon cerveau. J'aime bien savoir à qui j'ai affaire. Je lâche un long sifflement.

- Ca a de la gueule, Lieutenant Dawind.

Je l'entraîne vers la salle qu'elle avait semblé le mieux aimer.

- J'imagine que ça doit pas être la même chose sur un de vos vaisseaux de l'armée et sur un vaisseau corsaire. On reçoit les deux, ici, et ils ont chacun des particularités qui leur offrent pas l'opportunité d'envier quoi que ce soit à l'autre. Et puis, l'Albatros, c'est un chouette vaisseau.

Nan, c'est un Albatros, idiote.

- Vous, personnellement, vous avez une préférence, entre les deux ?

Elle se raidit pas. elle a même l'air impressionnée. Il est vrai que "Lieutenant Dawind", ça en jette mais moins que "Colonel Dawind de la Legion Major de Promo". C'est ce qui m'aide à contrôler l'enflure de mes chevilles. Rien de tel qu'un constant rappel de la supériorité de papa pour calmer les ardeurs. Enfin presque.

Je la suis gaiement vers la salle de son choix, écoutant ses paroles. Ne pas décrocher, ne pas décrocher. Par miracle, je ne décroche pas. Comme quoi, la volonté, hein. Normal vous me direz, on parle de vaisseau et même, de l'Albatros. En vrai, ce n'est pas tellement le sujet qui me fait décrocher en temps normal que le débit. Là, ça passe.

"Dure question." Je réfléchis. D'instinct, je préfère l'Albatros. J'aime l'armée mais j'ai du mal à supporter son carcan. Il y a quelque chose chez moi qui aime la liberté de parole, de vêtements, d'action. Sauf que la dame à côté de moi, ce n'est pas une copine. C'est la responsable d'un navire de la haute qui reçoit indifféremment corsaires et militaires. Et je ne suis pas assez évaporée pour l'oublier. Verre gratuit ou pas.

"Je vous dirais de me redemander dans dix ans. Mes expériences tant militaires que corsaires sont encore trop neuves pour que je puisse les juger avec objectivité. Tant que je peux servir ma faction et naviguer, je me considère heureuse."

Là, je crois que c'est à peu près safe comme réponse. Et sincère, évidemment.

Elle ne répond que vaguement à ma question, sans trop se mouiller. J'imagine que ça doit être délicat comme réponse à trouver. Question politique, certainement.

- On verra dans dix ans, alors. De toutes façons, vous savez où me trouver. J'ai pas prévu de bouger. Mais bon. Si ça fait votre bonheur, j'ai envie de vous dire que le reste n'a pas beaucoup d'importance.

Je décide finalement de l'emmener dans la salle taverne, avec son ambiance bon enfant, conviviale et chaleureuse. Elle a eu l'air de bien aimé, et puis, ça la dépaysera pas trop, comme ça. On s'installe à une table sous une des lanternes qui rendent une ambiance feutrée de milieu ou de fin de soirée.

- Je vous laisse commander c'que vous voulez. C'est pour moi, de toutes façons. Alors faites vous plaisir.

Ce que je veux ? Cool ! Un profiteur me dirait de commander ce qu'il y a de plus cher sur la carte, évidemment, c'est l'occasion de goûter a des trucs grands luxe surtout dans cet établissement parce que je ne laisse pas l'ambiance taverne (sympathique au demeurant) m'aveugler une seule seconde. Mon éducation, elle, me dit de prendre un truc milieu de gamme ou bien d'attendre de voir ce que l'hôte commande pour prendre dans le même rayon de prix. On fait comme ça dans la haute, on fait semblant d'avoir de la pudeur. Sauf que moi, la pudeur, j'en ai un peu rien à carrer. Du coup, comme je ne suis ni timide à prendre une eau gazeuse citron, ni radine, ni de la haute, je commande un cocktail que je connais pas, pour goûter, sans regarder le prix.

"Vous vous voyez toujours là dans dix ans vraiment ? Vous pensez pas à, je sais pas, ouvrir des succursales dans d'autres vaisseaux ou vous diversifier ou évoluer d'une façon ou d'une autre ?"

Elle choisit dans la carte, et moi, j'prends la même chose qu'elle. J'adore ce cocktail. Encore un coup de génie de mon barman. Quand c'est la patronne à table, les commandes arrivent toujours étrangement vites. Ca tombe bien, cette petite visite m'a donnée soif.

- J'en ai chié pour arriver au terme de ce projet. Peut-être qu'on évoluera et se diversifiera, si notre affaire continue à si bien marcher. Pour l'instant, j'ai d'autres projets qui me prennent tout mon temps, en plus de la gestion du Crust qui est pas de tout repos.

