Les gens qui brillent

- le début... j'aurais bien dit qu'il est temps pour ta première cuite... mais il me semble que tu es trop jeune pour ça. s'amuse Conrad. Il prend le temps de la réflexion et regarde la petite fugueuse.

- j'imagine que tes habits et ta paire de ciseau de combat représentent toutes tes possessions ? demande le pirate. le début consiste à faire des courses... parce qu'à bord j'ai pas vraiment ta taille.

"Euh... c'est si urgent, la première cuite ?" je m'inquiète un peu. C'est pas que le rhum c'est dégueulasse, mais presque...

A la suite, je me redresse sur ma chaise, vaguement vexée. Surtout pour éviter d'être triste.

"C'est des ciseaux à broder. Et j'ai des sous." je commente en posant fièrement ma bourse sur la table. Poc, il fait sur la table. Enfin c'est un sac de toile avec un cordon, cousu à l'arrache, mais... poc ? Il aurait dû faire ting. Ou clic. Un bruit de ferraille quoi, pas de... Je me sens pâlir, je l'ouvre, je le retourne sur la table.

Cailloux.

Il y a tout le reste, le briquet, ma cousette, mon collier en toc que j'avais caché dedans, les autres petits trucs utiles mais sans valeur, même mon bout de nutrisoja... mais plus un rond. On doit sentir ma détresse à des kilomètres.

Qui ? Qui a eu le temps de fouiller et de me piquer toutes mes économies ? J'ai pas lâché ma b... ...oh. Oooh. Je me retourne, je cherche le coupable des yeux. Je le vois plus à la table de Dents-de-Travers et de l'homme charismatique.

"Il y avait trente-deux doublons." j'articule lentement, mortellement sérieuse, en fixant les cailloux. Ca fait mal d'y mettre les mots. "Je crois que je sais où ils sont. Enfin qui les a pris." J'inspire, je lève les yeux vers Conrad-capitaine. "Je retoucherai des habits que vous avez, c'est pas un problème ça. J'ai encore mon fil." j'ironise.

Conrad la regarde poser sa bourse et commence par être impressionner car elle a déjà des sous.... pour finalement sourire très amusé en découvrant un tas de cailloux.

- tu vas pas aller loin avec ton trésor. fait remarquer le capitaine. Et des ciseaux à broder ça se tient pas comme si tu comptais trucider quelqu'un avec.

Elle se tourne vers une table et semble soupçonner les occupants.

- qui t'a pris ton trésor ? demande tranquillement le capitaine.

32 doublons d'or c'est un début de fortune pour une enfant de son âge. Mais surtout il est curieux de savoir qui vole les enfants dans son équipage. Non pas que ce soit interdit ... mais c'est pas son genre.

"C'est pas drôle... y avait vraiment trente-deux doublons." je proteste. "Et je veux trucider personne moi. De toute façon j'avais rien de plus dangereux sous la main que mes ciseaux alors j'ai pris ce que j'avais."

Je regarde dans la salle une nouvelle fois. Il a plus l'air dans le coin.

"Je... courais. Un type louche voulait m'attraper depuis un moment alors... comme j'avais pas envie, vous voyez. Je suis rentrée dans... je sais pas comment il s'appelle, celui qui a toutes les dents de travers comme s'il s'était pris un coup de massue là. Je suis tombée, il m'a ramassée et... vous m'avez entendue peut-être ? Enfin il m'a rentrée et assise à la table là en disant que j'étais stupide et... un autre est rentré et il m'a balancé ma bourse. Il avait rien de particulier, vingt ou vingt-cinq ans peut-être, brun, l'air de se moquer de moi un peu comme toute la table. J'suis sûre que c'est lui. J'vois pas qui d'autre. Le reste du temps je la tenais serrée contre moi." Sauf là. Mais là elle était sur mes genoux... j'aurais senti, non ? "Je m'arrangerai. Si c'est pas interdit de voler les voleurs." j'ajoute après une seconde de réflexion. Pas de bagarre et pas de fraude sur le butin il a dit... ça a l'air d'être ni un ni l'autre mais on sait pas.

