Au Pirate Ivre. [Enguerrand + Gillian] - 107 ADD

Esperanza 107ADD

C'est le soir au Au Pirate  Ivre.  Les équipages de passage  affluent   et s'inhibent d'alcool sans aucune modération.  Sur une estrade  encastrée  au fond de la taverne, on pouvait  admirer la danse  d'une femme courte vêtue à la chevelure de jade au son doucereux  du piano. Le brouhaha des discussions était survolé par le talent du gros pianiste à la moustache imposante qui tapaient sur les touches de son instrument avec l'assurance tranquille d'un maestro. Si vous lui demandiez le titre du morceau, il vous répondrait qu'il jouait une composition d'un obscur personnage trinitaire, Fleury.   Et si vous n'aimiez pas le morceau, il acceptait de changer de morceau en échange d'une  certaine quantité de doublon et plus si vous exigiez un morceau spécifique. Autant avouer que la scène  semblait tirée d'un film de cow-boy.
Ne croyez pas  que cette animation canalisait  l'agitation de la soirée, c'est une illusion, au contraire il suffisait d'un rien, d'une bière renversée par une serveuse sur un pirate ou d'une déclaration d'amour à la femme à la chevelure de jade sur scène  pour que le ton monte. D'ailleurs Gillian, qui avait  été engagée pour maintenir l'ordre, avait du  expulser très gentiment  deux-trois fauteurs de trouble  dont un qui avait  décidé qu'étant une femme, elle n'avait aucune compétence pour lui indiquer la sortie. La jeune femme aux cheveux ivoires  tressée  avec des baguettes s'en était débarrassée rapidement avec brutalité histoire que personne ne moufte ou ne commence à prendre des paris sur le combat. Cela avait marché. Personne ne s'était porté volontaire pour poursuivre l'aventure préférant explorer leur fond de verre. Et à présent,  elle avait  posé son derrière  sur un siège du comptoir  et sirotait son unique verre en guettant les signes précurseur d'un incident.

Elle avait envie de boire encore mais ce n'était pas possible ce soir. Elle ne sentait que trop bien la tension qui régnait  et s'inquiétait qu'un incident qu'elle ne pourrait pas maitriser seule se produise. Une autre qu'elle se serait esquivé à cette perspective mais cela ne changeait rien. Elle n'avait jamais assez d'argent. Plus depuis qu'elle n'avait plus la paie régulière  de douanière versée par l'Astroport de Valentia. Ne pas repenser à cela maintenant. Sinon elle se perdrait en considération philosophique et ruminations.  Une bande de personnages dépenaillés franchirent la porte mené par un homme  avec une jambe avec prothèse mécanique en carbone ( il avait visiblement pas les moyens de se payer une vraie prothèses cybernétique.)  Elle sentit avec un frisson les ennuis  avant même que le barmaid dont le visage prenait une tournure sinistre se penche à son oreille C'est Ned Jamieson et ses petites brutes.  Il s'est toqué  d'Emma et veut l'épouser.  Les types s'installent à une table et fixent du regard la femme à la chevelure de Jade. Tout le personnel était au courant et essayait de faire comme si rien n'était. Une serveuse alla même leur demander ce qu'ils souhaitaient.

BORDEL. DE. MERDE.

Enguerrand est posé dans la taverne et attend tranquillement le départ du Santiago. Contrairement aux autres il ne traîne pas en bande. Son côté solitaire. Le bar est tranquille et la sécurité assurée par un brin de fille parfaitement capable. Elle manque encore de technique. Mais c'est amplement suffisant pour le malotru moyen.

Il boit son verre de vin en fumant son cigare. Il est paisible, et noté l'arrivée d'une petite bande. Un brin en vrac les nouveaux arrivant respirent l'arrogance des brutes qui savent que personne s'opposera à eux. Sans doute qu'ils auront une mauvaise surprise avec la petite videuse. Ou alors rien ne se passera. Dans ce genre de taverne tout peu arriver c'est pourquoi il les fréquente. Il est toujours un peu en manque de violence.

