Mains dans les poches et main dans le sac

Avec le même soin qu'il a mis à étudier la carte, le gamin se penche un peu au-dessus de la table pour déchiffrer le billet et y trouver les informations qui lui seraient utiles et les engranger - prix, heure de départ et d'arrivée, conditions pour embarquer. Et rendez-vous à Salem, avant demain. Puis il se rassoit correctement, étrangement apaisé par les objectifs fixés.

"Oui."

La tasse à café finit soigneusement écartée le temps de balayer la salle et la rue visible par les fenêtres d'un regard. Mais la voie semble libre alors le chapardeur saute à bas de son siège, adresse un signe d'au-revoir au combattant dont il ne sait toujours pas le nom. Pas grave.

"À bientôt alors."

Et sauf signe contraire, le pickpocket se faufile vers la sortie, le pas et le coeur légers.

Enguerrand soupire en voyant le jeune partir comme une furie.

C'est quoi ton nom ? demande-t-il toujours aussi froid.

Le mo'at ne va pas bien loin, du coup, pivote en mouvement au son de la voix qui va finir par devenir familière.

"Selvh'ën."

Le nom est prononcé juste assez fort pour être entendu du combattant, assez bas pour que ses nuances accentuées aient une chance d'échapper aux autres clients.

"Mais tu peux utiliser le nom que tu veux" qu'il ajoute avec le haussement d'épaules du gamin habitué à répondre à toutes les appellations de la création. "Et toi ?"

- Enguerrand répond le pirate en laissant de côté son nom et ses surnoms.

Il ne les utilise jamais. Il a toujours trouvé ridicule les gens qui se présentent avec leur surnom. Mais bon c'est un détail. Selvh'ën.... compliqué a prononcer ça. Il soupire intérieurement en se demandant dans quoi il s'est embarqué. Mais bon... il allait pas rester sans rien faire. Son capitaine n'aurait pas apprécié... même s'il est mort désormais.

Facile à retenir. Enguerrand, c'est comme "en guerre", alors ça colle avec le combattant, décrète le gamin dans sa petite tête. Et les sonorités ne sont pas éloignées de celles qu'il a l'habitude d'entendre.

"Enchanté, Enguerrand."

Plus que la politesse que personne ne lui a vraiment appris, c'est la sincérité qui guide les mots. Pas très certain de comment exactement on prend congé autrement qu'en disparaissant, il change d'appuis et jette un regard à son vis-à-vis avant de pivoter, plus lentement que la première fois.

Enguerrand regarde son verre de vin avec une moue dubitative. Il décide qu'il est temps de trouver une taverne digne de ce nom. Il est dans le bon quartier il va juste falloir trouver un endroit avec des têtes à faire peur au petits enfants. Alors il saura être au bon endroit. Il attend juste que le gamin détale. Il le retrouvera certainement à Salem si le gosse est débrouillard.

Et puisque le combattant semble ne plus rien avoir à dire, Selvh' lui adresse un signe de la main avant de se faufiler vers la sortie, l'oeil vigilant et la tête bourdonnant de plans. Lorsqu'il franchit le seuil et s'emplit les poumons de l'air de Paradis, la perspective de peut-être quitter la ville lui donne presque le tournis. Trop terre-à-terre pour s'encombrer de la sensation, cependant, il se fond vite dans la foule, direction son premier objectif.