Attention, lumière [Lodewijk]

Tu vas t’excuser, gros.
Il n’en avait pas envie. Aldéric a fait les gros yeux par dessus la table de la cuisine, a reposé très lentement ses couverts, et a repris.
Tu vas t’excuser avec un gâteau et des bons mots. Vako.
Il n’a même pas essayé de dire non. La menace était explicite : il le fait ou il se prend une volée de bois vert de la part de son père.

Alors voilà, Vako se tient devant la porte de l’église. Un plat à tarte couvert d’un torchon dans les bras, son pull à capuche ne le protégeant pas assez contre le regard de l’Unique sur le dos, il foudroie de ses yeux sombres le fronton du bâtiment.
Les pierre s’en moquent. Les pierres n’ont aucune pitié pour les enfants perdus et terrifiés qui passent près d’elles. Il inspire en grand, ferme ses yeux, fait un pas en avant.
Rien ne le foudroie.
Toujours pas.

- Tu mens.

De nouveau il siffle dédaigneusement au visage de la première statue croisée, comme pour affirmer sa présence en un lieu saint. S’il n’était pas aussi mort de peur il aurait poussé la provocation beaucoup plus loin… Mais il a peur. Et il se contente de deux mots de rien du tout avant de se détourner du regard vide et idiot de la représentation de saint Obat.
Il a un tâche à accomplir. Plus vite il retrouve le pauvre Père qu’il a méprisé pour lui donner son gâteau accompagné de trois excuses maladroites, plus vite il pourra rentrer chez lui afin de profiter de la fin de son temps à terre.

Le bel homme aux yeux tristes est introuvable. Bien entendu. C’est quelqu’un d’autre qui attire son regard au point de le pousser à se rapprocher précautionneusement. Il n’a pas l’air aussi doux que la personne qu’il cherche mais il a une canne, et il boite, et le médecin est un peu trop gentil pour son propre bien parfois.

- Est-ce que vous avez besoin d’aide ?

Loin d’être totalement idiot -ou de ne pas avoir l’habitude de se méfier de tout le monde-, il reste hors de portée d’un éventuel coup, caché derrière la capuche et le plat à gâteau.

Certaines missions sont plus désagréables que d'autres, certaines sont abjectes, d'autres bien plus sympathiques. Aujourd'hui je m'autorisais une mission sympathique :
Je venais visiter mon ami Monseigneur Lumièredieu, un Évêque officiant à Espoir.
Quittant exceptionnellement le Pierre au Fusil, enrobé dans ma cape de voyage, je me rendais à l'église où nous avions coutume de nous retrouver.
Comme à mon habitude, j'avais une dizaine de minutes d'avance, comme à son habitude, il en aurait 15 de retard.

J'étais en train d'inspecter l'état et l'entretien de l'église quand quelqu'un s'approcha. Il ne s'agissait pas du prêtre, ni de mon ami, mais d'un jeune homme bien bâti.

Je ne sais si cela s'entendit, mais mes dents grincèrent horriblement quand il me demanda si j'avais besoin d'aide. Toutefois, je décidais de ne pas me montrer orageux.

Me retournant tranquillement vers le jeune homme, constatant le plat qu'il tenait entre les bras, je lui répondis simplement :
> Vous semblez plus avoir besoin d'aide mon fils. Est ce là le poids de vos péchés que vous portez ?

Pour lui intimer une réponse, je remis en place ma cape sur mes épaules, affichant mon appartenance à l'ordre Épiscopal. Je n'avais toutefois pas envie de l'intimider en affichant mon uniforme Inquisitorial.

- C’est… Une tarte aux poires… ?

Le poids de ses péchés il le cache sous ses vêtements, merci bien. Dans ses bras il n’a vraiment que du sucre, des amandes et des poires et heureusement que le gâteau est là, lui occupe les mains, puisque le besoin de se planter les ongles dans la peau fait surface au moment même où il pose les yeux sur la cape de l’homme en face.
Un Saint Homme. Un qui n’a pas l’air aussi mielleusement compatissant que celui qu’il cherche. Tous ses instincts de bête fragile lui hurlent de s’éloigner, de se méfier, de faire demi-tour et de rentrer chez lui maintenant. Tout son masochisme imbécile lui enjoint de rester.
Il ne bouge donc pas. Il sourit à l’inconnu. D’une voix douce, il lui pose la question que lui souffle son besoin de se mettre en danger pour rien.

