Little girl blue

Dire que la leçon de plusieurs heures que venaient de lui imposer la navigatrice en chef de l'Albatros, Lawrence Dawind, l'avait exténuée aurait été un doux euphémisme. Les formules mathématiques se mélangeaient dans la tête de la jeune métisse qui regrettait chaque jour un peu plus de ne pas avoir été plus attentive dans les rares classes qu'elle avait pu suivre dans sa jeunesse. Depuis quelques semaines, elle ne pouvait plus fermer les yeux sans voir apparaître dans le monde clos de l'envers de ses paupières des vecteurs et des tracés sans arrêt. Sa vie avait désormais un tout autre aspect. Le jour, elle se baladait, outils en mains, pour réparer la coque, vérifier les problèmes liés à la propulsion ou recueillir les avis des autres ingénieurs. Le soir, au lieu de se coucher ivre morte comme elle aurait aimé le faire, elle rejoignait la navigatrice et ses livres.

Ce n'était généralement qu'une fois le rush passé qu'elle pouvait se rendre, seule, dans la salle commune pour apprécier un repas bien mérité. Seulement, ce soir-là, les coursives du middledeck n'étaient pas aussi silencieuses qu'elles auraient dû l'être. En tendant l'oreille, Noor'hayl crut entendre une voix d'enfant. La voix d'une gamine. Et pas une de celles du Quartier Maître. Non, une voix qui lui était totalement inconnue. Elle s'avança, plus curieuse qu'elle ne l'aurait jamais avoué, et pressa le pas. Quelle ne fut pas sa surprise de tomber nez à nez avec une petite fille manifestement surexcitée et un immense colosse plus musclé sans doute que la totalité de l'équipage du vaisseau.

À cette vue si particulière, Noor'hayl ne put s'empêcher de rigoler doucement. "Bah tiens, j'dois dire que j'm'attendais pas à ça, à c't'heure là", dit-elle en se frottant un peu les yeux. "J'crois pas vous avoir jamais croisés", reprit-elle, les sourcils froncés dans un effort mémoriel intense. La nouvelle de l'arrivée de Croyance et Zélio était passée totalement à côté d'une Noor' trop occupée et pas assez disponible pour échanger les ragots des ingénieurs. "Y'a encore à manger, à la salle ? J'vous en supplie dîtes moi que y'a encore à bouffer, j'risque de pas supporter de devoir manger encore une barre de nutrisoja dans mon lit..." Les suppliant vraiment du regard, elle fronça un peu plus les sourcils en collant presque son nez à ceux du grand tatoué et de la petite. Elle les observa, longuement, sans trop se soucier d'autre chose que de son investigation.

"C'est ta fille ?", finit-elle par demander en se reculant d'un pas. "Elle te ressemble comme deux gouttes d'eau."

Physionomie & génétique 1, Noor'hayl 0.

Zélio, il voulait que moi je dors, mais j'ai trop faim, alors lui il est gentil, il m'a amené dans la salle commune de la commune pour que je mange parce que j'ai faim.

- Et du coup, bah du coup, bah c'est comme ça que ça c'est fini, tu vois !

Mais là, alors que je suis en plein dans ma super fin de ma super histoire de la mort qui tue, ben y a un quelqu'un qui arrive, et qui a l'air d'avoir super faim comme moi. Il est bizarre le quelqu'un, moi ça me fait ouvrir des yeux grands comme ça !

- Dis, t'es un garçon ou une fille, toi ?

Zélio hausse un sourcil devant la nouvelle venue. Sérieusement ? Sa fille ? Il regarde Croyance et se remémore aisément ces propres traits.

- pour sûr que tu es affamé. C'est pas ma fille. dit-il d'une voix neutre.

Sa fille est morte après avoir été violée par un sadique. Elle n'a pas supporté survivre et a préféré se laisser mourir. Devant son père impuissant. Sa mâchoire se crispe une seconde. Et puis Croyance demande c'est elle est un garçon ou une fille. Et pour le coup ça fait sourire Zélio. Elle en rate pas une la gamine.

