Honneur et renaissance [Lehie & Hush]

Il est rare qu'Hush échoue dans un endroit tel que Vanguard. Déjà parce qu'objectivement, malgré la protection toute relative dont il jouit ici grâce aux factions, il craint d'être interpelé à tout moment par les hommes de main des Masson d'Autumne, et de se retrouver à nouveau sous la coupe de Marjolaine. Avec sa trahison passée, il doute d'être aussi bien traité que la première fois, bien que son bon traitement soit sommes toutes très relative. Cependant, ce n'est pas son propre sort qui l'inquiète réellement, mais bien celui du petit être qu'il tient attaché dans son dos, faute de place dans ses bras. Tobias a fait ses premiers pas il y a peu. Il ne parle toujours pas réellement, mais parfois, l'on peut entendre quelques mots se former au travers de ses babillements.

Pour aujourd'hui, Hush a laissé ses craintes de côté. C'est l'anniversaire d'une fillette qu'il a rencontré plusieurs mois auparavant, dans une galerie d'art. Elle était alors accompagnée de sa maman, une jeune femme qui avait su toucher Hush, et qui lui avait rappelé sa propre histoire par bien des aspects. Au détour d'une conversation, il avait appris qu'Honor, la fillette, était née le 7 Escer, et il avait également appris le lieu dans lequel mère et fille résidaient. Pourtant, Calypso sait que l'anniversaire ne veut pas dire grand chose pour un mo'at. Mais Hush a passé suffisamment de temps avec les envahisseurs pour savoir combien ça a de l'importance et du sens à leurs yeux. Et il s'agit là d'une occasion rêvée pour revoir une amie. Alors, lorsqu'il a appris qu'il serait sur Vanguard à cette occasion, il n'a pas hésité. Il a fabriqué un joli - quoi qu'encombrant - cadeau, solidement empaqueté dans un paquet si gros qu'il l'empêche de voir où il met les pieds.  

Heureusement, grâce au sens de l'orientation qu'il a su cultiver avec le temps, Tobias et lui parviennent rapidement à destination. La maison est gigantesque, très belle, et l'extérieur est déjà bien plus riche que ne le sera Hush dans toute sa vie. Pas un seul instant il ne se dit que sa tenue n'est peut-être pas appropriée. Égal à lui-même, il est vêtu de son pantalon en toile usuel, et d'un débardeur presque blanc, où l'on note plusieurs tâches de couleur, vestiges de ses dernières créations, et notamment du cadeau qu'il conserve dans le paquet bien plus grand et plus large que Tobias. Après quelques secondes d'hésitation, il finit par appuyer sur la sonnette de l'endroit.

Honor joue à attrape-pirate avec d'autres enfants de son âge ce qui rend heureuse sa mère et en même temps, elle s'inquiète de voir son petit Awak grandir. Il est trop tôt pour se projeter  sur l'avenir de la fillette  que ce soit à 12 ans ou à 18 ans. C'est  sur la  véranda ouverte  que sont disposés les tables destinés aux convives  de cette fête spéciale. En toute simplicité sans profusion de  couleur étourdissante.  On peut  voir les enfants tantôt disparaitre un instant derrière un jeune Way'si et surgir d'un autre tel des esprits de la foret.


Lehie  ne jouait pas cependant, elle attendaient des invités pour s'amuser.   Quand elle entend la sonnette  résonner dans sa  demeure immaculée conçue  pour laisser pénétrer un maximum de lumière, elle se précipite les pieds nu  produisant un curieux bruit semi-métallique en plus de l'habituel bruitage d'une foulée de pas.  Il est clair que la propriétaire n'a pas regardé à la dépense pour la maison et a exigé que l'architecte en fasse une œuvre d'art écologique qui s'harmonise avec la nature.

La jeune mère ouvrit la porte. Derrière elle, on pouvait voir les traces de graffitis muraux réalisé par un artiste chevronnés qui représentait  des animaux velus.   Hush !  Bienvenue, entre !  Sacrée surprise dis-donc, qu'est ce qu'est donc ? Ma foy ! Ne me dites pas, j'aime les surprises autant que ma fille !Laisse-moi t'en débarrasser si tu veux bien.  

