Big bada...boum

Elle commençait à vraiment apprécier cette taverne, assez pour y accompagner quelques membres de son équipage, pour y boire un des cocktails ou manger un plat frais... Mais ils avaient fini par la laisser pour rejoindre le coin des fans de speedracer, et elle était tranquillement assise à essayer d'éduquer Srätx. Qui n'en faisait toujours qu'à sa tête. Il fallait les prendre jeune, pour le dressage, mais il semblait que les petits singes étaient des bestioles très têtues, d'après ses collègues du Liberty. Elle soupire quand le chenapan se sauve encore. En direction du bar.

Ca l'oblige à finir par se lever de son petit coin tranquille. Et à se diriger vers le bar. C'est peut-être l'occasion de discuter avec le barman. Enfin, si elle arrive jusque là. Traverser la foule présente à l'intérieur du Runny Amber est compliqué pour elle. Et elle se fera frôler, voire à moitié bousculer plusieurs fois, mais elle y est presque. Lorsque son pied rencontre le vide, et que son monde imaginaire qu'elle se faisait de la morphologie du Runny Amber s'écroule dans sa tête.

La marche. Elle a oublié cette foutue marche.

La chute n'est pas très spectaculaire. Voire pas du tout. Encore moins gracieuse. Elle tombe. Tout simplement. Et son coude cogne contre quelque chose au passage avant qu'elle ne termine face contre sol. Ce qui n'a rien d'agréable. C'est plutôt douloureux. Elle gronde un peu. Pitié, faite qu'elle n'ait pas bousculé un de ces gros lourds qui pensent que la seule façon de s'excuser c'est de coucher avec ou de se faire cogner violemment. En attendant, il faut qu'elle se relève et reprenne sa dignité. Heureusement, elle n'a pas mis de tunique aujourd'hui. Simple pantalon de cuir et chemise probablement blanche. Ou sombre.

Elle essaye donc de se redresser. Ses mains n'ont pas trop pris dans la chute mais son coude et sa cheville sont engourdies. L'adrénaline faisant fuir la douleur pour le moment.

Le fumet de la soupe du jour, mélange de têtes de crustacés, de bouquet garni, de patates douces et d'une bonne poignée d'épices diverses, monte tranquillement de l'assiette creuse. Un verre de vin blanc, pas pire qu'un autre, et quelques bouts de pain dans une corbeille complètent le repas.

Seul à sa table, aussi tranquille que s'il était assit à son bureau dans sa frégate, Jaziel lisait sur sa tablette plusieurs rapports de fond dont il n'avait pas eu le temps de s'occuper auparavant. Autour de lui le chaos de la Taverne ne semble pas le déranger. Le seul inconvénient de l'histoire étant cette marche, derrière lui, qui le faisait se sentir vulnérable.

C'est alors qu'un coup le frappe entre les deux omoplates, le faisant lâcher sa tablette qui tombe dans sa soupe avec un grand bruit de vaisselle dérangée. Sous le choc, le verre de vin se renversa également et, en quelques secondes, le très propre Jaziel de Nieves se retrouva debout, sa chemise blanche aspergée de tâches plus ou moins artistiques de bisque à la patate douce dont les particules se retrouvaient jusque sur ses cheveux. Une énorme tâche orange, comme un sang étrange, imprégnait le tissu au niveau de son cœur et commençait à s'étendre.

Le coeur battant - si ça avait un couteau il ne serait peut-être plus de ce monde - le Capitaine jeta un regard glacial à la silhouette noire à plat ventre sur le sol devant lui. Autour d'eux, le silence s'était fait.

Le silence se fait autour d'eux, et malgré sa cécité, elle sent que sa chute n'a pas été sans témoins et que tout le monde attend le dénouement maintenant. Par Calypso, ce qu'elle peut être idiote, parfois ! Une marche. Une foutue simple marche. C'est dans ces moments là qu'elle se rappelle des paroles de son Capitaine, de prendre un implant cybernétique... Pour éviter ce genre de situation...

Lentement, elle se relève, d'abord sur les genoux, ensuite - en titubant un peu - sur ses deux jambes, se tournant vers celui qu'elle a bousculé. Il est silencieux... Elle espère qu'il n'est pas muet, lui, parce que sinon la communication risque d'être difficile... Et elle, elle a l'air de ne pas savoir quoi dire, sur le coup. Mais elle a un air totalement contrit sur le visage. La peau plus pâle que d'ordinaire, et ... pourquoi plus personne ne parle dans la salle ? Ils n'ont jamais vu quelqu'un tomber ?