L'espace d'une seconde, Noor'hayl se renfrogna, plissant le nez et grimaçant. Elle avait beau avoir 31 ans, elle savait toujours très bien se comporter comme une gamine. Elle plia les genoux pour se mettre à hauteur de Croyance et haussa les épaules.

"Nia nia nia, tu crois que j'suis quoi ? J'suis évidemment une fille. C'est juste que j'en avais marre que mes cheveux m'tombent sur la figure alors j'les ai coupés tu vois ?", demanda-t-elle en mimant une paire de ciseaux avec ses doigts de la main droite. "Mais et toi d'ailleurs, t'es un garçon ou une fille ? Parce que là comme ça, j'dirai que t'es une fille, mais on m'avait dit que les filles ça répondait aux questions au lieu d'en poser des nouvelles ! Alors, dis moi, t'as tout mangé ou il reste à grailler ?"

Si la rhétorique de Noor'hayl n'avait pas changée, son ton, lui, se voulait moins engagé que lors des conversations avec les adultes. Elle avait pris l'habitude, avec les enfants de Logan, de s'adoucir. Peut-être même qu'une part de cette grande et violente métisse aimait les enfants. Fronçant les sourcils à nouveau d'un air faussement méchant, Noor'hayl releva des yeux vraiment inquiet sur le colosse. "En vrai elle a pas tout mangé, hein ?" s'enquit-elle d'un regard suppliant.

Moi, je la regarde, elle, parce que elle dit que c'est une fille. Et puis ça me fait trop sourire, moi.

- Woaaaah, trop cool ! T'es la fille la plus cool du monde ! Dis Zélio, moi aussi je pourra avoir les cheveux courts comme ça ? C'est trop cooool !

Et puis aussi, je me rends compte moi que elle a demandé si je suis une fille ou un garçon. Ca me fait froncer les yeux.

- Eh ! Je suis une fille moi, mais pas une vraie fille de la trinité, ça, c'est tout pourri. Je veux pas me marier et que j'a des enfants, moi. C'est trop nul, ça.

Et après elle a l'air d'avoir trop faim de chez trop faim, et même elle demande à Zélio si j'ai tout mangé moi, mais j'ai pas tout mangé, c'est pas vrai, mais j'ai faim encore, mais elle, elle a plus encore faim que moi. Alors je cours jusqu'à la table, mais doucement sinon Zélio il va se fâcher tout rouge si je cours vite, et après je me mets sur la pointe des pieds et je prends mon assiette à moi que j'ai pas fini, et puis je va vers la fille trop cool.

- Tiens, tu peux manger ça si tu veux, c'est mon assiette à moi mais je te la donne, t'as l'air d'avoir trop faim, toi.

Zélio éclate de rire. Franchement c'est bien une réaction de petite fille ça.

- c'est ça ma puce. Ne pas se marier et ne pas faire de bisous d'amoureux. Tu as tout compris. se marre Zélio. Par contre c'est non pour les cheveux. Ils sont magnifiques tes cheveux longs, arrête de te laisser influencer par chaque chose que tu vois. Certaines décisions ont des conséquences, tu pourras plus revenir en arrière pour tes cheveux.

Zélio s'amuse du ton suppliant de la femme aux cheveux courts, mais il n'a pas le temps de répondre que la gamine s'élance pour donner son assiette à la nouvelle venue.

- c'est bien petite … le cœur sur la main. sourit Zélio. Bonjour, je suis Zélio et la petite c'est Croyance, la petite sœur de Modestie.

Quand elle vit la petite fille s'enfuir, Noor'hayl releva de grands yeux incrédules sur l'homme à ses côtés. Elle n'eut même pas le temps de le questionner sur les motivations de la petite furie qu'elle fut de retour, les bras chargés d'une assiette à moitié pleine qu'elle lui tendit avec le sourire. "Bah ça alors... Merci...", commença-t-elle en lorgnant sur l'assiette qu'elle aurait pu dévorer à même le sol. "Mais t'es sûre qu't'as plus faim, hein ? C'est quand on fait ta taille qu'faut manger minipouce hein, sinon tu risques d'rester toute p'tiote toute ta vie", dit-elle en rigolant.

