Big bada...boum

Elle ne le tient pas. Il n'a ni laisse, ni collier... C'est un petit singe libre. Qui s'est posé naturellement sur ses genoux croisés. Et qui a terminé son fruit avec une assiduité toute particulière à ne laisser aucun morceau de pulpe lui échapper.

" T'entends le monsieur ? Sois sage, garnement "

Il crie doucement son mécontentement, le petit chenapan, mais une caresse du bout des doigts de Ni'oh vient attirer son attention sur eux et il commence à jouer avec, cherchant sans doute un morceau de fruit supplémentaire sous ses ongles.

" Il était dans une cargaison que nous avons... trouvée. " Elle se rappelle au dernier moment qu'elle n'a aucun témoin à charge qui lui témoigne que l'homme dit bien qui il est être...  " L'équipage voulait le manger, mais il était trop jeune, et sans sa mère. Alors il s'est accroché à moi. Les animaux m'aiment bien en général. "

La jeune femme dit quelques mots en mo'at que le Capitaine ignore, mangeant sa soupe avec l'appétit d'un homme qui a...faim. un morceau de pain dans une main, une cuillère dans l'autre, il ne donne aucun indice d'une quelconque compréhension et ne lève la tête que lorsque le standard résonne à nouveau.

"Je ne crois pas que le singe soit éminemment comestible. Je pense que l'équipage plaisantait." Autant asservir les animaux allait contre ses principes, autant tuer un petit et le manger lorsque ce n'était pas nécessaire ne lui plaisait pas plus. Cela faisait beaucoup de désordre pour peu de résultat. "Mais vous avez bien fait. Le Capitaine Stackborn n'a pas fait d'objection je présume ?" Sinon, le singe ne serait pas là.

Ses fins doigts pâles jouent avec Srätx, qui finira par blottir sa petite tête dans la main de la mo'at en mâchouillant son petit doigt tranquillement, sans doute fatigué de ses péripéties de la soirée. Ni'oh elle, continue de remuer la paille de son cocktail en essayant de comprendre les réactions de son interlocuteur étrange.

" Sans doute qu'ils plaisantaient, oui. " Qu'elle concède tranquillement, ne pensant pas réellement que l'équipage du Liberty soit capable de tuer de petite bestiole innocente. Même s'il y a des pirates gros durs dedans. Le Capitaine ne laisserait pas faire. " Non, il n'a pas fait d'objection. Il était trop jeune pour être relâché de toute façon... Je ne connais pas les singes en liberté mais je doute qu'il puisse survivre sur Mo'tanui seul. "

Il ne connaît pas non plus les singes en liberté. Peut-être s'adoptent-ils et le petit aurait eu une chance de survie, peut-être pas, peut-être aurait-il réussi seul à s'adapter, peut-être pas. La survie d'un bébé singe n'était pas vraiment d'une importance capitale aux yeux du Capitaine. Le plus probable était de toute façon que la jeune femme avait eu une bouffée d'instinct maternel ou quoi qu'on puisse nommer cette pulsion des jeunes femmes à vouloir protéger ce qui était petit et vulnérable.

« Je ne saurais pas vous dire. Ce qui est certain c'est qu'il en serait à présent incapable même s'il semble assez intelligent pour survivre en milieu urbain au besoin. »

Ses paroles elles-mêmes sont mystérieuses. Est-ce qu'il adhère ou non ? Est-ce que ça le contrarie de voir un singe à sa table ou non ? Sa voix est neutre. Son expression... elle l'ignore mais elle l'imagine neutre. Il n'a pas de mouvement assez prononcé pour qu'elle réussisse à deviner ce que veulent dire les bruits qu'elle peut entendre de lui. Il mange. Et discute tranquillement. Comme si tout l'indifférait dans cette conversation.

" Vous avez des animaux de compagnie à bord de l'Iceberg, Capitaine ? "

Il ne faut pas croire qu'elle apprécie spécialement la présence des animaux sur le Liberty. Pour elle aussi, les animaux doivent vivre libre. Dans la nature, c'est mieux. Mais tant que l'animal n'a aucune contrainte et qu'il est capable de s'adapter, lie un véritable lien avec un humain comme ceux du Liberty, elle n'a pas vraiment de problème avec ça.

« Pas beaucoup. Je crois qu'en ce moment je n'ai qu'un mousse avec Tawtute. Il y avait un membre d'équipage qui avait un Kao de combat mais il en a rapidement eu assez de ramasser ses déjections, d'autant plus qu'il n'avait pas le droit de le faire combattre pour le sport aussi n'est-il pas resté. Je n'encourage pas les animaux sur l'Iceberg, ce n'est pas leur place, mais je ne les interdit pas non plus. »

Simplement aucun officier n'en avait et il était facile de voir tous les inconvénients d'un animal dans un lieu aussi fermé qu'un vaisseau spatial, surtout un aussi propre que pouvait l'être l'Iceberg. Après, si quelqu'un de doué se présentait déjà lié à une bête, il n'était pas stupide au point de passer à côté d'une telle opportunité.