Lehie vient ouvrir. Hush est heureux de la voir. Tobias aussi, visiblement. Hush tend délicatement l'énorme paquet à la jeune femme, en faisant bien attention à ce que ça ne tombe pas parterre. Ce n'est pas très très fragile, mais une chute risquerait de l'abîmer. Il espère que ça plaira à la fillette. Lorsqu'il n'a plus le paquet entre les mains, il fait descendre Tobias de son dos, le prend dans un de ses bras. Plus tard, il le laissera parterre. L'enfant ne marche pas encore, mais il tient bien debout et rampe comme un jeune naän'gi en pleine forme.

Après avoir offert un sourire radieux à la jeune femme, il ne peut pas s'empêcher de se perdre dans la contemplation de l'immense demeure. Il n'en a pas vu d'aussi grandes ou d'aussi belles depuis qu'il n'est plus esclave. Encore que, celle de Lehie est très différente de celle des Masson d'Autumne. Il ne se sent pas mal à l'aise. Heureusement. Il l'avait un peu craint en venant. La richesse et l'opulence étaient deux facteurs avec lesquels il avait du mal à composer, depuis sa fuite. Mais là, tout était fait avec goût et génie, et Hush qui adorait rivaliser d'ingéniosité pour ses œuvres et sa pratique se retrouvaient facilement au milieu de tous ces éléments astucieux et bien pensés.

Porter un paquet encombrant ne la gêne pas grâce à sa pratique  régulière du sport en dépit de sa petite taille. Lehie est précautionneuse en faisant  entrer dans le porche de l'entrée le mystérieux cadeau destiné à son petit Awak. La suivre c'est découvrir d'autres peintures  bien différentes des animaux de l'entrée comme si on avait expérimenté des styles variés qui espacent la blancheur des murs. La seule exception à ces réalisations bien exécutée était un graffiti d'enfant, nul doute   qu'Honor avait piqué les affaires de sa mère pour l'imiter. La coquine. Le dessin évoque des vaisseaux spatiaux et des bonhommes pirates accompagné par des d'étranges baleines de l'espace.

C'est mon préféré, commenta-t-elle en le désignant du menton, le sourire aux lèvres.Qu'en penses-tu ?

Hush observe tout, et Tobias en fait de même, ponctuant leurs découvertes de suffisamment de cris pour deux. Il y a de l'art partout. Des tableaux, des peintures, des dessins... Rien qui ne laisse Hush hermétique. Le flot d'émotions l'emporte, et il se laisse glisser dans ce tourbillon sans la moindre résistance. Il est presque surpris lorsque la jeune femme prend la parole pour montrer un dessin d'enfant, certainement fait par Honor. Il n'est pas aussi bien fait que les autres, mais il a cette intentionnalité pure et touchante qui le rend particulier. Hush demeure un long moment devant, immobile. Tobias commence à s'impatienter, et le jeune père s'agenouille sans quitter le tableau des yeux, pour laisser l'enfant ramper au sol. Il sait que le petit ver n'ira pas bien loin.

Puis, lorsqu'il se sent prêt, il se tourne vers Lehie, et pose sa main sur son coeur de jeune homme touché par ce qu'il vient de voir. Sans doute l'un des rêves les plus purs, dénué de toute la violence et la tristesse de ce monde - violence et tristesse qu'il retrouve dans presque toutes les œuvres qu'il observe. Puis, il sourit, se baisse, attrape Tobias par le ventre et le jette sur son épaule, ce qui a pour effet de le faire rire aux éclats. Il est prêt à suivre à nouveau Lehie, pour enfin dire bonjour à la grande artiste qu'est déjà Honor.

Un sourire fleurit sur les lèvres de Lehie amusée par le jeu entre Hush et son fils et par la profondeur des sentiments exprimés par le muet d'un seul geste. La jeune mère traverse le salon d'où l'on peut apercevoir une baie dont les eaux semblent faits d'argent masquée en partie par les végétaux plantés peu après la construction de la demeure. Un bref arrêt dans cette pièce permet de remarquer la présence d' un Kihitui pelotonnés sur une télécommande. Il relève la tête à la fois curieux et méfiant envers les nouveaux puis se redresse avec quelques difficultés victime de sa panse grassouillette. Le Kihitui sauta héroïquement de la table et vint renifler Hush en lui taquinant la jambe de sa tête en quête de friandises que l'humain peut lui donner.

