[Vanguardia] Dernier recours [Heinrich]

Il faut parfois prendre le taureau par les cornes, se résoudre à admettre ses faiblesses, travailler pour les surpasser. C’est la raison pour laquelle un Vako vêtu d’un pantalon de sport et d’un t-shirt large traverse les couloirs du vaisseau d’un pas déterminé.
Il y a eu le Monseigneur.
Il y a eu le Crust.
Il y a eu ces derniers mois beaucoup trop de rappels qu’il vit une vie dangereuse, qu’aussi capable soit-il avec une arme à distance ce n’est pas suffisant. Il lui faut apprendre à se défendre autrement. Sans armes. Avec ses poings.

Il est sûr de lui lorsqu’il entre dans la salle où il sait qu’il trouvera celui qu’il cherche. Monsieur Geier est un intimidant personnage pas très difficile à repérer, avec toute sa hauteur : il le trouve du premier coup d’oeil, s’avance vers lui jusqu’à être certain que sa présence sera perçue.

- Monsieur ? J’ai besoin de votre aide.

Et il se redresse de toute sa hauteur, le médecin. Il carre les épaules. Se rend aussi dur qu’il le peut.

- J’aimerais que vous m’appreniez à me battre à mains nues, s’il vous plaît.

Heinrich était dans la salle de sport de La Vanguardia, il avait besoin de se vider la tête, c'est pourquoi il faisait un peu d'exercice, il en profitait pour encourager les autres.

Alors qu'il faisait une pause tout observant l'entraînement de deux abordeurs, quelqu'un s'approcha de lui, il s'agissait du médecin de bord et celui-ci lui demandait son aide. Il voulait qu'Heinrich lui apprenne à se battre à main nu et il avait l'air déterminé. Bien, Heinrich ne rechignait pas à aider ses camarades lorsqu'ils le lui demandaient. Par contre, savait-il dans quoi il s'engageait ?

-D'accord, mais sache que débutant ou pas, je ne serai pas tendre, et surtout, je ne te lâcherai pas tant que tu ne seras pas un minimum prêt. Tu es sûr de vouloir continuer ?

Il relève le menton, serre la mâchoire. Si monsieur Geier tente de lui faire peur c’est un échec magistral : sa tentative ne réussit qu’à renforcer la détermination du médecin.

- Je n’ai ni peur d’avoir mal, ni de m’entraîner.

Les deux sont un peu son quotidien. Il se sait capable de résister à bien plus que des coups, ne craint pas les courbatures ni les exercices idiots. Non, vraiment, il survivra.

- Je suis certain de vouloir continuer. Je ne me plaindrais pas et j’obéirais aux instructions.

Bien. Il a l'air déterminé. Les paroles d'Heinrich n'avaient pas pour but de le décourager, mais bien de voir s'il était déterminé à continuer. Heinrich l'observe en silence pendant quelques secondes, avant de se lever sans un mot, s'élevant alors de 40 centimètre de plus que le doc. Il fit rouler ses épaules.

-Frappe moi. Dit-il d'un ton sec et autoritaire.

Heinrich se positionna alors de façon à recevoir le coup, du moins, à l'encaisser, il n'avait pas bougé les bras. Cela pouvait paraître idiot, mais en fait, il testait plusieurs choses chez Vako, déjà ce qu'il allait falloir changer dans sa posture, s'il avait de la force et surtout, s'il obéirait sans discuter.

Il a dit qu’il obéirait, c’est exactement ce qu’il fait : Vako décoche un coup.
Ce n’est pas un très bon coup. Il manque de vitesse et d’impact, ne vient que du bras et non du reste de son corps, et il ne percute pas réellement. Mais c’est une frappe du poing dans la ceinture abdominale de monsieur Geier, accompagnée d’aucune question, suivie d’une remise en place à peu près propre.

Il obéit sans poser de question, c'est déjà ça, par contre, pour le reste, il va falloir revoir certaines choses, notamment sa posture et sa façon de frapper. Rien de bien insurmontable normalement. Heinrich allait lui montrer comment il fallait faire, mais avant de tenter quoi que ce soit, il se dit que montrer à Vako en le prenant lui pour cible, ça ne serait pas très efficace pour qu'il apprenne quoi que ce soit pour le moment, il faut d'abord qu'il ait les bases.

-Suis moi. Heinrich se dirigea ensuite vers un coin de la pièce où se trouvait un punching-ball.

