Les réceptions du Gouverneur sont toujours un succès

La salle est immense, la foule ne l'est pas moins et mon œil entraîné repère des militaires plus ou moins en civil dans pas mal de coins. Amusant comment l'entraînement vous poursuit même dans la vie extérieure n'est ce pas ? Je suis là, dans une robe de soirée d'un vert-de gris trompeur qui dévoile mes épaules et la plus grande partie de mon dos, ne fermant le décolleté qu'aux limites de la décence, talons aux pieds, et pourtant voilà que je réfléchis aux mouvements de foule et aux possibles sorties de secours. Je n'ai ni arme ni bouclier personnel, à peine un peu d'ombre sur mes paupières et de rose pâle à mes lèvres et je pense à me battre ? Sur des échasses de dix bons centimètres ? Allons, Law, un peu de bon sens. Je ris à ma propre bêtise, évite un couple qui se dispute d'une légère torsion du buste – il est important de toujours être gracieux dans ce genre de sauterie – et sème mes parents au détour d'une relation de travail de papa. Qu'il fasse le beau en uniforme pendant que maman fait son pot de fleur, je vais me chercher à boire.

Je fais donc le tour de la salle, longeant les murs pour ne pas déranger les quelques danseurs – ces musiciens sont fabuleux, il faudra absolument que je me trouve un ou deux cavaliers lorsque je les aurais vu danser un peu – marchant parfois sur les pieds des demoiselles qui font tapisserie jusqu'au bar à boisson. Le barman me propose un verre de punch tellement fruité que je me demande s'il n'a pas tout simplement gardé l'alcool pour lui. Je lui fait un clin d'oeil, amusée de le voir rougir. Certes, on est en terrain trinitaire là et le Gouverneur est un Cardinal mais de là à me confondre avec une poupée comme les autres. Je veux dire, à la base déjà j'ai les cheveux courts. On aurait pu croire que de tels personnes avaient des serviteurs avec un minimum de perspicacité. Je me demande soudain s'il ne s'agit pas d'un mo'at et si c'est un esclave ou non. Je lui rend son verre.

« Une vodka s'il vous plait. »

Du punch. N'importe quoi. Pourquoi pas de l'eau fleurie pendant qu'on y est ? Je ne prête aucune attention à sa surprise et, attendant ma boisson, lui tourne le dos pour regarder les couples tournoyant. Le quatrième là-bas, avec ses cheveux blonds, à l'air de savoir ce qu'il fait..

Quand on est sur Paradis, il existe une distinction entre la beauté simple et la beauté transcendante. La beauté simple, c’est celle des gens qui se déplacent dans les halls de la demeure du Gouverneur pour participer à ses milles et une réceptions. Le cardinal était un avide enthousiaste des fêtes, qu’il croyait essentiel à promouvoir la paix dans le système Dorado. La beauté transcendante, du moins pour Théodore La Valette, c’était de voir à quel point toute cette foule pouvait mentir à ceux qui l’observaient, se mentir entre eux et se mentir à eux-mêmes. Il y avait quelque chose lui plaisait dans l’entrelacement des mensonges de la diplomatie et de la religion. Il eut un petit sourire. C’était bien mieux que tout ce qu’il pouvait faire, car les gens se trompaient volontairement et avec vigueur.

Vêtu de ses habits d’apparat bleu royal, avec des ornements discrets en argent, Théodore était un préféré de la soirée. Le médecin dansa avec de nombreuses notables, les femmes de diplomates et d’officiers qui n’avait rien à craindre de lui en sa qualité d’évêques, discutant avec de nombreux groupes de magnats, d’évêques ou d’officiers militaires. Tout au long de cette ronde agaçante de formalités, à laquelle Théodore était habitué, il cherchait du regard quelque chose pour l’amuser. C’est là qu’elle lui apparut. Un petit bout de femme, qui avait au moins l’avantage d’être originale. Manoeuvrant subtilement sa compagne du moment, il se dirigea dans la direction du bar, observant sa nouvelle distraction discrètement.

