Le Passeur trinitaire et la Teigne Mo'at

Enguerrand traine son colis par les chaines qu'il lui a mis. Bernier... c'était sa cible et les choses n'avaient pas été si compliqués que ça. Certes la cible avait choisi de s'enterrer. Mais le faire chez soi c'est la première erreur, ensuite s'acheter de la protection bon marché c'est la seconde erreur. Le reste c'est la faute à pas de chance. Le capitaine De Nieves avait engagé quelqu'un de dangereux pour faire le job. Parfois on peut pas lutter contre la malchance.

Les trois pauvres bougres chargés de la protection de Bernier n'avaient pas tenu longtemps. N'empêche qu'un tir avait frôlé sa manche et abîmé son Trenchcoat.  Il serait peut-être temps qu'il améliore ses notions de tactique un jour. Parce qu'apprendre à mentir pour s'approcher de la cible c'est au dessus de ses forces. Il pourrait aussi devenir plus discret.... il chasse toutes ces possibilités de sa tête. Il n'est pas ce genre d'homme. Il est un duelliste spécialisé dans l'abordage. Et c'est dans ce domaine qu'il veut devenir le meilleur. Le reste ce n'est que distraction. Bref il avait essuyé des tirs et avait été effleuré , une fois les armes vides.... on était passé au combat à l'épée. Rien de notable les trois hommes gisent sans doute encore baignant dans leur sang. S'il ne tue pas pour le plaisir il ne fait pas non plus montre d'une grande mansuétude. C'est risqué la mansuétude.

Il avait ensuite capturé le Bernier en question. Un homme lâche, ou impressionné par la réputation d'Enguerrand. Difficile de le savoir et le Passeur se désintéresse de ce genre de considération. Le gars avait pleuré, supplié et tenté de le corrompre. Pas de chance il a besoin d'argent certes, mais pas au point de se mettre à dos un capitaine. Et puis même si sa réputation il n'a jamais cherché à l'avoir, il ne souhaite pas qu'elle s'entache de chose infamante. Il avait donc bâillonné la cible, mis une cagoule sur la tête et finalement l'avait couvert de chaîne à l'ancienne. Puis profitant de la nuit il avait rejoint les quais et avait rejoint l'Iceberg. Il monte donc la passerelle pour rejoindre le sas d'entrée principal. Il ne sait pas s'il y a un sas plus discret et on lui a rien dit à ce sujet donc il ne cherche pas.

Un Capitaine soudain épuisé, encore plus pâle que d’habitude et tout raide, un nouveau prisonnier à l’isolement dans l’infirmerie… même sans savoir ce qu’il a été trafiquer qui puisse être assez important ou futile pour qu’il se dispense d’elle, pas besoin d’être mystique pour faire le lien. Malheureusement pour ses nerfs, les ordres sont très stricts : l’homme n’existe pas.

Pire : quelqu’un va se radiner, normalement avec un autre prisonnier, qu’il faudra attendre à l’entrée de la frégate et bien accueillir – le quelqu’un, pas le prisonnier, lui faudra enfermer à l’autre bout du vaisseau et l’oublier aussi. Surtout, il faudra envoyer quelqu’un réveiller le Capitaine dès l’arrivée du duo.

Depuis, Seik’el surveille l’entrée de la frégate, oscillant entre l’abattement d’avoir été absente quand son Capitaine avait besoin d’elle – quelle idée de sortir tout seul ! – et les envies de meurtre envers les prisonniers présent et futur, sur fond de vigilance face au moindre bruit susceptible de trahir l’approche d’un bonhomme ou deux.

Finalement, c’est les tintements de chaînes qui lui confirment que l’attente touche à sa fin. Elle sort de l’ombre à l’approche de l’homme et de son chargement, les détaille le temps qu’ils soient à portée. Cassagnac. Trinitaire à louer, très fine lame. Compétent, dangereux. Difficile de savoir ce qu’elle pense de cette découverte. Elle salue d’un signe de tête respectueux malgré tout, envoie le mémo préparé pour qu’on aille réveiller le Capitaine, et fait signe à l’homme de la suivre vers les soutes.