Lehie est déjà sur la terrasse en train de déposer le cadeau du jeune muet au milieu des autres écoutant les cris de plaisir des enfants qui s'amusent dans son jardin. Elle se retourne pour voir son animal de compagnie tourmenter Hush de son regard angélique auquel Honor ne résiste presque jamais. Elle-même sait que c'est mauvais de lui donner à grignoter et le répète mais le chenapan parvient souvent à ses fins.

Tu as rencontré le vrai maitre de la maison je crois , déclare-t-elle d'un clin d'œil taquin en s'approchant. Monsieur ne veut que le meilleur. Tobias veut-il le caresser ?

Hush et Tobias continuent leur progression, guidé par la charmante et visiblement riche Lehie Kether-White. Ils arrivent dans une large pièce lorsqu'un kihitui bien plus gros que la moyenne s'avance nonchalamment vers eux. Immédiatement, Tobias montre un intérêt tout particulier pour l'animal. Comme tous les enfants, il est curieux, attiré par le vivant.

Hush a repris son fils normalement entre ses bras, et lentement, il s'accroupit devant l'animal. Puisque Lehie ne le met pas en garde quant à l'agressivité du kihitui, et puisqu'il vient se frotter affectueusement contre sa jambe, Hush en déduit qu'ils peuvent tenter une approche. Immédiatement, il vient se frotter contre la main à demie-tendue d'Hush. De l'autre main, il dépose le tout petit corps de son fils entre ses genoux. L'enfant se maintient debout en s'appuyant sur une cuisse, tandis que de l'autre, il imite son père et tend sa main vers l'animal qui est plus imposant que l'enfant.

D'abord impressionné, Tobias ne tarde pas à prendre confiance et à rire aux éclats, en discutant avec son nouvel ami poilu. Attendri, Hush le regarde faire, une main restant prête à intervenir si jamais l'animal montrait le moindre signe d'agressivité. Il relève un instant le regard vers Lehie, heureux et touché par ce moment.

L'animal ronronne sous les caresses de l'enfant puis redresse les oreilles alertés par un bruit encore inaudible pour les humains, regarde sa maitresse qui se pencha pour le caresser tout en remarquant les signaux émis par le chat de Renaissance. Pas question, tu es déjà assez gros chenapan. Il renifla dédaigneusement  comme s'il comprenait  ce que disait Lehie. Ou peut-être n'était-ce qu'un hasard. Le Kihitui finit par s'éloigner fatiguée par les énergiques caresses du petit garçon mais peut-être ne voulait-il pas être dérangé par la bande d'enfant  qui revenait vers la terrasse courant et hurlant de joie. Tu aimes vraiment le gratouiller ?

Ils sont armés de pistolet à eau et déterminés à s'attaquer à l'hôtesse de la fête.   Lehie y aurait  fait attention si elle n'avait pas eu deux invités très attendu. Hyaaah ! , s'exclame-t-elle  rapidement mouillé par l'acharnement des enfants. Arrêtez bande de maraud ! Elle est toute trempée maintenant mais  a heureusement en partie protégé Hush des projections d'eau.

Le kihitui finit par se lasser, et Tobias commence à tendre la main et essayer de le suivre. Son père l'en empêche. Pour Hush, l'animal comme tous les êtres vivants doivent pouvoir conserver leur liberté. Il n'a pas l'air malheureux ici, et l'homme ne doute pas que Lehie sait en prendre soin. Cependant, il n'aime pas l'idée de domestiquer le vivant, certainement à cause de son éducation et de son vécu. Dans sa tribu, il était question de vivre en harmonie avec ceux et ce qui les entouraient. Heureusement, la question de Lehie vient distraire le petit garçon. Plus tard, il comprendrait.

- Gatouiller ! répète-t-il avec entrain, avant de rire aux éclats.