J'suis pas en train de me plaindre. J'suis heureuse de mon job, et de ce que ça m'apporte au quotidien. On a tellement eu ce rêve, d'ouvrir ce foutu vaisseau restau' dans les étoiles, que son accomplissement est une énorme fierté.

- Personne peut dire qui il sera ni où il sera dans dix ans. A priori, si le Crust existe encore, j'devrais pas être bien loin.

J'marque une pause, nos cocktails sont déjà là. Je le lève pour trinquer avec elle.

- A votre visite, Lieutenant Dawind.

Ah. D'autres projets. Fonder une famille peut-être ou des trucs comme ça. Parait que c'est ce que ça veut dire quand une fille a "d'autres projets". Ca ne m'intéresse pas assez pour que je pose des questions de toute façon alors je lève mon verre en retour. "A ma visite !"

Le cocktail est très bon, bien sucré, bien dosé mais il ne vaut pas celui du Runny Amber. Rien ne vaut les cocktails du Runny à ce qu'il parait. Je me demande s'ils se connaissent parce que celui-ci est décidément très bon.

"Vous le prenez mal si on vous parle d'autres établissements de boisson ou bien la curiosité professionnelle prend le dessus ?"

Je tente un sourire affable. Pas sûr que ce soit une franche réussite, mais bon, j'suis assez douée pour ce qui est de faire semblant. Je bois une ou deux gorgées du cocktail avant de la regarder.

- J'aime bien les gens qui ont les cou... Le cran de me parler franchement. J'suis pas susceptible, et mon établissement reste un restau plus qu'une taverne à proprement parler. On s'débrouille pas mal, mais on a pas la prétention de croire qu'on est les meilleurs dans le domaine.

"Couilles. Mot féminin de l'anatomie masculine qui parfois remplace le cerveau de ces messieurs." Faut pas avoir peur de me choquer avec des mots. Je bosse pour l'Albatros et quiconque a échangé plus de dix phrases avec le Capitaine sait qu'il ne faut pas être bégueule pour bosser sur ce genre de navire. Je hoche la tête.

"Y a une taverne sur Hope, tenue par un de mes compatriotes qui fait les meilleurs cocktails que j'ai jamais bu. Vous pourriez y envoyer votre barman voir s'il arrive à voler quelques idées."

Je la regarde en levant un sourcil, un sourire amusé sur les lèvres.

- J'essaie de limiter ma vulgarité avec les clients. Imaginez la gueule de Monsieur le Marquès du coin à qui je sortirais ce genre de noms d'oiseaux... J'm'en sors pas trop mal d'habitude, mais vous me rendez la tâche particulièrement difficile, à cause de votre capital sympathie pas négligeable.

Et j'hausse les épaules.

- Vous parlez du Runny Amber, pas vrai ? J'suis sans doute pas la plus éthique des femmes, mais voler des idées, ça m'intéresse pas. J'préfèrerai pouvoir créer un partenariat avec le patron. J'ai des vacanciers qui font du tourisme sur Hope et logent chez moi, alors on pourrait s'échanger des clients.

"Monsieur le Marques du coin ça lui ferait pas de mal de se rappeler que le monde ne se finit pas avec son ptit doigt, si vous voulez mon avis." Même si vous le voulez pas, je le donne tout pareil. J'ai rencontré des nobles sympas pourtant. D'autres sacrément pervers et une majorité de gens chiants comme dans tous les niveaux de la société. C'est ça qu'est bien avec l'Union. Malgré tous ses défauts, elle nous apprends pas qu'il existe des gens plus purs ou sains que d'autre. Il y a ceux avec de l'argent, ceux qui n'en ont pas mais c'est pas genre génétique ou structurel. Du coup, je me moque de tout le monde sans exception.

"J'connais pas TRES bien le patron mais il n'a pas l'air commode. Cela dit, votre idée est pas conne, ptet qu'il sera ouvert. En plus, il est corpo genre jusqu'au bout des ongles. Jamais vu un radin pareil. Alors si ça peut lui rapporter de la thune, a mon avis faut le prendre par cet angle."

- J'suis bien d'accord avec vous. Mais j'reste une commerçante, au moins à bord du Crust. La patronne, qui plus est. Ce que je fais a forcément un impact sur la réputation de mon endroit. J'peux pas servir des merdes et des couilles à mes clients.

Ca m'empêche pas de le faire avec tous les autres. Mes potes, mes employés (qui pour la plupart sont aussi mes potes), ceux que je rencontre en dehors de mon travail. C'est rare que je travaille pas, mais on a des surprises de partout. Toujours un ou deux gars moins coincés que les autres avec qui on peut parler librement sans risquer de les outrer plus que des fillettes qui voient une queue pour la première fois.