La vodka descend rapidement dans mon organisme, fraîche d'abord puis avec un contrecoup alcoolisé certain. J'aime bien cet alcool clair dont un camarade m'a révélé qu'il signifiait « petite eau ». La musique s'arrête soudain et les couples assoiffés se ruent sur le bar,  me repoussant insensiblement vers les canapés et autres petits fours. Tant mieux. J'ai faim. J'en attrape cinq différents, me dit que ma mère froncera les sourcils si je me montre trop avide, décide que je m'en moque et empile vite fait les délicatesses dans mon assiette de porcelaine. L'air de rien, je m'approche du blond qui dansait. Il semble occupé avec une greluche quelconque aussi je ne m'impose pas. Dieu, ces chaussures me tuent cheville et orteils, c'est pas humain de faire porter des trucs pareils même si, c'est vrai, ça fait du bien à la silhouette. C'est alors que j'entends quelqu'un m'appeler par mon prénom. Je me retourne d'un pas de danse, repère une main et un camarade de promo qui s'est retrouvé le +1 d'une huile gentille hein, mais plus moche qu'un Kaiji qui aurait mué. Je lui souris, il s'approche, me tend un verre de vrai alcool. Mon sauveur, je lui fais un clin d'oeil tandis qu'il me taquine sur mon assiette, ben tiens. Je lui en fout un dans le bec, pour lui apprendre à l'ouvrir. On ne sait jamais, peut-être que certains sont fourrés au piment.

Sans manquer un seul pas, Théodore continuait de faire valser sa partenaire de danse qui semblait discuter de quelque chose avec lui. Il ne portait pas réellement attention. Il avait choisie cette dame précisément parce qu’elle était aisément divertie. Il pouvait presque s’entendre faire la conversation poliment, souriant à la dame pour adoucir et ramollir toute son attention.  Il était bien plus près de la jeune femme qu’il surveillait discrètement désormais.  Elle était délicate en apparence et elle avait une aise sur la piste de danse qui démontrait une habitude de ce genre de soirée. Jeune, elle était sûrement là pour accompagner  quelqu’un…Il n’avait pas vu d’homme près d’elle depuis un moment, à part ce type à qui elle faisait la conversation. Donc, sans doute une gosse de militaire, son maintien confirmant sa supposition.

-Duc La Valette ? La chanson est terminée… Je ne sais pas si... vous voudriez danser avec moi de nouveau ?

Duc ? Cette femme n’avait que du plomb dans la cervelle ou quoi ? Malgré cela, il sourit amicalement et recula pour s’incliner devant sa partenaire, une main sur le cœur.

-Désolé, madame, ce fut un plaisir, mais je dois désormais vous quitter. Je vous souhaite une excellente fin de soirée

D’un mouvement fluide, il se retourna et s’enfonça dans la foule de gens qui cherchait à manger. Son trajet le ferait passer juste à côté de  la petite aux cheveux presque rouge et de son interlocuteur présentement avec un petit four dans la bouche

Pas de piment, merde, c'est qu'il avait l'air bon le machin. Bah, gâché pour gâché, j'en avale un aussi, voilà. Et puis, je ne sais pas pourquoi, alors qu'on rigolait bien, voilà que mon camarade de promo se met à se lancer dans un long monologue sur sa compagne du soir. Je me sens décrocher. J'essaie bien de regarder ses lèvres bouger pour me focaliser sur les mots qui sortent de sa bouche mais rien à faire, ça ne fait qu'attirer mon attention sur des trucs insignifiant genre les deux poils de moustaches qu'il devrait couper par exemple.

« Hey, Lawrence, tu m'écoutes ? »

Je fais un petit sourire désolé à mon interlocuteur. Ma distraction est bien connue à l'académie, il ne devrait pas être surpris le pauvre. Je prends un autre petit four et me décale pour laisser la place à une ombre qui semble vouloir se servir.

« Je pense que tu devrais en prendre ton parti. Voit ça comme une mission d'escorte si tu veux. Fait un lexique de ses tics de langage, je ne sais pas. Je te sauverais bien pour une danse mais tes parents vont se faire des idées et ce sera encore pire. »

Il a l'air déconfit le pauvre et c'est seulement là que je tilte. Si ça se trouve, en fait, il essayait de me draguer ?

Théodore était un adepte des foules, aussi étrange que cela puisse paraître. Il appréciait être seul plus que bien d’autre chose, mais il avait développé un talent particulier pour se déplacer dans une salle bondée à sa guise. Il pouvait la traverser sans problèmes à toute vitesse, mais il pouvait également s’éterniser dans une zone sans être trop évident, échangeant quelques salutations ou en ayant des brèves discussions avec des passants. C’est ainsi qu’il arriva près de la conversation de la jeune fille aux cheveux rouges. Le pauvre garçon semblait si abattu : c’était surprenant de voir avec quelle facilité ces petits nobliaux pouvaient passer d’émotions en émotions, comme si leurs vies étaient toujours plus graves que celles des autres.

