Una es más auténtica, mientras más se parece a lo que soñó de sí misma.

Il aurait pu attendre une date jalon, comme le jour de leur rencontre, ce jour qui était sensé être celui de son anniversaire et qui était celui de la mort de celui qu'il aurait du être, le jour où il avait décidé de devenir ce qu'il était devenu. Mais elle avait été disponible avant et il n'avait pas vu de raison d'attendre. C'était donc un jour comme les autres, une date anonyme en quelque sorte qu'il confia les clefs de la frégate à Valmont pour trois jours et descendit sur Paradis, le bastion trinitaire de Renaissance.

Tranquille, il s'était fondu dans la haute société trinitaire avec la même aisance qu'il le faisait dans la noblesse impériale. L'Union lui était plus difficile mais son pragmatisme lui donnait également un avantage. Pour ce rendez-vous, il avait pris deux places de concert. La musique avait été délicieuse, faite par une violoniste de talent, encadrée d'un orchestre qui n'aurait pas déparé sur Tyrion. S'il applaudit avec son calme usuel, il avait apprécié le moment silencieux auprès de la compagnonne qu'il avait à peine eu le temps de saluer avant le début de la performance. Ils avaient eu à manger et à boire pendant la musique et n'avaient maintenant qu'à profiter de l'air nocturne du milieu d'automne. Par galanterie, il enleva sa veste de feutre bleue foncée et la posa sur les épaules de la jeune femme.

La musique était magnifique. L'attention de Jaziel, le choix de ce concert pour votre rencontre, t'a touché, Laylia. Il sait que tu aimes les instruments à cordes, comme tu sais qu'il apprécie la flûte et tente donc d'apprendre cet instrument. Cela vient mettre un baume sur tes inquiétudes et tes doutes qui persistent, te rassure aussi dans ta décision. Cet homme n'est pas comme les autres, il ne l'a jamais été, et tu ne t'es jamais attendu à ce qu'il le devienne. La nouvelle tournure de votre relation n'y change rien. Parce que même s'il est différent, il a ce qui compte vraiment et de ce dont tu as besoin. C'est pour ça que tu l'aimes.

Lorsque Jaziel vient poser sa veste sur tes épaules, couvrant ainsi ta robe de soirée marine brodée de pierres, tu lui offres un sourire et attrape sa main pour sa serré un bref instant dans la tienne.

"Merci. Pour le concert également, c'était une excellente idée, j'ai adoré."

Tu es sincère et heureuse d'être avec lui, mais s'il y porte attention, il pourra aussi voir que tu es nerveuse. Tu n'as jamais été douée pour cacher ta nervosité, alors même que tu te contrôles très bien pour tout le reste. Il attend une réponse, tu le sais, et même si ta décision est prise, tu crains un peu le moment où il va la réclamer. Peut-être simplement parce qu'ensuite tu as l'impression que tu ne pourras plus reculer, changer d'avis?

La beauté de Laylia avait rehaussé la soirée. Elle était magnifique dans sa robe richement décorée et de nombreux regards s'étaient posés sur eux. Dans l'air du soir, il lui laisse le temps de revenir dans le monde réel, en silence, tranquillement. Lorsqu'il lui donne sa veste, elle attrape sa main, la serre, et prend la parole. Il la lui abandonne mais elle la lâche déjà. Bon. D'accord. Au moins a-t-elle apprécié la surprise. C'est déjà ça.

"Ah ? Bien. C'était le but." Elle a l'air heureuse, l'air d'avoir oublié le fiasco de leur dernière rencontre et c'est tant mieux. Il ne sait pas trop quoi dire. Il pourrait réclamer une réponse mais il sait que ce serait contre-productif de le faire déjà. "Plusieurs choix s'offrent à nous. Nous pouvons nous glisser dans une réception pour danser un peu, nous balader dans la ville ou rentrer directement à l'hôtel. Qu'est ce qui vous serait le plus agréable ?"

Laylia sourit un peu plus aux suggestions de son amant. Chacune est intéressante pour des raisons différentes et encore une fois, la Compagnonne apprécie le soin que Jaziel porte à ce qu'elle préfère. Après des années à n'agir que pour les préférences des autres, l'effet est étrange mais agréable. Il lui est d'ailleurs encore difficile de concevoir qu'il n'est plus son client, qu'elle n'a pas continuellement besoin de s'assurer que ses désirs et attentes soient comblées, et que les siens ont la place d'exister. Ce moment agréable aide à remplacer les mauvais souvenirs de leur dernière rencontre par de plus positifs.