" Je suis désolée de vous avoir bousculé, j'espère qu'il n'y a pas eu trop de mal... "

L'odeur de la soupe aux crustacés et du vin qui entoure l'homme ou la femme en face d'elle est lourde de sens... Mais elle attend de voir à quel genre de personne elle a à faire avant de continuer ses excuses.

Le silence autour d'eux ne fait qu'appuyer la froideur du Capitaine. Il sait qu'on les regarde et que beaucoup le jugeront sur les prochaines minutes. Les gouttes de soupe sont d'un inconfort total et s'il se préoccupait moins de sa prestance, il se serait déjà débarbouillé et entièrement changé. Il détestait être sale.

L'inconnu qui l'avait bousculé n'avait d'abord été qu'une silhouette noire à plat ventre sur le sol. Petit à petit, c'était devenu une femme, de petite taille, qui se relevait avec prudence. Des murmures naquirent à droite à gauche, se demandant si elle s'était fait mal. Il tourna ses yeux irités vers les sources de bruit qui se tarirent aussitôt. Elle termina de se relever - sans retomber, preuve qu'elle était bien en un seul morceau – puis se tourna vers lui. C'est alors qu'il comprit pourquoi elle ne s'était pas terrée sous le blizard de son regard.

Elle était aveugle.

Mais être handicapé – quoi qu'en pensaient certains assistés – n'excusait pas tout et il attendit encore, quelques fractions de secondes, que la jeune femme prenne la parole. Ce qu'elle fit. Avec des excuses, c'était déjà ça. Il laissa encore un léger silence, juste assez et répondit finalement.

« Il n'y a pas mort d'homme. » Sa voix, malgré sa neutralité de ton caractéristique, était aussi froide que ses yeux. « N'avez vous donc pas de cane pour vous prévenir des changements architecturaux ? » C'était clair. Il reconnaissait qu'elle n'avait pas voulu l'attaquer. Mais il n'excusait pas pour autant sa maladresse.

Le silence fut... Les regards ne se détournaient pas. Elle soupire intérieurement alors qu'elle tourne vaguement la tête comme pour déceler un bruit, quelque chose, l'oreille tournée un peu plus vers l'homme. Qui se met enfin à parler. La voix est froide. Elle filerait presque des frissons à charrier autant de glaçons. Elle suppose qu'il l'observe avec un regard équivalent. C'est parfois un avantage comme un inconvénient de ne pas avoir à soutenir ce genre de regard. Au moins elle ne tremble pas sur place comme une petite feuille. Elle est mal à l'aise, certes. Elle ignore comment se faire pardonner une telle chute. Il n'y a pas mort d'homme, mais sans doute de chemise. Au moins. Enfin, si c'est ce qu'il porte.

La question la surprend, cependant. Son visage prend une expression étonnée, d'ailleurs. Une canne ? Si ce n'est pas la première fois, ça doit faire longtemps qu'on ne lui a pas posé ce genre de question. Implant, ça revient très très souvent... Mais une canne ?

" Je crois que c'est bien la première fois que quelqu'un me propose d'utiliser une canne... " Qu'elle ne peut s'empêcher de répondre, perplexe. " ... Veuillez m'excuser. Je m'appelle Ni'oh. Qu'est-ce que je peux faire pour ... me faire excuser du meurtre de votre soupe et probablement d'une partie de vos vêtements ? "

S'il répond un truc indécent,... Ah non, c'est vrai, elle est au Runny Amber, elle n'aura que ses poings pour se défendre.

L'expressivité du visage de la jeune femme est impressionnante, comme si l'on lisait à livre ouvert sur son front. Ses mots suivent rapidement sa surprise. Lui sait pourquoi il a parlé de canne. Il comprend qu'on puisse ne pas vouloir se mutiler davantage, enfoncer des machines dans son système nerveux. C'est encore un de ses travers impériaux. Il aime rester de chair et de sang.Ce n'est pas qu'il méprise ceux qui s'implantent, c'est que si lui avait le choix, ce n'est pas celui qu'il ferait. Mais une canne ne coûte rien, ne change rien, et évite ce genre d'ennui.  Et elle s'excuse encore.

