Au secours ? [Theo]

T'as pas besoin qu'on t'en reparle. Tu grimaces en détournant le regarde... Et puis ça fait sacrément long à courir... Tu me mords la lèvre... Tressailles au ton qu'elle a. Elle rigole pas.

Toi non plus, remarque.

T'inspires un coup... Et te mets en branle, cherchant une cadence que tu pourrais garder... un peu ?

Elle s'met en marche. Un rythme d'gamine. J'm'attendais pas à mieux. J'commence à """courir""" à ses côtés. Si on peut app'ler ça courir, hein.

- Tu tiens combien d'temps comme ça ? C'pas super rapide, même pour une mioche molle du g'nou. On va par là-bas. Ce s'ra mieux qu'c'trou à rat pour commencer.

- J'sais pas. J'cours jamais. Pas longtemps.

Ça a pas l'air de la convaincre, la dame. Oh fichtre. Elle va quand même pas te faire accélérer ?! Tu vas cracher tes poumons dans deux minutes et faudra les mettre dans un sac et courir... marcher... Pour montrer la catastrophe à En'theven qui te proposera probablement divers modèles de boîtes pour mieux envoyer ton corps dans l'espace pour l'éternité.

- Pas longtemps ? Alors quitte à t'nir par longtemps, accélère moi tout ça. Et qu'ça saute !

J'préfère qu'elle tienne moins avec un rythme pas d'grand-mère.

- T'es jeune, t'as des poumons en forme, merde. Augmente donc la taille d'tes enjambées. T'en fais d'trop p'tites, tu t'fatigues pour que dalle.

Ah, parce qu'il faut en plus sauter ?! T'avales ta salive, te demandes ce qu'ils foutent, tes supers poumons en forme... et obéit quand même. Parce qu'elle est flippante et que tu veux qu'elle obtienne satisfaction pour qu'au moins tu puisses fuir jusqu'à l'Albatros. Ça empêche pas ton regard de chercher un peu, juste au cas où tu verrais quelqu'un que tu connais.

Et t'as déjà le souffle qui part n'importe comment !

- Contrôle ta respiration, t'pas une p'tain d'handicapée d'merde.

J'cours à côté d'elle, c'pas dur. J'cours tous les p'tains d'jours, plusieurs heures par jour, j'm'entraîne sans cesse. J'passe ma vie à ça.

- Inspire par le nez, t'expires par la bouche, et t'fais ça en rythme. Quand tu poses ton pied t'expires à chaque fois. C'pas compliqué, fais un effort, merde. T'as quel âge, gamine ?

Aïe. Cette femme, elle est juste pas du tout gentille.

Enfin. T'as pas l'impression que l'intention est mauvaise. Mais c'est la façon de le dire ! Pourtant, tu essais de faire comme elle dit, tu te loupes souvent. Mais tu essais. T'as chaud, tu fatigues, Hilton est pas convaincu alors que tu la secoues dans tous les sens et que par moment, ça pouic dans ta capuche parce qu'elle écrase son jouet.

Mais tu continues.

Ton âge. Allez. Un peu d'effort.

- S... Seize.

C'mieux déjà, quand j'lui donne des conseils. Elle a toujours pas l'air d'être super à l'aise, mais au moins, elle r'ssemble pas à un mannequin désarticulé. Et elle m'donne son âge, j'lâche un rire sec et désabusé.

- Seize ? Hin. Mon gamin a l'même âge qu'toi. S'il était aussi mou qu'toi, il s'en prendrait des baffes dans sa vie. Il arrive à l'faire lui, y a pas d'raison qu'toi tu puisses pas, hein. Mais c'mieux déjà, si t'écoutes c'que j'te dis, on d'vrait pouvoir y arriver. Va par là-bas.

J'lui point une rue pas fréquentée. J'connais tout ici. J'sais où qu'c'est mieux d'aller courir.

Elle rit. Elle dit qu'elle a un gamin du même âge.
Pauvre. Gamin. Juste là, tu le plains. C'est peut-être pas très gentil, mais tu le plains.

Et tu le penses que tu peux. Genre avec le temps et tout. Pleins de gens y arrivent.
Mais tu sais juste pas si tu veux et ça, c'est un autre genre de problème. Mais pour le moment, tu cours. Tu vas mourir, mais tu cours. Et ça t'inquiète, parce que si elle, elle sait où vous aller. Toi, tu le sais pas. Et t'es pas certaine que c'est vers le port.

Pourtant, quand elle dit "Va par là-bas"... Ben, tu vas par là-bas.

- m... m'kay.

Bien respirer. Avoir les bonnes foulées. Le bon rythme. C'est compliquer de courir, zut !