Laylia réfléchit donc un bref instant avant de répondre.

"Autant l'idée de danser est attrayante, nous ne l'avons pas fait ensemble depuis trop longtemps, autant je crois que je préférerais marcher un peu dans la ville avec vous."

Une balade tranquille leur permettra de parler et en plus d'avoir du temps à rattraper, Laylia est particulièrement consciente de la question qu'ils devront aborder ce soir. Pourvoir discuter seuls à seul, paisiblement, et reconnecter un peu avant lui semble donc la meilleure option.

Elle se lève alors, reprenant la main de Jaziel dans la sienne après un bref instant d'hésitation, puis lui offre un sourire légèrement désolé.

"Je ne connais malheureusement pas Paradis, aussi je ne saurais nous guider. Ètes vous plus familier que moi avec cette ville?"

Ils n'ont pas dansé depuis des lustres, c'est exact. Ce n'est pas en général une activité qu'il pratique tellement. Il le fait par besoin, pour une proximité et, ce soir, puisqu'il est là pour la jeune femme, si cela peut lui faire plaisir, alors pourquoi pas. Elle écarte toutefois la proposition et s'il n'en est pas réellement soulagé - puisque ce n'était pas non plus un fardeau - il n'en est pas plus ennuyé et il lui abandonne à nouveau sa main. Celle de la compagnonne est chaude. C'est mieux. Elle doit avoir moins froid.

"J'y allais parfois, à une autre époque. La vie trinitaire fascine la noblesse impériale. Un mélange de coutumes et de dépravation je pense. Mais cela fait de nombreuses années que je n'ai pas pris le temps de m'y perdre."

Il marche pourtant, d'un pas tranquille, sans hésitation dans les rues baignées par la nuit. Il ne va nulle part aussi il ne cherche pas son chemin, simplement l'inspiration d'un moment. "C'était quelque chose que l'on ne pouvait pas faire là d'où je viens. Se perdre. C'était trop petit pour ça."

La marche est lente, presque une déambulation paisible sous les étoiles et dans les rues désertes, aussi la nervosité de Laylia s'apaise au rythme de leurs pas. La promenade était une bonne idée, finalement. La Compagnonne sourit doucement aux paroles de son amant et détache un instant son regard du paysage urbain qui les entoure pour les poser sur son visage.

"Se perdre volontairement est quelque chose que je ne fais pas assez souvent. J'aime beaucoup l'idée, elle est à la fois attirante et poétique."

Justement, un vieux poème Corporatiste lui revient en mémoire, et la brune l'offre è la nuit à mi-voix.

"To be lost is nothing to fear, for everything that is lost, is on the path to being found."

Elle serre un peu plus les doigts de Jaziel entre les siens puis lui offre un sourire. Ce moment lui fait beaucoup de bien, plus qu'elle ne l'aurait cru, et elle en est reconnaissante. Cela rendra la suite plus facile, certainement. Mais avant tout cela, elle lui demande :

"Parle moi d’où tu viens. Comment était-ce, si c'était un lieu où il était impossible de se perdre?"

Poétique. Peut-être bien. Pour lui, on n'est jamais perdu si on ne va nulle part. Il connait la citation qu'elle lui offre et hoche la tête avec lenteur.

"La planète mère de l'Imperium est Tyrion mais son vrai centre est autour, dans des stations orbitant plus ou moins loin de celle de l'Empereur. La notre n'était pas très grande mais elle était propre et organisée avec talent. Le temps passait au rythme de la grande planète bougeant autour de nous dans un ciel toujours noir à travers la vitre blindée. Il n'y avait pas de météo, pas de bouleversement, pas de saison, pas de paysage. Les plantes servaient à purifier l'air. Nos routes étaient dans l'espace, d'une station à l'autre et, parfois, rarement, sur nos terres en bas. Le pouvoir était dans la proximité, dans les bals et les relations entre les hommes. Les objets étaient petits et délicats pour la plupart mais aussi imposants et tape à l'oeil car avoir de la place était une démonstration de puissance."

Laylia est agréablement surprise par la réponse de Jaziel. Il est plutôt rare qu'il parle autant, surtout de choses aussi personnelles. Cela la fait sourire et elle se demande si l'évolution de leur relation y est pour quelque chose. Dans tout les cas, ca lui fait plaisir.