Elle écouta le sermon de son voisin en hochant la tête quand la petite la regardait, comme pour le confirmer. Elle grimaça pourtant sur la fin. "Techniquement... Tu pourras rev'nir en arrière parce qu'ils repousseront. Mais ouais, écoute le m'sieur. T'peux être cool avec les cheveux longs hein ! De toute façon être cool c'est pas sur ta tête que tu l'vois, c'est dedans." La métisse se redressa, l'assiette dans une main, l'autre tendue vers Zélio.

"Salut, Zélio, salut Croyance. J'suis Noor'hayl Staroak. Noor' pour faire plus court. J't'avoue que des quartiers des mécanos, j'ai pas eu la chance de la croiser beaucoup, Modestie. Ni vous d'ailleurs. V'venez d'arriver ?"

Zélio il parle des bisous d'amoureux, ça me fait faire la grimace, c'est trop dégoûtant ça. Mais après je souris moi.

- C'est vrai que tu les aimes mes cheveux, toi ? Et puis c'est pas ma faute à moi, y a trop de trucs trop coooool ! Mais d'accord, alors, moi je va être trop cool autrement alors.

La fille cool elle est content que je lui donne mon assiette et puis Zélio aussi. Mais ça me rend un peu triste que elle dit que je va rester tout petit, mais c'est pas grave, c'est la vie.

- Ben j'ai déjà beaucoup mangé et tout, après Zélio il va dire que moi je va être malade, donc c'est pas grave, tu peux manger toi.

Et ça me fait froncer les yeux quand elle dit son nom la fille et qu'elle est mécano, moi je sais pas c'est quoi et tout.

- Ben oui, moi je cherche Modestie et puis après Zélio il m'a aidé et nous on l'a trouvé y a pas beaucoup de jours et après la capitaine Beth ben elle a dit que nous on peut viendre sur son vaisseau, ça c'est trop gentil. Et dis, il est bizarre ton prénom. T'es un mo'at, toi ? Et c'est quoi mécano ?

Zélio sourit tranquillement devant le débit verbal de la petite. Elle ne s'arrête jamais et c'est parfois sympa de rencontrer d'autres gens sur lesquelles il relâche la bête.

- elle a suffisamment mangé pour grandir normalement. Je veille. dit simplement Zélio. On vient d'arriver et je reste un peu pour assurer la transition. Mais je ne suis pas un pirate. Juste un invité. précise le grand bonhomme.

Il n'explique pas le terme de mécanicien. La question ne lui ait pas posé.

- il n'est pas bizarre, il est différent et sonne bizarrement à ton oreille. C'est pas pareil. explique le tatoué

Noor'hayl écouta parler le drôle de duo sans les interrompre. Elle avait beaucoup de mal à croire qu'il n'avait aucun lien de parenté tant la complicité qu'ils partageaient sautait aux yeux. La petite fille l'amusait avec ses questions incessantes et son esprit vagabond. Le grand homme, en revanche, lui parut immédiatement rasoir. Du genre trop sérieux pour trop peu. Elle n'aima pas son ton quand il la reprit sur une plaisanterie.

"Ouais, c'était une blague, mais c'est rien. Bienv'nue à bord du coup. Si vous avez besoin de quelque chose, vous pouvez m'demander. Faut toujours bien r'cevoir les invités", lui dit-elle avant d'en revenir à la petite fille. "Mais ouais j'les trouve bien tes ch'veux ! En plus en vrai avec les cheveux courts j'ai froid souvent", assura-t-elle en souriant. "T'as l'air d'en savoir des choses, toi. Ouais j'suis mo'at. Enfin, pas tout à fait. J'suis métisse. Ça veut dire que ma mère était mo'at mais pas mon père. J'suis comme un mélange." Elle se garda de préciser qu'elle était un mélange de bonté et de grosse saloperie. "Et mécano', c'est mon boulot. Les mécaniciens, c'est ceux qui réparent tous les trucs sur l'vaisseau, en gros."

Elle lorgna ensuite sur l'assiette et se mit à picorer, avec bien plus de retenue qu'à son habitude. Elle ne voulait pas donner l'image d'une goinfre sale et mal éduquée devant une petite fille.