L'information du barmaid n'est pas inutile et explique peut-être pourquoi on avait bien voulu l'engager pour une somme un peu plus importante que d'habitude. Mais allez savoir pourquoi, ça l'ennuie alors qu'une rentrée d'argent supplémentaire  était toujours bienvenue pour payer sa chambre  et sa nourriture encore que Au Pirate Ivre lui propose un repas gratuit uniquement le soir. Gillian adressa une brève prière  à quiconque voulait l'entendre et pouvait exaucer son voeu de ne pas avoir à gérer une bagarre générale en touchant sa croix cachée sous sa tenue avec une chevalière dorée. Dieu,  les saints, Calypso ou une autre divinité quelconque. Elle n'y croyait guère mais on pouvait rêver non ?

Oui, elle savait qu'elle aurait pu la vendre. Mais elle en avait été incapable même dans le besoin. Cet anneau et cette croix étaient  trop chargée émotionnellement et constituait le seul legs d'un père disparu. Gillian  regarda la serveuse revenir vers le comptoir, elle avait finie de prendre les commandes des brutes.

Alors ? Ils veulent quoi encore ? commença le barmaid d'un ton brusque. Il n'hésite pas à s'emparer du verre de Gillian et de le finir avant de le nettoyer. Comme s'il attendait une mauvaise nouvelle. Mais Gillian ne s'en offusque pas même si elle grimace.  

Du rhum Olivier.

Le barmaid s'exécute, remplit les chopes non  sans cracher consciencieusement dedans sous le regard pale de la serveuse.  

Voilà, va  servir ces connards avec mes compliments Constance.

Constance emmena les chopes en tremblant.

Enguerrand observe tout cela avec intérêt. Ça ne sent pas encore la poudre mais ça pourrait venir. Il n'aime pas trop les gens en général et ne sait pas vraiment lire leur émotion. Mais il connait les personnes et situations menant à la violence et là il y a une opportunité. Alors il attend en buvant son verre de vin tranquillement. Il est n peu loin quand même c'est dommage. Faudra quelques secondes de plus avant qu'il n'atteigne les imbéciles débraillés.

Il fait toujours ce genre de simulation dans sa tête. Très souvent il n'arrive rien. Mais quand cela se produit alors il est prêt et agit plus rapidement, plus efficacement. Un jour il aura les moyens de se payer ses réflexes cablés sur lesquels il lorgne tant... un jour.

La serveuse est courageuse. Elle sert les brutes  tout en sachant que le barmaid a craché dedans. Ils  payent et boivent le rhum. Tous. Sauf leur chef. Jamieson. Lui, il n'a que de yeux pour Emma, la danseuse. C'est un regard dangereux, de convoitise pour ceux qui savent le décrypter. Il semble pourtant attendre quelque chose.

Constance s'éloigne, soulagée et attirée par un autre client qui la hélait. Elle mit un peu plus d'engouement à  prendre la commande du  bonhomme.  La musique change. Quelqu'un dans l'assistance a payé le pianiste pour un autre morceau.  Et la danseuse commence à modifier sa chorégraphie puis aperçoit Jamieson et son regard brulant. Elle perd ses moyens, fait un faux pas. Si certains ne le remarquent pas,  Jamieson l'a noté lui. Il semble le prendre pour un signe positif.  

Aussi inévitable que l'aube, il se lève et Emma s’arrêta de danser. Un murmure mécontent se répandit dans l'assistance. Pourquoi la danseuse à la chevelure de jade s’arrêtait ? Les brutes de Jamieson se  levèrent à leur tour et l'assistance comprit que la danseuse avait peur. Peur de cet homme.   Cela se voyait à ses jambes qui partaient à reculons.  Et les clients commencèrent à siffler de colère. Gillian soupire, ferme les yeux. Ce n'était pas son jour de chance.  Elle quitta sa chaise et convergea vers les brutes.

Tu vois ma douce, je suis venu pour toi. Pour notre mariage.

Si Enguerrand pouvait sourire, sans doute qu'il le ferait légèrement. Mais il a perdu le mode d'emploi depuis longtemps, il se contente de se lever tranquillement sa brusquerie et se rapprocher de la zone. Peut-être que la petite saura s'en sortir seule. Lui pourrait. Mais ils ne sont pas vraiment au même niveau de ce qu'il a aperçu de ses techniques.

Il porte son éternel trenchcoat noir et son cigare laisse un sillage de fumée malodorante derrière lui. Il est à distance et laisse l'initiative à la gamine. Curieux de voir comment elle va s'y prendre.