Dans les paroles de son amant, elle dénote néanmoins une pointe de... regret? Nostalgie? Son coeur se serre alors, car si elle n'a pas l'habitude de le voir se livrer ainsi, il est encore plus rare qu'elle décèle ce genre d'émotions chez Jaziel. L'homme est tellement toujours contrôlé, objectif. On pourrait même facilement le croire indifférent à tout, si on ne le connaissait pas, lui et ses nuances. Laylia laisse un moment de silence passer, respectueuse de ses souvenirs, puis demande doucement :

"Ta station spatiale d'origine te manque beaucoup, n'est-ce pas?"

Son regard se teinte d'une légère surprise. Est ce qu'elle lui manque ? Oui. Et non ? Il ne sait pas trop. Il ne l'a jamais oubliée, c'est sûr mais comme pour Erika, c'est plus la nostalgie d'une époque, d'une enfance. Est-ce qu'il y retournerait s'il en avait l'occasion ? Près de l'Empereur, au coeur de l'Empire ? Pas certain. Il a sa route maintenant. Il réfléchit et l'on peut voir les rouages de la logique dans ses pensées.

"Je crois qu'on oublie jamais ses racines."

Laylia l'observe discrètement réfléchir, sans le brusquer. Elle a toujours aimé voir l'expression de Jaziel lorsqu'il réfléchit, perdu dans ses pensées. Elle ne se lasse pas de ce spectacle, malgré les années, et cette fois encore en profite bien qu'une pointe d'inquiétude pour lui soit née dans sa poitrine. Elle n'apprécie pas l'idée qu'il puisse souffrir, d'une manière ou d'une autre. Finalement, sa réponse, égale à lui-même, la rassure un peu.

"Oui, je comprends et le crois aussi. Autant j'adore voyager, autant je ne pourrais jamais oublier Vanguard et le Conservatoire."

Elle serre un peu plus sa main un instant, comme un support silencieux, puis laisse les bruits de la ville de nuit emplir de nouveau leur univers. Après quelques minutes de marche, ils arrivent à proximité d'un parc. Laylia fait signe à Jaziel de prendre cette direction puis, lorsqu'elle aperçoit un banc agréablement isolé dans la végétation et face à une fontaine, propose :

"Asseyons-nous un moment."

Alors qu'elle prend place, les battements de son coeur s'accélèrent. Elle avait originellement prévu d'attendre à leur hôtel pour aborder cette question si importante, mais l'endroit et le moment lui semblent plus parfaits maintenant.

Elle ne pourra jamais l'oublier mais pourrait-elle vivre ailleurs ? Les quitter ? Il l'ignore et c'est une question à laquelle il répondra plus tard. Pour le moment, elle serre sa main et il répond de la même façon. Elle a l'air de chercher quelque chose. Respectueux, il la laisse rassembler ses pensées, s'asseyant, silencieux, à côté d'elle, ses yeux calme posés sur sa silhouette frêle qui se dessine dans la pénombre. Il ne lui posera pas de question, il lui laisse son espace, son temps. Lui a toute la nuit.

Laylia reste silencieuse un long moment, sans lâcher sa main. Trouver les bons mots est complexe. Elle veut bien faire, cette fois. Que tout soit parfait. C'est sot, elle le sait, mais elle ne peut s'en empêcher. Finalement, elle tourne enfin ses yeux bleus vers Jaziel.

"J'ai longuement réfléchi à ta proposition et... je crois être enfin prête à t'offrir ma réponse."

Elle serre un peu plus sa main puis un fin sourire se trace sur ses lèvres, mêlant bonheur, excitation et une vague angoisse toujours latente. La tête un peu légère, la faute à son coeur battant à tout rompre, elle inspire l'air frais nocturne. Après avoir prononcé ces mots, ce sera leur réalité, et non plus un simple rêve.

"Je veux construire une famille avec toi, Jaziel. Je veux élargir celle qu'on a actuellement, et le faire consciemment cette fois. Peu importe la forme que cette famille aura, cela m'importe peu, tant que je l'ai avec toi."

L'émotion la laisse fébrile et si elle ne peut plus refréner son sourire, ses mains tremblent légèrement maintenant.

"Si c'est toujours ce que tu souhaites, bien sûr."