- Ais-je l’air tant accablé par mes péchés ?

Le jeune homme, bien que paraissant paisible, éveille en moi en sentiment familier, il est toutefois bien trop tôt pour en être sûr. Je vois son oeil glisser sur ma cape, je le vois réagir, mais nullement comme je l'entendais. Point de révérence en ses mots ni en ses gestes, point de Monseigneur.

Me réappropriant sa demande première, je dis en m'approchant :
> Prêtez-moi votre bras, le temps que nous marchions et échangions quelques mots. Bien-sûr, cela n'avait rien d'une demande, plutôt un ordre sous voile de décorum.

> Savez-vous mon fils qu'il est coutume de dire que "c'est par le doute que le péché s'installe" ? dis-je dune voie légère et pédagogue.

> Or vous semblez douteux, aidez-moi à vous aider, racontez-moi votre histoire. ajoutais-je, bien plus impératif.

C’est un jeu dangereux. Il le sait parfaitement mais il y a quelque chose qui le pousse en avant. Il prête donc son bras avec un soupçon de politesse, incline la tête sur le côté comme pour saluer. Ce n’est pas ce qu’il faut faire, son éducation ne l’a pas rendu ignorant des usages en vigueur, sauf qu’il l’ignore.
Tous les signaux sont au rouge, après tout, une alarme de plus ne changera rien.

- Un des Pères de cette église m’a dit, un jour, que si ne nous doutions pas nous n’aurions rien à surmonter, que notre foi serait plus faible.

Ce qui est idiot. Ce qui est absurde. Ce qui ne fait pas de sens tout en faisant trop de sens et il hait viscéralement l’homme qui lui a dit ça pour avoir visé si juste.

- Mon histoire n’est pas très intéressante. Ce n’est pas que je ne tienne pas à vous la raconter, Monseigneur, mais vous vous ennuieriez très vite du conte d’un enfant unique suivant les traces de son père.

Ce n’est pas exactement un mensonge, c’est une vérité. Une de celles qui existe. Il en offre une autre en levant les yeux au plafond.

- Mes doutes sont les mêmes que ceux des jeunes personnes comme moi. Ce n’est pas plus intéressant que le fils du médecin devenu médecin.

Je notais intérieurement les différents éléments qu'il me donnait au compte goutte. Si je me doutais que je n'avais pas là que la vérité, d'expérience je savais que même le plus élaboré des mensonges pouvait être percé. Toutefois son histoire sur les prêtres m'interloqua, je ferai le nécessaire pour qu'ils soient examinés.

> Je vous remercie pour cette confidence, je sais ô combien les prêtres ont de poids sur les âmes de leurs ouailles. Je les questionnerai, personnellement. sur cette dernière phrase, ma langue était devenue d'acier, mon verbe tranchant, aiguisé par mon zèle.

> Vous êtes enfant unique ? Vos parents n'ont pas eu de fille ? Pas d'autres fils ? à mes questions je me concentrais sur son souffle, sa voix, son maintient. Car si je voulais le retrouver dans les registres, tous les indices seraient utiles.

> Vous êtes médecin ? Je vous prie d'excuser mon manque d'étiquette. Au fait, vous ne m'avez pas décliné votre nom, votre patronyme. Cette rencontre prenait une tournure de plus en plus intéressante. Cet homme n'était pas médecin, il n'avait rien d'un gradué de l'E-cque. A moins qu'il n'ait étudié hors de l'académie. Je me présentais à mon tour :

> Je suis Lodewijk Lazare, on me présente aussi comme le Capitaine de la Pierre au Fusil. Vous avez sans doute entendu parlé de moi. On me surnommait aussi Capitaine Inquisiteur Lazare, ou encore l'Inquisiteur à la canne, mais je ne voulais pas l'effrayer trop vite, ni trop fort.