« Vous faire excuser ? »

Se faire excuser, curieux choix de mot, comme si elle n'avait pas su choisir entre s'excuser ou se faire pardonner. Se faire excuser. Il sent les regards des autres encore fixés sur eux alors que la surprise a fait fondre quelques glaçons dans sa voix pour la rendre juste inexpressive. Il repère certains hommes qui semblent se détendre soudain. La petite est protégée.

« Je ne veux pas que l'on vous fasse excuser, Ni'oh. » Il a veillé à prononcer son mot correctement malgré un accent mo'at assez mauvais, au moins ce sont les bons sons appuyés comme il faut. « Cette maladresse est la votre et votre responsabilité. N'y mêlons personne d'autre, voulez-vous ? C'est bien assez de gâchis comme ça. » La froideur est revenue. Le gâchis, il déteste presque autant ça que la saleté. « Que pensez-vous qu'il serait juste que vous m'offriez pour réparer votre erreur ? »

Son visage passe de la surprise à l'incompréhension. Pourquoi il reprend ses mots comme ça et les conjugue comme si... Mh. Oh... Ah zut. Il doit y avoir des hommes à Shepard dans le coin, en plus de ceux qu'elle accompagnait ce soir et qui sont sans doute toujours dans le coin des speed racers, occupés mais pas insouciants non plus...

" Non, non, je ne compte y mêler personne d'autre, Monsieur... " Qui n'a toujours pas donné son nom.

Elle réfléchit, pour le coup, ne sachant trop comment répondre à la question.

" Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? ... " Elle fait un effort pour vraiment ne mettre aucun sous entendu dans cette phrase. " Un nouveau repas, une nouvelle chemise ? Une... uh... Un verre de rhum ? "

C'est une façon étrange d'offrir un verre, mais bon... Si ça peut la faire pardonner. Ah ! Pardonner ! Pas excuser...

Elle ne s'est toujours pas enfuie et ne se cache pas derrière un protecteur quelconque. Mieux même, elle assure à voix haute vouloir affronter seule les conséquences de son acte. C'est bien. Mais cela ne change pas la froideur du regard du Capitaine. Il fixe toujours les agités dans le coin. Il est trop tôt pour se détendre. Finalement, ils semblent se calmer et reprendre leurs affaires. Ils lancent bien des coups d'oeil régulier mais la menace n'est plus là et Jaziel peut retourner son attention sur la jeune femme et ses propositions.

« J'avais pris une soupe du jour et un verre de vin blanc. » annonce-t-il sans la moindre émotion dans la voix. Il n'a pas cherché à la rouler et à lui faire commander les plats les plus chers. Il n'est ni stupide ni fondamentalement mauvais. Il reprend. « Et comme votre maladresse a noyé la tablette qui était censée me tenir compagnie, j'attends que vous fassiez de même durant mon repas. Cela vous convient-il ? »

Il aurait pu demander le remboursement de la tablette en question mais, en réalité, il s'en moque. Il fait signe à une serveuse de venir débarrasser la table et à un gamin qui traîne de venir le rejoindre. Il lui met une pièce dans la main. « Va à l'Iceberg et demande à l'intendance une chemise de rechange de la réserve du Capitaine. Ne te fait pas suivre par l'intendante. Ne répond à aucune autre question. Tu as le double qui t'attend au retour. »

Intérieurement, elle soupire. Elle s'attend à un gros lourd, qui lui demanderait des choses qu'elle ne peut pas offrir. Enfin... Techniquement, si, elle n'a aucun problème pour offrir des choses à un homme, mais pas à un crétin inconnu qui sent le poisson et le vin à présent. L'odeur a tendance a la dégoûter un peu avant de... Enfin, bref. Elle a encore une fois mal tourné sa phrase et elle attend avec suspens qu'il lui répondre... Hein ?

Elle n'a pas l'air de comprendre tout de suite. Elle penche de nouveau la tête en réfléchissant à ce que tout cela peut bien vouloir dire, de remplacer une tablette. Elle n'en utilise pas, même si elle sait que les gens regardent des trucs dessus. La suite la fige un peu avant qu'elle ait le temps de poser sa question. Iceberg ? Capitaine ? ... Sa bouche s'ouvre... un peu bêtement. Et se referme ensuite. Tout aussi bêtement.