La jeune femme, quant à elle, semblait très habile dans son environnement. Elle le laissa même passer sans même jeter un coup d’œil, devinant la présence de quelqu’un et l’évitant avec une grâce certaine. Jeune, habile et…intelligente ? Il écouta sa réponse au pauvre hère et détermina à son jargon qu’elle était sûrement une étudiante des arts militaires. Il continua sa route encore un peu, un serveur lui fournit un verre d’un geste. Repassant près de la conversation près d’une minute plus tard, il s’approcha, un sourire élégant aux lèvres. Cette conversation se finirait bientôt et il pourrait aborder la jeune femme sans paraître comme un goujat, coupant court une discussion. Il était dans son champ de vision, avançant juste assez lentement pour ne pas avoir l’air d’attendre.

"...et en plus elle me marche sur les pieds." continue le jeune homme sans tilter que je n'ai pas écouté un mot du second monologue. Il m'ennuie de plus en plus à se plaindre celui-là alors je lui fais un sourire ra-di-eux et parfaitement poli, lui posant une main sur l'épaule.

" Ecoute, je serais toi, j'irais tout de suite. Tu sais, plus vite on commence, plus vite on termine. Et puis tu le veux ce permis de speeder ou pas. Allez Caporal, du nerf ! Tu PEUX le faire. Hop ! Vas-y, je te regarde !"

Coupé court, mon interlocuteur me fait un salut presque militaire et tourne les talons, trop surpris par mon ton à la fois joyeux et formel pour songer à me contredire. Je mange un dernier petit four, mon assiette vide à la main et me retourne, enfin seule, vers le buffet à la recherche d'un verre d'alcool ou même de ce jus de fruit qu'ils osent appeler cocktail pour apaiser ma soif. Il y a toujours du monde ici mais j'ai l'habitude de me faufiler et, pour le moment, personne ne semble me rentrer dedans. Soudain, je vois l'objet de mon désir trônant derrière trois couches de plateaux de trucs en sauce du genre qui tâche super bien les robes. Je n'hésite pas longtemps avant d'alpaguer mon voisin.

"Excusez-moi, monsieur; mais auriez vous la gentillesse de m'attraper le verre de vin blanc que je vois là, au fond, je vous prie ?"

Il attrapa le verre de vin blanc d'une main agile et se retourna avec un sourire vers la petite jeune femme.C'était finalement l'heure de mettre en oeuvre un plan qui lui trottait dans la tête depuis quelques années déjà.

-Et voilà, jeune demoiselle. Puis-je vous aider à obtenir autre chose que vous désireriez ?

Son sourire est chaleureux, plein d'assurances et sans une once de vantardise. Un sourire construit de toute pièce pour plaire, avec beaucoup de pratique. Il lui tendit son verre sans plus tarder, ses yeux perçants se fixant dans les yeux de son interlocutrice. Rencontrer de nouveaux sujets étaient toujours intéressants et l'avantage de rencontrer des sujets humains, c'est qu'ils ne tremblaient pas après une conversation. Mais après tout, il était un peu plus délicat avec eux. Les humains étaient si fragiles. Usant des renseignements prélevés au cours de l'écoute précédente, il aborda la discussion.

- Je ne crois pas vous avoir rencontré auparavant, mademoiselle, et je connais la majorité des locaux et des dignitaires habituels. Serait-ce trop m'avancer que vous demandez votre nom ? Vous m'excuserez, apprendre et savoir est mon obsession.

Sa voix était claire et calme, un peu contrit à la fin en avouant sa "faiblesse". Il inclina légèrement la tête, faisant preuve de la courtoisie attendue dans un rassemblement du genre, mais pendant qu'il le faisait, un petit éclat moqueur se glissa dans son visage, juste assez pour qu'elle le voit et qu'elle se sente intégrer dans le secret.

Mon sourire à moi est radieux et parfaitement sincère alors que j'attrape le verre de vin et en boit une gorgée avec délectation. C'est frais et sucré, complètement ma came. L'adroite courtoisie de l'homme qui m'a servi m'amuse. Il est plus âgé que moi, beau garçon – j'aime bien qu'ils sachent ce qu'ils font, les types de ma génération sont des gamins  - et si je n'avais pas si soif, je lui aurais proposé une danse. Au lieu de ça, je préfère tester l'humour du type. C'est si fréquent que les gars qu'on juge sympathique se révèlent ennuyeux et sans humour que maintenant, j'ai plus peur de rien, j'y vais carrément.

« Et bien puisque vous demandez, je voudrais un château sur Renaissance avec un carrosse tiré par quatre chevaux alezan identiques. Et vous me mettrez trois tonneau de ce vin blanc, il est délicieux. »

Je sais que mes yeux pétillent et que c'est à mon avantage alors je les laisse faire. Si ce n'est pas mon premier verre, je n'ai pas encore trop bu. Tout reste sous contrôle, c'est du pur Lieutenant. D'ailleurs, il me demande mon nom avec beaucoup de politesse et de circonvolutions pour ne pas montrer qu'il donne pas le sien. Ca me fait sourire de plus belle. Je crois que je suis soulagée que l'autre se soit tiré. De toute façon, mon nom est assez connu.