Une femme l'attend, elle a l'air d'être mo'at en plus d'être belle. Informations inutiles pour le moment alors il les relègue au fond de son esprit et reste vigilant. Elle sait ce qu'elle doit faire et pose pas de question stupide ou inutile. Il aurait perdu son pari s'il était du genre à parier avec lui même. Cependant l'expérience lui a appris qu'on ne cesse d'être surpris en côtoyant les être humain. Il lui rend son signe de tête, pas spécialement loquace lui non plus.

Il continue de trainer sa proie et suit la femme dans les entrailles glaciales de l'Iceberg. Un froid plus imaginaire que réel. Mais l'endroit n'appelle pas aux cris de joies. Il se sentirait presque chez lui. Mais il est peu probable que la personnalité du capitaine est réellement contaminé un navire pirate. C'est juste qu'il est tôt. L'oeil est aux aguets, parce qu'il n'est pas chez lui et qu'il n'a pas confiance de principe.

Bon point pour le Trinitaire, il la déshabille pas du regard et la suit bien gentiment avec son paquet cadeau. Elle garde un œil dessus, quand même. Pas qu'elle se méfie... mais elle est pas totalement tranquille. Cassagnac - un type qu'il vaut mieux bien traiter quelle que soit la raison de sa présence à bord - et un type enchaîné et cagoulé, ça colle assez à ce qu'elle attend pourtant. Alors est-ce que c'est son nom, son boulot, sa réputation, le paquet qu'il tire derrière lui, le fait qu'il est sur l'Iceberg, les chaînes qui tintent et rappellent d'autres souvenirs...

Le trajet est bref en réalité, deux hommes les relaient rapidement, en silence. Pas la peine de faire visiter tout le vaisseau à une épée à louer si c’est dispensable. Pas la peine non plus de révéler de détails superflus à un type qui va de toute façon finir bouclé en soute jusqu'à nouvel ordre. Par contre, maintenant qu’ils sont tous les deux, ça va devenir marrant. Être de la plus grande amabilité sans tomber dans la servilité ou le sarcasme est un art qu’elle maîtrise encore assez mal.

"Seik’el Iyeywi, intendant de l’Iceberg." Elle lui laisse une pause pour se présenter, curieuse de savoir comment il va s’y prendre – ou pas. "Merci beaucoup. Tout s’est passé comme vous vouliez ?" elle demande en le conduisant vers la salle de repos de l’équipage. Elle avait précisé la destination dans le message destiné au réveil du Capitaine.

Deux hommes sont là pour récupérer le paquet et il le livre. Fin du boulot. C'est plaisant de bosser pour De Nieves. Les choses se déroulent de manière simple, peut-être de manière trop militaire mais il ne va pas s'en plaindre. l'indiscipline chronique des pirates fait leur charme... mais ça lui porte parfois sur les nerfs. Il tire un cigare de sa poche intérieure de trenchcoat. Il en hume les parfums avant de le couper avec un coupe cigare et de l'allumer avec un briquet chalumeau.

La Mo'at ouvre la conversation, il la regarde un instant. Intendante.. en charge du protocole aussi sans doute.

- Enguerrand, pirate sans capitaine... pour le moment. répond-il de manière presque symétrique à la mo'at sauf que sa voix est froide comme la banquise.

Il a omis son nom. Mais il ne le donne quasiment jamais. sauf les rares fois où il est impérieux que les gens en face de lui prennent la décision de ne pas engager le combat. Il a une réputation, mais n'a jamais cherché à en avoir une. La gloire n'est pas vraiment son truc. Il regarde sa manche dont un morceau a été brulée au point d'être trouée par le tir adverse.

- Presque. Couturière ? qu'il demande ensuite. On sait jamais. Ça coute de l'argent un trenchcoat neuf. Et il a pas d'argent à mettre dedans.

La métisse fait effort pour pas plisser le nez face au cigare. Elle aime pas ces choses-là. En attendant ce sera donc Enguerrand, sans fonction, sans équipage... qui vient d'insinuer qu'il va peut-être rejoindre l'Iceberg ? Et qui... lui fait fermer son visage à la question. Couturière. Pourquoi elle serait couturière ? Elle a une gueule à être couturière ? Elle vient de dire qu'elle était intendant ! Ouuuh, ces Trinitaires..!