" Oh. Euh. Bien. Cap'taine. " Elle se reprend. " Comment puis-je vous tenir compagnie en remplacement de votre tablette ? "

Il regarde le gamin partir en courant, inconscient de la difficulté de la mission qui lui a été confiée. Refuser quelque chose à Seik'el n'est pas sans risque, quand bien même elle ne ferait jamais de mal à l'innocence d'un enfant. Entre eux, quelqu'un emporte la tablette, la nappe et les couverts renversés. En moins de quelques minutes, tout redevient propre. Tout sauf lui, condamné à attendre dans la bisque. Sur l'Iceberg, il se serait autorisé un soupir. Pas ici. Il se rassied simplement, reportant son attention sur la jeune femme qui a l'air perdue mais qui a quand même l'intelligence d'avoir écouté ce qu'il a dit au petit et d'en avoir tiré des conclusions. Bien. Bon point pour elle.

« Vous me ferez la discussion voilà tout. Si vous voulez en profiter pour prendre un verre ou un repas, cela vous regarde. Vous pouvez par exemple commencer à me dire de quel équipage vous êtes, quelle était l'urgence qui vous a fait rater cette marche ou encore pourquoi vous n'aviez ni cane, ni guide.  Vous avez une chaise à votre droite, à longueur de bras à peu près. »

Pour l'équipage, c'est un pari, mais vu le groupe prêt à prendre sa défense, il est assez sûr de lui. Cependant, les bonnes manières reviennent le taquiner, lui répétant qu'il est très impoli d'exiger que l'autre se dévoile lorsque l'on ne s'est pas présenté. Sa voix est plus inexpressive que menaçante à présent.

« Je suis Jaziel de Nieves, Capitaine de l'Iceberg. »

J'entends le gamin prendre ses jambes à son cou pour satisfaire la demande de l'homme qui vient de lui donner une pièce. J'ignore de combien, mais ça a l'air assez pour qu'il ne pose pas de questions... Soit l'homme est connu, soit il inspire confiance... Ou bien c'est plutôt la froideur qui émane de sa voix qui l'a convaincu. Intérieurement, je ne peux pas m'empêcher de soupirer. Qu'ai-je encore dit pour contrarier Calypso pour me retrouver dans cette situation, à bousculer le Capitaine De Nieves ? Enfin, il ne s'est pas encore présenté, mais j'ai déjà entendu son nom.

J'attrape la chaise suite à ses indications, et m'installe tranquillement. J'ai perdu la trace de Srätx de toute façon. Et ce que j'ai entendu sur lui me rend assez curieuse pour ne pas relever sa façon de parleren sous-entendant des ordres. S'il y a une chose que j'ai apprise sur le Liberty, c'est bien que je suis libre. Quoi qu'il dise.

" Enchantée, Capitaine de Nieves. Je suis Ni'oh, du Liberty. " Pas de titre. J'ignore si mon Capitaine lui a déjà parlé de moi, ou du fait que je sois mystique. Et je n'aime pas dévoiler ce détail à un inconnu. " Et je... courrais après mon capucin, qui s'est sauvé vers le bar tout à l'heure. "

A l'idée, je tends un peu l'oreille. Mais où qu'il soit parti, il n'a pas encore fait de scandale.

" Et je n'ai pas besoin de cane ou de guide "

Ni'oh du Liberty, donc. Depuis le temps, il sait parfaitement qu'une mo'at se présente habituellement avec le nom de son clan voire, pour des présentations officielles,celui de son père et de sa mère. Il sait aussi qu'il est malvenu d'insister lorsqu'il ne le font pas. Elle semble considérer le vaisseau comme sa famille. Il n'empêche que le Liberty est un navire allié et qu'il comprend rapidement qu'ils ne sont pas passés loin de l'incident diplomatique. Conrad a beau dire, il est aussi possessif envers ses membres d'équipage que n'importe quel bon capitaine et il a plus d'honneur qu'il veut bien se l'avouer. Il lève les yeux et balaye la salle du regard, froidement, en silence.