-Regarde bien ma posture et mes mouvements. Heinrich se mit ensuite en position et commença à frapper, d'abord doucement, puis il accéléra peu à peu, avant de finir par un coup où il mit toute sa puissance avec son bras gauche, celui qui lui donna une grande force. Fort heureusement, ce punching-ball tint bon pour le moment.

-Des questions ? Si tu n'en as pas, à toi. Heinrich préfère la pratique à la théorie, après tout, lui n'a pas vraiment eut accès à la théorie quand il a dû apprendre à se battre.

Il suit toujours sans poser de question. Il observe également avec attention, décrypte comme il le peut les mouvements et la posture. L’élan vient de l’épaule, le corps entier se met en branle pour frapper, les métacarpes touchent et non les doigts. D’accord. Il comprend un peu mieux. Il ne déploiera pas autant de puissance que son professeur mais il comprend.

- Je n’ai pas de question.

A lui, donc.
Le médecin se repositionne un peu mieux, le regard droit sur le sac de frappe, et offre un nouveau coup du bras avant. C’est un peu plus convaincant cette fois.
Ca ne l'empêche pas de faire une grimace en reprenant son poing.

- J’ai l’impression de frapper comme une vieille dame.

Et c’est tragique pour un jeune homme, c’est certain.

-Ça se corrige. Pour commencer, j'ai peu voir que tu as l'air d'avoir compris ça, il n'y a pas que le bras qui bouge, en agissant avec tout ton corps, tu vas gagner en impact. Si ça ne suffis pas, il n'y a pas 36 solutions, il va falloir te muscler, ou alors, il va falloir que tu bases ton style de combat plus sur la technique que sur la force.

Entre autres, il y avait des facteurs qu'Heinrich n'avait jamais lui-même très bien compris, c'est le problème quand tu apprends pas toi même.

Il va falloir se muscler. C’est une blague personnelle qui amuse beaucoup Vako, le fait sourire en coin. Se muscler. Monsieur Geier est si drôle.

- Je pense que prendre plus de muscle va être compliqué.

Il fait déjà du sport sur presque chacun de ses temps libres, il pense avoir atteint le maximum de ce qu’il peut faire sans simplement arrêter d’être un médecin et devenir lutteur de haut niveau. Ce qui n’est pas son plan d’avenir.
C’est dans ce genre de situations que son corps lui rappelle ses limites mais cette fois, il décide de les accepter, de faire avec.

- Il me reste la technique.

Tout le corps, c’est bien l’idée ? Le coup que sert le médecin reconcentré sur le sac part encore mieux que le précédent, juste parce qu’il s’applique à pivoter jusqu’à ses hanches pour le placer.

Plus compliqué ? Bon, après tout, il faisait comme il voulait. Vako Frappa à nouveau, il semblait avoir vraiment compris le truc pour le moment.

-Bien, continue de t'entraîner à frapper ce sac de sable, je reviens dans une dizaine de minutes. Sur ces bonnes paroles, Heinrich sortit, il allait boire un coup et ramener quelque chose pour Vako...

- D’accord.

La première minute est difficile parce qu’il doit penser à chaque coup. Engager tout son corps, pivoter ses épaules, son bassin, rien ne lui vient automatiquement.
Les minutes suivantes sont plus faciles. Il y a un rythme, une habitude qu’il commence à prendre : son corps bouge seul sans avoir besoin de son esprit. Il se retrouve dans cet endroit tranquille dans sa tête, celui où il n’a aucune pensée, et c’est infiniment agréable.
Mais la dernière minute est difficile. Il commence à sentir la fatigue. Des muscles qui n’ont pas l’habitude de travailler de cette manière protestent, ses gestes se font de nouveau plus maladroits et il a beau mettre toute sa force dans chaque coup, il les sent moins bons que quelques instants plus tôt. Mais il s’accroche. Avec la mâchoire crispée et les sourcils froncés, Vako continue inlassablement à frapper sur le sac en oubliant le monde autour.

Heinrich va donc boire un coup et prend deux bouteilles d'eau avec lui, une pour lui au cas où, et l'autre pour Vako. Avant de retourner auprès de Vako, Heinrich récupère aussi quelques protections pour celui-ci.

Lors qu’Heinrich revient enfin auprès de Vako, il a la bonne surprise de la voir toujours en train de frapper le sac. Bien. Heinrich pose les deux bouteilles d'eau et les protections à côté de lui et s'assoit sur un banc. Heinrich ne dit rien, il l'observe simplement et lorsque celui-ci arrêtera de frapper pour de bon, Heinrich lui ferra signe de la rejoindre et lui tendra une bouteille d'eau.