Elle obéit et elle écoute. C'bien, c'tout à son honneur à la mioche. J'dis rien quand on tourne. On quitte l'centre de la ville pour s'enfoncer un peu plus loin, là où c'est pas mal désert. Mais y a des coins jolis. On passe sur un pont, au-d'ssus d'une petite rivière artificielle. Y a pas mal d'belles maisons un peu plus loin, en bas. Mais on va pas par là. On s'dirige vers un tas d'taudis un peu plus loin. Pas sûre qu'ça la rassure beaucoup. J'm'en branle. J'suis pas là pour qu'elle soit rassurée.

- Allez, on tient l'rythme.

T'arrives pas trop a profiter du paysage même si le pont et la rivière, ça avait l'air joli. Non, t'es occupé.

Souffle. Foulée. Rythme. Souffle. Foulée. Rythme.

T'es crevé. T'as mal aux pieds, t'as un goût bizarre sur la langue. Mais tu continues. Elle encourage... Tu arrives pas trop à la cerner, mais tu tiens. Du mieux que tu peux. Même si parfois tes jambes sont un peu trop lourdes et que tu te bloques les pieds en passant proche de tomber.

J'la vois, qui trébuche. Elle s'rattrape, continue. Ca fait pas longtemps qu'on court. J'commence même pas à être un peu essoufflée. Mais heureus'ment pour elle, on arrive à destination. Un terrain vague moche avec des ruines d'trucs bizarres, des tôles abandonnées et des genre d'bidonvilles un peu plus loin. Ca pue à plein pif, et pourtant, j'suis pas sensible aux odeurs, y parait.

- Ca va, arrête-toi là. C'pas terrible mais t'as pas trop mal tenu.

J'lui balance une bouteille d'eau.

- Tiens, bois un peu et r'prends ton souffle. J'en ai pas fini avec toi.

Tu comprends pas trop pourquoi elle s'arrête là.

Oh. C'est peut-être ici qu'elle va se débarrasser de ton cadavre. T'auras même pas de boîte pour aller dans l'espace.

Mais t'es contente d'arrêter, manques te prendre la bouteille d'eau par la tête parce que tu étais en train de te pencher pour poser les mains sur tes genoux, à bout de suivre. Mais tu l'attrapes. De justesse.

Et tu hésites pas à prendre de longues gorgées d'eau entre deux respirations difficiles.

- m.. merci.

Tu finis par lui rendre la bouteille, le regard un peu inquiet.
Elle en a pas fini avec toi...

La bouteille est pas r'bouchée, et j'lui balance tout l'contenu d'ssus.

- M'remercie pas bordel. T'comprends que dalle ou quoi ? S'coue toi un peu, t'pas une p'tain d'larve d'merde. T'as un vagin alors arrête de t'comporter comme une p'tain d'victime. Sois une guerrière, une battante.

J'lève mon bras d'chair d'vant moi.

- Vas-y, frappe.

Tu sursautes brutalement avec un son étouffé quand tu te prends le reste du contenu de la bouteille sur toi et que Hilton piaille son mécontentement. Non, tu t'y attendais pas. Pas du tout. La prochaine fois, tu bois tout.

Et c'est repartie les mots qui font mal, qui font serrer les dents, rentrer un peu la tête dans les épaules. Tu t'en fous d'avoir un foutu vagin. Tu veux juste rentrer à l'Albatros.

........... Et elle veut que tu la frappes.

T'as jamais frappé personne. Genre. Personne de chez personne. Pire, tu détestes voir les autres le faire... Mais t'as pas non plus envie qu'elle te frappe toi.

Et tu veux pas être une victime.

Tu déglutis. Serres le poing, mal. Donnes un coup sur le bras.

Pitoyable, pas fort, pas bien. Elle va t'incendier. T'es déjà en train de rentrer la tête dans les épaules.

Elle serre l'poing, l'tend vers moi. J'sens qu'dalle.

- J't'ai dit d'frapper, pas d'chatouiller. Frappe. Accompagne l'mouvement. Allez.

Tu déglutis. Sers encore le poing. Frappes. Encore.

Plus fort -un peu-, mais pas beaucoup mieux.

Tu sais pas comment faire. Et même si tu l'aimes pas, t'as pas envie de lui faire mal.

J'soupire. Bordel c'pas possible d'être une fiotte comme ça. J'baisse le bras, attrape son poignet.

- Pas comme ça qu'tu vas réussir à frapper. C'comme ça qu'on plie les doigts. Tu serres, faut qu'ce soit dur, t'dois pouvoir péter des briques avec.