Elle allait lui laisser la chance de ne pas faire d'histoire ou du moins pas en public ou lui et ses brutes pourraient causer des dégâts. Elle prend donc son masque  de douanier affable comme elle avait appris à le faire pendant ses onze années de service avant de devenir bouc émissaire. Croisa les bras quand les brutes lui bloquèrent l'accès à l'estrade.

   Rasseyez-vous messieurs, vous perturbez la représentation. Vous pourrez lui parler  plus tard quand elle ne sera pas en service. Si vous n'en êtes pas capable, sortez d'ici. Tous. 

Le murmure de l'assistance se fit approbateur. Jamieson ne lui donna pourtant pas cette chance.

Elle va devenir mon épouse dès ce soir. Quelle idiote. Elle l'a oubliée.  N'est-ce pas ma douce que tu as oublié notre mariage ? Je t'emmène mon coeur, tu n'auras plus jamais besoin de produire dans cette auberge miteuse.  

T'as entendu le patron pétasse ? Il va se marier. Dégage.

Rire des brutes.

Gillian se demanda l'espace d'un instant quel était le mot pour désigner un comportement pareil.  Mauvaise volonté ? Elle l'avait  sur le bout de la langue. Puis y renonça, elle n'allait pas argumenter avec ces types. Même si elle n'était pas une mauvaise combattante, elle savait toutefois que le nombre  finissait parfois par l'emporter sur la qualité. Elle en avait la preuve sur une de ses épaules. Elle agit donc à l'instant ou une brute lui posa la main dessus exactement comme Gilles le lui avait enseigné.

Enguerrand se rapproche encore tranquillement alors que le premier des gars pose sa main sur la videuse. Normalement ça sera le signal de la curée sauf qu'ils sont plus nombreux que ce qu'elle pourra gérer. Six brutes... ça va pas le faire. Alors il compte les pas et les mouvements dans sa tête. Pour une fois qu'il a le temps de le faire. Il est froid comme la glace et son visage fermé. Il est juste un homme qui se déplace dans ce bar ou l'animation s'est déplacée vers la scène. Son trenchcoat noir ne le classe pas parmi les membres du staff, mais il n'a pas le visage et le style des brutes qui commencent à faire du grabuge.

Que se passa-t-il donc à cet instant ?  Gillian  attrapa le poignet de la brute, pivota en lui fauchant la jambe et le fit basculer lourdement  sur le plancher. Dans le même mouvement, elle put voir l'arrière de la salle et donc l'ombre qui approchait. Dangereuse. Très. Elle se mouvait comme le faisait Gilles, son mentor.

Si la surprise  se lut un instant sur le visage des brutes qui esquissèrent un moment, ils se reprirent rapidement sur leur garde. Ils cherchèrent plutôt à profiter de leur nombre montrant par là l'habitude de se battre ensemble. Pas des bouses non plus.  Elle n'eut donc pas le temps  d'assommer le sbire qu'elle dut déjà se défendre contre un coup partant de gauche. Merde.  Un deuxième qu'elle parvint à esquiver et à riposter par un magnifique coup de poing qui s'écrasa sur le plexus solaire du  second assaillant. En échange, elle encaissa un coup à l'épaule et un autre au visage. Un  coup de pied à l'estomac.

Humpf. Elle encaissa  et accompagna le coup pour  tomber au sol et reculer d'une roulade. Repli stratégique. Se releva aussitôt à l'abri du coup suivant ce qui déséquilibra la quatrième brute. Elle s'avance en portant un coup de pied  dans les parties puis parvint à lui briser le tibias avant que les autres déstabilisé par ce changement d'attitude ne réagisse. Deux mains se posent sur ses épaules, elle y répondit par un coup de coude. Une bouteille brisée dans les mains d'une brute s'approcha d'elle.

Enguerrand arrive dans la mêlée. Froid comme la glace il commence à compter dans sa tête.

"1" la première brute lui tourne le dos et il frappe d'un crochet au niveau de la tempe. Le bras cyber augmente considérablement l'impact et l'homme s'écroule au sol inconscient.

"2" le Passeur bouge vers l'homme à la respiration coupée par le coup au plexus.

"3" Cette fois donne une manchette précise et parfaitement dosée à la gorge. Le bonhomme commence à s’asphyxier et pense plus à trouver de l'air que de se battre.

"4" Il se déplace vers un quatrième et attire son attention d'un sifflement.