Le silence qui s'est installé entre eux n'est pas un soucis. Quinze années de cohabitation installent une proximité qui grandit à chaque moment. Il l'a remarqué avec son équipage également. Chacun sait exactement comment faire avec les autres. Une nouvelle machine est toujours grippée. C'est l'habitude qui rend parfait. Lorsqu'elle tourne ses yeux vers lui, il lui rend son regard. Ils sont bleus tous les deux mais elle est chaude, lui est froid. Il l'écoute. Il n'a ni angoisse, ni inquiétude. Ni impatience ni excitation. Il est poli et attentif. Concentré. Sur les mots. Sur le visage. Elle serre sa main, il fait de même en réponse puis lâche ses doigts et pose les siens sur la joue fine de la compagnonne.

"C'est toujours ce que je souhaite."

Un enfant, il le sait, c'est minimum vingt ans d'engagement. Il ne serait pas sérieux s'il renonçait au bout de quelques mois à peine. Il voit bien qu'il doit faire ou dire quelque chose. Alors il l'embrasse. Ca a toujours marché jusqu'ici lorsqu'il n'était pas sûr des mots à utiliser.

"Merci"

Lorsque les doigts de Jaziel se posent sur sa joue, Laylia ne peut s'empêcher de s'appuyer un peu plus contre celle-ci. Puis, ses mots font éclater la joie contenue dans sa poitrine et elle lui rend son baiser. L'une de ses mains vient alors chercher sa nuque, appuyant doucement contre celle-ci pour accentuer comme pour faire durer le contacte de leurs lèvres, plus qu'elle ne s'y autoriserait normalement. Ils sont peut-être dans un lieu public, mais ils sont seuls et ce qu'ils vivent maintenant dépasse tout le reste. Ils se séparent néanmoins lorsque Jaziel se recule pour la remercier. Le sourire qu'elle lui offre pourrait alors presque éclairer la nuit.

"Tu n'as pas à me remercier, mon amour, car ce n'est pas moi qui te donne quelque chose. C’est nous, ensemble, qui nous offrons le plus grand cadeau que quiconque puisse avoir."

La brune se penche de nouveau en avant, reprenant les lèvres du capitaine de l'Iceberg entre les siennes avec une douce ferveur. Il aurait peut-être été plus sage d'attendre d'être à l’hôtel pour aborder le sujet, finalement.

Elle répond avec enthousiasme et cela le conforte dans l'idée que c'était la réponse appropriée et attendue. Il se laisse emporter par son envie, la suivant sans la contraindre jusqu'à ce que leurs souffles se séparent et qu'ils reprennent les paroles. Elle lui sourit. Il hoche la tête pour recevoir cette réponse. Il est toujours aussi sérieux. Avec une légère surprise lorsqu'elle l'appelle "mon amour" mais qu'il n'exprimera pas. Si elle veut l'appeler ainsi, au fond, quelle importance ? Ils s'embrassent à nouveau, il répond cette fois, comme elle le lui a apprit qu'elle aimait. Il inspire lorsqu'à nouveau ils se séparent. "Rentrons." Ce n'est pas une question. De celle-ci, ils ont fait le tour et la réponse de la jeune femme mérite une exécution immédiate. Il lui tend la main, décidé à la ramener à l'hôtel.

Des papillons s'envolent dans son ventre alors que Jaziel lui répond avec la même passion que la sienne. Elle qui a connu tant de lèvres, tant de chaleurs différentes... et pourtant elle n'a jamais connu cette sensation que lorsqu'elle est avec lui. Elle n'a jamais désiré plus d'une personne, jamais voulu plus pour elle-même. Mais Jaziel De Nieves change tout, et c'est avec une excitation fébrile qu'elle se laisse emporter par la vague gigantesque qu'il représente dans sa vie.

À son affirmation, elle hoche la tête. Ce n'est ni une question, ni une suggestion, mais elle ne souhaite rien d'autre et il l'a compris. Prenant sa main, Laylia se lève du banc de parc, seul témoins avec les arbres alentours de leur moment si spécial désormais partagé, et se laisse guider en direction de l'hotel. Profitant qu'ils soient encore seuls, elle précise doucement :

"J'ai déjà fait retirer mon implant contraceptif. Pour les mois à venir, je ne prendrais que des contrats de spectacles ou d'enseignement, et non plus de compagnie, bien sur. Mon médecin m'a affirmé que je suis toujours fertile et, à voir la facilité avec laquelle nous avons eu Abygaël, j'ai bon espoir que cette grosesse-ci survienne rapidement."