"Z'avez d'jà pu visiter ?"

Je fronce un peu les yeux, moi.

- Ah bah moi j'ai froid tout le temps, alors je va pas couper mes cheveux, sinon j'aura encore plus beaucoup froid, et ça c'est tout pourri.

Zélio il dit que c'est pas bizarre son nom, et puis elle, elle dit que elle est mélange. C'est quand même trop bizarre, moi je sais pas que c'est possible ! Ca, ça me fait ouvrir des gros yeux très grands.

- T'es mélange ?! WOAAAAAH ! Moi je sais même pas que ça esiste ça ! T'es la premier mélange que je vois, moi, c'est trop coooool ! Mais ça fait quoi, du coup ? C'est bizarre quand même.

Je regarde Zélio, moi.

- Ah, non. C'est différent, quand même. Ca va comme ça ?

C'est trop cool aussi, que lui elle répare les vaisseaux et tout. Moi j'ai jamais vu ça avant, mais ça a l'air cool.

- C'est vraiment toi que tu répares ça tout seul ? C'est trop grand tout ça ! Et, tu répares aussi les trucs comme les bras de Zélio, dis ? C'est le métal, comme sur le vaisseau et tout. Mais la capitaine elle a fait un peu la visite, mais pas tout quand même. Ca fait beaucoup longtemps que t'es là, toi ?

- on dit métisse petite, métisse. explique Zélio. Et oui différent c'est mieux que bizarre.

Ensuite il regarde ses bras et l'un d'eux est en effet en métal, mais le deuxième est fait de chair.

- elle répare peut-être celui là. dit-il en montrant la prothèse cybernétique. Mais pour l'autre on dit soigner, pas réparer.

Il a un sourire amusé.

- notons que si elle sait faire des massages je suis pas contre qu'elle soigne mon bras de chair. Mais étrangement je pense qu'elle préfèrerait me cogner avec une clé de 12. dit-il avec son sourire qui s'agrandit.

Noor'hayl arqua un sourcil à la remarque du combattant. Elle ne comprit pas vraiment où il voulait en venir, aussi se contenta-t-elle de hausser les épaules. "J'pense pas avoir d'raisons de te cogner avec une clé de 12, d'autant que j'ai pas l'droit de me battre à bord sous risque de m'faire offrir un aller direct pour ailleurs. Mais j'ai pas plus l'intention que ça de te masser le bras non plus", expliqua-t-elle. "En r'vanche si t'as une vis à resserrer sur l'autre, là, ouais c'est d'jà plus mon domaine."

Elle reposa ensuite son regard sur la petite pile électrique qui enchaînait les questions plus vite qu'un speeder enchaînait les virages. La naïveté de la gamine avait au moins réussi à la faire sourire plus d'une fois. "Ouais voilà, on dit métisse. Mais si t'veux dire mélange parce que c'est plus imagé, fais toi plaisir, ça m'blessera pas", reconnut-elle dans un sourire. "Et non j'répare pas tout toute seule, on est plein de mécaniciens à bord."

Elle fronça un peu le sourcils et ferma les yeux dans un effort de mémoire. "Et... Ça fait un peu plus d'un an que j'suis là j'crois. J'suis pas très fort pour m'souvenir bien des trucs. Ils sont où vos quartiers ?", demanda-t-elle en relevant le nez vers Zélio. "Là haut, à côté d'ceux de la Capitaine ?"

Moi je réfléchis à ce que il dit les grands.

- Aaaaah, d'accord. T'es un métisse différent, alors. Dis Zélio, c'est comme les notes de musique, la clé de 12 là ? Du coup, ça veut dire que ça fait du joli bruit ? Et, regarde Noor !

Moi je m'approche de le bras du métal de Zélio et puis avec mes poings, ben je frappe doucement. Mi, mi, do, la, fa mineur ! J'arrête après, parce que Zélio, il aime pas que je fais ça. Et mais... Du coup c'est une bêtise ça ? Oh non !

- ME MET PAS UN TAQUET ZELIO JE REFERA PLUS CA PROMIS.

