Les réceptions du Gouverneur sont toujours un succès

On a beau dire, l'expérience ça aide. J'connaissais personne de mon âge capable de sortir une telle ânerie avec un tel aplomb et avec assez de talent pour que j'ai envie de faire semblant d'y croire. Mon cavalier a genre deux fois mon âge, il est beau garçon, distingué et, ce qui n'enlève rien, bon danseur. C'est toujours un plaisir de croire qu'on peut intéresser une telle personne. Ce que lui trouve à ma compagnie - à part peut-être l'espoir de me mettre dans son lit - je ne sais pas. Je me contente de lui faire un clin d'oeil complice. Quand tu sais pas quoi répondre, tais-toi.

Cela marche puisqu'il me serre encore un peu plus contre lui et je décide, avec mes gros sabots, d'en profiter pour sonder un peu plus ses intentions. Pour le moment, je l'ai à la bonne alors je ne suis pas contre autre chose mais je préfère m'assurer vaguement de ses attentions.

Gracieusement, je m'appuie sur lui, me hausse sur la pointe des pieds et quitte un moment ses yeux pour murmurer à ses pieuses - il est trinitaire, ça marche - oreilles.

"Si vous me rapprochez encore plus, je vais vous demander de nous conduire dans un endroit moins public...Théodore."

Il peut sentir l'amusement dans ma voix, je ne cherche pas à le cacher.

Il est assez près de la jeune femme pour sentir son coeur battre dans sa poitrine. Alors que la musique commence à ralentir de nouveau pour bientôt s'éteindre, elle vient lui murmurer à l'oreille des paroles qu'on pourrait presque croire salaces. Théodore sourit calmement. Elle rigole, mais cette question n'est pas qu'une blague innocente. Cependant, l'objectif n'est pas d'ajouter une entaille à une liste de conquêtes. Il doit la captiver, la garder dans son orbite à long terme, pour que son jouet, que son investissement soit rentable. Ce n'est pas quelque chose qu'il accomplira en amenant cette jeune femme dans une pièce adjacente pour s'amuser. Il la regarde reculer sa tête, son regard fixé sur lui fébrilement. La musique se termine finalement alors qu'il approche sa bouche de l'oreille de la jeune femme comme elle l'avait fait précédemment, lui murmurant avec sa voix grave à l'oreille, sa lèvre inférieure frôlant le lobe d'oreille de la jeune cadette.

-Aussi plaisante que cette idée me semble, Lawrence...

Il se recula et déposa un baiser chaste sur sa main et s'inclinant, devant leurs spectateurs de plus en plus nombreux. Théodore n'avait pas envie de donner trop à discuter à ses contacts trinitaires, après tout.

-Il conviendrait mieux de ne pas quitter une réception aussi réussite hâtivement. Vous êtes une danseuse magnifique, ma chère!

L'implication dans la phrase étant que trop de yeux étaient sur eux pour s'adonner à ce que les deux avaient en tête, visiblement, ce que Théodore voulait avoir l'air d'émettre.

La musique s'est presque éteinte lorsqu'il me répond et je crains un peu que celle-ci ne soit que trop audible dans le silence qui suivra la danse. Et pourtant je ne fais aucun geste pour me retirer, je ne m'excuse pas de mon avance. Je le teste. Je me demande ce qu'il me veut. Je ne suis pas aussi naïve que ma spontanéité pousse à le faire croire. L'humour est simplement ma façon d'enrober ce que je n'assume peut-être pas entièrement. Peut-être donc que mon cœur bat un peu vite.

Il se penche alors à son tour contre mon oreille et sentir son souffle si près de moi me fait bêtement avoir chaud. Je ne suis pas assez prude pour ne pas savoir ce qu'il se passe, il me rend la monnaie de ma pièce et se prend au jeu. Ca m'amuse. Et en même temps ça me perturbe. Et déjà il se recule le fourbe. Pour mieux m'embrasser la main. Je riposte d'une nouvelle révérence, très basse et particulièrement complexe. Me relevant, je lui prend sagement le bras, restant donc à distance convenable.

« Je ne fais pas honte à mes professeurs et c'est tout ce que je demande. M'accompagneriez vous au bar pour un rafraîchissement ou bien dois-je déjà vous rendre à l'une de vos nombreuses admiratrices ? »

Aucune jalousie dans ma voix. J'ai compris ce qu'il voulait me dire et je me met donc à sa disposition pour régler la fin de la soirée comme il le souhaite.

Il l'avait surprise, c'était clair. La jeune femme le regardait, un peu rouge sur ses joues, plus que lorsqu'elle venait tout juste d'arrêter de danser. Il avait souvent cet effet sur les membres du beau sexe et c'était quelque chose dont il tirait amplement profit. Son sourire charmeur toujours sur les lèvres, il garda son regard sur elle pendant qu'elle s'inclinait, bien décidée à ne pas lui laisser le dernier mot de leur jeu de chat et de souris. Elle lui proposa néanmoins de l'accompagner au bar pour un rafraîchissement. Il était vrai que plusieurs regards étaient posés sur eux. Ils avait été de loin les danseurs les plus remarquables dans cette danse. Plusieurs "admiratrices" les observaient, mais également des admirateurs. Il posa sa main sur la sienne et lui répondit, en appuyant sur la chaleur dans sa voix.

