La malédiction du père-du [Dayanara & Jezabel]

Enguerrand hausse un sourcil devant la diarrhée verbale de la jeune femme. Visiblement, elle est impressionnée ce qui n'amuse pas spécialement le combattant qui préfère être entouré de gens aux nerfs d'acier. Parce que le talent, c'est une chose, mais le plus important reste la capacité à rester calme et lucide en toute circonstance.

Il écoute ensuite les encouragements de la capitaine qui semble déjà avoir pris la jeune sous son aile. Étrange, elle doit avoir un minimum de talent, ou de la chance et de l'abnégation. Il ne sait pas et s'en contre-fiche. Elle ne sait pas conserver son sang-froid et c'est le genre de chose rédhibitoire aux yeux du pirate.

- trop fébrile. se contente de lâcher Enguerrand.

Il inspecte du regard les cicatrices au visage et comme elle ne ressemble pas à une torture faite par une seule et même lame, il en déduit qu'elle est souvent blessée.

- trop pressée. ajoute-t-il en montrant les cicatrices.

Si la jeune pirate a retrouvé un calme relatif aux mots de Jezabel, elle déchante vite à la critique implacable d'Enguerrand. Son dédain inattendu la frappe de plein fouet. Qu'il remette en question sa pitoyable présentation est une chose, mais qu'est-ce qui lui permet de juger de ses aptitudes après un simple coup d'oeil ?
Elle fronce les sourcils en se redressant, perdant ce qu'elle avait de juvénile et timide un peu plus tôt.
- Dîtes ... Vous faîtes pas confiance à votre Capitaine ?

Si elle a lutté toute sa vie pour se retrouver ici même, face à son père, ce n'est certainement pas pour se faire dénigrer d'office par ce dernier. Elle fulmine, résidu de cette honte qui l'a envahie un peu plus tôt et de cette volonté de prouver à cet être qu'elle admire sa vraie valeur. Elle porte son héritage en son sang. Elle est autant une Cassagnac qu'une Aguirre. Cette pensée s'impose dans son esprit. Cet homme est son père, elle saura lui prouver qu'elle mérite ses gênes.

Dayanara fait un pas en avant, volontaire et impétueuse, pleine de cette fougue crépitante qui semble la faire rayonner parfois.
- Ces cicatrices qu'vous jugez, c'est mes médailles. C'est un paquet de combats et surtout d'victoires.

Elle désigne à son tour les deux membres métalliques du bretteur.
- 'Me semble que vous en savez quelque chose nan ? Ouais, je fonce dans le tas, mais j'suis douée, parait. Et si j'suis là c'est pour m'améliorer. Avec vous.

Je croise les bras sous ma poitrine, m'effaçant légèrement sans pour autant leur laisser l'opportunité d'omettre ma présence. J'ignore tout des raisons qui poussent Mademoiselle de Aguirre à désirer l'attention d'Enguerrand avec autant d'ardeur ; cependant, à mes yeux, la sincérité de sa démarche ne fait pas l'ombre d'un doute. Je dois bien admettre que je ne m'attendais point à une autre réaction de la part du père de mon fils - qui est certainement l'homme le moins difficile à cerner au monde. Néanmoins, je suis heureuse de voir que ces paroles froides et absconses permettent à Mademoiselle de Aguirre de révéler cette étincelle en elle. Cette étincelle qui est précisément à l'origine de sa présence parmi nous.

Il regarde ses bras, qu'il a du faire installer alors qu'il était plus vieux que la gamine et après avoir combattu dans les rangs de la Légion pour le premier. Pas un parcours pour les petites natures avec des combats simples. Non c'était de vrai massacres bien sanglants, son escouade était généralement en infériorité numérique et face à des adversaires sans pitié le plus souvent. La petite est intéressante parce qu'elle rayonne d'une énergie sans faille, ce qui est rare chez les pirates. Et il a toujours cherché à vivre éclairé par ce genre de personne. Elle a du potentiel.

- la capitaine sait, grosso modo, se servir d'une épée sans se couper. Mais j'irais pas jusqu'à lui faire confiance pour définir les compétences et le potentiel d'un bretteur. Par contre elle sait choisir les pirates, pas de doute là dessus. Sauf qu'elle ferait mieux de te mettre derrière une console de pilotage, les futurs capitaines doivent savoir piloter. explique froidement Enguerrand.