Il se saisit de la bouteille d’eau et soudain, Vako se rend compte qu’il a soif. Frapper dans un sac est, maintenant qu’il prend le temps d’y réfléchir en vidant la bouteille, un sport comme les autres. Il n’est pas étonnant qu’il aie la gorge sèche.
Le contenant vide est reposé sur le banc près de monsieur Greier. Le médecin toujours debout étire ses bras.

- Des protections ? Pour moi ?

Heinrich va être bon pour récupérer d'autres bouteilles d'eau... Enfin, ce n'est pas grave, ça montre qu'il n'a pas fait semblant pendant qu'il n'était pas là. Le médecin finit par remarquer les protections.

-Oui. Repose-toi un peu et enfile-les. Dira simplement Heinrich avant de se lever. Quand ça sera fait, rejoins moi.

Sur ces belles paroles, Heinrich se dirigea vers une partie de la pièce plus dégagé, c'est à cet endroit que les membres de l'équipage s'entraînaient au combat.

Il se repose donc, “un peu” comme suggéré. Juste le temps de souffler, d’étirer ses bras et ses jambes, et voilà Vako parti à enfiler les protections données. Il a l’impression d’être maladroit là dedans, comme le serait un poussin ou un autre petit animal. C’est désagréable. Ses pensées commencent à courir dans un direction qu’il n’aime pas, vers la conscience de soi beaucoup trop aigüe, vers les angoisses habituelles, mais il arrive à en prendre conscience pour se calmer.
Personne ne pensera qu’il est faible simplement parce qu’il se protège des coups. Personne n’en a quoi que ce soit à faire, en vérité, de sa présence dans la pièce. Tout le monde est trop occupé ailleurs.
Cette rationalisation le tranquillise suffisamment pour qu’il se sente d’avancer jusqu’à monsieur Geier.

- Je suis reposé et prêt, monsieur.

Heinrich s'était vaguement échauffé en attendant le médecin, c'était surtout pour ne pas se froisser un muscle ou se faire un claquage, ça serai assez con si ça lui arrivait, déjà que tout à l'heure il avait tapé à plusieurs reprise dans un punching-ball sans être vraiment échauffé... Enfin bref.

-Bien, maintenant, je vais t'apprendre à recevoir des coups, parce que savoir en donner, c'est bien, mais savoir quoi faire ou ne pas faire quand tu t'en prends un est indispensable. Tout d'abord met toi en garde.

Heinrich le laisse faire et l'observe attentivement.

-Tu en penses quoi ?

Recevoir des coups. Très bien. Ca, il est très certain de savoir le faire sans entraînement s’il s’agit simplement d’encaisser la douleur et la percussion. Ce n’est pas comme si ça ne lui était pas arrivé. C’est simplement qu’il n’a, de sa vie, jamais répliqué à une frappe sur lui.
Mais il se met en garde comme faire se peut, serre les dents, et fronce les sourcils pour se faire plus déterminé qu’il ne l’est vraiment.

- J’en pense que si vous me cassez quelque chose, je saurais le remettre en place.

Un pauvre sourire lui vient. Dans le fond, il a peur. Vraiment peur.

- Allez-y.

Heinrich le regarde se mettre en garde et hausse un sourcil, du moins, s'il en avait encore, c'est ce qu'il ferrait, visiblement, il n'a pas compris ce que demandait Heinrich, mais il se dit prêt à y aller.

-Non. Je n'ai pas prévu d'abîmer notre médecin de bord, ce que je voulais savoir, c'était ce que tu penses de ta garde.

Heinrich ne commence donc pas tout de suite.

Oh. Embarrassante erreur de compréhension.
Et drôle, dans un sens, alors Vako se retrouve à glousser du fond de la gorge derrière ses poings.

- Je pense que… J’ai les poings levés. Vous ne devriez pas pouvoir me casser le nez si facilement.

C’est bien tout ce qu’il peut dire là dessus. Il se concentre un peu, mais rien de bien plus pertinent ne lui vient. Pas pour un combat un peu codifié en tout cas.

- Mais mon foie, mes genoux et mes côtes sont très accessibles et bien plus compliqués à soigner, propose-t-il quand même en haussant les épaules. Ca semble être un mauvais compromis.

Il ne bouge pas pour autant ses bras et reste en position, curieux d’entendre ce que monsieur Geier peut lui conseiller pour résoudre ce problème de vulnérabilité.