- J'en prends bonne note, merci du conseil. C'est clair que s'il accepte, ça va nous rapporter un sacré paquet de tunes à tous les deux. On bosse dans le même milieu mais j'estime pas que l'un empiète sur le terrain de l'autre.

Lui, il fait des cocktails et de la bouffe dans une vraie taverne. Moi, j'offre de la cuisine diversifiée et étoilée à des clients qui aiment être dans les étoiles. Un spa, un hôtel. Bref.

- Ca fait un moment qu'on est en orbite autour de Hope, et pour le moment, on se plait bien ici. On bougera sûrement un de ces quatre, mais j'aime bien avoir des adresses à conseiller à mes clients quand ils vont à terre pour la journée.

"Surtout qu'à Hope, y a pas des masses de bon coins. C'est surtout de la canaille, des bas fonds et l'ambiance vaguement pirate que vous pouvez vendre, avec la sécurité relative de l'astroport, c'est pas non plus Tortuga à ce qu'il parait. Après, j'suis sure que Monsieur le Marques, il a rien contre s'encanailler un soir, ce sera quelque chose à raconter dans les soirées de l'Ambassadeur."

Je connais trop bien ce milieu pour mon propre bien je crois.

Elle sait pas à quel point j'le connais bien, ce sujet-là. Les Marques et autres nobliaux-riches, c'est bien eux les pires. Ils se contentent pas de s'encanailler. Ils se foutent carrément à l'envers.

- Vous m'avez bien l'air de connaître le sujet. Quoi que, si vous voulez mon avis, c'est pas sur Hope que Monsieur le Marques se lâche le plus. Pas d'bol pour moi, j'me sens bien de ce côté de la galaxie, pour le moment. Peut-être qu'on bougera encore un jour, mais en attendant, j'vais peut-être pas pouvoir fonder mon business uniquement là-dessus.

"Oulah, y a des détails dont je me passerais bien hein ! Imaginez que j'aie à le cotoyer un jour, j'ai pas envie de partir dans un fou-rire quand il me parlera du dernier canapé à la mode." Je ris en répondant, je ne suis qu'à moitié sérieuse. De toute façon j'écoute rarement les Messieurs Le Marques pérorer. Au bout de deux mots, ils m'endorment. Ces beaux gens là, ils sont peut-être entourés de soie et d'or mais je leur préfère les manuels. C'est important pour un homme de savoir se servir de ses mains. "Et les propriétaires trinitaires, ils sont également les bienvenus ici ?"

Je souris à sa remarque. Je dois bien avouer que c'est pas l'aspect le plus facile de mon boulot officieux. Pas facile de rester sérieuse quand on croise un type qui vous a supplié de lui faire des trucs auquel la décence même m'interdit de repenser. Par contre, j'ai beaucoup moins envie de sourire quand elle me pose sa question sur les trinitaires. Je soupire intérieurement, mais j'reste bien neutre et avenante physiquement. Ce qu'on peut me la poser souvent, cette question à la con...

- Tout le monde est le bienvenue ici. On met beaucoup de moyens pour que n'importe qui puisse venir se reposer sans être inquiété. C'est le coeur du Crust. Ca veut pas dire qu'on approuve moralement tout ce que font nos clients. Ca veut juste dire que c'est pas nos problèmes.

"C'est bien. J'avais peur que vous fassiez comme tous les autres bien-pensant et que vous éliminiez bêtement un tiers de la population doradienne." C'est pas à dire que je sois pour l'esclavage non plus et beaucoup de trinitaires me sortent par les trous de nez, entendons nous bien. Je ne conçois pas que l'on puisse penser posséder un autre être humain. Mais c'est culturel tout ça. Je veux dire, ils ont été élevés pour être con et c'est pas en les stigmatisant et les enfermant entre eux qu'on va les faire changer d'avis. Faut les confronter aux autres opinions et aux autres gens et même à des mo'at libre pour qu'ils s'aperçoivent de leurs conneries. Et puis faut forcer les dirigeants à changer la loi aussi mais ça, c'est pas de notre ressort à Van Machine et moi.

J'hausse les épaules et je prends le temps de siroter deux-trois gorgées de mon cocktail avant de reprendre la parole.

- Vous trouvez pas ça profondément con de stigmatiser des gens qui stigmatisent d'autres gens ? Désolée lieutenant, hein, mais j'vais être franche : la politique, ça m'emmerde. Je suis bien obligée de passer par là un minimum, mais je laisse ça à des gens que ça intéresse.

Je suis secouée par un rire sans joie.

