Pas de Compliments au chef!

11.02.107

Papa était partit en mission. Après quelques années à profiter de missions sur Vanguard pour élever sa fille, il avait repris le chemin des étoiles quand elle avait eu 18 ans et l'age de se débrouiller seule. Et en effet, elle en était capable. En apprentissage dans l'un des palaces de la ville, elle menait très bien sa barque toute seule, merci bien. Elle avait déjà été abandonnée par Maman, ce n'était pas le départ de Papa qui allait lui faire du mal. Et puis, il avait besoin de ça pour être heureux, elle le voyait bien. Il avait déjà sacrifié plusieurs années pour elle et elle lui en était reconnaissant. Il ne pouvait pas continuer indéfiniment.

Ce soir, Audrey était cependant un peu déprimée. Elle était seule, elle était mal... Donc elle avait décidé d'aller se faire un resto. Ça lui remontait le moral, pour une fois de ne pas être celle qui cuisinait.

Le restaurant qu'elle avait choisis n'était pas un palace, comme celui ou elle apprenait, mais c'était un établissement de standing. (oui, elle avait des goûts de luxe). Le repas se passa très bien, jusqu’au moment ou son dessert arriva: un Parrest, un très anciens dessert trinitaire a base de choux et de crème pralinée.

Sauf que.

Sauf que le choux, là, était trop cuit. A la limite du cramé.

Audrey resta coite quelques secondes en voyant le dessert. Puis elle retrouva la parole.

"Garçon! Vous vous fichez de moi? Ce Parrest est cramé!"

La soirée est fort belle. J'ai travaillé toute la journée durant, enfermée dans mon bureau, sans même profiter de notre escale. Les étoiles brillaient déjà dans le ciel lorsque je me suis décidée à quitter ma cabine. La plupart de mes hommes sont éparpillés çà et là, profitant de l'air naturel et de la verdure dont ils disposent jusqu'à notre prochain départ. Il s'agit-là d'un repos tout à fait mérité ; il advient après une énième grande victoire. Plusieurs hommes sont blessés, mais nous sommes riches et victorieux.

Je suis seule lorsque je prends le chemin d'un restaurant haut de gamme. J'espère tout à fait faire une jolie rencontre qui me permettra de passer une nuit fort agréable, en bonne compagnie. Cependant, je ne suis nullement désespérée. Je souhaite profiter de ce moment pour me détendre avant tout. Le reste ne sera qu'un supplément.

Je m'assieds donc à cette très jolie table, fort bien décorée. L'entrée ainsi que le plat sont tout à fait satisfaisant. Par pure gourmandise, je réclame un dessert, qui arrive en même temps que celui de la jeune femme attablée à côté de moi - seule, elle aussi. A peine a-t-on posé nos assiettes qu'elle se met à tonitruer. Me voilà agacée par de tels agissements. Pour autant, force est de constater qu'elle a raison.

- Seigneur ! Vous avez parfaitement raison. Comment diable est-ce possible qu'un établissement de votre facture se permette pareille aberration ?! J'exige de parler immédiatement au responsable !

Une autre femme, grande, blonde, superbe s'insurge elle aussi de l'etat de son dessert. Audrey se tourne vers elle pour découvrir un Parrest en aussi triste état que le sien. C'est pas vrai. Ils ont cramé toute leur fournée de choux ou quoi?

"Euh... Je..." Bafouille le serveur, en observant successivement Audrey, toute en rousseur adolescence, un peu pataude, et la beaucoup plus intimidante Capitaine du Némésis. "Je... Je vais chercher le Chef."

"Oui, Allez-y. Et ne trainez pas!"

Elle leve les yeux au ciel et se tourne vers sa voisine.

"Navrée pour le scandale, mais... Enfin, comment peuvent-ils servir cela?" dit elle en indiquant le dessert brulé que le restaurant se fait fort de leur vendre à presque vingt crédits.