-Cela me ferait plaisir de vous garder pour moi encore un instant. J'aurais cru également vous perdre à vos admirateurs. Quelle dommage que mon épée soit interdite ici, j'aurai bien des difficultés à les éloigner.

Il faudrait que les regards les quittent s'il voulait faire un mouvement avant la fin de la soirée et ce n'était pas encore près d'arriver. Il se dirigea donc, Lawrence à son bras, vers les rafraîchissements, hochant la tête à quelques nobliaux pour leur signifier qu'il les avait bien vu. Il parla discrètement à sa partenaire, leur discussion redevenant privé, le sourire éclatant de retour.

-Comptez-vous rester sur Paradis quelques jours au moins, Lawrence ?

Mon sourire s'allume soudain d'un amusement bien réel juste à l'idée qu'il n'a peut-être pas fait exprès de faire un nouveau sous entendu salace - je fréquente trop les gars de la caserne je pense mais je vois ce qu'il veut dire et peut-être aussi qu'il regrette de ne pas pouvoir se SERVIR de son épée. Je préfère me taire par contre hein, on va pas non plus passer pour une chaudasse, ce n'est pas du tout le but.

"Mes admirateurs sont les mêmes depuis que je danse en public. Je les connais par coeur. Vous, par contre, je ne vous connais pas encore." De toute façon, ils auraient rapidement autre chose à regarder. Les musiciens avaient certes annoncé une courte pause et l'on voyait les uns courir après les autres et les unes tenter au mieux d'éviter ceux qu'elles ne voulaient pas voir. J'souris encore, j'adore voir ces danses avant la danse. Du coup, je suis un peu distraite quand je réponds.

"Oui, je suis en permissions et mon père a des gens à voir pour des raisons diverses. Nous donnons d'ailleurs ue soirée privée dans deux jours dans la résidence que l'on nous a prêtée. Peut-être si vous êtes libre et n'avez pas peur d'une assemblée de militaire voudriez-vous venir y passer quelques heures ? On s'y ennuie ferme mais on y mange bien."

Le regard de Théodore toujours dirigé sur la jeune femme, ses yeux pers perçants traitant chacune des informations que le visage expressif et honnête de la jeune officier lui fournissait volontairement. Il n'avait pas perdu son attention plus que d'habitude. Il avait remarqué que la jeune femme était parfois dans la lune après quelques moments de distance. Il lui sourit avec charme pour démontrer son appréciation de sa décision de rester avec lui. Il envoyait les signaux parfaits sans avoir besoin de les ressentir réellement. Depuis l'intérieur de sa tête, presque une bulle imperméable aux sentiments, le trinitaire contrôlait son environnement et les gens qui l'entouraient sans vraiment d'émotions, à part une satisfaction du pouvoir qu'il avait sur eux. Les gens qui se courraient les uns après les autres n'étaient que des insectes pour lui. Il réprima ses impressions vis-à-vis des danseurs et écouta la réponse de la jeune femme. Il sourit. Une assemblée de militaires ? Un père avec une capacité à attirer ce genre de rassemblement ? Il avait définitivement bien choisi son nouveau jouet. Il saisit deux verres de champagne d'un geste leste sur le plateau d'un serveur et en présenta un à sa jeune compagne.

- Je n'ai pas peur de braver quelques militaires, Lawrence. Ça me fera un plaisir de venir contribuer à votre ennui ferme et bien manger en votre compagnie.

Il lui fit un sourire amusé, continuant de la taquiner comme ils faisaient tous les deux depuis le début de leur conversation.

Et c'est là que je réalise que j'ai invité un inconnu d'une autre faction qui a l'âge de mon paternel à une fête privée de celui-ci avec des militaires de l'UC. Ca va être coton à expliquer tiens, d'autant plus qu'il a - à mon grand plaisir d'ailleurs, je dois être un peu folle - accepté. Tant pis, tant promis, tant tenu, je me débrouillerais. Après tout, il n'y a pas de raison que je ne puisse pas inviter de moi-même des amis. J'attrape le verre de champagne, en regarde les bulles, pensive soudain - comme quand je décroche - puis lui sourit à mon tour en buvant une gorgée du vin pétillant, retrouvant mon rôle de jeune hôtesse. L'habitude, quand on sait pas quoi faire, y a que ça.

"Je vous ferais parvenir une invitation, Théodore, dès que vous m'aurez dit où je dois la faire envoyer." Mais même ma voix semble plus pensive que joyeuse à mes oreilles et je repars dans mes réflexions.