"5" L'homme se retourne et tente de mettre un coup de pied directement dans les parties d'Enguerrand. Aucune imagination. Enguerrand voit le coup venir et son bras cybernétique se détend et agrippe le tibia du gars avant qu'il n'atteigne sa cible. La poigne cybernétique commence à serrer et l'homme crie de douleur.

"6"Le Passeur tire soudainement la jambe vers lui et l'homme suit. Il l'accueille avec sa tête et le nez de l'autre éclate. Il lâche et le gars finit au sol inconscient.

"7" L'homme en noir est repéré et la brute avec sa bouteille tente de le frapper. Le coup est ample, rapide et très prévisible. Enguerrand se décale d'un pas suffisamment pour ne pas prendre le coup et avance subitement pour enfoncer son poing dans l'estomac du ruffian. Le gars s'écroule dans la foulée plié en deux par la douleur.

La prise sur ses épaules s'évanouit presque aussitôt.  C'est surréaliste. On l'entend  frapper  avec la puissance de ses membres cybernétiques et se mouvoir à une vitesse étonnante. Économie de mouvement et létalité, l'apanage du vrai maitre. Il aurait tout aussi bien pu les tuer.  Gillian le comprit et salua l'artiste pour son contrôle de soi dans une taverne prenant note poser une question sur la technique plus tard.

 Et Jamieson, qui se trouvait toujours sur l'estrade détenant la danseuse, est furieux. Ses hommes sont tombés.  Il sort un pistolet et le pointe vers la silhouette sombre du Passeur. Il va tirer et Gillian ne pensait pas que son sauveur soit aussi à l'épreuve des balles. Il y a des limites à ce que peut faire la cybernétique. Et à en juger par les deux bras, il les avait atteinte.

Toi !  Meurs !

Attention arme à feu  ! A couvert ! Elle se baisse par réflexe. Comme on le lui a appris à la douane.

Une détonation. Un coup unique.

Le Passeur bouge, esquive infinitésimalement. Celle-ci alla s'encastrer dans un mur de la salle. Jamieson comprend aussitôt qu'il a raté l'homme qui avait massacré ses gars. Il pâlit, lâche son pistolet et s'enfuit par la  porte de service destiné aux danseuses avec sa prise. Des cris de surprise féminin jaillissent de la loge.

Il s'enfuit. Par la loge des actrices.

Le ton ressemble bizarrement à celui  d'un membre des forces de l'ordre qui constate que sa proie lui échappe.

Enguerrand comme toujours est concentré. Mais il n'a pas des yeux partout non plus. Alors lorsqu'il entend la voix de la videuse qui a l’œil partout il ne réfléchit pas et bondit de coté. On est plus dans la bagarre de bar et alors que le tir passe non loin de lui tout change dans la tête du Passeur. D'un geste il active son bouclier personnel et il s'élance.

Athlète émérite, Enguerrand traverse les quelques mètres qui le sépare de l'estrade et saute dessus. Puis il s'élance à la poursuite de son adversaire. Ses mouvements sont fluides et son visage dur comme la glace qui semble l'habiter en permanence. Aucune émotion, aucune colère, il ne fait même pas preuve d'agacement. Il va traquer sa proie comme le "Toor'kran" humain qu'il est.

Il ne fait pas un geste vers la videuse, pas de remerciement, rien. Les discussions viennent après la bataille. Et pour le coup elle n'est pas terminée.

Les danseuses sont terrorisées par l'intrusion de Jamieson qui entre en entrainant de force Emma. Elles s'égaillent comme pour se protéger du personnage.  Celui-ci est en totale panique, terrifié par l'efficacité de l'ombre, il  essaye de perturber ses éventuels poursuivants en faisant tomber le mobilier derrière lui. Il arrache même un rideau et le lance derrière lui.

Gillian  regarda brièvement le Passeur puis se détourne  et passe par l'autre sortie en espérant arriver à temps pour coincer Jamieson à la porte de service dérobée.  Elle n'est pas une sportive, mais elle connait les lieux contrairement au malheureux Jamieson.  Elle sait qu'en sortant par cette sortie à la dérobée, il y a un cul de sac ; il lui suffisait de barrer  le passage pas de l'attraper.