C'est une longue diatribe qu'il fait pour une première rencontre. Mais l'énergie qui entoure la petite le force à sorti un peu de sa coquille. Il serait dommage que la gamine se fasse tuer bêtement lors d'un abordage. La piraterie perdrait un bon capitaine avant qu'elle puisse voler de ses propres ailes.

Dayanara cligne des yeux, interdite. Elle ne sait pas si elle doit se sentir flattée ou complètement outrée. Future capitaine ? Bonne blague, elle n'en a certainement pas la carrure et n'a pas un soupçon de connaissances en matière de pilotage. Elle en a bien un peu rêvé, en voyant le Capitaine du Gladios ou même un peu plus tôt Jezabel à l'oeuvre, majestueux dans leur autorité.
Peut être un jour aura-t-elle l'occasion d'avoir sa propre vedette, ou même un sloop si les étoiles s'alignent, mais ça demeure un vague fantasme, loin d'un quelconque projet. Elle s'estime déjà chanceuse d'être restée en vie suffisamment longtemps pour être en face de cet homme.

Elle se demande ce qui ne va pas chez elle pour qu'il refuse catégoriquement son approche. Elle a envie de le secouer, de s'indigner, et peut être de se rouler en boule dans un coin pour attendre que ça passe. Son indifférence la blesse.
Elle se rend compte un peu tard qu'elle est restée là à le dévisager bêtement.
- Hm, j'suis pas là pour piloter ... J'étais déjà à l'abordage hein, presque deux ans. Et j'ai bien appris avec Igna- avec un maître d'armes. Je sais ce que j'fais avec une lame entre les mains, M'sieur.

Mon sourire s'efface de mon visage, remplacé par l'air que j'aborde dans les situations les plus sérieuses. Je décroise les bras.

- Comme tu le dis si bien, Enguerrand, je suis tout à fait apte à choisir mes Hommes, et à trouver le poste adéquat pour chacun. Tu es, certes, meilleur que la majorité des bretteurs de cet univers ; pour autant, tu n'as pas les compétences nécessaires pour te permettre de me donner une quelconque leçon quant à mes choix, ni quant à la façon dont il me faut exercer le métier pour lequel je travaille depuis ma plus tendre enfance. Cette jeune fille ira à l'abordage.

Je ne cherche point à dissimuler mon agacement, droite et fière.

- Par ailleurs, j'apprécierai que tu ne sois guère insultant en vers ton capitaine. J'ai vécu suffisamment d'abordages et de victoires pour reconnaître le talent lorsqu'il se présente. Cette demoiselle est jeune et inexpérimentée, cela ne fait aucun doute. Cependant, elle apprendra, comme nous avons tous appris depuis son âge jusqu'aux nôtres. Si tu ne souhaites point lui offrir une chance, et bien soit. Je n'ai pas le moindre commentaire à faire à ce propos. Il ne fait cependant aucun doute qu'elle trouvera sans mal d'autres mentors parmi mes abordeurs.

Enguerrand repense à certaines pirates instables à qui la capitaine a confié des postes importants. Le maitre artilleur est un parfait exemple, la seconde est mieux mais a quand même des problèmes. Bref il a une confiance limitée dans la lucidité de sa capitaine. Les capitaines pirates sont tous les mêmes quand ils ne sont pas issus de l'armée, ils ne comprennent pas certaines choses. Obnubilés par l'esprit pirate, ils laissent souvent le future aux mains de la déesse. Si quelqu'un avec du potentiel meure sans le réaliser … c'est que c'était son heure d'après eux. Il déteste cette façon de penser.

- j'ai pas parler de talent. J'ai parlé de potentiel. rétorque Enguerrand. Vu son attitude, les risques de mortalité lors d'un abordage sont élevés, et surtout totalement indépendant de son talent à l'épée. Un bretteur talentueux mort n'a pas un bon potentiel.

Il sort un cigare et prend le temps de l'allumer en suivant sa sempiternelle gestuelle, le rouler entre ses doigts, sortir le coupe cigare et découper un coté, mouiller le cigare et l'allumer patiemment.