C’est un interrogatoire. Petit à petit, la réalisation gagne Vako, le tend. Sa nuque se raidit, son dos se redresse, ses yeux se posent sur le rien juste devant lui alors qu’il glisse ailleurs.
Dans quelqu’un d’autre.

- Mon père n’a ni fille ni fils à part moi.

Dire oui, dire merci, obéir, ne pas faire de vagues. Il sait bien faire, les leçons apprises des années plus tôt ne s’effacent pas si facilement malgré tous les efforts faits pour y parvenir. Marcher droit, prier, n’être rien. Ne penser rien. Tout s’éteint en lui.

- J’ai entendu parler de vous, en effet. Je suis honoré de vous rencontrer.

La voix du médecin est d’une neutralité de cadavre, sans la moindre intonation. S’il est honoré, ça ne se lit nulle part. S’il est révulsé, ce n’est pas beaucoup plus lisible.

- Vako Le Grandier. Médecin de quartier. Vous n’avez sans doute pas entendu parler de moi.

Il y a une pauvre ombre de sourire qui apparaît sur ses lèvres et s’efface aussitôt, noyé dans le néant émotionnel qui le protège.

Le jeune homme avait soudainement changé d'attitude, il s'était refermé tel un coquillage se sentant menacé. Cela signifiait que je touchais à la part souillée de son âme, qu'il me fallait être vigilent et réactif.

Vako Le Grandier, fils unique et prétendument médecin. Je commençais à en connaître suffisamment pour pouvoir mener une enquête efficace. Les couples à enfant unique étaient rare, j'aurai tôt fait de faire interroger tous ceux qui correspondraient à cela.

> Oh ! Vous travaillez ici, a Espoir ? Peut-être n'avez-vous pas quitté la demeure familiale...
Ralentissant doucement le pas jusqu'à m'arrêter, je quittais le bras de Vako pour un banc, afin de reposer ma jambe faible. J'aurai pu continuer ainsi plus longtemps, mais je l'aurais payé durement les jours à venir.

J'avais à présent le choix de le laisser repartir, lui tirer plus d'informations, ou appeler des renforts de la Pierre au Fusil pour l'interroger plus efficacement. M'espérant discret, j'activais la balise de mon HCom, Père Vérité devrait arriver d'ici trois minutes.

> Vako, mon enfant, si vous savez qui je suis, pourquoi persistez-vous à mentir, à moi comme à vous-même ? Vous devez pourtant savoir ce qu'il en coûte de mentir à un Inquisiteur.
Dis-je d'une voix paternaliste, couvant une violente menace.

> Il n'est pas trop tard pour vous confesser. dis-je avec un doux sourire. Ensemble nous pouvons purifier votre âme, la libérer du fiel et de la souillure. J'espérais sincèrement qu'il accepte mon offre, qu'il accepte la rédemption que je lui offrais.

Il s’immobilise lorsque l’autre homme s’arrête, son plat à tarte toujours dans les bras, ses yeux plantés sur une aspérité du mur légèrement au dessus de l’épaule de Monseigneur fouineur.

- Non, je travaille ailleurs.

Et il n’y a pas de Le Grandier à Espoir. Il n’est pas idiot, il est bien trop habitué à se méfier de tout le monde pour ne pas prendre mille précautions dans le seul but de survivre.
Parce qu’il ne doute pas un instant de risquer sa vie face au Très Saint Homme. Il lui parle de purification, et il ment. Comme les statues aux yeux de moutons battus. Il tient la lumière à une main et la hache dans l’autre pour l’abattre s’il fait mine de s’approcher.
Il ment, IL MENT, IL MENT.

- Mon âme est libre du fiel et de toute souillure.

Des jolis mots et des dorures et loin de toute cage. Son âme est pure parce qu’il s’est enfui. Parce qu’il est lui-même. Cette certitude réconfortante se fait une place tout contre son coeur pour le maintenir debout.

- Je ne mens pas, je n’ai rien à confesser. Je vis ma vie au mieux, je tâche d’être compatissant et honnête, de travailler dur et de respecter mon prochain.

Un pas en arrière, juste un.

- Je venais pour voir quelqu’un. Votre jambe va mieux ?