Essouflée, en sueur,  Gillian y est parvenu quand même. Jamieson  est déjà dans l'impasse et se dirigeait ver l'allée principale. Il l'aperçoit,  se stoppe dans sa lancée et se retourne pour voir le démon par la porte de service.  Il se sait coincé comme un rat.  Il ne tient pas spécialement  à affronter la videuse mais c'est préférable à l'ombre. Alors il pousse brutalement Emma contre le mur, l'embrasse méchamment et la frappe encore et encore.

Désolé mon coeur. Ils m'y forcent. NE BOUGEZ PAS OU JE LA TUE !

Sa main glisse sur le joli cou d'Emma comme pour appuyer sa menace. Gillian se fige. Il est sérieux. L'ennui c'est que les prises d'otage ne font pas partie de sa formation.

Enguerrand ne peut se faire distancer par un homme qui traine un otage. Et comme souvent avec les brutes qui sont des lâches le bandit décide de prendre la petite en otage. Erreur. Enguerrand a le cœur aussi dur que la pierre et ne compte pas laisser passer ce genre de comportement. Pas en sa présence. Alors il avance d'un pas assuré mais lent vers le fou.

- deux solutions. Un tu la libères et tu vis comme tes camarades. Deux tu la tues et je t'étripe. annonce-t-il de sa voix charriant de la glace.

Son regard est inflexible et s'il n'est pas spécialement doué pour l'intimidation une chose est sûr il va mettre ses menaces à exécution. Rien sur cette terre ne pourrait l'en empêcher. Dans sa main un pistolet à impulsion. C'est une arme précise mais qui ne traverse pas les bouclier personnel. Ce qui ne pose pas de problème son adversaire n'en a pas.

Il avance donc vers la brute. Lui mettant une certaine pression temporelle. Car quand il sera à portée de corps à corps le chantage sera terminé d'une façon ou d'un autre. La brute à le choix entre mourir ou se faire corriger. Quel sera son choix ? Pour le moment Enguerrand n'a tué personne, mais il est évident que ce n'est pas un officiel. Plus un pirate sans doute.

Gillian ne sait pas trop  comment réagir puis finit par opter par la même stratégie que le Passeur. ça pourrait marcher... Ou le pousser à l'acte. Marche lente. Maitrisée qui laisse transparaitre un professionnalisme. Elle s'était clairement positionnée de manière à offrir moins de surface aux coups et à être mobile. Son visage n'a rien d'une tueuse mais les plaies qui constellent sa joue lui donnent un air de baroudeuse. C'est son maitre, Gilles qui les lui a faites pour lui enseigner.

Tu as un choix. Que choisis-tu ?  La mort ou la vie ?  L'interrogation résume le dilemme du Jamieson, le pousse à y répondre comme un enfant répond à un adulte.

Jamieson stresse. Il n'a plus beaucoup de temps.  Le démon se rapproche. Le pire c'est que son "épouse" commence à reprendre ses esprits et à se débattre. La crainte de la mort l'emportant sur celle de Jamieson. Dans son cerveau se répète en boucle, les mots de Gillian. Ils semblent imprimés au fer rouge dans son crane et il voit le regard de son otage.  Son esprit  se décide enfin brisé par la perspective de la mort.

La vie. La vie. Je me rends. C'est bon. C'est bon.  

Il laisse son otage s'échapper.  Et lève ses mains bien en vue l'air mécontent.

Je voulais juste me marier avec Emma. Pas la peine d'en faire tout un plat.

La jeune Emma se dégage et vient se mettre à l'abri derrière Gillian. Elle la connait et l'autre homme n'a pas vraiment l'air engageant.

Enguerrand se rapproche doucement. Puis dans une accélération fulgurante il franchit les deux pas restant pour se retrouver au corps à corps avec l'imbécile. La frappe est sèche, précise et impitoyable. Elle touche la brute au menton et les os craque alors que la mâchoire se brise sous l'impact. L'homme s'effondre inconscient. Il mangera avec une paille pendant plusieurs semaines.

- Sage décision. commente Enguerrand en regardant autour de lui.

Précaution réflexe mais semble-t-il inutile en présence de la videuse. Ses yeux parcours en effet les environs avec rapidité et un sens de l'analyse instantané impressionnant. Si elle ne voit rien alors peu de chance qu'il détecte quoi que ce soit.

ça va aller ? demanda-t-elle à la danseuse en lui tapotant le dos.