Je jette un regard foncièrement hautain et intransigeant au jeune serveur qui s'enfuit en direction des cuisines. Me voilà contrarier ; la soirée avait pourtant commencé d'une manière tout à fait convenable. Et voilà qu'elle tourne au désastre culinaire. Je crains de ne plus jamais remettre les pieds ici, et ce quand bien même ils parviendraient à régler cette histoire de desserts brûlés. J'observe la jeune femme rousse à mes côtés, la dardant d'abord du même regard agacé que celui offert au serveur. Cependant, peu de temps s'écoule avant que je ne lui souris avec sincérité.

- Eh bien. Je rêvais d'une soirée paisible, avant de venir en ces lieux. Cependant, je ne puis vous tenir rigueur de ce dérangement. Quoi de plus normal que de s'insurger face à pareilles ignominies ? Vous n'êtes point responsable de leur incompétence. Nous sommes dans un établissement étoilé, et rien ne saurait justifier que l'on nous serve pareilles immondices. Il se pourrait tout à fait que la patience me fasse défaut si l'on nous fait attendre encore.

La grande Dame commence par la fusiller du regard. Audrey se tasse sur sa chaise en réaction. Oups. Elle n'aurait peut etre pas du oser lui parler. Elle avait ressentit le besoin de partager son indignation, mais c'était peut etre pas la bonne idée. Puis la femme lui sourit et elle se détendit légèrement.

"Je viens régulièrement ici. Et croyez moi si vous voulez, mais c'est bien la première fois que je vois ça. Ils ont du avoir une fournée ratée cet après midi et ils se sont dit que ça passerait... Les idiots. Je suis moi même en apprentissage de restauration de luxe, et on nous a toujours dit qu'a notre niveau, il faut être irréprochable. En même temps, au prix ou l'on paye, on peut exiger la perfection."

Sur ces mots, le garçon revint, accompagné d'un homme bedonnant en tenue blanche. Le Chef.

"Bonjour, je suis le chef Tenard. On m'a dit qu'il y avait un problème sur les Parrests?"

Je l'écoute m'exposer son savoir non sans intérêt. Si elle apprend effectivement la cuisine de luxe, je suis certaine qu'elle est infiniment plus doué que l'imbécile qui a osé nous servir ce genre de mets imparfaits. Je n'ai cependant guère le temps de lui répondre qu'un homme imposant arrive jusqu'à nous. Il semble quelque peu gêné ; mon sourire se fane. Je le darde d'un regard noir, la tête haute.

- Eh bien je vous laissez juger par vous-même, Monsieur. Songez-vous qu'il soit normal qu'une Dame de ma condition ait à subir ce genre d'affronts ? Avez-vous seulement idée du traitement que subissent ceux qui osent se jouer de moi ?

Menaçante, mon visage se déforme en un rictus de haine tandis que je prononce ces mots.

- Cette jeune femme et moi-même exigeons réparation. Oh, je ne souhaite point un autre de vos desserts minables ; j'espérais que ma soirée se déroulerait sans accroc. Voilà que vous avez tout bonnement gâché l'unique moment de tranquillité que je pouvais espérer obtenir.

L'homme pâlit en face de moi.

Oulalalala. Audrey était contente que ce regard noir ne soit pas pour elle. Trèèèèèèèèès contente. Oula oui.

A l'invitation de Jezabel, le Cuisinier  examina effectivement les deux assiettes et fit signe au Garçon de les ramener en cuisine. Il eut le mérite de ne pas fondre sous le regard haineux de la Capitaine pirate. Il palit, certes, mais ne recula pas. Audrey admira son cran.

"Ces assiettes n'auraient effectivement pas du sortir de la cuisine. Pour vous dédommager, nous pouvons faire un geste commercial sur vos notes. En les divisant par deux?"

Je lance un regard peu affable à l'homme.

- Eh bien soit. Apportez-moi l'addition au plus tôt ; je souhaite quitter cet endroit. Soyez assuré que jamais plus je n'y mettrai les pieds.

L'homme semble confus ; cependant, il s'incline légèrement avant de prendre congé afin d'accéder à ma demande. Je profite de cet instant afin de m'adresser à nouveau à la jeune femme.

- Puisque nous sommes toutes les deux de terribles victimes de la négligence de cet établissement, que diriez-vous de m'accompagner ailleurs afin de prendre un dessert digne de ce nom ?

