[Flare] Aux vainqueurs les lauriers [Sherrinford]

Le Second a été promu Capitaine. C’est un des officiers qui est venu discuter de ça avec un des ingénieurs ce matin, alors que tu avais le visage dans les circuits de C-72-8. Le Second, a-t-il dit avec un petit air de commère, est promu. Charley est fichu. Rendez-vous en soirée pour boire.
Toi, tu n’as rien contre Charley… Mais tu te souviens que ta mère t’a appris les bonnes manières. Que ce soit d’une boîte de chocolats ou d’un bouquet de fleur, il faut toujours féliciter ceux qui obtiennent une promotion.

C’est la raison pour laquelle tu es actuellement devant la porte de son bureau. Ton uniforme est impeccable, tes cheveux presque coiffés, ta posture droite… Et tes mains pleines d’une boîte. Une très belle boîte, même, couverte d’un excellent velours rouge. Remplie de non moins excellents chocolats hors de prix que tu avais gardé pour toi mais que tu pourras racheter sans soucis à la prochaine permission.
Enfin. Tu as donc le cadeau, et une porte entre toi et le nouveau Capitaine.
Tu frappes. Très doucement, avec beaucoup de tact.

- Mécanicien Lennox, monsieur. Est-ce que je peux entrer ?

C'est légèrement déboussolé, bien que tu l'aies soigneusement caché, que tu as accepté le poste et tout ce que cela comprenait. Dire qu'être capitaine d'un bâtiment n'était pas dans tes aspirations professionnelles après quatre ans à seconder loyalement Abel Charley serait faux, mais tu ne t'attendais toutefois guère à... Récupérer le Flare et encore moins à ce que cet homme qui était ton capitaine finisse sous tes ordres.

Autant dire que vous vous êtes retrouvés à échanger un drôle de regard, le tout dans une ambiance autant inconfortable que tendue.

Et maintenant ? Tu es dans ton nouveau bureau, le réorganisant sommairement pour y être à ton aise et découvrir la montagne de paperasse dont tu dois prendre connaissance le plus rapidement possible. Autant dire que c'est une entrée en poste cavalière et si tu ne saisis pas tout à fait ce qu'avait votre hiérarchie en tête, tu t'y plis sans faillir. Si bien que tu remarques à peine les coups qui résonnent contre la porte, haussant légèrement les sourcils en entendant la voix de l'autre côté. Tu te redresses, avant d'aller ouvrir, fort intrigué de voir déjà débarquer quelqu'un. Autant dire que tu déduis vite de quoi il en est en voyant ce qu'il tient entre ses mains.

Ça ne semble pourtant guère être le genre de Keli Lennox, les pots-de-vin. Par pure gentillesse ou politesse, alors ? Le jeune homme n'en devient que plus intriguant.

- Bonjour et bien sûr, entrez, monsieur Lennox. Que puis-je faire pour vous ?

On te dit d’entrer, tu le fais presque sur la pointe des pieds. L’incongruité de ta boîte de chocolats sur un vaisseau militaire te frappe soudain sans pour autant t'empêcher de te placer bien droit face au bureau pour la présenter à ton désormais Capitaine.

- J’ai entendu dire que vous aviez été promu.

Ce qui n’est, finalement, qu’un fait. Tu l’annonces sans enthousiasme débordant, sans glace dans la voix non plus. Ca ne va pas exactement tout chambouler dans ta vie.

- Je voulais vous apporter ces chocolats pour que vous puissiez fêter cette promotion mais, fais-tu en fronçant imperceptiblement les sourcils sous ta frange, je me rends compte soudain que vous n’aimez peut-être pas les sucreries...

Tu rejoins ton bureau alors que le jeune homme vient se placer devant. Tu l'observes avec attention, sa façon de se mouvoir devant ton bureau, de se tenir droit face à toi alors qu'il te présente la boîte.

- Vous avez été bien informé, alors.

Alors que tu lui réponds, le ton de sa voix t'intrigue. Oh, tu n'es pas sans savoir qui il est et ce qu'il fait sur le vaisseau, depuis le temps que tu es là et surtout depuis que tu es second, tu as prit soin de savoir ce genre de choses, aussi, bien que tu ne puisses point ignorer la valeur de ces chocolats, tu es davantage surpris de te la voir offrir en plein espace intersidéral que tout court de la par d'une personne en moyen comme Keli Lennox. Il serait toutefois impoli de tarder davantage à accepter ce présent... Tout comme de questionner le mécanicien sur sa provenance. Si Keli se plaît à cacher des boîtes de chocolats pour les promotions de ses collègues, c'est tout à fait son droit.