Emma secoue la tete en tremblant un peu. Elle est légèrement traumatisée par les  récents développements.  Un craquement sec  indiqua à Gillian que la mâchoire de Jamieson venait de se briser.  Les alentours sont déserts à part un chat au pelage  blanc et gris note-t-elle. Personne pour rapporter la mâchoire brisée à la justice à part la victime. Et  ça l'étonnerait que la brute le fasse. Il y a trop de témoins dans la taverne et il devrait fournir des explications.  Des très bonnes.

Tu penses pouvoir continuer à travailler ?

N-non Gigi... C-C'est trop pour moi.

Bref serrement des dents. Signe infime que Gillian n'apprécie pas ce type de familiarités. Plutôt ironique pour quelqu'un dont le vrai nom est  Chérie  Ramirez. Elle l'entrainera  bientôt vers la taverne  Au pirate ivre avec dans l'idée de demander un  verre ou deux pour retaper Emma. Olivier sera sans doute compréhensif si la danseuse finit  par écluser un tonneau entier. Mais d'abord elle a quelque chose à faire.

Maitre ? Merci pour votre aide. Ces types m'auraient donnés du fil à retordre sans vous. Elle fait un geste de salut martial comme Gilles le lui avait appris et destiné à un autre maitre. Bien exécuté. Allez-vous partir ?

Enguerrand fait un signe de tête face au salut martial. Elle a un maitre d'arme et doit être douée sans doute. En tout cas elle a l’œil. Il tourne ensuite son attention vers la danseuse encore toute chamboulée par sa mésaventure. Comme toujours les civils se font une montagne d'une simple escarmouche. Quoique l'autre imbécile a essayé de le tuer. Il a de la chance qu'il y ait trop de témoins. Enguerrand se baisse et commence à la fouiller pour lui retirer toutes ses armes et prendre aussi sa pièce d'identité. Il l'enregistre dans son HCom et la lâche nonchalamment pour qu'elle tombe à coté du corps inconscient. Il ira lui rendre une petite visite un jour où les choses se seront calmées.

Pas fini mon verre. explique-t-il simplement.

Il se redresse et rengaine son arme. Elle ne semble plus très utile pour le coup.

Gillian haussa un sourcil en le voyant fouiller le corps inconscient et sortir le Hcom de Jamieson mais ne pipa mot. Elle a peut-être deviné le projet du Passeur mais elle n'était plus un membre des forces de l'ordre. Elle avait été trahie de manière trop cruelle par ses supérieurs, et trop meurtrie pour avoir envie de devoir parler à ce qui avait été autrefois ses homologues. Peu importe leur faction.  
On l'avait accusée entre autres de complicité  avec des contrebandiers - et c'était l'une des rares accusations vrais. Mais au grand jamais, elle n'avait toléré la drogue comme tout les Ramirez.  Bref, ça lui restait en travers de la gorge.

Je vois. J'ai une question... Maitre. Quel est votre méthode pour trouver ce calme intérieur propice au combat ?

Son  mentor appelait ça l'Unité. Et disait aussi que c'était très différent pour chaque combattant avant sa mort.  Au fil des ans, elle avait obtenue  des réponses différentes. Mais aucune ne l'avait vraiment satisfaite et elle n'avait pas trouvée cette unité intérieure. Toujours pas.  C'était peut-être ce qui lui manquait pour atteindre le niveau  auquel parviennen peu de personnes.

Il regarde la femme qui pose une excellente question. Malheureusement pour elle la réponse ne va pas l'aider.

- Je suis né comme ça. répond simplement le combattant de sa voix glaciale.

Certains hommes naissent avec le combat dans le sang. Il fait parti de ceux là. Il a toujours eu du mal dans ses relations sociales et mais contrairement à d'autres il a toujours su comment atteindre l'état de concentration nécessaire au combat. C'est sans doute injuste pour ceux qui travaillent dur à ça. Mais chacun ses atouts. Jamais il ne saura être aussi alerte que la petite en face de lui. Pourtant il essaie. Mais c'est trop fatiguant comme discipline mentale quand on a pas ça dans le sang.

La réponse est sinistre.  Et  n'aidait pas  Gillian dans sa quête.  On sentait sa déception imperceptiblement dans son regard alerte qui parut s'affaiblir légèrement. Ce n'était pas grave. Elle avait quand même une réponse à méditer de préférence avec un ou deux verres d'alcool.  L'injustice du hasard de la naissance.  