"Non." On fait pas de concours de glaçons à bord de l'Iceberg, et elle se souvient à temps qu'elle est pas censée se prendre le bec avec leur hôte. Elle reste donc neutre, d'une neutralité un peu distante, et le fait asseoir à une table bien située. "Mais je vais demander à un de nos tailleurs si c'est réparable." Qu'ils se rendent utiles, un peu. La pensée la détend, ouvre à nouveau son visage alors qu'elle tapote son com pour en faire venir un. "Le capitaine de Nieves va nous rejoindre également. En attendant vous voulez quelque chose à boire ou à manger ?"

Enguerrand la suit et retire son trenchcoat pour s'assoir. Ses deux bras cybernétiques noirs deviennent parfaitement apparent. Alors que l'on devine désormais mieux une silhouette sèche, musclée sans être musculeuse. Les cyberwares ne sont clairement pas fait pour la vie de tous les jours. Ils sont rugueux d'apparence et la finition est dédiée au combat ce qui en fait une mauvaise imitation de vrai bras et mains. Il pose la veste sur la table attendant que l'intendante en dispose comme elle le souhaite.  

- je veux bien manger. dit le cyborg en faisant une phrase complète et en s’astreignant à ce qu'aucun glaçon ne viennent s'ajouter à la froideur naturel de son ton.

Il a gardé un soupçon de galanterie et fait donc des efforts avec les dames. Généralement ça ne suffit pas, il faudrait qu'il enrobe ça avec des formules de politesse. Il n'a pas envie d'être poli avec des inconnus. Même si la femme est vraiment jolie et que c'est censé facilité les choses. Sauf qu'il s'en moque royalement de son physique. Même s'il pense que ça doit être compliqué la vie à bord. Les pirates sont un peu lourdingues parfois dans ce domaine. Ce qui a le don de l'énerver aussi. Même s'il ne dit rien en général, l'ambiance a tendance à s'effondrer quand il fait une remarque alors il a appris à la fermer.

Il mangera donc, et ce qu'il veut en prime. Elle a déjà mangé un brin plus tôt dans la soirée mais prend une petite salade pour l'accompagner. On est à Tortuga donc c'est pas de la verdure de première fraîcheur qui aura poussé dans le jardin d'à côté, mais c'est toujours largement mieux que le nutrisoja et il y a suffisamment de chances que ça ait été chipé pour oublier qu'au départ, ça vient sans doute des plantations de Renaissance. De toute façon, en Dorado, pour trouver quelque chose qui n'ait pas poussé dans une ferme trinitaire sans vendre un rein...

Le tailleur arrive en même temps que les repas et examine la manche pendant exactement deux secondes avant de rappeler qu'il est tailleur hein, pas magicien, c'est sauvable mais ça se verra d'une façon ou d'une autre, ou alors faudra raccourcir les manches - ou les changer entièrement pourquoi pas. Pendant ce temps, une carafe d'eau et une bouteille de rhum sont venus compléter les assiettes, et Seik'el demande d'un geste qui veut quoi - même au tailleur, pique-assiette de son état comme ses collègues, encore heureux c'est le Capitaine qui les paie. Elle laisse les hommes parler chiffons, attentive néanmoins.

Enguerrand prend un repas consistant avec le plus de produit frais et cher possible. Sans pour autant prendre plus qu'une portion de bonne taille pour un homme. Il ne touche pas au rhum par contre. Déjà il n'est pas fan de cet alcool et en plus c'est de l'alcool fort. Ce qui n'est pas conseillé pour rester alerte.

Il fera comprendre au tailleur qu'il veut bien une nouvelle manche. Après tout c'est un trenchcoat noir donc voilà ça devrait pas être dur. Mais bon il est pas tailleur et n'a certainement pas le même sens du détails qu'eux en matière d'habillement. Bon point l'intendante ne le bassine pas avec des questions pendant son repas qu'il expédie rapidement. Habitude de la légion.