« Lawrence, Lawrence Dawind » la fille du colonel. Avec de la chance, Monsieur ne connait pas les gradés corporatiste. « Et vous ? »

Sans perdre un instant, la jeune femme contre son avancée avec des réparties de son cru. Elle lui invente un scénario grandiose de ce qu'elle voudrait. Comme il l'avait remarqué, c'était une habituée des soirées et elle ne serait pas le genre à être impressionnée ou même intéressé par une attention moyenne. Il sourit pour lui montrer qu'il appréciait sa blague et pris un air désolé forcé.

-Si ce n'était que le château et les tonneaux de vins blancs, cela serait chose faite ! Hélas, mon carrosse n'est tiré que par de bêtes Frison blancs ! Quel dommage !

Il fait un clin d'oeil à la jeune femme, remarquant ses yeux pétillants, mais toujours en contrôle. Elle finit par lui donner son nom. Dawind... Il avait déjà entendu ce nom. Un invité habituel...qui serait militaire pour aller avec le maintien qu'il avait remarqué chez sa fille... Un militaire gradé, corporatiste avec un nom pareil. De mieux en mieux, toute cette situation. Il garda son attention sur Lawrence, désormais capable de placer un nom sur son objet d'intérêt du moment. Il s'inclina avec célérité.

-Mon nom est Théodore. Théodore La Valette, à votre service, miss Dawind.

Il se releva et prit une gorgée de son verre également.

-Vous appréciez la fête du cardinal ? Il a toujours été plus extravagant que le précédent. Sans doute, quelque chose à prouver, vous ne croyez pas ?

« Quel manque de goût, Monsieur La Valette. Les Frison blanc sont totalement passés de mode. Ils sont devenus d'un commun. Non, croyez-moi, pour être dans le coup, il faut investir dans les Auxois alezans. » Je fais semblant de réfléchir et peser le pour et le contre dans ma jolie tête d'alouette et reprend. « A la rigueur, si vous n'avez pas le choix, je suppose qu'un bai ou un rouan pourrait faire l'affaire... » Et je clos le tout d'un joli sourire. En vérité, je ne suis pas très chevaux de traits, à part les Karadins qui sont juste magnifique et servent aussi de scelle. J'avais une passion pour ces bestioles quand j'étais petite fille et je ne pensais pas que tous les magasines que j'avais lu me serviraient un jour. Maintenant que je vole, l'attrait des quadrupède a, je l'avoue, nettement décru. Et puis je n'ai jamais appris à monter. Mais voilà mon interlocuteur qui ramène doucement la conversation vers quelque chose de plus sérieux. Je hausse un peu les épaules.

« Je n'ai pas bien connu son prédécesseur. Mais peut-être veut-il casser cette image du Cardinal un peu rébarbatif aux yeux de l'intelligenzia de Dorado. Ce ne serait pas forcément pas un mal. Je sais que la religion trinitaire est une chose sérieuse, et la politique l'est tout le temps, évidemment, mais pour un bal, un peu d'extravagance peut être le grain de sel qui fait d'une simple soirée quelque chose de mémorable, vous ne pensez pas ? »

Parfait, elle était intelligente, ne serait-ce que pour faire la conversation. Ça serait dommage d'être tombé sur une tête vide, après tout. Il continuait de se creuser le cerveau pour trouver où il avait entendu le nom Dawind et finalement, l'image d'un colonel dans l'armée corporatiste lui apparut dans l'esprit. Il ne lui avait jamais parlé, mais c'était le genre de chose qu'on savait quand on était diplomate. Il était possible que le colonel le connaisse aussi après tout.

-Le précédent gouverneur était en effet très fixé sur la politique, c'était un temps plus tendu entre les factions après tout. Le Saint-Siège a envoyé quelqu'un de plus approprié pour une période paisible maintenant. Il travaille son mandat de paix avec beaucoup d'adresse, mais je ne crois pas qu'il soit à l'aise dans d'autres types de situations.

Il était sérieux en faisant la conversation, la traitant comme une adulte, sans aller dans la condescendance. Il imaginait qu'elle avait de la misère à se faire prendre au sérieux avec sa taille et son âge généralement, mais ça ne pouvait pas faire de mal. Après tout, la meilleure façon de mentir, c'était de mentir le moins possible.