- les gens comme elle doivent être protégé, les autres le feront naturellement d'ailleurs, mais ça va compliquer la vie du maitre d'abordage. La seule solution serait que je la protège… mais ça me rendra moins efficace dans la protection de Jillian. commence Enguerrand. Apprentie pilote le temps que jeunesse se passe, et je promet de l'entrainer personnellement.

La première chose à corriger c'est son caractère trop impétueux.

Daya tente bien de balbutier une protestation, coincée entre la Capitaine à l'attitude polaire et l'homme qui se plait à défier son autorité, mais ses bredouillements tombent vite dans le néant.

Elle n'a nullement envie d'aller apprendre quelque chose auquel elle n'accorde aucun intérêt. Son objectif est d'être avec son père, d'apprendre à la connaître, de lui faire apprendre à la connaître en espérant qu'ainsi ils puissent lier quelque chose. Un lien familial, une entente cordiale au minimum. Est-ce trop demander que de vouloir passer un peu de temps avec lui ? Il la regarde à peine alors qu'elle rêverait de lui hurler que c'est elle, sa fille, la fille d'Isabella.

Un peu dépitée elle marmonne tout de même :
- Je peux faire attention ... Si vous me donniez une chance de vous prouver que j'suis douée et utile à l'abordage ...

- Tu as parlé de potentiel, ainsi que de compétences. Prétendre que je ne suis point apte à juger de cela demeure tout à fait insultant. Qu'importe. Ce choix ne me revient pas, pas plus qu'il ne t'appartient. Je prône la liberté de chacun à être ce qu'il souhaite être, et ce pour quoi il se sent fait.

Je me tourne vers la principale intéressée.

- Votre contrat ainsi que l'expression première de vos désirs et de vos compétences m'ont porté à croire que votre place se trouve parmi notre équipe d'abordage. Cependant, je crois pouvoir affirmer que l'avis de cet homme vous importe. Vous êtes libre d'effectuer ce choix selon votre volonté propre, tant que votre travail et votre présence ne nuisent point au reste de l'équipage - mais qu'à l'inverse, vous apportez par votre présence une réelle plus-value. Où se portent vos préférences, Mademoiselle ?

Enguerrand regarde Jézabel froid comme toujours. Décidément elle ne comprend pas ce qu'il veut lui dire. Tant pis, il n'a pas la patience d'expliquer et de justifier son point de vue. Il ne la ramène pas souvent, et généralement suit les ordres sur le champ de bataille parce qu'il manque encore de subtilité tactique, mais en ce qui concerne les bretteurs et les pirates disposant d'une flamboyance comme cette petite… il est meilleur juge qu'elle. Il connait les dégâts que ça peut faire quand une tel personne est membre de l'équipe d'abordage.

- j'ai pas dit que tu étais pas douée, je t'ai pas vu combattre. Juste trop impatiente et certainement trop engagée, les cicatrices que tu portes si fièrement sont une preuve pour moi. explique une nouvelle fois Enguerrand. Les têtes brûlées meurent tôt ou tard. J'ai survécu parce que la Légion m'a bien formé. Réfléchir, évaluer et savoir se replier sont des qualités essentielles à tout combattant.

Elle affirme être prête à faire attention. Et même s'il maintient que c'est une erreur de ne pas la mettre sur la voie du commandement et bien au moins il peut croire qu'elle est pas aussi têtue qu'il ne le pense.

- si tu fais ce que je dis on peut essayer. lâche le pirate.

Son regard se pose successivement sur Jezabel et Enguerrand. Elle a l'impression d'avoir les fesses coincées entre deux chaises et ca suffit à la mettre mal à l'aise. Les paroles d'Enguerrand bourdonnent dans ses oreilles. Ignacio lui a appris à ne reculer devant rien, à persévérer jusqu'à la victoire. "Si tu tombes, relèves toi. Inspire, expire, attaque." Elle n'a jamais capitulé. Avancer jusqu'à la victoire, dusse-t-elle y perdre un bras.

Le libre arbitre que lui offre Jezabel est un soulagement mais elle lit dans le regard de son père une sorte de désapprobation qu'elle a du mal à tenir. A peine rencontré et la voilà qui cherche impérativement son approbation. Après quelques secondes à cogiter, elle espère trouver un compromis qui saura adoucir l'homme qu'elle cherche à impressionner. Ragaillardie, elle plante son regard dans celui de Jezabel :
- Capitaine. Est-c'que ce serait bon pour vous si je passais un peu d'temps en observation au pilotage ? Pas beaucoup, mais pour voir si ca m'intéresse. Je gênerais pas vos gars, promis.