Ô désespoir, le pécheur, l'agneau égaré ne sait reconnaitre son mal, ou pire, son mal le ronge si bien qu'il ne saurait être sans. Ô très saint, pur parmi les purs, puisses-tu lui prêter ta lumière, me prêter ta force et ta volonté. Que son âme soit préservée de l'Engence, ou alors qu'elle soit torturée pour l'éternité si elle L'a epousé. Que sa faible chair laisse s'échapper la vérité criante, que son sang souillé laisse s'écouler le vrai. Que par sa bouche il crie Ton nom et non le Sien.

> Ce sont les dessins de l'Unique qui t'on conduit à moi. Ma jambe ira, mais mon âme souffre. Il avait manifestement une éducation, quelque chose de Trinitaire, mais il semblait s'être perdu. Il me fallait le ramener de force, puisqu'il avait refusé mon offre, mais seul je ne le pourrai pas. Mon coeur voulait lui hurler sa faute, ses mensonges inavoués, la chance inouïe qu'il venait d'odieusement balayer, mais mon esprit restait calme et focalisé. Pour sauver son âme et bien d'autres, je devais rester calme.

> Attendons, proposais-je. Attendons, que le prêtre arrive, vous pourrez lui donner votre tarte. J'aurai souhaité m'entretenir avec lui. marquant une pause, je terminais ma phrase en ces termes : Un prêtre ne saurait laisser ses paroissiens dans la solitude.

Bien entendu, ce n'était certainement pas le même prêtre que nous attendions. Si Père Vérité arrive à temps, peut-être pourrions nous faire tomber un réseau clandestin de médecine, sans doute moins, miraculeusement plus...

- L’Unique vous a guidé à moi… ?

Peut-être.
Peut-être que c’est ça, oui. Que s’il est tombé sur l’Inquisiteur c’est pour une raison qui n’est pas celle du menteur. Peut-être qu’Il veut que lui, Vako, apprenne quelque chose. Qu’il prenne soin du minuscule bout de conviction qu’il vient de trouver face à la menace.
Il est une bonne personne.
Il n’est pas un pécheur perdu, quelque chose à sauver, à abattre.
Alors quand il pose les yeux sur l’homme inflexible en place, ils sont pleins de compassion. Dommage pour Monseigneur, qui ne semble pas être aimable, qui n’aide pas son prochain, ne fait pas de son mieux. Dommage pour celui qui n’inspire que la peur aux moutons noirs.

- Vous pourrez discuter avec le prêtre. Je repasserai une autre fois pour lui donner de la tarte, vous pouvez prendre celle-ci.

En faisant attention à rester hors de portée, il la dépose sur le banc.

- Pour vos bons mots qui m’ont aidé à me rendre compte de ma valeur, Monseigneur, vous la méritez bien. Mon père dit souvent que la nourriture réconforte l’âme. J’espère que votre souffrance sera atténuée avec ce dessert.

L’autre souhait est qu’il s’étouffe sur un des fruits. Ce serait une belle preuve de justice divine.

L'espace d'un instant, j'eu l'espoir d'avoir touché en lui son âme, car son regard changea et se fit plus doux. Il avait compris quelque chose. Puis il me regarda de nouveau avec méfiance, distance, prudence.

Quand il déposa la tarte sur le banc, quand il m'annonça partir, me fit dont de son présent qu'il avait dédié à un autre, je compris que j'avais échoué. Mon échec était aussi grand que son âme fut belle et aujourd'hui perdue, souillée. Mon échec était de ne pas avoir put le convaincre de se sauver lui-même et que j'allais être obligé de le forcer à la repentance.

> Monsieur Le Grandier, je vous demande pardon. et sans plus de procès, je m'emparais de mon arme à feu et le mit en joue. Doigt sur la gâchette, je visais sa hanche, mon but n'était pas de l'abattre, mais de l'empêcher de fuir, quitte à le blesser gravement. Je vous demande pardon, je n'ai pas su vous montrer la voie, alors je vous y traînerai de force, à moitié mort s'il le faut.

Ma posture laissait voir mon entraînement et il ne s'agissait pas une arme d'apparat :
> Ne m'obligez pas à tirer...