Audrey n'arrivait pas a remettre le doigt sur qui la Femme lui rappelait, puis elle jeta un regard froids au Chef, et soudain, la rouquine remis sont sentiment de déjà vu. Bon sang, C'était évident, pourtant. Une Blonde susceptible, excessive et effrayante. Cette femme lui rappelait Maman!

Et soudain, la trouille qu'elle lui inspirait se calma. Maman était effrayante, mais elle avait toujours réussis à la gérer et à lui imposer son avis. La preuve: Elle était apprentie Chef et pas apprentie pirate. Il fallait juste rester prudente et ne pas laisser de terrain à l'adversaire.

La Dame, elle, n'en laissait pas un pouce au pauvre Tenard qui partit, la queue entre les jambes leur chercher l'addition divisée de moitié.

"Et bien ce serait avec grand plaisir. Je connais une ou deux adresses ouvertes de nuit, qui pourraient vous intéresser. Rien d'étoilé, mai je pense que nous avons déjà donné en ce qui concerne l'étoilé, non?"

Elle tendis une main amicale à la Dame:

"Je suis Audrey Darand, et vous?"

J'hésite un léger instant à lui mentir quant à mon identité. Cependant, Vanguard est connu pour être un endroit relativement sécurisé, même pour les pirates les plus recherchés de la galaxie. J'espère que cette jeune fille n'aura point l'extrême mauvaise idée de tenter quoi que ce soit d'irréfléchi. Le désastre de la soirée ne m'a guère mise dans de bonnes dispositions. Il suffirait certainement de peu pour que mon humeur ne devienne réellement abjecte. Pour l'heure, je me sens tout à fait capable de sourire, lorsqu'elle souligne que l'étoilé n'a nullement été une réussite pour nous.

- Quoi qu'il en soit, il ne devrait pas être trop difficile pour les concurrents de nous servir un dessert plus présentable que l'immondice que nous avions devant nos yeux à l'instant, n'est-il pas.

Droite et fière, je tends délicatement ma main vers elle pour la serrer avec assurance.

- Enchantée, Madame Darand. Jezabel Alvarez.

Immondice, c'était peut etre un terme un peu fort, pour un simple Parrest trop cuit. Mais cela ne vaut pas le coup de le faire remarquer à sa grande compagne.

Compagne qui dévoile son identité.

Audrey en reste bouche bée.

"Jez... Jezabel Alvarez?"

LA Jezabel Alvarez? Tu m’étonnes que cette femme lui rappelle sa mère, c'était une pirate! Une des pirates les plus célèbres de système. Le Némésis narguait les autorité des trois factions depuis quoi... Un siècle?

Avec un temps de retard, elle serre la main de la Capitaine.

"Enchantée de vous rencontrer."

Ce fut ce moment que le Garcon choisis pour leur amener leurs additions. Audrey paya sans attendre et attendis que la Capitaine en fasse autant. Et pendant ce temps, un doute grandissait en elle. Et si "Jezabel" n'était pas celle qu'elle prétendait être? Après tout il n'était guère logique pour une femme recherchée de dévoiler son identité à la première venue...

Il me faut bien avouer que l'effet que produit la révélation de mon identité est tout bonnement jouissive. J'aime apercevoir ces émotions s'épanouir sur le visage de mes interlocuteurs, j'aime savoir que ma réputation me précède. Cela vaut tout à fait les risques que j'encours en révélant qui je suis sans pudeur aucune.

- En personne, affirmé-je en souriant.

Je paie l'addition avec un regard dédaigneux à l'intention de l'homme qui a osé me contrarier. A peine est-ce réglé que je me lève, droite, fière, élégante. Je vérifie que mes vêtements sont toujours parfaitement ajusté avant de porter mon attention sur la jeune femme. Cet établissement peut être certain qu'il ne me reverra plus jamais.

- Eh bien, je vous suis, Madame. Allons donc prendre un dessert digne de nous.

Paradoxalement, la réaction de la pirate à sa surprise calme la méfiance d'Audrey, qui attend que sa camarade d'un soir paye sa demi-note. Elle avait l'air si satisfaite d'elle même et de son petit effet. C'était très... pirate comme réaction, finalement.