C'est à ce moment que les enfants décident de passer à l'attaque et... Trempent Lehie. Hush et Tobias reçoivent quelques projections, mais la plupart terminent leur course sur la jeune femme. Hush et Tobias rient de bon coeur, le premier en silence, le second assez bruyamment pour deux. Lorsqu'ils décident d'arrêter, Honor semble finalement remarquer la présence du père et de son petit garçon. Tobias la voit aussi, et malgré les semaines qui se sont écoulées depuis leur rencontre, il la reconnait instantanément. Hush se relève alors, restant prostré et attrapant doucement les petites mains de son fils. Les petits pieds de ce dernier touchant encore le sol, il commence à progresser en direction de son amie, reine de la fête. Riant toujours, il sait que son père le maintient, et n'a plus peur de rien.

Lehie n'eut pas le temps d'apprécier le gazouillement de Tobias que déjà, les  enfants de sept ans  vident leurs pistolet à eau sur eux. Elle est toute trempée, pas vraiment en colère. Simplement irrité qu'ils aient choisis un tel moment pour les arroser. La jeune femme se déshabille pour mettre à sécher les victimes malheureuses de l'embuscade tendus par les tireurs juvénile, ne gardant que son maillot deux-pièces. Une ancienne cicatrice à la précision quasi-chirurgicale est visible sur son ventre.   Lehie feint la colère sans laisser planer le moindre doute sur la réalité de cette émotion. Rien d'autre que de la comédie.

Vils mécréants, c'est fort lacrimable de joiler nos hôtes ainsi !

Honor sourit au jeune Tobias, elle lui dit bonjour puis lève la tête pour dire bonjour à son papa.  Contrairement aux autres enfants, elle comprend mieux ce que dit  sa mère.

On va bastailler sur la plage et faire des châteaux de sable ! , s'exclame-t-elle bien sagement. Toujours dire à sa maman ce qu'elle va faire pour pas qu'elle s'inquiète en  même temps, Lehie est aussi un de ses camarades de jeux préféré. Honor regarde sa  mère prendre des serviettes,  des seaux et des râteaux. De quoi s'amuser sur la plage en clair.  Visiblement c'est une femme prévoyante qui a pensé aussi au petit Tobias.  Honor arrose une de ses amies pour faire rire Tobias puis se mit à courir en direction de la plage  poursuivie par ses camarades de jeux.

Hush prend le temps de dire bonjour à Honor, serrant délicatement la main de la fillette. Il ne connait pas vraiment d'expression ni en mo'at, ni en langue des signes, qui lui permet de souhaiter un joyeux anniversaire à l'enfant. Peut-être qu'il inventera un enchaînement de mouvements simples, qu'il pourra apprendre à Honor s'il en a le temps et l'occasion. Tobias rit encore, amusé par la situation. Hush, lui, n'est pas dérouté lorsque la jeune femme devant lui se déshabille pour finir en sous-vêtements. Il est artiste, après tout. Artiste et mo'at. La pudeur est une notion qu'il ne connait pas. Il reprend Tobias dans ses bras et se relève.

Il ne sait pas ce qu'est la plage, ni les châteaux de sable. Mais tout compte fait, ça semble amusant - surtout à en croire les réactions des enfants. Alors, il est prêt à suivre la jeune femme, où qu'elle aille, et à passer un bon moment en sa compagnie. Il vérifie au passage que ses carnets n'ont pas été touchés par l'eau, et donc ne sont pas abîmés. Fort heureusement, ils semblent intacts. Hush ne sait toujours pas réellement où donner de la tête. Tout est tellement grand, tellement beau, tellement... Incroyable. Il offre un sourire presque gêné à Lehie.