- Merci dit-il à la fin en s'allumant un autre cigare pour boire son café tranquillement.

La jeune femme remarque sans surprise que quand il se fait offrir à manger, Enguerrand de Cassagnac n'est pas du genre à ménager le portefeuille de ses hôtes. D'un côté difficile de lui donner tort, de l'autre ça se fait pas il paraît. Elle grappille au passage quelques infos sur le bonhomme. C'est pas comme s'il était spécialement causant alors elle fait autrement. Entre deux bouchées, elle observe les mains métalliques qui semblent conçues pour briser les verres plutôt que pour les saisir délicatement, le trench vite emporté par le tailleur, l'allure à laquelle il engloutit son assiette, le rhum négligé. Elle aussi mange vite et sans alcool, mais avec les années à bord elle a appris à respirer entre les bouchées. Personne va lui prendre son assiette, et il y aura toujours une part pour elle. Il prend un café et un cigare, elle un thé.

"C'est un plaisir." qu'elle répond avec une ébauche de sourire.

Non. Mais c'était pas une purge non plus. Elle jette un regard peu amène au cigare mais ne fait rien pour l'empêcher de l'allumer. Reste à trouver un sujet de conversation qui soit ni casse-gueule, ni confidentiel, ni chiant, et vu comme le bonhomme a l'air bavard...

"C'est pas courant, les cigares."

...on va commencer par du bateau.

Il se sent comme un singe derrière une cage. Observé par la mo'at comme s'il était une espèce d'animal. Il soupire intérieurement. La bonne nouvelle c'est qu'elle le drague pas. Il est pas d'humeur à supporter ça. Elle regarde son cigare l'air réprobateur. Mais ce n'est pas ce qui va l'arrêter non plus.

- Aussi courant que vos sourires. J'imagine que ça donne des idées fausses aux imbéciles alors vous les gardez pour vous ? demande-t-il toujours aussi froid.

Elle aime les questions bateaux. Il aime entrer dans le vif du sujet.

Oh ? Elle lève un sourcil, un sourire en coin pour la peine.

"Perspicace." Il y a d'autres choses, bien sûr. Une fille qu'on a trop obligée à sourire. "Et vous ? Me dites pas qu'on vous a déjà agressé à cause d'un sourire trop éblouissant ?"

Pas de raison qu'elle soit la seule à qui on fait gentiment remarquer qu'elle a l'air d'une porte de prison.

Elle a de l'humour en plus. Il tire doucement sur son cigare et expire la fumée par le nez en évitant qu'elle aille vers la jeune femme. Qui est peut-être pas si jeune. Mais bon les belles femmes ont souvent la capacité de faire plus jeune qu'elles ne le sont et souvent beaucoup moins dangereuses qu'elles peuvent l'être. Il n'aime pas combattre des femmes et généralement fait montre de la plus grande brutalité et explosivité dont il est capable. Trop dangereux comme adversaire, il faut les expédier.

- J'ai jamais eu le mode d'emploi. dit-il avec sincérité.

Il est né avec cette façon d'être, solitaire et porte de prison. Il a tenté plus jeune de forcer sa nature. Mais non. Avec les très proches il est un peu différent... juste un peu.

- Tout comme je ne me fais pas d'idée et j'importune pas les dames. qu'il précise.

"Faut tirer à droite, à gauche, et un peu en bas aussi, mais ça marche mieux quand on a un peu de chaud au fond du coeur sinon ça donne juste l'impression qu'on va bouffer les gens", qu'elle répondrait bien, mimiques à l'appui... mais non. Sans parler du nombre de fois où on lui a réclamé des sourires, elle a pas spécialement envie d'être prise au mot et d'avoir l'impression qu'Enguerrand "Toor'kraan" de Cassagnac veut la bouffer.

"C'est pas si courant dans le milieu d'avoir ce mode d'emploi et pas l'autre." qu'elle répond donc sur le même mode sérieux que lui, son sourire en coin sagement rangé. "J'préfère ça plutôt que l'inverse."