« Un animal dans un vaisseau spatial ne peut être que d'une utilité très limitée et utilise de l'oxygène et de la nourriture qui pourrait être utile à l'équipage. Sa nature animal le portant à souiller les ponts, et l'ennui et l'enfermement pouvant le pousser à bout. Je pense qu'ils sont bien plus heureux sur des planètes soumises à la gravité et où ils peuvent s'ébattre dans un milieu moins hostile. »

Elle prendra quelques gorgées de son cocktail, pendant qu'il expose les faits et le mode de fonctionnement sur son vaisseau. L'Iceberg. Pour un Capitaine à la voix froide et sans aucune émotion... Elle ne connait pas vraiment les Iceberg. Elle n'a jamais vu la mer sur Motanui mais on lui a expliqué ce que c'était. Et... Ca lui va bien.

Elle tique néanmoins au "moins hostile".

" Les animaux sont capables de beaucoup d'adaptation au niveau de leur environnement... Vous êtes déjà allé sur Renaissance, Capitaine ? Je veux dire... Pas dans les villes ? "

Parce que les forêts de Motanui, sont bien plus hostiles que les vaisseaux, à son humble avis...

"Pas souvent." avoue-t-il pas surpris qu'elle amène le sujet. "Les forêts de Motuani sont hostiles à l'homme mais pour les animaux qui y vivent, elles sont leur habitat naturel." Il serait facile de rétorquer qu'elles sont aussi l'habitat naturel des mo'at mais ça, Jaziel n'y crois pas trop. Il a une autre théorie sur l'être humain en général qui est, de fait, au dessus des animaux.

Hostiles à l'homme, mais pas aux animaux ? Ni'oh fronce un peu les sourcils, chose qu'elle ne fait pas souvent, et inutile, d'ailleurs, étant donné que les mouvements du haut de son visage sont cachés par le bandeau noir, trop épais pour laisser voir ce genre de détail.

" C'est pour cela que les colons préfèrent les détruire qu'essayer d'y vivre ? " Qu'elle demande, avec une moue. Pas vraiment en colère, parce que ce n'est pas lui qui en est la cause, mais sans doute qu'il y a bel et bien une colère sous jacente dirigée vers quelqu'un ou quelque chose dans le fond de sa question.

Les colons se croient au dessus de Calypso à détruire ce qui ne leur appartient pas et en se prenant pour des dieux à créer des choses qui ne sont ni belles ni harmonieuses. Et ça, ça la met en rogne.

« Je ne peux pas parler pour les colons. » Il n'était en effet ni Trinitaire ni de ces gens qui avaient vu en Renaissance une beauté sauvage à domestiquer. Il aurait passé sa vie sur Tyrion sans l'ombre d'un regret. Pour lui, Dorado, c'était toujours le système de l'exil. Il y a des blessures qui ne guérissent pas.

« Ce que je peux dire c'est que les hommes en groupe ont le réflexe de modifier leur environnement. Il suffit de voir cet astroport par exemple qui est terraformé pour notre propre bien être. Même s'il y avait eu ici de la vie adaptée à l'environnement, il est peu probable que cela ait changé quoi que ce soit. » Il reprend de sa soupe, parce qu'elle est bonne et que contrairement à son interlocutrice, il philosophie sans émotion de sujets qui ne le touchent pas.

« Si les mo'at avaient la technologie, est-ce qu'ils seraient vraiment différents ? Si les villages pouvaient être plus confortables et plus protégés en échange de quelques arbres par exemple ? Je pose sincèrement la question, je connais mal cette culture. »

La question est légitime et elle ne fait pas - trop - grincer les dents de la petite mo'at. Si les mo'ats avaient eu la technologie ? La possibilité de faire ce que les colons faisaient ? Est-ce que ça aurait changé leur peuple ? Elle pense néanmoins, que la question sort généralement de leur bouche pour se dédouaner de leur... irrespect envers leur environnement. Plutôt que de penser sincèrement qu'ils peuvent en être capables. Ou bien c'est juste qu'ils ne les connaissent pas. Aucune des factions, à ce qu'elle sache, n'a jamais vraiment pris la peine à s'intéresser de près aux mo'ats. Non pas que les mo'ats aient envie qu'ils les approchent en général, vu leur passif et présent avec l'une des factions en question...