Même que je cours derrière Noor pour pas que il me met le taquet.

- Mais c'est joli, t'as vu, hein ?

Ben oui, il fait du joli son, le bras de Zélio. C'est dommage que il veut pas que je fais de la musique dessus, même.

C'est gentil mais les jambes sont toutes neuves et le bras sort de la révision. explique l'homme au tatouage.

Et puis elle est mécanicienne ou cybernéticienne ? C'est pas vraiment la même chose et dans tous les cas il ne voit que les meilleurs. Enfin des gens proches des meilleurs, parce que les meilleurs coûtent un bras et il lui en reste plus qu'un. Il regarde la petite alors qu'elle s'enfuit se cacher derrière Noor'.

- viens là. Je vais pas te courir après pour te punir et tu sais que tu as fait une bêtise. Donc soit tu assumes comme une grande. Soit je saurais qu'on peut PAS te faire confiance. explique tranquillement Zélio.

Il est serein, il sait avoir un levier d'action monstrueux si nécessaire.

Noor'hayl ne put s'empêcher d'exploser de rire à la remarque de la gamine. D'autant plus que ça ne semblait pas du tout du goût du grand brun qui perdit tout à coup en crédibilité. La jeune métisse s'esclaffa encore un peu quand l'enfant se cacha derrière elle. "Ouais c'est joli t'as raison", lui confirma-t-elle en s'abaissant une nouvelle fois à son niveau, genoux pliés. "Mais non, une clé de douze ça a rien à voir avec la musique. C'est comme un outil, comme un marteau, t'sais ? Ça serre à serrer et desserrer des boulons. C'est comme des vis. Enfin ouais, t'embête pas trop avec tout ça, juste, c'est pas pareil."

Elle releva ensuite le nez sur le gardien autoritaire de la petite brune. Ça pour une réaction démesurée, c'était une réaction démesurée. Elle n'avait jamais eu de père, aussi ne savait-elle pas vraiment grand chose en matière d'éducation. Toujours était-il que parler de confiance à une enfant qui s'amusait lui semblait un peu hors sujet. "Ah ouais, z'êtes du genre à serrer les vis justement", s'amuse-t-elle avant d'en revenir à l'enfant. "Va l'voir parce que sinon mon p'tit doigt m'dire que ce sera pire."

Aaaaaaanh mais c'est trop vilain, je sais que c'est une bêtise et tout mais déjà c'est joli et puis j'ai rien cassé moi et tout. Je boude un peu, même je croise les bras et tout parce que je suis trop pas content. Même que la clé de douze Noor elle dit que c'est même pas un instrument de musique, alors que tout c'est un instrument.

- Moi je suis sûre que je peux faire de la jolie musique avec ça, d'abord.

Mais au moins Noor il a bien aimé la musique, elle. Et même, lui elle me dit que je dois le voir Zélio, alors moi j'y va, mais je traine les pieds et tout.

- Mais c'est de la jolie musique, et même que j'ai rien cassé et que je suis sage et en plus c'est juste pour que je montre à Noor et j'ai dit que je fera plus ça et scrogneugneugneugneu.

Zélio attend tranquillement que la petite vienne jusqu'à lui en se justifiant autant qu'elle peut.

- tout ce que tu dis est vrai petite. Mais ça ne change rien au fait que tu as fait un truc qui est interdit. Tu pourras te rebeller contre l'autorité quand tu seras adolescente. Pour le moment tu es censé apprendre et je suis censé punir. explique tranquillement Zélio.

Quand elle arrive à portée il met un taquet à la petite. Un petit qui fait pas vraiment mal. Mais ça fait jamais plaisir de prendre un taquet devant une inconnue. Il se tourne ensuite faire Noor'.

- elle a vraiment un don et parvient à faire de la musique avec n'importe quoi. Même si on ne va pas se cacher qu'avec des instruments c'est mieux. déclare le tatoué avec un sourire tranquille et fier.