- s'il fait partie de l'équipage ... c'est pas interdit. Mais j'aime pas. On commence par se voler entre nous et rapidement ça dégénère en règlement de compte à terre et ça crée des schismes au sein de l'équipage. C'est ce que tu veux ? créer un schisme ? demande Conrad calmement et curieux de voir si la petite à plus de jugeote que la moitié de ses gars.

Il tente de remettre le gars avec la description, mais n'est pas vraiment sûr de son fait. Il suffira de demander à Aymeric, l'homme aux dents de travers.

"C'est quoi un chisme ?" je demande, perplexe. Ca ressemble plus à un gros mot qu'à autre chose. "Je sais pas s'il est du Liberty. Et je sais pas ce que veux faire. A part que mes doublons j'ai mis des années à les ramasser et que je vais pas les laisser filer comme ça." je grogne en rangeant le reste dans la bourse, cailloux compris. Faut pas se mettre entre mes affaires et moi, merde. "Je veux pas non plus mettre une mauvaise ambiance ou quoi, mais j'aimerais arranger ça sans impliquer d'autres gens." Genre lui. Une faveur ça suffit largement. "Si c'est possible ?"

- ça dépend s'il est membre de l'équipage ou non. expose Conrad. S'il est des nôtres alors il va te rendre ton argent, parce que je vais lui demander gentiment et qu'on me refuse rien ... sinon tu peux te débrouiller seule ou demander de l'aide à ton équipage. Ça sert à ça des compagnons de voyage.

Visiblement elle ne sait pas demander de l'aide. Mais c'est pas surprenant. Il la regarde curieux de voir qu'elle sera sa décision.

Je prends le temps de réfléchir en tripotant un caillou. Y a une part de moi qui dit que j'aimerais vraiment, beaucoup, revoir mes doublons ("ramassés par terre" dans des tavernes comme celle-ci, donc en fait d'un point de vue purement moral ils sont pas plus à moi qu'à lui, sauf que moi j'en ai besoin), une autre part qui dit que c'est pas si important, c'est vrai quoi trente-deux crédits y a pas mort d'homme, et puis le reste qui dit juste que c'est à moi de régler ça, parce que c'est mes doublons et que j'ai une fratrie bien assez vaste pour savoir que "la petite rapporteuse" personne peut la piffer. Et ce qu'un gamin peut faire à un autre, un adulte peut le faire à un gamin. En pire. Déjà que je vais devoir écouter aux portes sur demande...

"Je vais pas venir pleurer dans vos jupes toutes les cinq minutes." je marmonne finalement. J'ai vite compris que ça servait à rien de toute façon. Ma mère elle a pas le temps de gérer les disputes entre trois, quatre, six, huit gamins, et mon père quand il en a marre que ça pleure et que ça hurle c'est le genre à prendre les deux têtes et à les cogner une contre l'autre, alors... "Enfin dans vos, euh, bottes ?" je me reprends tardivement. "Si c'est moi qui demande gentiment, y a une chance que ça marche ?" je demande sans me faire vraiment d'illusion sur la réponse.

Conrad s'imagine une seconde en jupe... mais visiblement a du mal à se projeter pour le coup. Donc il va rester sur le concept de botte.

- Si c'est toi qui demande quoi ? et à qui ? questionne-t-il curieux.

"Au gars que je pense que c'est lui qui m'a piqué mes affaires. Savoir s'il est du Liberty, ce qu'il en a fait et si par hasard il voudrait pas me les rendre. Si on est du même équipage maintenant... pour la bonne entente, pas de "chisme", tout ça ?"

J'essaie d'avoir l'air d'avoir compris, un plan et tout, mais en vrai je sais pas où je vais hein. Je sens bien que ça va pas être la même affaire que récupérer ma poupée des mains de Douce - de toute façon la poupée elle a plus été à moi à compter du moment où Douce a eu trois ans, parce qu'il fallait partager, tout ça - mais... je sais pas. Je sais juste pas à quel point on peut ou non discuter avec cette "grande famille dysfonctionnelle" quand on a douze ans, des mèches blondes, trois pommes et demi de haut, et pas les moyens de donner un bon coup sur la table.