- La bien-pensance, c'est aussi un truc pour les cons. Ceux qui pensent bien agissent pas beaucoup, en général.

"Puisque vous êtes franche, je vais l'être aussi. J'ai rien contre un petit stéréotype de temps en temps. C'est marrant et ça fait gagner du temps. Et j'approuve pas l'esclavage. Je suis désolée mais c'est comme ça, je peux juste pas assimiler un être vivant à un meuble. Même mon Tawtute je le soigne mieux que certains esclaves. Mais ça, c'est pas tous les trinitaires. Juste les propriétaires. Et tous les propriétaires ne sont pas des enfoirés, certains essaient de donner des conditions de vie décentes. Donc bon. A part le fait que leurs dirigeants soient en robe, j'ai pas grand chose à reprocher aux trinitaires. Par contre, un con qui bat son esclave, j'lui fait sa misère au moins autant qu'un con d'une autre faction qui bat sa femme ou son gamin. C'est tout. J'suis une fille simple, moi, vous savez." J'ai parlé avec ma légèreté habituelle malgré l'importance du sujet. Il y a des trinitaires que j'aime bien, il y en a même un avec lequel j'ai passé une super soirée. Mais j'ai aussi été corsaire et s'il faut les dézinguer pour libérer des esclave...ou même les dézinguer parce que c'est la guerre et bien je dézingue. Pas mon problème à moi.

Je fais une moue approbatrice.

- Nous sommes bien d'accord, Lieutenant. Mise à part que je m'intéresse moins aux hommes, femmes, enfants battus qu'à ceux qui pourrissent dans la merde quand d'autres dépensent leur fric pour tout et n'importe quoi à côté.

Ca, c'est bien un des seuls trucs qui peut réellement me faire devenir méchante et mauvaise.

- Mais aucun esclavagiste ne nous a encore fait le coup de se pointer avec son esclave de poche, et j'ai jamais assisté à de la maltraitance. P't'être que je réagirais différemment devant le fait accompli. C'est difficile, de jauger toutes les réactions qu'on peut avoir. Surtout pour des trucs aussi délicats, hein.

Ah, ça je m'en fiche tiens de la misère avec le fric juste à côté. Pis c'est marrant tiens venant d'une femme dont le travail consiste à faire en sorte que les gens riches dépensent un max de fric dans un endroit magnifique certes mais pas vraiment indispensable ou constructif hein. Ca reste un palace volant dans l'espace qui utilise des max d'eau à des décorations. Enfin c'est pas trop ma place de lui mettre le nez dans ses contradictions. J'en ai pas mal aussi pour ma part du coup, je dis rien, je hoche juste la tête. Les gouts et les couleurs, c'est comme la politique, ça se discute pas.

"Ouais. En combat on sait par exemple qu'il est impossible de savoir à l'avance qui va craquer ou pas devant la pression d'une situation réelle. Faut l'avoir vécu pour savoir ce qu'on va faire, comment on réagi. J'pense que c'est pareil pour ça. Perso, j'ai déjà vu des gens traiter des esclaves comme je traiterais pas mes sandales. Donc je sais ce que ça me fait. Après, je suis pas guimauve et paillettes hein. Faut pas croire."

J'hausse les épaules, d'un air presque fataliste.

- Ouais. J'combat pas non plus, mais je comprends. Vous en faites pas, j'considère pas que c'est être guimauve et paillettes que de se soucier de trucs qui nous sont insupportables. Les gens qui sont guimauve et paillettes, ils ont tendance à plutôt se foutre de tout, ou s'indigner pour un rien sans jamais bouger leur cul pour que ça change. Vous êtes pas comme ça.

J'esquisse presque un sourire.

- Ca fait longtemps que j'ai arrêté de croire que les jeunes femmes qui ont l'air délicates et douces le sont forcément. En fait, j'y ai presque jamais cru.

Clairement. Déjà, je m'indigne toujours pour une bonne raison, et en plus, non seulement je bouge mon cul mais j'bouge aussi ceux des autres. Que ce soit avec un vaisseau ou des coups de pieds, je suis pas difficile. Je souris du coup parce que je l'aime bien en fait, la gérante, sous le commercial à la con.

"Y en a qui le sont. J'pense que c'est comme tout, y a de tout derrière toutes les apparences."

J'en ai connu des évaporées dans les salons...j'peux vous dire, c'était des trucs. Et y en avait des très belles genre poupée et des très moches qu'on aurait cru à un retour des guerrières d'avant les drônes.

"Mais j'veux dire, je cherche pas tout le temps à tout redresser quoi. L'armée ça sert pas à ça, c'est avant tout pour la protection de l'ordre social et de la faction, pas vraiment pour le citoyen un par un."