Se tournant vers son père, elle poursuit, mettant dans son ton tout ce qu'elle a de plus volontaire :
- Ma place est quand même à l'abordage. Si y'a combat, j'y serais. Et le reste du temps, j'serais ici à m'entraîner. Avec vous M'sieur si c'est ok.

J'hoche la tête. Je ne suis point particulièrement satisfaite par le compromis ; cependant, il s'agit de son choix, et il me semble acceptable.

- Soit. Cependant, s'il vous faut passer un temps avec mes pilotes, vous en profiterez pour apprendre ce que vous pouvez. Rappelez-vous que je ne tolère point l'inactivité et l'inutilité au sein de mon vaisseau.

Enguerrand tire sur son cigare et laisse la fumée l'entourer en expirant par le nez. Le choix de la petite est logique, les gamins n'écoutent jamais vraiment les plus anciens. Mais déjà la fille est surprenante, elle n'est pas resté complétement fermée à son idée et a essayé de trouver un compromis.

- tu sais faire des compromis. Si tu sais aussi obéir quand je donne un ordre alors ça me va. commente finalement le Passeur.

Il faudra qu'il briefe le maitre d'abordage au sujet de la petite. Il connait son métier, mais il n'a peut-être jamais eu ce genre de personne dans son équipe, et ça change un peu la donne.

Dayanara arbore un sourire lumineux, illuminant tout son visage alors qu'elle hoche vivement la tête, se retenant de peu d'avoir un geste d'affection inapproprié à l'égard de Enguerrand.
Cette remarque, qu'elle décide arbitrairement de prendre comme un compliment, est la première chose positive que lui a adressé son père. C'est certainement le plus bel encouragement qu'elle a reçu et cela lui fait prendre conscience d'à quel point elle se dévouera à donner la meilleure image d'elle à cet homme.

Si elle craignait de se retrouver face à quelqu'un qui la haïrait au premier abord, elle est à présent rassurée de la force tranquille qui lui fait face. Peut être cela changera-t-il quand il apprendra sa vraie identité, s'il l'apprend seulement un jour, mais dans l'immédiat elle a bon espoir de lier quelque chose de fort avec son papa. "Papa". Est-ce qu'un jour elle aura l'opportunité et le plaisir l'appeler comme ça ?
- J'vais me surpasser M'sieur !

Elle esquisse un salut militaire tout à fait gauche qui doit la faire paraître dix ans de moins, mais son allégresse est palpable :
- Votre parole est loi pour moi dès maintenant !

Avisant la capitaine à côté, elle rougit un peu avant de rajouter avec empressement :
- Enfin après vos propres ordres, bien sûr, mon Capitaine !

- Bien. Puisque cette affaire est close, n'en parlons plus. Nous te laissons retourner à ton entraînement, Enguerrand. Oh, pendant que j'y songe ; si tu peux passer me voir dans la journée, j'ai à te parler à propos de Jaeven.

Je n'en dis guère davantage, peu désireuse d'étaler ma vie privée devant notre nouvelle recrue. Je tourne les talons et quitte le box d'entraînement, non sans indiquer à Mademoiselle de Aguirre qu'il lui faut me suivre.

- Si vous le voulez bien, nous allons poursuivre et terminer cette visite des lieux.

Je regarde vivement mon h-com, lis un message affiché dessus, le remet à sa place.

- Il est affolant de voir ce que le temps passe vite. Bien, je me contenterai donc de vous montrer les deux endroits où vous risquez de passer beaucoup de temps, outre la salle d'entraînement : la salle commune des abordeurs, ainsi que le poste de pilotage. Suivez-moi, je vous prie.

Je commence à me diriger en direction des quartiers des abordeurs. Il nous faut traverser le middle-deck, puis prendre l'ascenseur à nouveau afin de rejoindre le lower-deck.

- Peut-être possédez-vous des questions ?

Enguerrand hoche la tête à la demande de la mère de son fils. Il tire encore sur son cigare et se dirige tranquillement vers le cendrier qu'il a spécialement fait installer pour lui. Il éteint son cigare et regarde un moment les deux femmes. Il sent les problèmes et soucis à plein nez au sujet des deux. Mais il ne peut pas y faire grand chose non plus.