" Les mo'ats sont un peuple extrêmement ancrés dans leurs traditions. Notre croyance en Calypso et notre profond respect pour tout ce qu'elle crée et fait prospérer sur Mo'tanui. Je doute... Je me trompe peut-être, mais je doute que même avec votre technologie et vos connaissances, ils viendraient à détruire ce qu'ils vénèrent et protègent. Ce serait renier la Déesse. Et toutes les traditions ancestrales. "

La voix n'est pas dénué d'émotion, mais elle n'est pas haute en décibels non plus. Au moins, le ton calme de l'homme force à rester sur un ton calme elle aussi. Tant mieux. Il n'y a pas lieu de se disputer, et c'est bien la dernière chose qu'elle souhaite avec le Capitaine de l'Iceberg.

« Alors votre peuple est plus sage que le notre. » Fait-il sans remettre une seconde en question les certitudes de la jeune femme. D'abord parce que ça serait l'antagoniser sans vraie raison, ensuite parce qu'il est conscient de ses lacunes en culture autochtone malgré un travail régulier pour les apprendre et les comprendre au mieux. Malgré tout, il n'est pas certain de ce qu'elle avance. Il est sûr qu'elle y croie mais si les trois factions ont réagit de la même façon sur leurs système d'origine, détruisant les équilibres naturels pour faire exactement pareil sur Dorado, sans apprendre, alors c'est qu'il faut bien que ce soit un comportement profondément humain. Et il n'est pas de ceux qui pensent les mo'at plus animaux qu'humain.

« Ainsi, c'est votre religion qui vous inspire le respect de la nature et de l'écho-système ? Veuillez me pardonner si mon « vous » global vous heurte, il n'est là que pour simplifier la discussion. »

Sage ? Peut-être. Peut-être pas. Elle ne sait pas comment juger ça. Ce sont des concepts purement colons. Les Anciens des Clans sont sages. Les chefs aussi. Le peuple ? Elle suppose que oui...

Elle reprend quelques gorgées de son cocktails en l'écoutant parler. Poser sa question. Pourquoi le " vous " la heurterait ?... Peut-être parce qu'il sait qu'elle ne fait plus partie de ce " vous " ? Elle est toujours mo'at, en réalité. Elle n'a juste plus de clan...

" Votre "vous" ne me heurte pas... Et je suppose qu'on peut dire ça, oui. Notre religion a forgé nos traditions, et nos traditions sont transmises de génération en génération. Et de clan en clan. "

Comme les traditions impériales se transmettaient de Familles en Familles, chaque génération rajoutant les siennes, les serviteurs copiant les maîtres et, qui sait, les plus loyaux formant comme des clans peut-être ? Il savait que ses parents avaient été loyaux au groupe de Famille qu'ils avaient formé. Lui-même avait jugé cette fidélité stupide, le prix était trop cher pour les bénéfices escomptés. Il avait eu raison finalement. Sa cuillère racla le fond de son assiette et il l'essuya avec du pain.

« Je vous remercie pour votre compagnie. J'ai terminé mon plat et vous libère donc de votre promesse. Vous l'avez tenue honorablement. »

C'était une façon de dire au revoir mais sans le dire car il voulait savoir à présent si la discussion l'intéressait assez pour qu'elle tente de la relancer de son plein gré ou si elle allait saisir cette perche là et se sauver loin de lui comme elle s'était refusée à le faire pendant qu'il se changeait.

Elle termine doucement son cocktail, avant de relever la tête vers le Capitaine. L'arrêt de la conversation est assez soudain. Aurait-elle dit quelque chose de vexant ? Elle ne le croit pas. Elle penche un peu la tête de côté. Peut-être qu'il ne veut tout simplement pas en savoir plus sur les mo'ats ?

" Vraiment ? "

Elle réfléchit... Elle peut partir... Et pourtant, elle a l'impression que... c'est un test ?

" Pourquoi le " vous " m'aurait-il heurté, d'après vous, Capitaine ? "

Vraiment. Il est parfaitement sérieux. La peine ne s'étendait que pour le temps du repas et celui-ci est terminé. Il pourrait retourner le handicap de Ni'oh à son avantage, bien évidemment, et ce n'est pas le genre de chose qui le retiendrait s'il en avait un jour le besoin mais le faire sans raison serait contre-productif et risquerait de mettre à mal les bonnes relations entre deux vaisseaux. Il ne tient pas à sa compagnie à ce point. Elle est maintenant libre de rester ou de partir, comme elle le souhaite et ce choix sera intéressant à noter de toutes les façons.

Elle reste.

Bien.

Et elle relance d'une question. Parfait.

