De ses parents, Ren ne se rappelle que peu de choses. Elle sait qu'ils s’appelaient D'avin et Yel'na Tìe'kluü, mais est incapable de se souvenir de leurs visages. Quelques images de leur maison dont elle ne sait si elles sont réelles ou inventés viennent compléter le maigre tableau de ses souvenirs. Elle ignore ce qu'ils sont advenus d'eux, s'ils sont vivants ou si elle a des frères et sœurs. Elle-même esclave depuis l'âge de cinq ans, elle assume que ses parents ont subis le même sort, mais sans certitude. Ne sachant pas trop ce qu'elle veut, elle ne cherche plus vraiment à avoir des informations sur le sujet. Parfois, elle s'imagine des retrouvailles sans parvenir à s'impliquer émotionnellement dans cette projection. Au fond, elle aime sa vie actuelle et dans celle-ci, ses parents ne sont que des inconnus.

Ce dont elle se souvient bien, en revanche, c'est de la villa incroyablement luxueuse où elle a servi pour la première fois. Il n'y a pas beaucoup de tâches qu'on peut faire faire à une enfant de cinq ans, alors elle avait été achetée dans le but de servir de compagnon à la riche fille du propriétaire. En réalité, son statut se situait plus entre l'animal de compagnie et le souffre-douleur. Si elle se rappelait bien de son émerveillement la première fois qu'elle avait eu le droit de mettre les pieds dans l'immense salle de jeu de Priscilla, elle avait rapidement déchanté en comprenant le caractère de la petite fille. Non seulement, elle n'avait rien le droit de toucher, mais en plus, elle se faisait littéralement brutaliser par le mini-tyran. Une seule tentative de défense de sa part s'étant soldé par une mauvaise punition, elle avait très vite compris quel était son rôle. Elle n'avait pas été spécialement malheureuse d'avoir été revendue lorsque la gamine en avait eu marre d'elle.

Néanmoins, elle avait mis du temps à s'habituer à la vie à bord de la corvette trinitaire. Quand bien même elle était martyrisée dans la villa, il y avait un certain confort que la vie dans l'espace ne permettait pas. Les douches journalières, les vêtements neufs et l'absence de corvée étaient un luxe qu'elle n'avait soudainement plus. Principalement, elle était surtout chargée des corvées de cuisine, de servir les plats et de faire le ménage, ce qu'elle faisait sans broncher, ayant compris que la clef de sa tranquillité résidait dans sa capacité à passer inaperçue. Ce qui marcha pas trop mal jusqu'à ce jour où elle était en train de nettoyer les couloirs. Un espèce de grand moustachu, qui la mettait plutôt mal à l'aise, la héla et lui demanda de s'approcher. Le type, qui sortait visiblement tout juste la tête d'une trappe peu encourageante, lui prit les mains avec autorité, à la plus grande perplexité de Ren. Puis, enchaîna une série d'instructions très précises sur ce qu'il attendait d'elle. Concrètement, elle devait rebrancher les fils
qu'il n'arrivait pas à atteindre avec ces grandes paluches.

Ce n'est qu'après qu'il lui fit faire toutes les trappes du couloir qu'elle ne put retourner à son ménage. Le lendemain, elle se voyait réaffecté dans l'ingénierie des systèmes de bord grâce à celui qu'elle découvrira s’appeler Bob. A la longue, il finit par la prendre un peu en pitié et voyant qu'elle s'intéressait à ce qu'il faisait, il commença à lui enseigner des choses tout en lui confiant des tâches de plus en plus complexes. Ren se surprend à aimer ça, un peu parce que ça l'intéresse, mais aussi parce qu'elle se sent bien plus utile qu'à éplucher des légumes en cuisine. Même si elle reste traitée comme une esclave, il n'empêche que sa situation s'améliore.

Mais ce qui fait vraiment la différence, c'est la capture de la corvette trinitaire par l'Albatros. Bien évidemment, Ren avait déjà entendue les nombreuses histoires qui circulaient à propos des corsaires ou pire, des pirates, mais il s'avère que la réalité était différente de la fiction. La capitaine, une certaine Hannabeth Alavarez, laisse alors aux esclaves de rejoindre son équipage ou de les laisser dans le premier port abordé. Mais Ren n'a pas envie de redevenir une esclave, pas plus qu'elle ne serait quoi faire ou aller si elle se retrouvait seule dans un endroit inconnu... alors elle finit par accepter la proposition de joindre l'Albatros, sans savoir si sa décision est définitive. Il ne lui prend finalement pas longtemps pour s'intégrer dans l'équipage et qu'ils deviennent ce qu'elle a de plus proche d'une famille.

Elle trouve rapidement son utilité et sa vocation à bord en rejoignant l'équipe de hackers tout en continuant de bidouiller des petits trucs électroniques avec les pièces qu'elle arrive à dénicher dans les ports ou à recycler. Ayant aussi plus librement accès aux réseaux, elle commence à s'intéresser à sa culture et au monde, en harcelant de questions les voyageurs de passage. C'est d'ailleurs l'une des passagères régulières de l'Albatros qui finit par lui offrir un bébé kihìtui, contre promesse de bon soin.