Il fait un petite signe de main et retourne se mettre en position pour reprendre son entrainement. Concentration, visualisation et fondamentaux. Il reprend ses mouvements, simples, mais parfaitement exécutés avec une vitesse frisant le surnaturel. L'homme connait son corps et ses prothèses parfaitement. Il est une arme mortelle, sans doute la plus dangereuse à bord de ce vaisseau en tout cas.

Dayanara ne relève pas le nom de Jaeven, ignorante qu'il s'agit là de son demi-frère. Elle laisse son regard se perdre sur la silhouette de son père qui reprend sa chorégraphie hypnotisante et mortelle. Peut-on estimer que cette première rencontre s'est bien passée ? Elle se dit qu'elle en saura plus très vite, lors du prochain entrainement, le plus tôt possible elle l'espère.

Elle détache difficilement ses yeux d'Enguerrand et se hâte d'emprunter le pas dynamique de Jezabel.
- Il est toujours comme ça ? Monsieur de Cassagnac j'parle. Aussi ... Grognon ?

J'adresse un regard amusé à la jeune femme.

- Cela semble vous surprendre. Pourtant, sa réputation n'est plus guère à faire sur le sujet. Monsieur de Cassagnac est aussi peu loquace qu'il est redoutable lorsqu'il possède une lame. L'entraînement comme le combat représentent absolument tout ce qu'il possède de plus cher. Il n'offre au reste qu'un intérêt moindre.

Ce qui le rend parfois complexe à aborder. Quant à partager un pan de sa vie privée en sa compagnie... Eh bien, il s'agit, en soi, d'un combat de chaque instant. S'il m'arrive d'effectuer quelques concessions, elles sont dans l'unique but de préserver le bien-être de notre fils. Et puisque rien d'autre ne nous uni, j'imagine que nous saurons nous habituer à la situation, aussi complexe soit-elle. Cependant, je conserve tout cela pour moi. Mademoiselle de Aguirre n'a nul besoin de connaître les détails de ma vie privée.

- Ne lui en tenez pas rigueur. Il n'est en rien quelqu'un de méchant, malgré son air abrupt. Persévérez et montrez lui ce que vous valez ; je ne doute nullement en vos capacités.

Dayanara se sent rosir, touchée malgré elle par les mots flatteurs de son ainée. Il y a quelque chose de très plaisant à ce qu'on reconnaisse et salue ses aptitudes au combat. Surtout venant d'une personne telle que Jezabel Alvarez, admirée et crainte par ses pairs, et d'avantage par ses ennemis.
- Comme j'vous ai dis, Cap'taine, je vous décevrai pas. Ca vaut aussi pour M'sieur de Cassagnac. Je vais lui prouver que vous avez fait le bon choix.

Son regard est franc, sa mine très sérieuse. Elle affiche toujours cette volonté farouche et cet entêtement quand quelque chose lui tient à coeur. De plus en plus, la jeune fille se sent mitigée vis à vis de son ressenti à l'encontre de sa supérieure. Autant elle l'a méprisée pour être, dit-elle, "la catin de son père", autant elle sent pointer dans son coeur l'envie de se faire bien voir, d'être reconnue en tant que membre de ce navire à la réputation impressionnante. Et par cette femme à qui les rumeurs ne rendent pas suffisamment justice. Une femme qui lui a tendue la main et lui a accordé une chance aussi. Là où peu l'ont fait dans le passé.
Dayanara se sent facilement redevable; avisant son déficit en terme de model à suivre, rien d'étonnant.

J'hoche la tête, satisfaite par ses dires et par la sincérité qui semble émaner d'elle. Nous verrons avec le temps. Cependant, je ne suis guère inquiète. Nous poursuivons notre chemin jusqu'aux ascenseurs, que nous empruntons à nouveau pour rallier le lowerdeck.

- Bien. Nous sommes au niveau des dortoirs principaux, Mademoiselle de Aguirre. Il y a ici toutes les cabines qui accueillent quatre à six personnes. Le dortoir des artilleurs prend place au bout du couloir de ce côté-ci. Je vous déconseille fortement de vous en approcher.