- Mais, vous avez raison Miss Dawind, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu de fêtes aussi extravagantes. L'empire peut être si terne quand ils veulent. Pour ce qui est des fêtes de l'Union, cela dépend de qui les organisent. Peut-être que nous aurons des meilleures fêtes pour faire compétition à celle-ci ?

Clin d'oeil.

« Laissons-lui le temps de faire ses preuves, le pauvre. Il n'est pas arrivé depuis si longtemps et il n'est pas originaire de Dorado. Je soupçonne ces fêtes autant pour faire étalage de ses capacités de gestionnaire, remporter les cœurs des puissants que pour apprendre les différentes particularités culturelles du système. Certes, nous sommes en période de paix mais comme vous l'avez souligné, nous gardons tous en tête les tensions entre nos différentes factions, sans parler de la menace pirate qui plane sur nous tous mais devant laquelle, une fois encore, nous ne sommes pas égaux. »

S'il voulait parler sérieusement, je pouvais aussi hein. Après, ma vision restait très orientée « gestion des conflits », l'armée, après tout, existe surtout pour ne pas servir, il s'agit avant tout d'une force de dissuasion. Et puis j'adore les bals. Tant que personne ne se met en tête que je suis mariable quoi. Et là, je m'aperçois que j'ai encore décroché et ne choppe que la fin de son petit discours...et du clin d'oeil, je souris.

« Vous aurez moins d'hommes en robe et beaucoup plus de femmes en pantalon pour commencer. Avez-vous fréquenté beaucoup de fêtes de l'Union ? Je ne me souviens pas vous avoir croisé avant ce soir. »

Et ce n'est pas qu'elle s'en serait aperçue forcément, distraite comme elle pouvait l'être parfois, ni qu'elle faisait tous les bals de la saison – elle avait une académie à fréquenter mine de rien – mais elle était curieuse.

La petite avait fait ses classes, c'était clair. Mais, elle opérait entre le focus le plus intense et le manque de concentration le plus complet. Elle fit un commentaire sur les vêtements et il crut comprendre qu'elle faisait une remarque sur la soutane de plusieurs des hommes présents. Il devait avouer n'avoir porté que peu d'attention à ce qu'il portait auparavant, mais il pouvait comprendre qu'il était dur d'être pris au sérieux quand on portait ce genre d'habillement pour des gens aussi...égalitaires que l'Union Corporatiste. Il sourit, comprenant qu'il avait été chanceux de devenir diplomate en étant membre non-officiel du gouvernement, ce qui lui permettait de s'habiller de manière plus libre.

-Vous avez un point, miss Dawind. C'est un uniforme comme les autres, j'imagine, une question culturelle

Il sourit encore, montrant de l'amusement en dévoilant ses dents blanches.

-J'ai déjà fait plusieurs visites en territoire corporatiste en effet, mais nous ne sommes pas croisées. J'ai une bonne mémoire des visages et le vôtre me serait resté familier, il est certain. Il y a longtemps que vous visitez "le circuit" ?

Il la complimenta discrètement ainsi, tout en faisant la blague un peu sarcastique sur le fait que l'événement faisait plus partie d'un circuit de fêtes que d'une occasion diplomatique. Plus le temps avançait, plus il appréciait son nouveau jouet. C'était le genre d'objet que l'on gardait à long terme, pourquoi le jeter après si peu d'utilisation.

-Vous étudiez, Miss Dawind ? Ou bien êtes-vous déjà bien établie ?

Probablement. Et ça ne serait pas un problème si ces messieurs n'avaient pas la fâcheuse tendance de croire que tout ce qui portait les cheveux longs avaient forcément des idées courtes. Enfin je sais bien que je ne les changerais pas et ils m'intéressent pas du tout assez pour que j'essaie d'ailleurs. Je préfère causer avec des gens déjà éduqués, ça facilite les choses. Et La Valette a de la conversation en plus d'un joli sourire donc c'est cool. Je termine mon verre et le repose.

« Cinq ans ? Six ans ? Mais je ne suis pas très assidue, je dois jongler entre mes obligations sociales et professionnelles, ainsi que les implications politiques. Je ne pense pas être allée dans un bal du prédécesseur de notre très cher Cardinal, par exemple. Mon père préférait m'emmener dans des milieux où il avait moins de crainte que je fasse un scandale, surtout lorsque j'étais plus jeune.»

Et si un type en robe était venu me dire à l'époque que j'étais une sorte de sous-humain juste parce que j'avais des talons...j'aurais pu mal réagir. Je suis plus posée maintenant. Et surtout, le nouveau a clairement donné des ordres pour éviter ce genre de soucis. Je ne sais pas si l'ancien l'aurait fait.