« Je le vois. Il est en train de mendier un fruit au barman près du bar. Celui-ci refuse mais semble bien le prendre. »

Un singe. Il était au courant du Caly qui suivait partout le Capitaine – beaucoup de mo'at grommelait contre cet état de fait – mais un singe...pour quelqu'un qui prônait la liberté comme Stackborn, il y avait beaucoup d'animaux emprisonnés dans son vaisseau. Cela ne le regardait pas cependant. On remet une nappe sur la table et des couverts mais il faut attendre pour la nouvelle assiette de soupe. En attendant, il continue à puer la bisque et cela l'agace. Il hèle une serveuse. « Faites moi apporter un flacon de parfum de l'hôtel, peu importe lequel. » Elle s'éclipse.

« C'est donc que cela vous amuse de tomber sur les gens »

Il ne tique pas. Ni sur son nom incomplet, ni sur le manque de titre. Il a certainement compris. Ou bien il n'est pas familier des coutumes mo'at. Ou bien il s'en fiche. Elle n'est là que pour le distraire. Vu sa froideur, peut être qu'il ne s'intéresse qu'à lui. Elle a dû mal à étudier ses réactions, avec sa voix totalement dénuée d'émotions. Dans un sens, ça la met mal à l'aise. Plus mal à l'aise que d'ordinaire lorsqu'elle parle à un inconnu dont elle ignore les réactions et le caractère.

Plutôt que de renchérir, il lui donne des nouvelles de Sratx. C'est... Attentionné. Elle tend un peu l'oreille vers le bar mais il y a trop de gens autour pour entendre quoi que ce soit d'intéressant.

" Merci, Cap'taine. Le barman, pour le moment, s'agit-il du patron ? " Elle sait qu'il partage ses quarts avec un autre. Également pour la cuisine. Mais si c'est Cathwulf, elle n'a pas trop de soucis à se faire pour le capucin.

Elle se retient de grimacer à la mention du parfum. Elle ne commande rien d'autre qu'un cocktail sans alcool aux baies d'Ukeu pour sa part.

" Non... Non, ça ne m'amuse pas. C'est plutôt douloureux, j'essaye d'éviter le plus possible ce genre de chose, Cap'taine. "

Il pourrait rétorquer froidement qu'il n'est pas là pour apaiser les état-d'âmes de la jeune femme. N'était l'honnêteté qui le forçait à reconnaître qu'il était celui qui avait amené la discussion sur le tapis et qu'il ne pouvait en conséquences s'en prendre qu'à lui-même. Il jeta un coup d'oeil au barman en question. Grand, roux, barbu. L'autre était plus petit, brun avec un cache-oeil.

« Oui. »

Il espérait que la brièveté de sa réponse et le ton froid avec laquelle il l'avait faite suffirait à clore le chapitre du singe. Un Singe. Jaziel n'avait rien contre les animaux, vivants ou dans son assiette mais il avait cette conviction profonde que leur place n'était pas dans un lieu clos mais dehors où ils n'ennuyaient personne.

« Si vous cherchiez à l'éviter, vous feriez ce qu'il faut pour que cela n'arrive pas. Je ne sais pas à quoi pense votre Capitaine. Je comprends qu'on puisse ne pas vouloir d'implants mais un guide ou une canne sont des outils et il est contre-productif de ne pas se servir des outils à notre disposition. Refuseriez vous une fourchette pour manger ? »

La serveuse arrive alors, avec un petit flacon de parfum. L'odeur est musquée et sucrée et il est écrit « compliments de l'hôtel » dessus, sur un papier carré que le Capitaine saisit aussitôt. Il se met deux petites touches de fragrance sous le cou et commence immédiatement à plier la feuille pour en faire un singe capucin suspendu à une liane qu'il fera par la suite.

Vu le ton et la chaleur de la réponse, elle suppose qu'elle peut s'estimer heureuse qu'il ait daigné répondre à sa question... Enfin, elle est rassurée si Srätx est avec Cathwulf. Elle ne voudrait pas qu'il y ait de problème avec son capucin chapardeur. Elle veut bien clore le sujet s'il n'aime pas l'idée des animaux. Ou pour elle ne sait quelle raison ce sujet là ne semble pas lui plaire...

Il préfère lui donne une cane, apparemment.

Elle se contente de sourire doucement. Elle a déjà entendu pas mal d'arguments pour l'aider à supporter son... " handicap ". Qu'ils appellent ça comme ils veulent. Elle ne portera pas d'implant, elle ne se baladera pas avec une cane, si ce n'est pour leur taper dans les mollets...