Le bruit du clapotement tranquille des eaux aux reflets dorés et l'odeur salée parvint bientôt à la portée des sens du petit groupe puis la  chaleur  du sable  fin  sous  les pieds se fit bientôt  sentir. Il y a quelque chose de magique  dans ces enfants qui rient, courent  sur le sable et fendent ce liquide bleu  par jeu. Il y a un petit port  de plaisance  auquel est amarré des embarcations à voile   dont les mats évoquent à une foret dépouillée de ses feuilles et de ses branches. Il y a une bande de terre qui semble s'élever pour protéger ce lieu paradisiaque  défiant la mer et le ciel dans un même mouvement. Pourtant  un spectre plane, celui de l'argent, de la fortune  qui avait permis d'interdire tout autre demeure, présence humaine que celle de la propriétaire et de ceux qu'elle admettait sur son terrain. Lehie s'arrête pour poser  les sacs qu'elle avait préparée en prévision de ce moment et pour regarder - un instant de pur bonheur - la bataille de pistolet à eau qui se jouait  avant de remarquer le  sourire gêné de Hush.

C'est le miracle de l'argent.   J'ai choisi cet endroit parce qu'il m'interpellait comme un doux murmure enchanteur.  Parce qu'il me permettait de pratiquer librement la navigation à voile, parce qu'il y a des montagnes  flottantes à quelques dizaines  de kilomètres  que je peux escalader.  

Hush l'écoute parler, mais il ne la regarde pas, incapable de tenir son regard éloigné de ce qu'il voit plus de quelques instants. Même lorsqu'il était chez Marjolaine et son mari, qui étaient pourtant de très riches notables, il n'a aucun souvenir d'avoir vu quoi que ce soit d'aussi beau, d'aussi grandiose, d'aussi incroyable. C'est la première fois qu'il voit une telle étendue d'eau. La première fois qu'il sent le sable fin sous lui. D'ailleurs, il retire ses chaussures et profite du contact doux et chaud. C'est une sensation incroyable. Accompagné par les rires d'enfants et les murmures des eaux, Hush sent une paix profonde s'installer en lui. Une paix qu'il n'a jamais ressenti aussi intensément en lui.

Tobias est heureux, lui aussi. Il rit et remplit ses petites mains de sable. Hush sent la gêne s'évanouir. Il n'a pas l'habitude de ça, et encore moins en tant qu'homme libre. Ce n'est pas son monde, mais il doit bien reconnaître que le voir ainsi, ça n'a rien de désagréable. Puisque Tobias s'amuse, Hush s'accroupit et, inspiré par la beauté du monde qui l'entoure, il se met à dessiner dans le sable, du bout des doigts. Il dessine le paysage et essaie de retranscrire la sérénité qu'il ressent. Il prend un moment son carnet d'écriture, ressentant le besoin d'écrire.

"L'argent ne fait pas que des miracles. Tu as l'air d'en avoir beaucoup."

Aucun reproche, dans ses paroles. Rien d'autre qu'une constatation.

C'est vrai. Elle possède beaucoup d'argent grâce à l'héritage de son père, tué pendant l'attaque trinitaire sur Vanguard, qui avait consacré sa vie à l'entreprise Kether-White. Cela ne la réconforte guère, elle aurait préféré toujours avoir Bartolomew White en vie, même distant et très occupé. La mort fait partie de la vie mais jamais il n'aurait dû périr au milieu d'une guerre.

Tout l'argent du monde ne pourrait acheter l'aurore rose qui semble enjamber l'horizon d'eau turquoise chaque matin et la sensation du sable chaud sous les pied, qui s'infiltre sous les ongles. Ce sont les sensations qui m'intéressent pas ce que je pourrais obtenir avec des crédits.


Lehie pose les sacs qu'elle portait, s'agenouille devant le petit Tobias et lui propose les jouets qui remplissait ces derniers. Elle sait qu'il est trop jeune pour comprendre comment jouer avec sans qu'on lui montre, alors elle lui montre. La jeune femme va remplir un peu le seau, le ramène et commença à le remplir de sable avec une pelle sous les yeux peut-être admiratifs de Tobias. Ensuite elle retourne, compte quelque instant en regardant sa fille s'éclater avec ses amies. A la fin du décompte, elle retire le seau laissant un tas de sable conforme à la forme du seau.

Veux-tu jouer Hush ? l'interrogea-t-elle le muet de ses yeux pétillants d'une enfance retrouvée.

Hush regarde un moment Lehie, puis ses pieds nus qui s'enfoncent dans le sable. Il bouge ses orteils, sourit sous la sensation étrange mais pas désagréable. C'est la première fois qu'il fait ça. Bien sûr, il est d'accord avec elle. Tout ne s'achète pas. Mais en même temps... Il prend son carnet et écrit.