« Je termine mes études, je serais graduée l'année prochaine. Si je m'en sors bien, je serais Lieutenant de la Marine Spatiale au sein de l'Union. » Ce n'est pas colonel mais ça en jette. « et vous Monsieur La Valette ? Dans quelle branche êtes vous ? »

Cinq ou six ans ? C'était quand même bien qu'elle soit jeune, elle ne pouvait avoir tant d'échos de ce que Théodore faisait avant que le Cardinal de Soumandes soit changé pour ce clown. Il était sûr qu'il aurait eu beaucoup plus de mal à défendre son statut d'inquisiteur à une jeune femme idéaliste de l'Union corporatiste que son actuelle profession qui ajoutait indéniablement à son charme. Surtout si son père avait peur qu'elle fasse un scandale. Les adolescents, n'est-ce pas ? Il était certain que les habitudes du cardinal de Soumandes étaient plus traditionnelles. Ce décolleté n'aurait jamais vu l'air trinitaire à l'époque, par exemple.

-Lieutenant ? Ma foi, je suis impressionné. Qui aurait cru que je puisse discuter aussi facilement avec un officier ? Mes félicitations, miss Dawind. J'ai hâte de pouvoir vous appeler Lieutenant alors.

Il se rendait compte que ce qu'il disait pouvait être interpréter comme l'espoir de la revoir de nouveau dans un futur proche et il en faisait usage, pour qu'elle se sente désirer. Il n'était pas exclu que cela aide et que ça ne lui fasse rien, mais là n'était pas l'important. Tant que la phrase était dite, elle était en jeu.

-Moi ? Je suis le propriétaire et médecin de l'hôpital grossièrement appelé à mon nom, dix rues plus bas qu'ici.

L'endroit qu'il décrivait était à l'extrémité des quartiers favorisés de l'astroport et près des quartiers pauvres. L'emplacement était choisi pour donner accès plus facile aux pauvres. Tout était dans le plan.

Je ris à nouveau, à la fois parce que je suis sensible à ses flatteries -même si je suis consciente que c'en est, faut pas déconner. Le type il a au moins un siècle de plus que moi et en plus, ici, des Lieutenants, doit y en avoir deux qui sont de service, on peut pas vraiment parler d'une victoire. Sauf à mon âge,certes, je suis jeune et c'est un bon début.

« Faut pas croire, les officiers, parfois, ce sont de vrais êtres humains. Pas tous je vous l'accorde. Tenez, voyez l'homme en bleu tellement foncé qu'on croirait du noir là bas, avec la cruche brune en robe verte à coté, celui avec les cheveux blanc. C'est le Commandant Hamilton. Lui, il n'est pas humain, il ne débranche jamais de son sacro-saint grade. Mais pour la plupart, nous sommes parfaitement fréquentables. »

Si on part du principe que je le suis fréquentable ce qui, d'après certains, n'est pas un acquis. Je souris encore. Je passe un bon moment au final. Il est charmant cet homme, poli, distingué et il ne pérore pas trop. Je fronce les sourcils pour tenter de me rappeler d'un hôpital mais...

« Je ne crois pas être passée devant ou alors je pensais à autre chose. Je ferais attention au retour. C'est donc Docteur La Valette. Et moi qui vous appelle Monsieur depuis toute à l'heure. Vous auriez du me reprendre, ce n'était pas très gentil. » que je le gronde gentiment, pour plaisanter.

Il est satisfait de l'entendre rire, un certain plaisir dans la voix démontrant qu'elle apprécie ses flatteries. Il commençait à la cerner en tant que personne. Il écouta donc son explication avec attention, souriant à ses explications effrénés. La jeune femme était assez aérienne, mais il n'avait pas perdu son attention depuis un moment, alors c'était bon signe. Elle était honnête comme peu de gens ici, ce qui faisait une drôle de paire avec son partenaire, à savoir lui-même. Après qu'elle eu finit sa discussion intérieure à voix haute, il la gronda gentiment à son tour.

-Vous devriez sans doute utilisé sacro-saint avec parcimonie dans les environs, on ne sait jamais quel trinitaire pourrait vous entendre blasphémer.

Il sourit à la jeune femme, l'opération charme continuant. Après tout, il était un trinitaire, alors le commentaire était amusant dans sa déconnection avec la situation.

-Pas besoin de m'appeler Docteur après tout, je vous appelle Miss depuis tout à l'heure, et je devrais vous appeler Cadet j'imagine ? Soyons seulement Théodore et Lawrence. Mais si vous tenez à me vieillir, vous pouvez continuer de m'appeler Monsieur La Valette.