Noor'hayl eut soudain envie de sauter à la gorge de son interlocuteur et de lui rendre au centuple le coup qu'il venait de porter à la petite. Elle n'avait que faire de la force qu'il avait employée ou non, de ses explications foireuses ou de son air condescendant. Lever la main sur une gamine, fautive ou pas, n'était jamais pardonnable dans le monde de la jeune métisse. Mais elle ne pouvait rien faire ici, à bord du vaisseau, sans risquer une exclusion définitive de l'équipage. D'autant plus si cet énergumène était l'invité de la Capitaine en personne. Elle sera la mâchoire, se jura de ne pas oublier. "Ça, c'était pas obligatoire", se contenta-t-elle de dire avant de se décrisper et de sourire à la petite.

"C'est vrai ça, Croyance ? Genre tu peux faire d'la musique comme ça, comme tu veux ? Ça c'est trop cool", admit la métisse en hochant la tête, un sourire franc au bout des lèvres. "Faut vraiment que tu viennes voir dans l'atelier en bas, on a une tonne de trucs qui font du bruit ! J'suis sûre que tu s'rais plus divertissante que l'bruit des moteurs qu'on s'tappe toute la journée. Y'a bien John, en bas, mais lui il chante comme un pied, c'est horrible. Et moi... Moi j'en parle pas !"

Zélio il donne pas un vrai coup fort et même je dis même pas "aïe" parce que je suis trop fort moi et tout. C'est pas gentil de me punir, moi. Mais bon, c'est des gentils punitions quand même, parce que lui, il frappe pas avec le fouet et tout, donc ça va. Et même Noor elle est d'accord que c'est pas trop gentil, moi je la trouve trop cool Noor, je suis content qu'elle est avec moi dans l'équipage ! Mais Zélio il parle de la musique alors moi je arrête de bouder, parce que c'est la musique quoi, c'est trop cooooool ! Et puis mon regard il est grand comme ça après, et je souris trop aussi.

- C'EST VRAI ?! Tu veux bien que je fais de la musique sur tes machines moi ?!!!!! TROP COOL T'ES TROP GENIAL TOI !

Et là, moi je fais un gros câlin dans les jambes de Noor.

- Même que moi, quand j'étais tout petit, je fais de la musique avec la vaisselle à la maison, et ça, papa il aimait pas trop du tout, alors je suis beaucoup punie, moi. Et puis aussi je fais de la musique avec des cordes et puis des boites vides et tout. Mais après, Jean, il m'a amené voir Pierre-Georges quand j'ai trois ans moi, et Pierre-Georges il m'a appris à faire de la guitare et du piano aussi, j'en fais au moins trois ou quatre ou cinq heures par tous les jours.

La métisse se tend et se crispe. Zélio hausse un sourcil interrogateur. Il sait reconnaitre les sentiments négatifs à son encontre. A défaut de comprendre le pourquoi du comment.

- un truc qui va pas ? demande-t-il alors Zélio. Aux dernières nouvelles tu es pas en charge de la petite. Moi oui. Donc je décide comment je l'éduque le peu de temps que je vais rester ici. Il y a des règles strictes qu'elle doit respecter pour son propre bien. Donc elle doit apprendre un minimum de discipline si on veut qu'elle … grandisse.

Il allait dire survive. Mais la petite aurait pas aimé. Il frictionne la tête de Croyance avec tendresse. Et il se demande s'il va devoir se mettre à dos tout l'équipage de l'Albatros à part sa capitaine ou s'il a juste pas eu de bol avec les deux dernières rencontres.

La jeune métisse hocha vivement la tête devant l'enthousiasme non feint de la petite fille. "Ouais, 'fin après faudra faire gaffe mais s'tu veux taper des clefs les unes contre les autres, y'a rien qui explosera !", reconnut-elle en rigolant à moitié.

Elle perdit bien vite son sourire en écoutant la petite fille lui narrer sa petite histoire avec plus de débit qu'un fusil d'assaut. Noor'hayl dut se concentrer pour suivre le fil des pensées vagabondes de la musicienne mais parvint plus ou moins à dresser le tableau de sa petite vie. Enfance maltraitée, réfugiée dans la musique, probablement fugueuse puisqu'elle savait que l'homme en face d'elle n'était ni son père, ni le Jean ou le Pierre-Georges dont elle parlait. "J'irai p't'être le voir moi aussi du coup pour qu'il m'apprenne à plus chanter comme une cruche", dit-elle à la petite avant de se redresser.