"Beaucoup de choses s'achètent, malgré tout. Les esclaves s'achètent, par exemple. Et ce paysage que tu as là... Ta plage, ta maison, ton paysage. Ca, tu ne l'as pas entièrement acheté, mais tout le monde ne peut pas en profiter. Moi, je n'avais jamais vu la mer avant aujourd'hui. Je n'avais jamais marché dans le sable. Je n'avais jamais fait tout ça."

Et fasciné, Hush regarde Lehie s'activer avec le seau et les jouets donnés à Tobias. Il n'a jamais rien vu de tel, et il est aussi surpris que le petit garçon lorsqu'un château de sable se forme. Elle lui propose de jouer, et il hoche vivement la tête, abandonnant son carnet et son sac pour aller faire des pâtés avec de l'eau et du sable. Tobias a l'air de trouver ça très amusant et très vite, ils se mettent à creuser dans le sable ensemble, plus concentrés qu'ils ne devraient l'être. Hush relève les yeux régulièrement pour croiser le regard de Lehie. Il est heureux, et remercie silencieusement Calypso de permettre de tels moments d'exister.

En effet,  Ce paysage  est exclusivement réservé à sa famille et à ses proches,  la notion de propriété privée n'admet pas les intrus dans ce microcosme paradisiaque que Lehie s'est construit.  Sa concentration sur sa tâche l'empêche de répondre à ce qu'a écrit Hush. De toute manière, c'est vrai bien que cela étonne Lehie d'apprendre qu'huss n'ait jamais fait l'expérience du sable.

C'est un château, explique-t-elle en se rappelant les explications du père de sa fille sur ces anciennes constructions. Avec doigté, elle récupère quelques coquillages dont elle se servit pour décorer la structure de sable.  Avant qu'on n'apprenne comment voyager dans l'espace, on les construisait  au sommet d'une colline afin d'abriter une famille qui possédait les terres environnantes et de les protéger des ennemis.  Ils n'existent plus aujourd'hui que sous cette forme.  

Hush écoute les explications de Lehie, fasciné. Il n'a jamais rien vu de tel. Peut-être que des images existent encore dans des livres, ou... Il ne sait pas bien où. Il se souvient même de l'immense demeure de Marjolaine, et de ses maîtres avant elle. Ca n'avait rien à voir avec ce fameux château. Et Tobias avait l'air d'apprécier ça au moins autant que son père. Il y avait quelque chose d'élégant et de martial tout à la fois dans la façon dont il était structuré. Avec le sable humide, il semblait pouvoir être possible de faire pas mal de construction. Il doutait de la solidité, mais Hush songeait avec force que l'art n'a pas besoin d'être éternel pour exister.

Alors, il commença à faire une autre construction. Cette fois-ci, il ne prit pas le seau pour s'aider, se contentant de monter des murs plus hauts grâce à ce qu'il comprenait du matériau. Il avait très envie de faire un château gigantesque. Et il lança un regard presque qualifiable de regard de défi à la jeune femme, pour l'inviter à le faire avec lui. Il avait envie de voir ce que deux artistes étaient capables de faire avec du sable, tout en gardant un œil sur les enfants.

Le pétillement enfantin qui persiste dans le regard de Lehie montre qu'Hush a réussi son coup : l'entrainer dans la construction d'un immense château de sable. Il n'avait presque pas eu besoin de ce regard qu'on pourrait qualifier de défi. Mais elle s'emploie à réaliser quelque chose de différent. Des remparts qui encerclent le donjon informe que réalisait Hush.

Le château prend forme, progressivement. Hush est très concentré sur ce qu'il fait, comme à chaque fois qu'il est pris dans les filets de l'Art avec un grand A. Tobias joue dans le sable non loin, et il sait qu'il ne risque rien. Le petit est toujours sage. Hush est agenouillée dans le sable humide, et de ses mains, il sculpte une haute tour, comme il l'aurait fait en travaillant avec de l'argile. Finalement, lorsqu'il estime avoir terminer son oeuvre, il se frotte les mains et fait quelques pas en arrière pour l'admirer. Lui et Lehie ont bien travaillé. Le résultat est épatant.