Il se doute bien qu'elle préfère ça. Décidément les femmes qu'il croise ces derniers temps aiment les évidences. Mais bon elle est pas désagréable comme compagnie alors il ne fera pas de remarque.

- On a tous une place dans l'univers qui correspond à notre nature profonde. Je pense avoir trouvé la mienne. dit-il finalement en faisant preuve de toute la philosophie dont il est capable.

Pour le coup il a épuisé ses ressources dans le domaine. Et rapidement ce sont des questions plus pragmatiques qui lui viennent à l'esprit.

- Le capitaine se remet bien ? la question pourrait manquer de pertinence, s'il est en route pour les rejoindre c'est que oui. Sauf que le capitaine en question préfère souffrir le martyr en silence plutôt que de montrer la moindre faiblesse. Alors même à moitié mort il viendrait certainement juste pour montrer que tout va bien.

Une chance que tout le monde n'a pas, mais le moment lui semble quand même bizarre pour parler de métaphysique. Enguerrand revient bien vite à des considérations plus pragmatiques, et son visage à elle redevient plus grave à son tour.

"Il se remet." elle répond.

Difficile d'être plus précise même si elle voulait, elle en sait rien. Elle est même pas censée savoir qu'il est blessé - et il devrait les avoir rejoints, depuis le temps, d'ailleurs. Que l'homme face à elle soit au courant et aborde le sujet ne laisse pas cinquante possibilités.

"On a tous eu de la chance que vous ayez été là." elle murmure, le trait de crayon étoffant ses sourcils inhabituellement courbé d'émotion.

Un "merci" lui arracherait la bouche. Un "merci" serait tellement insignifiant.

De la chance... c'est une façon de voir les choses. Certains se tournerait vers leur dieu. Enguerrand n'a pas de foi. Il sait que la Dame existe et a vu ses miracles de ses propres yeux. Mais ce n'est pas pour autant qu'il adhère à sa foi.

- Ce n'était pas gratuit. dit simplement l'homme d'arme de son ton glacial.

Il tire sur son cigare et profite de toutes les saveurs associées. La fumées s'échappe de sa bouche et vient un instant cacher ses yeux. Il en profite pour regarder autour. Il est vigilant en général et se considère comme alerte. Mais depuis sa rencontre avec Gillian il se trouve négligent en fait.

"Rien est gratuit en ce bas monde." elle répond, quelque part entre le strictement factuel et le blasé.

Tout le monde a ses raisons, même le Capitaine - surtout le Capitaine. Elle prend quelques secondes pour se demander si, par hasard, l'opération "sauvetage de Jaziel de Nieves" n'aurait pas été un vaste coup monté, mais avec deux prisonniers susceptibles de baver, ça lui semble assez peu probable pour laisser tomber l'idée. S'il avait voulu le tuer, de toute façon...

"J'imagine que vous avez vu avec le capitaine ?"

Enguerrand aurait pu sourire mais il a perdu le mode d'emploi très jeune.

- oui. Je me suis fait offrir un café. dit-il toujours froid comme la glace et avec un grand sérieux.

Pourtant nulle doute qu'il y a forcement une part d'humour derrière cette réplique car il est peu probable qu'un tel homme place la vie humaine et la prise de risque au niveau d'un café. Il a pas l'air de rouler sur l'or. Enguerrand aime bien la porte de prison en face de lui alors il se permet un brin d'humour ... à sa façon

Le réveil avait été difficile. Une fois autorisé au repos son corps s'était rappelé à lui avec autant de volonté qu'il en avait mis pour l'ignorer lorsqu'il était encore debout. Les soins de Leofstan avaient été – comme toujours – parfaitement exécutés mais il avait perdu beaucoup de sang et la douleur le faisait transpirer. Son sommeil, agité d'un début de fièvre n'avait rien de tranquille. Il gémissait, prononçait en impérial des phrases sans aucun sens. Parfois, se retournant, il appuyait sur sa blessure et la douleur le réveillait.