" Tout dépend du repas, Cap'taine. " Qu'elle répond tranquillement. Avant de froncer un peu du nez, lorsque le parfum sera dévoilé.

L'odeur de la bisque et du parfum musqué vient lui tirailler les narines. Pas au point de lui retourner l'estomac, mais assez pour la déranger une seconde. Elle se reprend vite, mais pas assez pour que ça soit invisible malheureusement.

" J'aurais attendu de recevoir votre chemise propre, si j'avais été vous, Cap'taine... " Elle n'est pas lui, heureusement. Et il n'est pas SON Capitaine, alors ça fait bizarre de lui donner du Capitaine. Mais c'est ce qu'il faut faire avec les Capitaines. D'après le bon sens pirate.

Qu'elle n'apprécie pas l'odeur du parfum ne soucis aucunement le Capitaine qui n'oublie pas que la jeune femme n'est là que pour lui tenir compagnie à lui. Il n'a jamais prétendu être agréable et lui préfère ça à l'odeur de bisque qui lui monte au nez depuis tout à l'heure. Indifférent il ne fait donc pas de remarque, laissant tomber le sujet de la canne. Elle n'en veut clairement pas, elle ne veut donc pas éviter les ennuis et se donner les moyens de surmonter sa peine, tant pis pour elle, elle continuera à subir les conséquences de ces choix jusqu'au jour où ceux-ci lui tomberont dessus à un moment où ses camarades sont occupés ailleurs. Il connaît l'importance que le Capitaine Stackborn accorde à l'illusion de liberté. La liberté de faire n'importe quoi et de se pourrir l'existence en est une. Celle de se complaire dans son malheur et son handicap aussi. Lui, n'accepte pas vraiment ce genre de comportement dans son vaisseau. Ses subordonnés le savent. L'on attend d'eux qu'ils utilisent tous les moyens pour s'approcher au plus près de l'excellence. Et si ça ne leur convient pas, ils ont la liberté de partir.

« Elle n'arrivera pas tout de suite. Mon intendante n'est pas du genre à accepter qu'on ne réponde pas à ses questions sans rendre les armes. Mais j'ai confiance, le gamin saura bien la semer. »

Surtout s'il s'agit d'avoir la même somme au retour.

« Quelle est ta place sur le Liberty, Ni'oh ? »

Si elle voulait paraître impolie, elle soupirerait. Mais elle se contente de pencher doucement la tête de côté, de croiser ses jolies petites jambes (pour soulager un peu sa cheville en partie foulée dans la chute), et d'attendre qu'il réponde à quelque chose. Une main joue avec la nappe, sans vraiment la froisser, mais simplement comme si elle en appréciait le toucher sous ses doigts.

" Vous avez l'air d'avoir une intendante très professionnelle. " En vérité, elle n'en sait fichtre rien. Mais elle plaint le pauvre gamin. Dans sa jeunesse à elle, elle n'a jamais dû effectuer ce genre de besogne pour quelques pièces. C'est pas le genre Mo'at.

Sa question suivante la rend pensive une seconde cela dit. Quel poste ? ... Il n'inspire pas vraiment confiance, de prime abord, même si le Capitaine Stackborn n'a jamais rien dit de négatif sur lui, du moins en sa présence.

" Musicienne. " Qu'elle répond avant que son silence ne paraisse trop long pour être naturel.

« Vraiment ? » Le ton est poli et l'interrogation ne contient aucun doute sur la véracité des dires de sa compagne, simplement l'expression d'une vague surprise. Il savait bien qu'il n'était pas le seul Capitaine Pirate à offrir des divertissements musicaux à l'équipage, l'idée est trop bonne et trop facilement réalisable pour ne pas avoir été dans l'esprit de plusieurs personnes. Cela l'étonne cependant de Stackborn qu'il pensait plus pragmatique qu'esthète et pas du genre à gâcher une part de butin pour quelqu'un dont le seul but à bord est de meubler les silences. Il y a peut-être autre chose, peut-être est-ce de la pitié pour la jeune aveugle, peut-être n'a-t-il pas trouvé d'autre moyen de la mettre à contribution. Peut-être s'en veux-t-il de quelque chose. Il est tellement compliqué de deviner les raisons des actes d'émotion des autres. Il termine l'origami, le secoue un peu pour lui donner plus de volume.