Donc elle s'apprêtait à sortir seule avec une pirate à la réputation sanguinaire. Est ce qu'elle rêvait ou est ce qu'elle s'apprêtait à faire était très stupide?

Boaf, nan. Elle était capable de se défendre, après tout.*

Elle ouvrit courtoisement la porte du resto à Jezabel et elles sortirent du restaurant, sous l'oeil soulagé de l'équipe.

Audrey entraina la visiteuse dans le dédale des rue, vers la boulangerie de nuit qu'elle connaissait.

"Ma Mère est dans le même genre de... business que vous." dit elle pour entretenir la conversation

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*La naïveté adolescente dans toute sa beauté, Messieurs, Dames...

Nous sortons finalement de ce restaurant, sous l’œil des clients et du personnel. Jusqu'à l'ultime instant, je mets un point d'honneur à faire le nécessaire afin qu'ils ne détournent point le regard de nous. Lorsque nous sortons, l'air doux et l'épaisseur de la nuit me laisse rêveuse. Nous marchons d'abord en silence, jusqu'à ce que la jeune femme me parle de sa mère.

- Oh ? Comment s'appelle votre mère ? Peut-être la connais-je. Certes, il est vrai que notre univers est vaste et sinueux ; cependant, il s'agit également d'un milieu fait de rencontres, n'est-ce pas.

Je lui souris au travers de l'obscurité, cherchant une familiarité en ses traits.

- Et qu'en est-il de vous, Madame ? N'avez-vous donc jamais songé à suivre la même voie que votre mère ?

"Ophélie Darand. Maitre d'abordage du Lionroar."

Audrey reste songeuse quelques instants, se laissant envahir par les souvenirs du 'Roar, ce paradis perdu auquel elle essais de ne pas trop repenser.

"Elle est brutale, vantarde et hargneuse. Une excellente Maitre d'abordage. Plus d'un Capitaine a essayé de la débaucher, mais elle est resté fidèle au 'Roar. Elle aime ce vaisseau."

Elle souris de manière plus crispée à la question plus personnelle que pose la Capitaine.

"Moi? Moi je pourrais faire une bonne recrue. J'avais la Flamme, à une époque. Mais... Comment dire ça... Ça va vous paraitre ridicule... Maman voulait tellement faire de moi une des leurs que j'ai refusé. On dit que la Flamme marque votre attachement à la Liberté. Je crois que je me suis sentie enfermée dans ce rôle qu'on ne m'avais pas laissé choisir. Vous voyez ce que je veux dire?"

Le nom ne m'est guère inconnu. Évidemment. Comment ai-je pu ne point faire le lien ? Je souris, respectueuse quant aux silences et aux temps de réflexion de la jeune femme. La famille peut tout à fait être un sujet fort délicat à aborder ; je n'en suis que trop consciente.

- J'ai effectivement ouïe beaucoup de bien à propos de votre mère et de son travail. Vous devez être fière.

Elle s'ouvre ensuite à moi quant à son potentiel de pirate.

- Cela ne me semble nullement ridicule, Madame. Lorsque j'y songe, il m'arrive de ressentir ce que vous me décrivez-là. J'aime mon métier et ma vie plus que tout ; cependant, ma mère a nourri de grandes exigences à mon encontre, et ce, dès mon plus jeune âge. Je ne crois point en être sortie parfaitement indemne.

Je songe aux traitements infligés par ma mère, non sans voir mon sourire se durcir légèrement.

- Qu'importe. Vous êtes encore fort jeune, me semble-t-il. Vous avez tout le temps de vous décider à arpenter cette voie-ci. Je ne puis affirmée que votre flamme brûle encore ; cependant, de mon expérience personnelle, je tire plusieurs conclusions, dont celle qu'il est fort rare qu'une flamme s'éteigne entièrement. Usuellement, elle s'abaisse, entre en une phase d'hibernation, jusqu'à ce qu'elle soit nouvellement tirée de son sommeil. Peut-être reprendrez-vous le chemin des étoiles, tôt ou tard.

"Fiere, oui... Mais nous avons des relations compliquées."

C'était le moins qu'on puisse dire. La femme et l'adolescente ne s'échangeaient que deux lettres par an. A leurs anniversaires respectifs. C'était tout. Et c'était cordial, par rapport à la dernière fois qu'elles s'étaient vu.