Avec la plus grande douceur du monde, Hush regarde Lehie. Il ne parle pas, et pourtant, ce n'est pas toujours qu'il se sent pris dans une situation qui se passe de mots. C'est ce qu'il ressent avec Lehie en cet instant. Il n'y a besoin de rien de plus. Dans leur dos, le soleil brille de mille feux et offre au sable humide des éclats stellaires et colorés. C'est Tobias qui ramène l'homme à la réalité, en babillant quelques mots incompréhensibles en direction de l'eau calme. Il veut aller se baigner.

La forteresse attire l'attention des amies d'Honor, qui commencent à perdre leur enthousiasme pour les batailles de pistolet à eau. Ils l'admirent, s'émerveillent du soin de la réalisation avec de sonore "Waouh" puis semblent se concerter entre eux pour essayer d'égaler le fruit du labeur de Lehie et de Hush. Souhaitons-leur bon courage. Honor choisit une approche différente en allant fouiller dans les sacs que sa mère et en sortit plusieurs choses. D'abord un bandeau noir qu'elle se passe par dessus le crâne et pose sur son oeil droit puis se coiffe d'un tricorne et s'empare d'un sabre et d'un drapeau. Elle se retourne vers ses camarades de jeux en s'exprimant théâtralement dans un vieux corporatiste, elle livre une prestation correction d'une pirate cupide et menaçante.

Quant à Lehie, elle a imité son confrère artiste affectant les mêmes gestes mais a fait le tour de son oeuvre pour en découvrir sa beauté sous toutes ses coutures. Ce faisant, elle s'est imperceptiblement rapprochée de Hush. Son émerveillement ne se relève pas dans quelques sonores Waouh mais dans ses yeux comme un reflet profond de son âme. Lehie semble boire l'instant et s'amuse du terrible spectacle de sa fille en dépit du contexte doradien où pullule les pirates de toutes nationalités. Mais ce qui attire maintenant son attention, c'est le petit garçon qui réclame la fraîcheur de l'eau de mer. Lehie s'approche à grand pas et se saisit de ses petites main dans l'intention évidente de le faire marcher jusqu'à l'eau.

Hush sourit à Lehie lorsque leurs regards se croisent. Il est sorti de ses rêveries par les exclamations joyeuses des enfants autour d'eux. Ils ont l'air de voir ce genre de sculpture pour la première fois, et Hush n'est pas mécontent du résultat. Avec un peu de matériel, ils pourraient tout aussi bien construire une cabane ou un navire en bois pour que les enfants s'amusent. Il note cette idée dans un coin de son esprit, se promettant d'en parler plus tard à Lehie. Peut-être qu'ils pourraient faire ça tous les deux, pour Honor la jeune pirate. Hush s'approche à son tour des sacs de Lehie et en sort un crochet en plastique. Il s'agenouille et le brandit en l'air fièrement, comme un vrai pirate.

Il fait un garde à vous presque militaire devant Honor, la capitaine pirate. Et puis il lève deux des doigts de la main qui ne tient pas le crochet, mimant un pistolet. La fillette semble apprécier que l'on se prête à son jeu, et immédiatement après, tous les enfants vont fouiller dans le sac pour trouver des accessoires dont ils s'affublent joyeusement. Et puis la Capitaine Honor leur signifie qu'il faut protéger leur chateau géant avec tous leurs trésors à l'intérieur, contre les vilains qui veulent le voler. Hush hoche la tête et se met à se battre contre des ennemis invisibles.

Tobias se réjouit du contact de l'eau qui inonde ses adorables pieds, du déferlement paisible des vagues dont les ondes contournent ses frêles membres inférieurs, il rit. Il veut s'asseoir pour faire clapoter l'eau avec ses mains. Lehie le laisse faire doucement puis le regarde avec douceur. Elle songe qu'Honor a bien grandi, que peut-être était-elle prête pour un autre enfant. La question du père, en revanche, l'inquiète bien qu'elle se sache capable d'élever seule un nourrisson. Un compagnon serait mieux mais elle craint qu'on ne l'approche que pour sa fortune.