Ta main se referme doucement sur la boîte pour la récupérer, amusé par les doutes qu'il émet quant à tes goûts.

- C'est pourtant un présent difficile à ne pas apprécier, mais comme cela semble vous tracasser, je vais vous rassurer. J'aime les chocolats. Merci beaucoup, monsieur Lennox.

Tu lui adresses un sourire.

- Voulez-vous vous asseoir un instant ? Quelque chose à boire ?

Tu lui montres les sièges derrière lui.

Il accepte les chocolats. Toi, tu te retiens de faire remarquer que tu connais des personnes qui n’aiment pas ça en te mordant un peu la langue. La méthode est efficace, les mots restent dans ta tête, pas dans ta bouche. Personne ne verra d’intérêt à ce que tu racontes l’histoire de cet inconnu qui n’aimait pas vraiment le sucre et te donnait ses gâteaux en douce à l’école.

- Le plaisir est pour moi, Capitaine.

Tu réponds en te redressant légèrement, passant à ça de claquer tes talons. Dans un milieu plus formel, tu n’aurais pas hésité, mais s’il te propose un fauteuil… Tu te diriges vers un de ceux qu’il pointe et tes fesses se posent dessus, tellement au bord qu’on pourrait croire que le centimètre carré est payant.

- Juste de l’eau si vous en avez, s’il vous plaît.

Non, tu n’es pas du genre à boire en service. Encore moins avec un supérieur. Tu n’es même pas du genre à boire tout simplement. Mais si monsieur Warwick te propose quelques instants de discussion, tu ne vas pas être impoli et lui dire que tu n’as pas soif.

Il se redresse en te répondant, trempé d'une discipline militaire que tu ne saurais lui reprocher quand bien même tu te tiens plus détendu que lui. C'est peut-être le temps ou le grade, qu'importe, au final, tu as déjà eu la gestuelle de Keli Lennox à quelques détails près. Ça fait longtemps, c'est presque d'un autre temps.

Il s’assoit, de façon peu confortable, à ton avis, même si tu n'émets point de commentaire. À la place, tu hoches du chef alors que tu te diriges vers un petit meuble qui dissimule un frigo d'où tu sors une carafe d'eau, récupérant deux verres au passage. Tu poses les verres sur ton bureau, les remplis et en tends un vers le jeune homme avant de t'asseoir à ton tour, trempant tes lèvres dans l'eau fraîche.

- J'ose estimer que si vous êtes là, c'est que vous n'êtes pas trop inquiété par ce remaniement de postes entre monsieur Charley et moi-même. Après, si je me fourvoie, n'hésitez pas, Monsieur Lennox. Je ne comptes point commencer à faire la sourde oreille face à ce que dises les membres de cet équipage.

Et tu ne doutes pas une seconde qu'il doit s'en dire et beaucoup. Tout cela est fort singulier.

Comme c’est étrange. Et singulier. Tu expires un petit souffle surpris en entendant le Capitaine te dire, en somme, qu’il écoute les membres d’équipage. Tu crois que Charley en faisait de même -tu n’a jamais été vérifier cette tolérance- mais tu n’en es pas moins étonné.

- Pourquoi serais-je inquiété ?

Elle est si sincère, cette question... Et parfaitement assortie à ton air d’ingénu.

- Je ne suis qu’un mécanicien. A moins que vous ne décidiez soudainement que le Flare ne doit plus embarquer de droïdes, il y a peu de chances que votre promotion change quelque chose pour moi, avec tout le respect qui vous est dû. Mon propre supérieur se souvient de mon nom une fois par mois, je me doute que je ne serais pas mentionné comme élément à éliminer au plus vite au moins pour ça.

Tu souris à tes doigts, gardant les yeux baissés parce que c’est ce qu’on t’a appris, durant les classes.

- J’ai confiance en votre nomination, en tout cas.

Sa surprise ne t'échappe pas, pas alors que tu es déjà si attentif à sa personne. Sa question ne tarde guère, mais tu le laisses continuer sur sa lancée, te rappeler sa condition de simple mécanicien. Te faire part de son invisibilité parmi son équipe. Tu aurais tendance à t'en inquiéter, mais M. Lennox ne présente pas ce fait comme étant dérangeant, c'est presque le contraire, même.

Sa dernière phrase te fait marquer un léger temps d'arrêt avant qu'un léger sourire ne se glisse sur tes lèvres.