La Pirate se confie à son tour. Elle a eu une relation difficile avec sa mère, elle aussi, apparemment. Ah. Les mères...

Puis Jezabel suggère que sa flamme n'est pas si morte et Audrey soupire en observant les rares etoiles qui percent la pollution lumineuse.

"Mon père... Mon père est dans l'armée - longue histoire - Et paradoxalement, C'est lui qui me laisse le plus de libertés dans mes choix de vie. Mais je crois que ça le tuerais si je m'engageait sur cette voie. Je sais que ma Flamme n'est pas morte. Parfois je brule de retourner dans l'espace, surtout au début, après avoir été expulsé du 'Roar. Peut être qu'un jour, je monterais a bord d'un vaisseau Marchand. Un vrai." Ajouta-t-elle, en une allusion malicieuse à la couverture habituelle des vaisseaux pirates, qui étaient souvent officiellement des vaisseaux marchands.

- Oh, les relations familiales sont parfois complexes.

Là encore, je parle en toute connaissance de cause. Qu'il s'agisse de mes parents ou de ma jeune sœur, rien n'a jamais été aisé.

- Il est important de conserver à l'esprit que vous vivez pour vous, et non pour les autres - qu'importe l'attachement ou l'amour que vous pouvez leur porter. Quelle que soit la voie que vous déciderez d'emprunter, cela doit venir de vous - et non des exigences de votre mère ou des craintes de votre père. La vie est éphémère et fragile, croyez-en mon expérience. Il n'est nullement nécessaire d'être pirate pour décéder prématurément, au sein de notre si beau système.

Nous marchons à une vitesse agréable, qui nous permet tout à fait de profiter du calme inhabituel des ruelles peu éclairées. Je demeure alerte malgré tout, refusant tout bonnement de me laisser surprendre par une quelconque embuscade.

"C'est vrai, c'est vrai..."

Oui, elle devait faire ses propres décisions. Et elle s'était battu pour en avoir le droit - littéralement - Cependant, elle ne se voyait pas embrasser une carrière qu'elle avait si violemment rejeté à une époque de sa vie. D'autant que cela blesserait l'homme qui avait tout laissé en plan pour venir la recueillir.

Il n'y a nulle embuscades sur leur chemin et bientôt, elles débouchent dans une artère plus éclairée et fréquentée. De l'autre coté de la rue, une boulangerie ouverte les attend.

"Au Fournil de mon Père. Un nom bien peu original pour une boulangerie-pâtisserie, mais ils font de bons gâteaux. Et surtout, ils sont encore ouverts à cette heure ci."

Audrey traverse la rue prudemment, puis elle examine la vitrine de la pâtisserie qui présente peu de gâteaux mais le peu qu'il y a semble appétissant.

"Les mini fraisiers ont l'air sympathiques, les tartelettes aussi. Ça vous va?"

Je demeure sur la défensive ; cependant, nous arrivons à destination sans la moindre embûche. Une délicieuse odeur de pâtisseries sorties du four s'élève encore dans l'air, malgré l'heure tardive. Cela lui offre d'ores et déjà une image plus accueillante et infiniment plus positive que le pauvre restaurant que nous venons de quitter à l'instant.

- L'originalité n'est jamais gage de qualité.

Je me penche légèrement au-dessus de la vitrine, observant avec attention l'aspect des petits gâteaux qui sont exposés.

- Eh bien, ce sera donc les mini fraisiers ainsi que les tartelettes. Je vous concède volontiers être particulièrement délicate en matière de goût, sans pour autant être un fin gourmet ni une gourmande invétérée. Point en matière de cuisine, en tous les cas. Aussi, j'ai tout à fait confiance en votre jugement à ce propos.

Après tout, elle cuisine, n'est-il point ? Quant à moi, je n'ai jamais cuisiné quoi que ce soit de ma vie. Il ne fait nulle doute que je me révélerai être absolument exécrable en ce domaine.

- Si cela vous sied, peut-être pourrons-nous déguster nos desserts en pleine nature, à la simple lueur des étoiles ?