Heureusement que Tobias la distrait de ces pensées en l'arrosant, elle proteste, tente de se protéger pour amuser le petit garçon. Lehie tourne son regard pour regarder les enfants et Hush s'amuser à singer des pirates. Ils font tournoyer leurs sabres en plastiques en d'amples mouvement circulaires ou fendent l'espace pour découper sur toutes la longueur un ennemi invisible. Soudain, l'un des enfants s'écroule faussement tué par un méchant et d'autres décident de changer de camp pour combattre les fidèles du Capitaine Honor. Catastrophe ! Mutinerie !

Hush est totalement pris par le jeu. Il ouvre de grands yeux devant la mutinerie orchestrée par les enfants, et recule brusquement, frappé en plein ventre par une balle invisible. Il vacille, regardant sa belle Capitaine. Puis, dans un dernier élan de vie, il pousse un cri inaudible, lâche son arme et son crochet, et se rue sur les ennemis d'Honor. Il prend deux enfants dans chacun de ses bras, et il court vers l'eau. Les enfants hurlent, se débattent, protestent et rient. Honor et ses alliés l'encouragent vivement. Il ne s'arrête pas quand il passe devant Lehie, et jusqu'à ce qu'ils finissent tous les quatre dans la grande étendue bleue. Bien sûr, il n'est pas allé trop loin - il ne sait pas nagé, et il ne sait pas ce qu'il en est des enfants. Autant ne pas prendre de risque, pas vrai ?

Un bref instant,  Lehie crut qu'Hush a réellement un problème,  et se fit rapidement détromper par la suite des évènements.  Les petits mutins  emportés par l'ultime baroud d'honneur du loyal pirate que jouait Hush crièrent au contact de l'eau scintillante et se mirent à se débattre frénétiquement : ils veulent s'éloigner à la nage ! Entretemps Capitaine Honor donne ses fameux ordres et fait  achever  fictivement les derniers mutins. Son butin est désormais à l'abri. Du moins le croit-t-elle.  Car  quand elle s'approche  de sa mère afin de pouvoir crier à ses amies emportés par la vague Hush, Lehie en profite pour la soulever et lui fait exécuter un magnifique  plongeon.

La Capitaine Honor reparait rapidement à la surface,  son tricorne mouillé et son bandeau rempli d'eau salée, elle crie vengeance en dépit du piètre effet que cela fait sans son sabre.  Les autres  enfants hésitent, Lehie, jouant habilement de la garde de Tobias,  pour échapper aux foudres des pirates. Ce ne sont pas, en effet, des monstres insensibles au charme d'une jeune maman s'occupant d'un enfant même si cette dernière a jeté leur Capitaine à l'eau.

Hush rit avec les enfants, visiblement ravis, qui barbotent autour de lui. Lorsqu'Honor se fait projeter dans l'eau, Hush est d'abord surpris, avant de rire de plus belle. Le fait qu'il ne produise aucun son rend ce geste très étrange, mais il ne s'en est jamais soucié - et certainement ne s'en souciera-t-il jamais non plus. Il regarde la jeune mère qui s'occupe de son fils et en cet instant, il se sent heureux comme il l'a rarement été. L'eau est agréablement chaude, à l'instar des rayons de soleil qui frappent sa peau halée.

Honor, après s'être faussement énervée contre les traitres, se met à rire elle aussi. Et son bonheur réchauffe encore davantage le coeur du grand Mo'at. Il s'avance dans l'eau jusqu'à la fillette, en faisant un nouveau signe d'allégeance. Et puis doucement, il la soulève pour finalement la mettre sur ses épaules. De cette manière, elle surplombe absolument tout le monde. Être aussi haute semble lui plaire beaucoup, et bientôt, tous les enfants papillonnent autour du mo'at pour, eux aussi, s'élever au-dessus du monde. Souriant, Hush lance un regard à Lehie. Il attrape un enfant dans un de ses bras, le soulevant ainsi aussi haut qu'il le peut. Puis, il tend sa main libre à Lehie, comme une invitation pour qu'elle le rejoigne.