Il hoche la tête. C'est bien. Elle a pensé à tout et même à ce qu'il ne lui aurait pas demandé. Il la prend par la taille, d'un geste qui pourrait passer pour possessif même s'il n'y pense pas vraiment. Il se dit simplement qu'elle apprécierait, que c'est ce qu'on fait à sa compagne et qu'elle mérite qu'il la traite comme telle. "Je t'ai toujours fait confiance pour cela. Veux-tu que je complète financièrement le manque à gagner ?"

Un sourire glisse sur ses lèvres lorsque Jaziel passe un bras autour de sa taille et Laylia se laisse attirer à lui, le coeur battant un peu plus rapidement alors qu'ils marchent toujours en direction de l’hôtel. Ce genre de gestes qu'il a depuis que leur relation a pris un nouveau tournant la rendent... heureuse. Elle les connaît par coeur, d'autres hommes, mais jamais avec cette forme d'intimité. Jamais en les ayant désirés pour elle même réellement. Elle ressent bien une part d'automatisme dans les gestes de son amant, d'un même détachement qu'il a dans tous ses autres gestes, mais celle-ci ne la dérange pas. Parce qu'elle le connait et qu'elle sait aussi qu'il fait ces gestes pour elle, pour lui faire plaisir, parce qu'il pense à elle... et cela compte plus que tout le reste.

À sa proposition néanmoins, la brune hoche négativement la tête.

"Ce ne sera pas nécessaire, mais merci de proposer."

Elle semble songeuse un instant, puis ajoute :

"Néanmoins, il n'est jamais trop tôt pour commencer à mettre des crédits de coté pour l'avenir de l'enfant, pour ses études. J'aurais voulu le faire avec Abygaël, lorsque j'ai su être enceinte d'elle, mais ma situation n'était pas la même qu'aujourd'hui, à l'époque. Peut-être pourrions-nous ouvrir un nouveau compte d'épargne à cet effet? Sou mon nom, bien sûr, pour ne pas attirer inutilement l'attention."

Il la sent se détendre près de lui. C'est bien, c'était le but. Ils marchent d'un même pas, sans se presser inutilement, sachant parfaitement ce qui arrivera par la suite mais sans la passion animale qui est l'apanage des plus jeunes. Au contraire, Jaziel apprécie cette faculté, chez Laylia, de pouvoir discuter même lorsqu'une nuit est prévue par la suite. L'impatience n'est pas son défaut favori.

"Fait donc, je m'arrangerais pour qu'il soit fourni. Et si tu as besoin de fonds pour les études d'Abigael, tu peux également frapper à ma porte. Je devrais, cette fois, être en mesure d'y répondre favorablement."

Ce rappel de la première grossesse est délibéré. Il veut qu'elle se souvienne qu'il n'a pas participé la dernière fois parce qu'il ne pouvait pas, et non parce qu'il ne voulait pas. Il veut qu'elle se rende compte que, cette fois, il s'investi. Afin qu'elle ne change pas d'avis.

L'intention de Jaziel au travers ses mots ne passe pas inaperçus. Laylia lui offre alors un sourire calme, touchée par son désir d'implication. Elle ne lui en a jamais voulu de ne pas avoir été présent d'aucune façon pour Abygaël, certes, mais cet enfant-ci est différent. Si cette fois il choisit de se défiler au final... Laylia ne veut même pas songer à la colère et à la tristesse de son coeur brisé si cela se produit. Elle est néanmoins persuadée qu'il ne le fera pas. Il est trop sincère et leur relation est infiniment différente qu'il y a 17 ans.

"Pour l'instant tout est sous contrôle, et j'ai déjà mis la moitié de tout ce que tu lui as envoyé depuis le début dans un compte d’épargne pour ses études. Si elle choisit d'aller à l'université, ce que je l'encourage vivement à faire, tu seras le premier informé. Avec ton aide en plus des épargnes, elle n'aura aucune contrainte monétaire pour choisir l'université ou le domaine d'étude qui l'intéresse."

À l'émotion dans sa voix, on sent bien que Laylia est profondément émue par cette perspective. Offrir le meilleur avenir possible à sa fille, lui éviter de s’inquiéter à propos de l'argent pour qu'elle puisse réaliser ses rêves... c'est un rêve devenu réalité. Ce sont des années de travail, de sacrifices et de privations aussi. Plus qu'elle ne l'a jamais exprimé.