« De quel instrument jouez vous ? Vous avez des compositeurs préférés ? »

" Cela vous étonne, Cap'taine ? "

Elle n'est pas sûre des émotions qu'elle entend. Soit il la prend pour une menteuse - il ne serait pas le seul... - soit il ne l'imaginait pas musicienne ? Elle réfléchit une seconde. Oui, c'est le bon mot. Musicienne. Elle ne s'est pas trompée cette fois.

" Je retiens mal les noms des compositeurs ... Même si j'aime beaucoup ce qu'ils font pour beaucoup. Les noms standards ont du mal à s'incruster dans ma tête. "

Et puis, à vrai dire, ce n'est pas sa priorité, de retenir le nom des gens qui ont fait les chansons qu'elle joue. Quand elle ne les compose pas elle même.

" Mais je joue du violon et de la guitare "

« Un peu. Je n'imaginais pas le Capitaine Stackborn mélomane au point de prévoir une part pour une personne entièrement dédiée à la musique même si je ne doute pas qu'il l'apprécie. »

Mais après tout ce ne sont pas ses affaires et il s'arrête à un étonnement poli. Il ne peut pas non plus faire l'indifférent et le blasé durant toute la discussion ou celle-ci s'arrêterait vite. Il est déçu cependant qu'elle ne prenne pas la peine de retenir les noms de ceux qui ont composé pour sa profession et le divertissement de l'équipage. Pour lui, c'est un manque de respect. Et, encore une fois, pas son problème. Il laisse passer et réfléchit à comment relancer la conversation. C'est à ce moment là qu'arrive le garçon avec la chemise propre. Il remercie, termine le paiement, se lève.

« Je vous prie de m'excuser une minute. »

Et sans attendre, il se dirige vers les sanitaires pour – enfin – se passer un peu d'eau sur le visage et passer un vêtement propre. Peut-être qu'elle sera toujours là à son retour, et peut-être pas. Il sera intéressant de le voir. S'il ne se presse pas, il est efficace et son absence n'est pas longue.

Il n'a pas tort, sur le point qui concerne la musique et la part du butin, si on retire son lien avec Calypso et le fait qu'aujourd'hui, elle ne soit plus si inutile que ça lors des abordages. Mais elle se contente de se taire. Continuant sur la lancée des compositeurs. Difficile de dire ce qu'il pense de sa réponse, pourtant. Elle écoute, elle essaye de comprendre, mais rien. C'est frustrant de se retrouver à discuter avec un homme pareil... Même par HCom, il y a plus d'émotion dans la voix électronique pour autant que l'interlocuteur de l'autre côté soit un minimum humain...

Elle hoche simplement la tête lorsqu'il s'excuse.

Avec la vague pensée qui lui traverse l'esprit... Elle pourrait partir.
Elle pourrait. Rien ne l'oblige à rester et elle pourrait se cacher derrière son Capitaine de l'affront qu'elle aurait fait à un autre Capitaine. Mais c'est pas son genre de se débiner, ni de baisser les bras. Elle prend le temps de réfléchir néanmoins.

Lorsqu'il reviendra, Srätx aura délaissé Cathwulf pour revenir auprès de Ni'oh, qui tourne distraitement la paille de son cocktail commandé un peu plus tôt tout en confiant la tranche de fruit qui servait de decorum au petit singe qui, trop heureux d'avoir enfin le fruit qu'il désirait tant, l'enfourne directement dans sa petite bouche, ses grands yeux noirs se fixant sur Jaziel à son retour.

Elle aurait pu partir. Elle en avait eu le temps, il ne lui avait pas ordonné de rester, il n'avait rien dit, ni dans un sens, ni dans l'autre, se contentant de s'occuper de lui, chassant un instant l'aveugle du Liberty de ses pensées. Enfin, il était propre et l'odeur du parfum, atténué par l'eau et le savon, ne couvrait plus que celui de la lessive qu'achetait Sei'kel pour le lavage des linges.