- Parce que ma nomination ne fait pas l'unanimité. Disons que c'est un remaniement singulier et que M. Charley était très apprécié en tant que capitaine. Enfin, soyez rassuré, je ne compte pas réduire le nombre de droïdes présent sur le Flare, ni remercier de mécaniciens. Ça ne serait pas très productif vis-à-vis de nos objectifs.

Tu prends quelques secondes pour choisir tes mots avant de continuer.

- Votre confiance me fait plaisir, je suis content de le savoir.

Mais ta confiance ne signifie pas grand-chose, tu le sais. Tu es heureux qu’elle lui fasse plaisir, bien sûr, ce qui ne change pas qu’elle ne vaut rien face à celle de ses officiers, des gens bien plus gradés et bien plus importants que toi. Même l’avis du médecin quand à la promotion de monsieur Warwick est plus pertinente que la tienne.

- Votre promotion fait l’unanimité auprès des droïdes, en tout cas.

Encore ton humour légèrement sec, légèrement pince-sans-rire, qui est le seul que tu puisses te permettre en service. Il a au moins le mérite de te faire sourire en ton for intérieur.

- Et si ce n’est pas le cas auprès tes hommes, je ne pense pas qu’ils feront autre chose que se plaindre aux douches… Vous n’êtes pas un jeune commandant à peine débarqué de l’école, fais-tu pour justifier tes réflexions, vous êtes à bord depuis longtemps. Ils grognent maintenant et dans deux mois ils seront calmés. Surtout si vous écoutez leurs plaintes. Enfin, c’est ce que je pense, mais je ne suis pas vraiment le mieux placé pour savoir.

Ou peut-être que si, peut-être qu’on t’a appris à juger de l’humeur des autres, à naviguer au milieu des requins, à cajoler qui doit l’être et menacer lorsqu’il le faut. Tu n’es pas certain que le Capitaine le sache, ça, alors tu tais l’information.

Tu marques un temps d'arrêt, surpris par ses paroles. Tu le fixes quelques secondes, lui qui semble si sérieux, avant qu'un sourire plus large ne se glisse enfin sur tes lippes et que tu émettes un rire.

- Me voilà ravi de l'apprendre. Nul doute que les droïdes comptent beaucoup dans la balance.

Tu lui réponds, le ton tout aussi sérieux. Tu es plutôt satisfait que ce jeune homme soit venu te voir. Tu ne le connaissais pas vraiment -pas que tu as l'impression que cela soit à présent différent-, mais ce que tu découvres de lui ne t'es pas désagréable. Il y a à gratter sous cette apparence quelque peu effacé.

Tu portes une oreille attentive au reste, aux réflexions de Keli Lennox. Il semble assuré, de prime abord, puis balais le reste en se décrédibilisant de lui-même. Il doute peut-être de lui-même, mais tu sais reconnaître des paroles avisées.

- Certes. Ça finira bien par se tasser, les missions du Flare aidant.

Après tout, le travail ne pourrait que renforcer les liens, permettre aux engrenages de reprendre leurs mouvements, leur donner de quoi faire plutôt que de se concentrer sur les menus frustrations. Il n'est pas une nouvelle tête et il est capable de travailler avec Charley malgré tout. Ils sont professionnels et les rivalités ne sont bonnes qu'a se déconcentrer des objectifs qui comptent réellement.

- Je ne sais pas ce qui trotte dans votre tête, Monsieur Lennox, mais votre réflexion est pertinente.

- Difficile de ne pas être content lorsqu’il faut chasser les pirates.

Tu es d’accord avec cette théorie. Une, deux ou trois victoires suffiront à chasser les doutes de l’équipage du Flare, pour ceux qui en ont. Et s’il n’y a pas ces victoires il y aura sans doute un nouveau Capitaine. Ce ne sont de toute façon pas tes affaires, toi tu te contentes de respecter tes supérieurs quels qu’ils soient et de te faire oublier -ce qui est très loin d’être difficile.
Au compliment, tu hausses une seule épaule afin de minimiser l’irrespect de ton geste autant que la flatterie de ses mots.

- Je fais de mon mieux, monsieur. Mais je ne pense pas être plus pertinent que vos officiers…

Tu bois une gorgée d’eau avant de reprendre, la voix à peine plus haut qu’un murmure, les yeux toujours obstinément posés sur tes mains. Tu devrais arrêter de te ronger l’ongle du pouce, te dis-tu fort à propos.