Je l'entraîne à ma suite du côté opposé.

- Ici, vous trouverez les sanitaires. Au fond, le dortoir ainsi que l'espace de travail majeur des hackeurs. Et juste là, le dortoir des abordeurs, où vous logerez jusqu'à nouvel ordre.

Je désigne une lourde porte à notre gauche, et j'entre. Nous trouvons plusieurs dizaines de larges casiers individuels, ainsi qu'une table sur laquelle plusieurs cartes et objets servant à la tactique sont disposés. D'une première porte à notre gauche s'élève quelques rires.

- Ici se trouve la salle de repos. Puis, derrière cette autre porte, il y a les lits, ainsi qu'une vaste salle d'entraînement spécialement conçue pour les abordeurs. Tout le matériel nécessaire y est déjà présent. Cependant, si quoi que ce soit venait à vous manquer, n'hésitez point à prendre contact avec notre intendant.

Elle suit d'un pas léger Jezabel, le regard faisant des vas et vient entre tout ce qu'elle lui indique. Le vaisseau est vraiment immense. Plus jeune, plus naïve, elle aurait adoré se cacher dans les recoins et attendre qu'Ignacio vienne la trouver. Plus grande elle avait réalisé que, peu importe le temps qu'elle passait cachée, il ne la cherchait jamais.
- Les artilleurs ? Pourquoi ça ?

Elle prend le temps d'observer ce qui sera ses nouveaux quartiers. C'est bien plus spacieux, bien plus moderne et confortable que ce dont elle a pu avoir l'habitude sur le Gladios. Ils étaient tous un peu entassés les uns sur les autres là bas.
- Comment on fait pour les douches ? C'est combien d'eau par jour ?

-Les artilleurs et les abordeurs du Némésis sont réputés pour mener une guerre - fort heureusement amicale - depuis la nuit des temps. Jusqu'à lors, nos maîtres artilleurs ont toujours été légèrement désorganisés en plus d'éprouver un amour certain pour le désordre et le manque de discipline. Les maîtres abordeurs sont, quant à eux, tout à fait à l'opposé de ce fonctionnement. Ils ne jurent que par l'ordre et la discipline quasi-militaire. Voyez par vous-mêmes. Il n'y a pas un pli ; absolument rien ne dépasse. Aussi, si vous souhaitez vous confronter aux artilleurs en tant qu'abordeur, c'est à vos risques et périls.

Cependant, je ne sais que trop bien que chacun de mes hommes serait prêt à donner sa vie pour un de ses camarades, et ce peu importe sa fonction à bord. La cohésion du groupe est tout ce qui m'importe. Les querelles et autres enjeux de force ne sont qu'un détail au sein duquel je ne souhaite nullement avoir mon mot à dire - sauf si cela venait à dégénérer, évidemment.

-En ce qui concerne les douches, nous ne posons point de limite, puisque jusqu'à présent, il n'y a guère eu d'abus. Je souhaite laisser chacun libre de gérer son corps et sa propreté comme il l'entend. Certains aiment prendre plusieurs douches courtes après leurs sessions d'entraînements ; d'autres ne se lavent qu'une fois par semaine, ou moins. Nous possédons un système interne de récupération et de nettoyage des eaux usées. Aussi, faites comme bon vous semble.

Dayanara pense aux remarques, justifiées, d'Enguerrand concernant son empressement et son impétuosité. Elle y travaillera, pour sûr. Et elle espère pouvoir s'inspirer des meilleurs pour cela. Les abordeurs du Gladios n'avaient rien de disciplinés, juste une bande de loubards qui fonçaient dans le tas, lames tendues et à grand renfort de cris gutturaux. Ceci dit le petit Sloop n'avait jamais eu à affronter de proies organisées ou de gros vaisseau. Tout l'inverse du Némésis. Elle est tout de même curieuse de croiser un artilleur, pour voir.

Ses yeux doivent s'illuminer un chouïa quand Jezabel lui explique avec désinvolture le non rationnement des douches. Elle pense à celle qu'elle va s'empresser de prendre juste après, histoire de se dire que oui, elle peut. Pas qu'elle soit particulièrement sale ou quoi, juste qu'elle a pris l'habitude de se tenir plusieurs jours voire semaines sans un brin de toilette ... Et quand le moment salvateur arrivait enfin, l'eau était souvent glacée. Voire pas très bien épurée.
- J'ai pas trop l'habitude d'un tel luxe, j'dois bien vous avouer. Vous avez un super vaisseau, Cap'taine. Vous devez être fière !