« Vous vous êtes présentée comme Ni'oh du Liberty. Vous n'avez pas de nom de clan mais vous avez pris celui de votre vaisseau. J'en ai déduit que vous considériez ce vaisseau comme votre nouvelle patrie et vous auriez donc pu être offensée de ce que je vous amalgame avec un peuple que vous avez peut-être renié ou qui vous aurait renié ou bien encore qui vous rappelle de mauvais souvenirs que vous préfèreriez oublier. Ma question était de pure curiosité intellectuelle et il aurait été... » il s'interrompt une respiration pour trouver le mot approprié « dommageable que vous en preniez ombrage. »

Quelques mèches de cheveux blancs chatouillent son nez lorsqu'elle penche de nouveau la tête vers la droite, écoutant avec attention les paroles du Capitaine de Nieves. Des paroles sensées. Des paroles intelligentes. Les paroles d'un homme qui semble savoir détailler ce que cachent ses propres mots. Elle se demande un instant s'il doute de sa fonction à bord ou du fait qu'elle cache sa réelle affectation. Mais les envahisseurs de Dorado ne sont pas encore connus pour réussir à lire dans les pensées.

Son visage reste fermé pour le moment, ses lèvres ne bougent pas, alors qu'elle analyse les mots du Capitaine glaçon. Elle a l'impression qu'il n'est pas à prendre à la légère, malgré sa voix dénuée de sentiments et son ton sans tonalité. Ou plutôt, justement, à cause de sa voix et de son ton ?... Elle devrait sans doute partir.

" Je vois. " Enfin, non, elle ne voit pas. C'est une expression de langage. D'un langage qui n'est pas celui de sa naissance. " Vous déduisez bien, Cap'taine. Mais soyez rassuré, que j'aie renié ou ait été reniée, je n'en reste pas moins mo'at et je n'en ai pas pris ombrage. "

Il la regarde l'écouter. Elle a l'air attentive, pour autant qu'il puisse en juger avec le bandeau qui lui cache la moitié du visage . 40 ans à étudier les gens lui ont permis de voir les changement dans leur physionomie mais toujours pas de comprendre les véritables raisons derrière ces changements. Les émotions d'autrui lui échappent aussi souvent que les siennes. Elle semble fermée. Mais elle n'est toujours pas partie.

« Considérez moi rassuré. » répond-il donc simplement avec la même absence de ton qu'auparavant. Il n'avait jamais été inquiet. S'il aurait vraiment été dommageable qu'elle prenne la mouche, il n'allait pas jusqu'à s'en inquiéter. Il jouait sa partie avec les pions qu'il avait, se sachant assez intelligent à la fois pour anticiper certains coups et s'adapter à l'inattendu.

Il est rassuré. Bien. Bien... Elle reste perplexe un instant mais... soit. Doucement, elle se redresse, garde Srätx dans ses bras, s'engageant pour se lever.

" Merci pour votre compagnie, Cap'taine " Oh, non, elle a tout à fait conscience d'y avoir été forcée, mais elle est néanmoins polie et respectueuse de son rang. " J'ai déjà payé notre repas lorsqu'il est arrivé. Je m'excuse une nouvelle fois pour le désagrément, et votre chemise. "

Elle espère ne pas avoir fait trop d'impairs. Mais c'est trop difficile de savoir, avec cette voix sans ton... C'est comme s'il était mort, au fond. Et ça lui fait froid dans le dos.

" Je vous souhaite une bonne fin de soirée "

« Nio'bhan » répond-il poliment lorsqu'elle commence à prendre congé mais sans lui proposer d'aide, considérant que quelqu'un qui refuse d'être aidée par la technologie refusera d'autant plus une aide non amicale. Il hoche la tête. Il ne lui avait pas demandé de payer sa soupe, cependant il ne refuse pas les gestes de bonne volonté lorsqu'ils sont librement proposés. Elle a payé le prix de sa maladresse, en ce qui le concerne, ils sont quitte et il ne voit pas l'intérêt de rester fâché des années pour quelques secondes d'inattention.

« Pareillement. Mes amitiés au Capitaine Stackborn. »

Ils sont peu nombreux à prononcer son prénom en entier. En général, elle-même évite, parce qu'elle n'aime pas et que si le monde peut l'appeler Ni'oh, c'est pas plus mal. Elle partage une moitié de prénom avec une soeur qu'elle préférerait voir morte, après tout... Enfin, peut-être pas " morte morte "...

Elle sourit doucement. Avant de le saluer d'un signe de tête tranquille qui fait voleter ses cheveux autour de son bandeau. Pour enfin s'éloigner en direction des hommes de son équipage. Laissant le Capitaine à la fin de sa soirée, s'il reste là.