Il lui fit un clin d'oeil amusé et c'est à ce moment-là qu'une nouvelle musique commença. Impérial d'origine, elle était presque langoureuse. Il se tendit sa main à la jeune femme, une question dans le geste, sa voix suivant celui-ci dans une demande. Sa voix grave et presque suave se fit entendre :

-Puis-je vous inviter à danser...Lawrence ?

Ah. Oui, certes, j'aurais ptet pas du dire ça comme ça. Pour être honnête, je l'ai dit sans malice, c'est juste une expression et faut bien un trinitaire pour la remarquer. Du coup, j'dois avoir l'air un rien morveuse, je pense. La pire poker-face du monde je vous dit. De TOUS les mondes. Par chance, il a pas l'air trop coincé et en sourit ce qui me détend quand même un peu. J'ai envie de lui dire « oui papa » mais je me retiens, je ne le connais pas encore assez pour ce genre de taquinerie. Encore que. Il veut que je l'appelle Théodore. Sympa. Je lui fais un beau sourire.

« Théodore ça me va. Monsieur si quelqu'un vient s'incruster, je ne veux pas non plus qu'on pense que je suis mal élevée. »

Même si je me moque un peu de ce que l'on pense, je sais que ces raouts sont importants pour mon père et ma mère alors je fais de mon mieux pour ne pas trop détonner. Ce serait dommage d'être interdite de bal, moi qui les aime tant. J'allais repartir dans mes pensées quand un mouvement soudain du docteur me ramène dans le présent. Je ne sais pas s'il disait quelque chose mais il y a sa main et la question que j'avais envie de m'entendre poser depuis le début de la discussion ou presque. Je fais une révérence gracieuse et profonde en réponse et saisit la main tendue, le laissant me conduire.

« Avec plaisir, Théodore. »

Il prend sa main dans la sienne, sa petite main fine dans la sienne, grande et contrairement à ce qu'on attendait d'un docteur, sa main est rugueuse comme celle d'un guerrier, des callosités caractéristiques des épéistes se retrouvant sur celle-ci. Il la guide donc vers la piste de danse. Il n'a pas d'inquiétudes pour la diriger durant la danse, l'ayant suffisamment observé de loin pour savoir que la petite corporatiste savait danser mieux que la plupart des gens dans cette pièce. Malgré lui, le rythme de la chanson se fait clairement entendre dans sa tête dès que celle-ci commence à être jouer, son sens du rythme lui indiquant quelle vitesse prendre presque instinctivement, son éducation prenant le relais pour la danse. Plusieurs couples sont sur la piste de danse aussi, le reste de la salle observant les danseurs s'essayer sur cette danse particulière que les habitants de Paradis n'étaient pas du tout habitués de voir, celle-ci allant contre les valeurs traditionnelles du clergé. Il fait tourner sa compagne d'un mouvement preste et la ramène ensuite près de lui, sa main se posant dans le creux de son dos, ses yeux se fixant dans les siens avec intensité, leurs visages près l'un de l'autre. Pendant que le tempo s'installe, dans les premiers moments de la danse, Théodore décida de poser quelques-unes de ses questions, qui lui trottait dans la tête et qui déciderait si Lawrence était un bon investissement.

- Dites-moi Lawrence, que comptez-vous faire une fois avoir graduée de l'académie?

Il a la main d'un type qui travaille et ça me surprends. La mienne est douce encore. Mon boulot me demande de la force, oui, mais moins qu'un mécano. Je ne dis rien, je note juste qu'il n'est pas de ces nobles qui n'ont jamais rien fait de leurs dix doigts et c'est un bon point pour lui.

Second bon point, c'est un bon danseur et un cavalier assuré qui sait me mener sur la piste de danse. C'est vraiment agréable de danser comme ça, avec un homme qui vous mène sans se demander toutes les deux secondes s'il avance le bon pied ou si je permets ça ou ça. Je SAIS que les filles indépendantes tout ça ça veut choisir sa vie mais voilà, moi, de temps en temps, j'aime bien me laisser porter. J'ai bien assez de responsabilités avec mon boulot pour apprécier ces moments. Et tant pis pour celles que ça dérange. Du coup, je suis détendue et ma grâce naturelle prend le dessus. On se coule tous les deux sur le parterre au milieu des danseurs. Je crois qu'on nous regarde. Et je m'en fiche. Je regarde ses yeux clairs, le reste de la salle peut tourner, ça m'est bien égal. Je passe un bon moment. Et puis, il parle. Je cille. Euh.

« J'aurais ma première affectation, sur un vaisseau si j'ai de la chance ou à terre en fonction de mon classement et des postes à pourvoir. Peut-être comme Officier de Navigation. »

Première affectation sur un vaisseau, comme officier de Navigation. Une pilote ou quelque chose d’analogue, donc. Ça pouvait être intéressant. Il hocha la tête en souriant, déclarant d’une voix confiante

- Je suis sur que vous aurez le poste que vous voulez dans un navire, vous m’avez l’air du genre de femme qui a ce qu’elle veut quand elle le veut.