"Hum... L'originalité peut etre gage de qualité. Si elle est couplée au talent et à une vrai rigueur formelle. Ce soir, ils ont manqué de rigueur."

Tiens, la capitaine veut Fraisier ET Tartellette? Audrey se serait attendu à l'un ou l'autre. Gourmande. Mais apres tout. Soyons fou!

"Je vais acheter ca, attendez moi."

Elle rentre dans la boutique déserte, achète rapidement deux fraisier et deux tartelettes au citron, puis ressort. La pirate propose alors de manger à la belle étoile.

"Volontiers! Il y a un joli petit square au prochain croisement, on devrait y trouver un banc."

Et elle commence à marcher vers le square, entrainant dans son sillage la redoutable Jezabel Alvarez.

- En cela réside tout mon propos : l'originalité seule n'est guère suffisante. Cependant, je vous concède volontiers le fait que vous possédez une bien meilleure connaissance que moi en ce domaine.

Je l'attends à l'extérieur de la boutique, toujours sur mes gardes. Pourtant, j'étais tout à fait détendue à peine plus tôt dans la soirée. Là, il m'est tout bonnement impossible de nier une appréhension certaine, sans que je ne puisse lui trouver de cause définie ou rationnelle. Eh bien soit. Composons avec ceci. Madame Darand ne tard guère à revenir, avec ses achats. Nous cheminons en direction du parc. Pittoresque au possible, il est fort agréable, et vide de toute présence humaine. Il nous offre une jolie vue sur la partie de la ville qui s'étend en contrebas.

- Quel endroit paisible.

J'opte pour un banc adossé à un arbre au tronc épais. Personne ne peut espérer me surprendre ainsi.

- Venez-vous souvent par ici ?

"Hum... Oui, c'est pas faux."

Sans remarquer la tension de Jezabel, la jeune cuisinière la mena vers le petit square. Elle remarqua cependant que la pirate s’installait dos à l'arbre. Une attitude de combattant qui se méfie. Mais paradoxalement, elle loua la quiétude de l'endroit.

"Ça va, Capitaine?" demanda l'adolescente, perplexe a cause de ces signaux contradictoires.

"Oui, je viens souvent ici. L’école hôtelière n'est pas loin. C'est comme ça aussi que je connais la boulangerie. Quand je suis de service au restaurant d'application, je sort tard et j'aime acheter du pain ou une pâtisserie en rentrant."

J'observe la jeune femme, quelque peu surprise par sa question. Après une seconde, je lui souris avec la plus grande des douceurs. Sans doute a-t-elle remarqué que je n'étais guère tout à fait apaisée.

- Oui, pardonnez-moi. Je ne suis point tranquille ; j'imagine que je suis moins à l'aise que je ne le croyais lorsqu'il s'agit de me promener ainsi au clair de lune - surtout lorsque mes lames sont demeurées à bord de mon bâtiment. Sans que je ne me sente vulnérable pour autant, cela va de soit.

Je m'ouvre à elle avec grande facilité. Que risqué-je de plus ?

- Vous passez donc bien du temps par ici. Il s'agit d'un cadre agréable. Quoi que, très personnellement, je songe ne point pouvoir supporter un tel endroit bien longtemps. Le temps de quelques nuits, certainement ; mais guère davantage. Combien de temps dure votre école hôtelière ?

Bien qu'alerte, je lève mon visage en direction des étoiles.

- Alors ; allons-nous goûter ces pâtisseries ?

Non, elle ne se sentait pas vulnérable du tout. C'était pour ca qu'elle se mettait dos à l'arbre. Mais Audrey avait appris à ne pas contredire une guerrière quand elle sortait ce genre de bêtises.

"D'accord."

Elle reconnu ensuite l'endroit agréable, sans pour autant pouvoir le supporter longtemps. Cela fit sourire Audrey. Quand on vit dans un vaisseau toujours identique, il est ironique de prétendre ne pas supporter la monotonie.

"Mon école durera encore 2 ans, puis je volerais de mes propres ailes."

Elle ouvrit le carton à dessert et le présenta à Jezabel pour qu'elle se serve. Dans le carton se trouvaient aussi deux petites cuillères jetables.