J'me mets dans son dos sans lui lâcher l'poignet, j'l'oblige à plier l'bras contre sa poitrine et j'mets ma main d'métal sur son épaule.

- Là t'vois. La force doit partir d'là, d'tes abdos, puis d'ton épaule, et là tu frappes comme ça.

J'la lâche et j'me r'place d'vant elle.

- Allez, m'oblige pas à t'montrer comment on frappe, gamine.

Tu tressailles quand elle t'attrape le poignet, la regarde placer tes doigts... Tout en doutant fort d'arriver un jour à briser la moindre brique avec ton poing. T'es pas très à l'aise alors qu'elle est dans ton dos, mais tu ne cherches pas à te dérober, baisses les yeux pour la regarder faire avec ton poing et ton bras...

Tu comprends. T'as juste... Pas envie de frapper.

- D'accord...

Tu la regardes passer devant toi... Agrandis les yeux. Oh non ! Tu veux pas qu'elle te montre !

Tu attends qu'elle relève le bras... Inspire et essais d'appliquer ce qu'elle t'a montré. C'est déjà mieux, c'est déjà plus fort. Mais tu tiendrais pas devant personne avec ça.

De peur qu'elle se décide à te frapper, tu ramènes ton poing pour frapper encore.

Mince. Tu veux juste qu'elle se lasse et te laisse partir...

Elle écoute, r'fait c'que j'lui dis, à peu près. C'mou du g'nou, tout ça. Mais bon. Elle frappe encore, j'sens pas grand chose.

- Frappe plus fort, j'suis pas ta mère.

D'jà qu'j'suis sympa d'pas lui foutre mon bras en métal, faut pas déconner non plus.

- J'suis un p'tain d'macho phallocrate qui pense avec sa bite, vas-y, frappe !

Pas ta mère.

Tu tressailles. Bien sûr que non. Ça fait bien onze ans que tu ne l'as pas vu. Que tu sais même pas si elle est encore en vie. Si elle va bien. Ça tape juste où ça fait déjà mal.

Et toi, tu frappes beaucoup plus fort. Tu veux plus qu'elle redise ça. Frapper fort, ça malmène ta posture déjà pas géniale, mais au moins, t'as frappé.

Et elle a pas besoin d'être un macho phallocrate. Elle est déjà assez désagréable à elle toute seule.

L'coup d'après est suffisamment fort pour qu'j'sois un peu surprise.

- C'mieux, gamine. Continue comme ça. J'savais qu'les phallo' ça allait t'faire réagir.

J'la fais continuer d'frapper un peu mais pas trop. Et j'baisse l'bras quand j'estime qu'c'est assez.

- Bon, ça va. Faut qu'tu t'entraînes. Sur un mur, n'importe. Leçon suivante.

D'un coup brusque, j'lui prends à nouveau l'poignet.

- Si j't'attrape l'poignet comme ça, qu'est-ce qu'tu fais ?

Rien à voir. Le monde est rempli de types horribles.

Mais t'as qu'une mère. Et tu sais pas où elle est.

Tu frappes encore. Essais de penser à rien d'autre que ça, frapper fort, avec la position qu'elle t'as montré. Allez, encore. Si bien que t'es surprise quand elle retire le bras, t'arrêtant net...

Leçon suivante ?

Calypso... Ça va jamais finir. T'inspires, va pour répondre, mais elle t'attrape brusquement le poignet et tu sursautes. Tu t'y attendais pas du tout. C'est maintenant qu'elle va te tuer ?

Mais la question d'après te fais comprendre que c'est pas encore ça.

- .... Eh... Je tire ?

Et c'est ce que tu tentes. Bien sur, ça ne fonctionne pas. Prévisible.

J'fais claquer ma langue contre mon palais. Merde, personne lui a rien appris à c'te gamine un peu conne qui s'balade seule dans les rues malfamées ?

- Tire et t'vas juste aider l'gars à t'briser l'poignet plus vite.

J'secoue la tête et j'la lâche.

- Choppe mon poignet. D'toutes tes forces, comme si t'm'agressais. J'sais qu'tu m'détestes, alors vas-y, lâche-toi morveuse.

Te casser le poignet ?!

Tu arrêtes net de tirer, un peu étonné qu'elle te lâche... Avant d'attraper son poignet. Pas de toutes tes forces, mais fort, comme pour retenir. Alors même que tu voudrais surtout qu'elle parte !

Elle choppe mon poignet. Pas hyper fort, m'enfin, ça f'ra l'affaire.

- M'lâche pas, et r'garde bien.

J'fais tourner mon poignet d'un coup brusque et j'me libère. J'la r'garde.

- M'lâche pas, j't'ai dit. Reprends l'poignet.