Le chat miaula aperçu par  Gillian un peu  et s'avance pour regarder les protagonistes de la scène. Faisant sursauter la danseuse qui se met à rire comme une hystérique. Elle évacue la tension des derniers instants de la course-poursuite.

Un chat ! J'ai eu peur d'un chat !

Emma fit des claquettes avec ses doigts pour l'attirer et fait "minou" "minou". Le chat ne vint pas, au contraire cela le fit fuir. Ce moment amuse un peu  Gillian mais l'ombre d'un rideau qui se soulève à un fenêtre lui fait songer qu'ils feraient mieux de ne pas rester ici.  

On ferait mieux de partir. Quelqu'un nous observe. dit-elle en retenant Emma.

Enguerrand n'aime pas se faire observer. Mais pour le coup si au départ l'annonce jette un froid en lui il finit par voir que ce n'est qu'un voisin. Un moindre mal. Alors il jette un œil sur la scène et se met finalement en route en ouvrant la marche. Il a un verre de vin à terminer et un cigare à reprendre. Il n'aime pas abandonner ses cigares derrière lui. La reprise du cigare froid est ddésagréable.
Il surveille vaguement que les deux femmes suivent.

Quittons cette ruelle sombre maintenant sans un seul regard en direction du corps évanoui contre le mur.  Emma  reprend un peu du poil de la bête mais elle semble effrayée par la silhouette du Passeur.  Il faut dire qu'elle ne le connait pas et en plus, il est sacrément impressionnant dans la bagarre.

Le Passeur les dépassa.  Et elles le suivirent.  Juste qu'au moment ou les brutes   qui étaient en meilleur état  sortait leurs camarades blessés de la taverne Au pirate Ivre.

Hé mec... Pas la peine ! L'on veut plus de problème !  lança l'un d'eux tout pale. On dirait qu'il redoute de se prendre une autre manchette à la gorge.  Ils se hâtèrent un peu, blessant dans l'opération leur  ami au tibias brisé.

Enguerrand les toise du regard. Pas d'arrogance, juste l'assurance que s'il le faut il s'occupera de leur cas. Il pose néanmoins la main sur la garde de son épée. C'est un autre signe qu'il n'auront pas de deuxième chance. Il s'assure aussi que les femmes n'aient pas à croiser directement l'équipe d'imbécile.

Une fois les filles en direction de la taverne il ferme la marche et se met lui aussi en route. Il ne parle pas beaucoup. C'est un homme prudent et visiblement peu volubile. Ou alors c'est un mauvais jour.

Gillian suivit du regard  l’équipe d’imbécile qui s’empressait de s’éloigner. Il n’en fallait pas beaucoup pour deviner que c’etait les guguss de tout à l’heure.  Vilain. Fort. Et utilisant leur nombre comme d’une arme.  Sans l’intervention du Passeur, l’issue de l’affrontement aurait été autrement plus serré. Elle ne s’en serait pas tirée avec des blessures relativement bénigne.

La jeune femme aux cheveux d’ivoire guida Emma  à l’interieur de la taverne  l’emmenant tout droit le comptoir tenu par Olivier. L’idée étant  d’aider là danseuse à noyer ses souvenirs dans l’alcool. Gillian savait que sa solution était vaine et temporaire. Ce n’était pas faute d’avoir essayé  pour oublier les derniers jours de sa vie sur Obscuro.  Les gueules de bois matinales ne l’en avait pas dissuadée ni ses problèmes d’argent.

Olivier  la remercia d’avoir ramené Emma puis ne discuta pas quand elle demanda un verre pour Emma et servit  son alcool le plus fort à la danseuse.  Ensuite  il paya  Gillian  avec une avance de 700 crédits et lui servit un verre. Satisfaite,  la videuse revint avec son verre et s’assit à la table  d’Enguerrand.

Je crois qu’il est juste de partager Maître. Après tout nous avons fait tous deux notre part  pour régler cette affaire non ?

Elle fit quelques comptes dans sa tête, sortit son HCom et  allongea 350 crédits en attente de transfert.  C’est étonnant qu’elle décide de se montrer honnête et prête à partager vu qu’elle a tellement besoin de fric.