Elle aurait pu partir et pourtant, les deux yeux noirs du singe le fixent lorsqu'il revient. Il lui rend son regard avec indifférence, attrapant sa cuillère pour commencer sa soupe sagement posée devant sa chaise. Le singe a attrapé un morceau de fruit. Il se demande distraitement si le barman a cédé ou s'il s'agit d'une indulgence de la propriétaire. Et puis il passe à autre chose. Quelque chose qui l'intéresse davantage.

« Vous auriez pu partir, Ni'oh. Pourquoi être restée ? » Parce qu'il sait parfaitement que ce n'est pas pour le plaisir de sa compagnie, il pose réellement la question, vraiment curieux de ses motivations. C'est ainsi qu'il apprend à mieux connaître les gens. Par leurs motivations et leurs actions.

Elle écoute les bruits de la taverne, distraitement. Du moins, c'est ce qu'on imagine, quand son visage n'est tourné vers rien de particulier, et qu'elle tourne la paille de son cocktail amer sans y toucher encore. Mais lorsque les pas qu'elle ne reconnait pas, s'approchent de la table qu'elle partage avec le Capitaine de Nieves, son attention revient à son interlocuteur. Qui porte encore le même parfum. Même si légèrement atténué, et accompagné d'une note plus fraîche de linge lavé.

" Cap'taine " Qu'elle salue de nouveau.

Sa question n'a pas l'air de l'étonner ou de la mettre mal à l'aise. Elle se contente d'un sourire tranquille. Et d'arrêter de tourner sa paille dans son verre.

" J'ai dit que je vous tiendrais compagnie, comme vous le souhaitiez. Et je n'ai pas fini mon cocktail. "

N'est-ce pas simplement logique ? Pour une fois, Srätx reste tranquille à finir son morceau de fruit.

" Je vous présente Srätx... Je ne crois pas qu'il essayera de vous voler de la soupe, mais si c'est le cas, je vous serais reconnaissante de ne pas l'embrocher... "

Elle y va un peu au hasard, à vrai dire. Mais elle n'arrive pas à le cerner. Alors elle préfère ne pas prendre de risque.

"Je ne l'embrocherais pas." Répond-il tranquillement après avoir écouté ses justifications dans un silence poli. "Par contre, si je me retrouve à nouveau couvert de soupe, je risque d'être nettement moins aimable envers vous, aussi je vous conseille de le tenir fermement." Là encore, ce n'est pas tant une menace que la simple exposition d'un fait. Il pardonne parfois une fois, rarement deux, jamais trois. Et s'il veut bien admettre un accident, il a toutefois un rang à garder en toute circonstance, ainsi qu'une intendante qui n'acceptera pas deux chemises ruinées dans la même soirée.

La place des animaux n'est pas auprès des humains, entre quatre murs et encore moins au centre d'un vaisseau. Ils sont fait pour le plein air et s'ils sont utiles dans leur milieu naturel, les forcer à se soumettre aux lois humaines va à l'encontre de la notion de liberté telle que Jaziel la conçoit. Il préfère cependant ne pas mettre le sujet sur le tapis, ne voyant pas l'intérêt de débattre des heures de philosophie creuse et se concentre sur un sujet de conversation un peu plus concret.

"Où l'avez-vous rencontré ?" Il avait failli dire "acquis" puisque l'animal était sans conteste en sa possession mais un reste de souvenir d'une vieille conversation avec un autre propriétaire d'animal lui avait - au dernier moment - rappelé que ces gens pensaient se lier d'amitié avec leurs bêtes.

Elle ne le tient pas. Il n'a ni laisse, ni collier... C'est un petit singe libre. Qui s'est posé naturellement sur ses genoux croisés. Et qui a terminé son fruit avec une assiduité toute particulière à ne laisser aucun morceau de pulpe lui échapper.

" T'entends le monsieur ? Sois sage, garnement "

Il crie doucement son mécontentement, le petit chenapan, mais une caresse du bout des doigts de Ni'oh vient attirer son attention sur eux et il commence à jouer avec, cherchant sans doute un morceau de fruit supplémentaire sous ses ongles.

" Il était dans une cargaison que nous avons... trouvée. " Elle se rappelle au dernier moment qu'elle n'a aucun témoin à charge qui lui témoigne que l'homme dit bien qui il est être...  " L'équipage voulait le manger, mais il était trop jeune, et sans sa mère. Alors il s'est accroché à moi. Les animaux m'aiment bien en général. "