L'estafette envoyée pour le tirer du lit avait alors hésité mais les ordres, sur l'Iceberg, ne se discutaient pas et il avait fini par se décider. Rapidement tiré de l'inconscience, le Capitaine avait remercié le gamin et l'avait renvoyé à ses devoirs. Se lever avait été difficile. Les mouvements du torse menaçant sans cesse de faire céder les soins du docteur. Il mit un certain temps à trouver le moyen de se redresser puis de se changer. Bandage transparents, chemise bleue foncée, pantalon blanc, bottes bleues. Il attrapa une nouvelle bourse en cas de dépenses supplémentaires et se rendit vers la cafétéria où Seik'el devait avoir emmené leur invité.

Il était tard, les heures de la nuit. Soit l'opération avait duré plus longtemps que prévu, soit il avait été prudent et ne s'était déplacé que sous le précaire abri du soir. Il ouvrit la porte, sans se cacher et marcha d'un pas un peu raide vers les deux silhouettes assises.

Les yeux ronds de Seik'el valent sans doute leur pesant de cacahuètes. L'ombre d'un doute plane quand même, et elle se reprend après deux ou trois secondes de perplexité, un léger sourire en coin revenu. Au fond, tant que ça concerne pas les fonds du vaisseau, ça la regarde pas.

"Au moins il aura pas eu besoin d'hypothéquer la frégate." elle commente, pince-sans-rire.

La porte s'ouvre et elle se retourne pour découvrir le Capitaine, toujours aussi digne, mais encore plus raide que d'habitude. Elle se lève aussitôt, moitié par politesse pour l'accueillir et moitié pour pouvoir se jeter sur lui en cas de malaise.

Enguerrand repère le capitaine qui s'approche et son visage reprend une froideur absolue. Il se concentre toujours quand il converse avec les capitaines. Ce sont des gens dangereux. Tout un équipage écoute, parfois stupidement, leurs ordres. Ça fait beaucoup de pouvoir dans des mains pas toujours expérimentées ou parfois soupe au lait.

Capitaine. dit-il simplement en guise de salut et en regardant dans sa direction.

La démarche est celle d'un homme qui se concentre. Donc la douleur est toujours là sans doute. Impossible de lire le visage du capitaine mais les corps ça le connait.

« L'Iceberg serait de toute façon passé avant. » répond-il avec son calme habituel, énonçant tranquillement ce qui était pour lui une évidence. Personne ne passe avant l'Iceberg. Pas même lui. Car ce nom regroupe plus qu'un vaisseau. C'est une idée. Une ambition. Il hoche la tête, approbateur, en direction de Seik'el puis, plus gravement, vers son invité et s'assied sur la chaise libre. Le mouvement tire à nouveau sur sa blessure, lui arrachant un battement de paupière. Pourtant, il a prit la dose d'anti-douleurs. Il fait signe à l'intendante de suivre son mouvement et regarde le pirate invité à sa table.

«Monsieur de Cassagnac. La mission s'est déroulée sans accrocs ? »

C'est bien ça le problème, l'Iceberg serait passé avant la vie de son Capitaine et elle est pas sûre, elle, qu'elle ferait ce choix. Elle prie en silence pour jamais avoir à le faire, réconfortée du hochement de tête approbateur.

Elle le regarde s'asseoir, prête à le rattraper puis à s'en aller, mais en fait rien de tout ça, et elle se rassoit docilement, laissant l'interrogé répondre.

Enguerrand regarde le capitaine et se dit que les impériaux sont parfois bien stupides avec leur idée sur l'honneur. D'autant plus que ça n'empêche pas leur nation d'être corrompue comme les autres au final. On voit bien qu'il a mal malgré son visage impassible.
Il reste impassible à la question. Il n'est surpris de rien, il s'attend à tout de la part des capitaines pirates.

Un seul. A la manche de ma veste. dit simplement le pirate qui en effet ne porte pas sa veste qui n'est visible nulle part.

Il a beaucoup d'armes sur lui. Couteaux, épées et au moins trois pistolets. Tous d'un type différent. Mais c'est les bras noirs comme la nuit et parcouru de petites coupures en tout genre. Visiblement l'homme n'a pas les moyens pour un entretien cosmétique de ses prothèses.