Heinrich ne répondit rien, il se plaça face à Vako et se mit en garde, le mieux c'était qu'il voit lui-même où étaient les problèmes de sa garde. Heinrich passa alors à l'attaque, il commença par viser les points défendus par la garde de Vako, afin de voir si celle-ci était solide, ensuite, il commença à frapper dans les failles qui percevaient de sa garde. Heinrich ne frappait pas pour lui casser quoi que ce soit, mais ça ne voulait pas dire que ça ne faisait pas mal. Heinrich n'y allait pas d'un rythme soutenu, il laissait à Vako quelques seconde entre chaque coup et ne feintait pas, il voulait voir si celui-ci arriverait à réagir et à s'adapter.

Les premiers coups ne se passent pas très bien. Comme tout débutant qui se respecte -pire, comme toute personne ayant déjà pris des coups et en ayant peur maintenant-, il ferme les yeux. Il se crispe. Il se replie sur lui-même et attend que le temps passe.
Puis Vako se rend compte que même si la percussion existe, même si ses os résonnent sous les coups, même si monsieur Geier est très impressionnant, il n’a pas vraiment mal. Il a plus souffert à d’autres moments de sa vie. Alors il se redéploie, doucement. Il commence à comprendre qu’il peut pousser face aux poings de son professeur et qu’il souffre moins, comme ça. Qu’il peut bouger ses avant-bras pour leur faire prendre un maximum des dégâts en profitant de leur solidité.
Puis il comprend qu’il peut aussi simplement s’éloigner, et lorsqu’une frappe lui arrive dessus il saute juste en arrière pour se mettre hors de portée. Et il a l’air tout étonné de l’avoir fait.

Malgré la réaction quelque peu... Passive de Vako, Heinrich continue, au même rythme et avec la même force, mais heureusement, le petit fini par se reprendre et commence à tenté de se défendre, il finis même par faire une jolie esquive.

-Tu vois quand tu veux. Lâchera Heinrich avec un petit sourire en coin, avant de reprendre sans prévenir, il ne faut pas perdre le rythme.

Mais ce n’est pas qu’il a voulu, c’est que… Que…
Il ne sait pas vraiment, en fait. Que son corps a réagi tout seul, quel quelque chose a dû lui faire comprendre qu’à force de courir et de sauter partout dans Espoir pour faire du sport, il est bien plus apte à esquiver qu’à encaisser. Vako répond donc juste d’un regard toujours aussi étonné avant de se prendre un coup sur la pommette pour avoir été distrait.
Et le voilà qui se remet en mouvement. Il saute, se défile, recule et se décale, sort avec de plus en plus d’aplomb de devant monsieur Geier à chaque coup jusqu’à se retrouver un peu trop près du mur pour pouvoir faire le torero.
Pris d’un élan d’audace -ou peut-être rendu idiot par les endorphines-, le médecin semble décider de reproduire sa fuite devant le Monseigneur : il se laisse glisser au sol pour essayer de se sortir de là. Il y a certainement eu dégagement plus gracieux, mais c’est le seul auquel il a pensé.

Le petit ne semble reprendre ses esprits qu'après s'être pris un coup, en tout cas, il s'est enfin rendu compte qu'il était meilleur pour éviter les coups que pour les encaisser. Cependant, Vako recule peu à peu ce qui fait qu'il finit acculé contre le mur, il tente alors une manœuvre audacieuse, mais risqué, surtout face à quelqu'un qui a une certaine expérience en combat. Heinrich a suffisamment de réflexes pour attraper la jambe de Vako au moment où celui-ci tente de se relever et il tire d'un coup sec pour le forcer à s'étaler sur le sol.

-Bon, on arrête pour le moment. Dit Heinrich après avoir lâché Vako, il commence ensuite à s'éloigner pour rejoindre un banc au bord de la zone où ils s'entraînaient.

C’est un échec qui envoie Vako au sol, le ventre sur la surface fraîche, les bras au dessus de sa tête pour la protéger d’éventuels autres coups qui ne viennent pas. Il sait parfaitement ce qu’il doit protéger, il n’est pas stupide, loin de là… Et la cicatrice sur le côté de son crâne ne lui laisse pas le loisir d’oublier quelles sont les priorités de défense.
Les côtes peuvent se ressouder, il le sait. Les bras et les jambes se remettent très bien des bleus et des bosses. La tête est une toute autre histoire qu’il n’a pas vraiment envie de revivre.

Il se relève lorsque monsieur Geier annonce un pause. Le médecin ne prend pas la peine d'épousseter ses vêtements mais il s’étire soigneusement en se dirigeant lui aussi vers le banc.

- Où avez-vous appris à vous battre comme ça… ?