Il lui fit un sourire charmeur et ferma sa grande bouche. Comme le tempo devenait plus rapide, il l’a rapprocha de lui et prit un pas accordé avec la musique, la faisant tourner avec plus de vitesse. La musique prenait des tons plus exubérants. Il connaissait la chanson et savait que la prochaine partie après celle-ci serait plus lente à nouveau. Théodore n’avait pas tant d’appreciation pour la musique. Mais, il vendait son plaisir avec ses sourires et son regard fixé dans celui de la jeune femme. Beaucoup de gens les regardaient maintenant, peu de trinitairescpnnaissant cette danse après tout

J'ai surtout le genre de père qui me donne ce que je veux quand je le veux mais pour l'affectation, j'aimerais vraiment ne le devoir qu'à moi-même. Après, je bosse dur et je suis très douée dans ce que je fais alors j'avoue, j'ai pas trop de doutes. Je lui souris encore. Je sais que ce sont des compliments et qu'il est peu probable qu'il les pense vraiment voire même que ça l'intéresse mais je sais pas, ça fait plaisir quand même et j'ai l'impression qu'il les pense. Je décide de le prendre à la rigolade pour dissiper toute tension ou question résiduelle. Après ce passage rapide quand même. J'ai donc les cheveux un poil dans tous les sens, les joues rouges, je suis essoufflée mais je continue à le regarder pour ne pas me laisser tourner la tête. Et je ris, donc, doucement, comme la jeune femme bien élevée que je suis sensée être.

"Mince, moi qui pensait que je pourrais passer incognito ici sans qu'on entende parler de mon fichu caractère. Qu'est ce qui vous a mis sur la voie ?"

Toute la situation était un jeu pour la jeune femme, comme pour lui, même s'il ne s'agissait pas du même jeu. Elle évitait de dévoiler sa réelle personnalité, pour ne pas embarrasser ses parents ou quelque chose du genre. Pendant que lui dissimulait sa personnalité et ses besoins psychologiques pour pouvoir s'y accomplir réellement. Les cheveux blonds du trinitaire perlent d'un peu de sueur également, ses yeux fixés dans ceux de la jeune femme, les orbes de son visage brillant de lumière, pour cacher l'ombre en lui. Son sourire est charmeur, séducteur pendant que la musique commence lentement à prendre son tournant plus langoureux.

-Il est dur pour quelqu'un avec un caractère aussi intéressant de le cacher longtemps. Mais, ne vous inquiétez pas, je ne révélerai à personne cette connaissance. Je préfère être égoïste et la garder pour moi !

Continuant de démontrer sa connaissance et sa capacité à bien mentir, Théodore révèle une intention qu'il a véritablement, celle d'ajouter la jeune femme à une nouvelle liste de jouets avec lesquels le monstre intérieur à l'extérieur charmant a l'intention de s'amuser et de posséder, mais en la cadrant dans une situation qui peut être interprété comme de la séduction beaucoup plus légère. Il la dirige alors dans les mouvements de la danse, s'approchant imperceptiblement d'elle, la ronde continuant.

On a beau dire, l'expérience ça aide. J'connaissais personne de mon âge capable de sortir une telle ânerie avec un tel aplomb et avec assez de talent pour que j'ai envie de faire semblant d'y croire. Mon cavalier a genre deux fois mon âge, il est beau garçon, distingué et, ce qui n'enlève rien, bon danseur. C'est toujours un plaisir de croire qu'on peut intéresser une telle personne. Ce que lui trouve à ma compagnie - à part peut-être l'espoir de me mettre dans son lit - je ne sais pas. Je me contente de lui faire un clin d'oeil complice. Quand tu sais pas quoi répondre, tais-toi.

Cela marche puisqu'il me serre encore un peu plus contre lui et je décide, avec mes gros sabots, d'en profiter pour sonder un peu plus ses intentions. Pour le moment, je l'ai à la bonne alors je ne suis pas contre autre chose mais je préfère m'assurer vaguement de ses attentions.

Gracieusement, je m'appuie sur lui, me hausse sur la pointe des pieds et quitte un moment ses yeux pour murmurer à ses pieuses - il est trinitaire, ça marche - oreilles.

"Si vous me rapprochez encore plus, je vais vous demander de nous conduire dans un endroit moins public...Théodore."

Il peut sentir l'amusement dans ma voix, je ne cherche pas à le cacher.