- J’ai juste pu voir comment gérer des équipes à l’école avant de rejoindre l’Armée. Ma réflexion est plus adaptée à des conseils de direction qu’à un vaisseau militaire mais les hommes sont des hommes, non… ? Ils restent les mêmes dans le fond, en uniforme ou en costume.

Ironiquement. Parce que votre métier n'a rien de rose et que vous n'êtes au final que des limiers lancés sur des proies qui a défaut d'avoir une moralité digne de ta considération, sont tout autant humain que vous. Tu acquiesces pourtant à ses dires et ce n'est point ce genre de réflexions qui te pousseraient à quitter ce métier qui est le tien.

- Les officiers ne sont pas des sur-hommes pour autant, même si on aimerait bien le croire, parfois.

Tu souris en coin, prenant une gorgée d'eau en l'observant, posément.

- Oui, il y a indubitablement certaines notions qui peuvent être transposées, avec un peu d'adaptabilité. Peu importe l'organisation, il y a quand même des modèles qui se répètent pour autant qu'on y soit un peu attentif.

Non, les officiers ne sont pas des surhommes. Ils sont toutefois formés, et toi tu ne l’es pas, c’est aussi simple que ça. Tu ne le dis pas au capitaine Warwick. Tu n’es pas là pour mettre en doute ses mots : toi, tu es là pour réparer les droïdes, pour fermer ta bouche, et pour servir l’UC ainsi. Rien de plus. Les réflexions poussées ne te sont pas demandées.
Alors c’est le silence, c’est un hochement de tête pour dire oui, une nouvelle gorgée d’eau. Encore un oui qui fait bouger tes cheveux devant ton visage.

- Plus de modèles qu’il y paraît.

L’ambition, la loyauté et les guerres de services sont les mêmes. Tu as pu les observer dans la vie civile et dans l’armée et tu es certain de ce que tu avances sur ces similarités, même s’il est moins évident au premier abord que les forces armées sont des cours d’école pour adultes.

- Mais je ne vais pas sortir de mes attributions pour appliquer mes cours de management au Flare, monsieur, je vous l'assure.

Est-ce qu’il aurait pu en avoir peur ? Tu ne sais pas, tu préfères t’assurer de ne pas être mépris.

- Ils n’y a que les droïdes qui auront le droit à mes réflexions.

C'est ton tour d’acquiescer aux paroles de ton jeune visiteur qui semble avoir des inquiétudes qui te font un instant hausser le sourcil. Diantre, tu ne te faisais pas ce genre d'idées sur son cas. Ses paroles te gênent en un sens. Tout ce besoin de se faire petit, discret. Pourtant, il est venu s'exposer en venant ici, devant toi, avec ses chocolats et ses félicitations.

Curieux garçon.

- Je n'étais point inquiet à cette idée, Monsieur Lennox, n'ayez crainte.

Tu prends une gorgée d'eau, lente, sans le lâcher du regard.

- Et je pense que vos réflexions sont bonnes à entendre. Mais libre a vous de ne les partager qu'avec les droïdes.

Tu poses ton verre et te lèves lentement.

- Je n'ai d'ailleurs nulle intention de vous garder loin de votre labeur et je vous avouerai en avoir beaucoup également de mon côté. Votre attention me fait plaisir et je vous en remercie, mais si vous permettez, mettons un terme à cette rencontre.

Si tu le permets ? Pourquoi ne le ferais-tu pas ? Il est ton supérieur. Ses choix prévalent sur les tiens.
Tu reposes donc ton verre toi aussi, et tu te lèves pour te placer bien dignement en face de monsieur Warwick afin d’exécuter un salut parfait. A te voir ainsi, attendant l’ordre de disposer, on pourrait croire que tu es le modèle même de l’excellent sous-fifre militaire. C’est un peu ce que tu vises, tu dois l’admettre.

- Monsieur.

Le jeune homme devant toi n'hésite pas, se levant en effectuant un salut militaire parfait auquel tu réponds, presque d'autant plus intriguer par Keli Lennox. Il te salue et tu le reconduis a la porte avant de le regarder s'éloigner... Puis de fermer ta porte pour te tourner vers le travail qui t'attend.

Tu rejoins ton bureau, attrapes ton verre d'eau pour le boire d'une traite avant de disposer des deux verres et de la carafe. Tu hésites une seconde avant de te faire une tasse de café, mais cèdes finalement à l'envie avant de te réinstaller avec ta paperasse, bien décidé à en venir à bout.