Je souris de plus belle lorsque la nouvelle recrue me fait remarquer à quel point mon vaisseau est formidable. Je chérie le Némésis plus que tout au monde. Il est le bien qui m'est le plus cher ; un héritage qui a su traverser les âges, et saura le faire encore mille ans - et davantage.

- Oui, je suis fière, il est vrai. Cependant, je ne saurais oublier que le Némésis ne serait rien sans tous les êtres qui y travaillent depuis sa création. La première capitaine de ce vaisseau, qui fut également sa créatrice et mon ancêtre, songeait ardemment qu'un équipage choyé et n'ayant en rien à se plaindre de ses conditions de vie pourrait être on-ne-peut-plus efficace. Voilà la raison pour laquelle toutes nos cabines sont suffisamment spacieuses et confortables, et que tout le nécessaire est laissé à libre disposition de nos membres. Et puis, entre vous et moi, ma famille a toujours eu un goût prononcé pour le luxe et le confort.

Ceci étant expliqué, nous faisons un rapide tour du propriétaire avant de retourner dans les couloirs.

- Bien, à présent, je vais vous montrer le poste de pilotage.

Nous reprenons les ascenseurs, pour cette fois-ci nous arrêter au niveau de l'upper-deck, et recommençons à marcher.

Daya esquisse un sourire en entendant la Capitaine parler avec amour de son vaisseau. Elle ne savait pas que le Némésis était un héritage familial, lors de ses recherches elle s'est d'avantage concentrée sur son père et où le trouver que sur l'histoire de sa ca-La femme qu'il côtoie.
Avisant le souvenir qu'elle a de Jillian, il est sûr que la famille Alvarez a les moyens d'être "chic", ainsi qu'une tendance à l'afficher un peu partout ...

Suivant la femme en hochant de temps à autre la tête pour lui souligner son écoute, elle se demande comment vont se passer les premiers jours sur ce vaisseau. Elle n'est pas particulièrement joviale, mais n'a cependant jamais eu de mal à être entourée. Quelque chose à propos de son "énergie" ou une connerie du genre. Elle a un peu peur de détonner par ici, avec ses habits tous élimés et son allure de vagabonde.

A l'approche du poste de pilotage, elle ralenti un peu l'allure en jetant un coup d'oeil craintif à Jezabel :
- Pour être honnête Capitaine, j'ai jamais touché aux commandes d'un vaisseau d'ma vie. J'ai bien voulu faire un compromis et tout pour mon-Enguerrand ... Mais j'crois bien qu'ils vont me jeter rapidement dehors vos pilotes.

Je marque une pause devant les lourdes portes qui nous séparent du poste de pilotage. Je me tourne face à la jeune femme. Elle possède en elle un élément qui me ramène tout à la fois à ma Jillian et à ma mère. Je sens une grande tendresse m'envahir ; cependant, je n'en montre rien - si ce n'est un sourire empli de douceur.

- N'ayez crainte, Mademoiselle de Aguirre. Tout cela s'apprend, et nos pilotes sont fort patients. Nous avons un apprenti pilote depuis quelques temps déjà ; notre formatrice désignée est pédagogue, patiente et tout à fait remarquable. Personne ne vous jettera dehors, à moins que vous ne commettiez de graves fautes et que votre comportement ne nuise à l'ensemble de l'équipe. Si cela ne vous convient guère, vous n'aurez nulles obligations de demeurer parmi eux. A l'inverse, si vous vous sentez à votre aise, vous trouverez aisément votre place. Je vais vous présenter à une partie de nos pilotes. Vous verrez par vous-mêmes qu'il n'y a strictement rien à craindre, n'est-il pas.

J'ouvre ensuite la porte. Plusieurs hommes et femmes s'affairent avec une grande concentration. Cependant, ils relèvent la tête en nous voyant, et me saluent respectueusement. J'en fais de même, avant de porter mon attention sur un pilote en particulier.

- Monsieur Galwaïn. Nous parlions justement de vous. Puis-je prendre dix minutes de votre temps, je vous prie ?