Il est terrifié.
Les yeux grands ouverts, la respiration erratique, le coeur dans la gorge, il regarde l’arme pointée sur lui sans vraiment comprendre, sans saisir ce qui lui arrive.
Il est menacé. Dans une église. Par Monseigneur fils de chienne et de cochon.
Est-ce qu’il va mourir là ?
Mais il ne veut pas !

- Je refuse, chuchote-t-il.

D’y rester, d’être traîné de force, il refuse beaucoup de choses. Et même si sa voix tremble autant que lui, sa résolution ne faiblit pas. Non, décide-t-il, affirme-t-il.
S’il avait seulement eu le plat à tarte à portée… A défaut de ça il a son pilulier dans la poche, accessible. Lançable. Il ne doute pas un instant d’y laisser des plumes mais entre la mort certaine et un pari risqué, il préfère cent fois miser sur sa chance.

- Crevez.

Le sifflement haineux part en même temps que la boîte de métal, que le corps de Vako qui se dégage tant qu’il le peut de la ligne de tir.

Bien que navré d'en arriver à une telle extrémité, je suis sérieux et résolut. D'un mouvement étonnement rapide il se saisit d'une boîte métallique et la lance agrémenté d'une menace directe. Il ne m'en faut pas plus, je presse la gâchette sans ciller.

Le bruit. La confusion. Le monde qui devient incompréhensible et les signaux de son corps pour tout repère : son genoux qui tape le sol, son pied qui le repousse loin de la ligne de tir, son flanc, son dos, son flanc de nouveau contre la surface dure. Il n’a pas passé des années à s’entraîner au sport pour être incapable de bouger convenablement.
Lorsque l’univers retrouve un sens cohérent, il ne perd pas un instant. Il se relève, prend les jambes à son cou sans la moindre provocation finale.
Il faut fuir et courir et vite et bien. S’il a été manqué ce n’est que par chance.

Bousculant des paroissiens aussi perdus que lui dans sa précipitation, renversant demoiselles et vieux monsieurs, il parvient à sortir de l’église. La ville est bien plus facile à affronter, il la connaît, la maîtrise. Il sait où se cacher, chez qui se faufiler pour rester tranquille le temps que les choses se calment.

Il n’est pas mort. Même pas blessé, pas physiquement en tout cas. Même si son père le menace de lui botter l’arrière-train au prochain incident, il prend le temps de l’examiner, de s’assurer que tout va bien.
Il n’y a pas une égratignure.
Vako décide que c’est la preuve qu’il a raison.
Et qu’il faut qu’il porte un bouclier personnel tout le temps.

> Loupé... Je prononce ce constat à voix haute, comme m'en convaincre. Visiblement, j'avais à faire plus entraîné que je m'attendais. Bien vite, la grimace de la déception est remplacée par mon habituel faciès impassible. Assis sur le banc, avec la tarte pour tout compagnon, j'attendais l'arrivée de Père Vérité, énumérant les étapes qui allaient suivre :

D'abord, nous allons examiner le prêtre de cette église, ainsi que ceux qui y ont prêché les dernières années. Il nous faudra aussi examiner le contenu de cette boite métallique, et la tarte, en connaître la provenance. Ensuite nous examinerons les registres des Le Grandier, retrouver les enfants perdus, sauvés, fugués, déclarés morts, si possible unique. Il devrait y en avoir peu à correspondre avec celui que je venais de croiser. Sans doute des parents seront-ils trop heureux d'apprendre que leur enfant est toujours en vie.

> Vako Le Grandier, croyez bien avoir tout à fait retenu mon attention.
Ces mots lui étaient destinés autant qu'à moi. Rangeant finalement mon arme dans son étui, je joignais les mains :

> Ô toi, Pur d'entre les purs, Sage d'entre les sages, Fort d'entre les forts, pardonne-moi. J'ai brisé le calme de ta maison et n'ai pas attrapé l'hérétique. Prête-moi ta volonté et guide ma main. J'appliquerai ta justice, je répandrai ton feu, j’anéantirai les ténèbres.

Me saisissant de ma canne, je me relevai alors et sans un mot, me dirigeai vers la porte de l'Eglise.