Le gorille avait manifestement mal pris sa remarque. Le problème avec les cons, pensa Noor', c'est qu'il sont toujours persuadés que légitimité et pouvoir absolu vont de paire. Elle secoua la tête en soutenant son regard. "Tout va bien, j'devine qu'la gamine a eu une vie assez mouvementée pour que j'en rajoute ici en tombant dans ton p'tit jeu. Si tu crois que lui mettre un taquet ça va la faire obéir, t'fais c'que tu veux. Mais tu pourras pas m'empêcher te regarder d'travers quand tu le feras. J'imagine que c'est juste deux visions d'la chose."

Moi je rigole et tout.

- D'accord alors ! Je veux pas faire exploser des trucs, même moi je suis sûre que ça fait un joli son. Hein, t'en penses quoi Zélio, ça fait un joli bruit le explosage ?

Et puis je hausse les épaules sur le plafond.

- Ben moi je peux t'apprendre à chanter si tu veux, je sais pas trop chanter mais moi j'ai l'oreille de l'absolu alors je sais quand c'est juste ou pas et tout.

Mais après je fronce le sourcil. Zélio, moi je sais que lui il veut que je sois pas mort trop vite aussi, et je sais que il me punit pour ça, mais Noor lui, elle sait pas et elle aime pas trop que lui il m'a tapé je crois, mais moi je veux pas que il soit fâché ensemble. Moi Zélio, je l'aime trop et puis Noor je l'aime bien aussi elle est trop gentil.

- Eh ! Vous battez pas vous ! C'est pas grave que il met des taquets Zélio, ça fait pas vraiment beaucoup mal et c'est parce que je fais des bêtises, mais c'est pas grave, pour de vrai de vrai ! Je veux pas que tu sois fâchée toi...

Zélio prend la petite dans ses bras et lui fait un câlin.

- je suis content de voir qu'il y a au moins une fille mature dans les environs. Je suis fier de toi Croyance. dit-il a la petite avant de se tourner vers l'autre gamine. Il n'y a pas de petit jeu, je joue et j'adore jouer mais pas quand il s'agit de Croyance. Tu me juges sans rien connaitre de la vie de la petite et de la mienne. C'est puérile comme façon d'analyser une situation. Accessoirement j'aime pas qu'on me regarde de travers. rétorque l'homme aux tatouages.

- Et je trouve pas ça joli le son des explosions. Mais c'est sans doute parce que j'aime pas les explosions. explique doucement Zélio à la petite.

Cette fois-ci, Noor'hayl eut bien du mal à garder son sang froid. Elle avait horreur des drama queen, ces individus pour qui tout devenait tout le temps un problème, qui était tout à fait incapable de ne pas tomber dans des phrases clichés d'adolescentes en crise. Elle en connaissait un rayon puisqu'elle même avait eu sa phase. Mais elle ne s'attendait pas à voir un homme adulte se comporter de la sorte. Elle avait aussi horreur du ton paternaliste de son interlocuteur et de ses petites piques de cour de récréation. Elle leva les yeux en l'air, haussa les épaules et sourit vaguement.

"J'te juge pas, et ta vie j'm'en tamponne autant que tu te fous de la mienne", lui expliqua-t-elle sans hargne aucune. "T'aimes pas qu'on t'regarde de travers et moi j'aime pas qu'on lève la main sur un enfant. J'vois pas dans quel monde ça pourrait être bénéfique, ni dans quelle histoire. Maint'nant, je te l'ai déjà dit, j'm'en cogne, c'est pas mes affaires, et si j'ai porté un jugement, c'est sur ton geste, pas sur toi ou ta vie ou j'sais pas quoi d'autre."

Elle se contenta d'hausser les épaules, de tourner les talons et de laisser les nouveaux arrivants vaquer à leurs occupations. Elle avait compris que toute discussion avec pareil individu ne mènerait à rien et elle se savait bien trop impulsive pour ne pas tomber dans le jeu des bons mots taquins qu'il voulait lui imposer.