- bien sur que tu peux tenter le coup. Peut-être que la méthode féminine version 12 ans fonctionnera mieux. Après tout même si on est pas trop dans la gloire et plus dans le profit... voler une petite fille de 12 ans c'est quand même un peu pathétique. Il devrait pas vouloir que ça s'ébruite. explique Conrad en s'envoyant un verre de plus.

- Et s'il est pas de l'équipage par contre il te faudra un peu de soutien si tu le retrouves. Parfois c'est pratique de discuter "en paix" avec quelques gros bras derrière soi. propose Conrad. Mais bon c'est encore tout masculin comme façon de faire. J'avoue que je connais pas bien les méthodes des femmes. Je sais juste que c'est différent et que ça fonctionne bien aussi.

Les hommes, les femmes. Rien que d'entendre ça, ça me donne envie de faire un mètre de plus pour prouver que les femmes aussi ça peut être bourrin. Mais l'envie passe vite parce qu'effectivement ça serait pas mon genre d'être si directe. Pas parce que je suis une fille... juste parce que c'est pas mon genre. Et que j'ai toujours été aussi impressionnante qu'un awäk alors il a bien fallu faire autrement.

"Pourquoi c'est différent ? Une femme peut pas être directe ici non plus ?" je grogne donc, un peu boudeuse.

- si... j'en ai plein mon équipage. Mais elles sont un peu plus impressionnante qu'un awäk et beaucoup plus grande que toi... genre deux fois plus grande. constate simplement Conrad. Je t'ai dis que je t'apprendrais à te défendre. Et quand ça sera fait tu pourras écraser ton poing dans la figure de qui tu veux. Tant que c'est pas à bord du Liberty. En attendant je te suggère de faire selon les méthodes qui t'ont permis de survivre.

Sûr qu'elle est déjà pleine d'envie de montrer que les femmes en ont aussi. Typique des trinitaires. Mais toujours aussi amusant.

Il lit dans mes pensées ? La suite me rassure un peu.

Survivre... je suis assez réaliste pour mesurer la chance d'avoir eu un toit sur la tête et du nutrisoja dans l'estomac. Des gamins de mon âge qui en avaient pas, j'en ai assez vu sur les quais et dans la ville. J'ai pas eu besoin de survivre dans ce sens-là. J'ai eu besoin de pas étouffer... de pas m'éteindre. Et pour y arriver... il a fallu fuir la maison. Maman. Jean. Toute la fratrie. C'est ça mes méthodes pour survivre. Fuir et faire des sales coups. Et peut-être que maintenant je vais devoir survivre pour de vrai... pas juste pour exister.

Dans quoi j'ai mis les pieds...

Je me demande vaguement si c'est normal d'être soudain si chagrine. Sûrement. Je regarde mon verre vide, le verre de Dents-de-Travers à moitié plein à côté... la bouteille que m'sieur C- le capitaine a déjà presque vidée depuis tout à l'heure sans effet visible. La salle. Il est vraiment plus là l'autre... Je reviens aux verres, dépitée.

"Je crois qu'il est plus là de toute façon alors... c'était quoi le plan de départ déjà ? Des habits ? Je reprendrai des habits que vous avez déjà, je sais faire. Pas grave s'ils sont abîmés ou vieux ou quoi. J'ai l'habitude." J'ai des vieux habits de ma mère sur le dos alors... "C'était quoi la suite du coup ? Première cuite ?"

Ca semble presque pas mal comme plan. Arrêter de penser.

Conrad réfléchit une seconde et soupire.... il peut pas la laisser prendre une cuite. Il va avoir des ennuis avec les femmes du bord. Alors il se lève l'air profondément désolé. L'espace d'une seconde la tête tourne et il doit s'appuyer contre la table.

- tu peux pas prendre une cuite seule et visiblement je ne suis plus en état pour t'accompagner. énonce le capitaine.

Il a toujours été doué pour mentir et il devrait pouvoir tromper une petite fille de 12 ans .. non ?

- alors on va aller acheter des habits pour que tu ressembles à une pirate digne de ce nom et pas à une petite fille perdue dans des frusques trop grandes pour elle.

...quand il se lève je me rends compte à quel point il est immense. Je suis pas très grande même pour mon âge mais bon quand même... ça se voit encore plus que quand il était assis. Je me lève du coup, un peu désolée aussi. J'ai pas envie de lui devoir encore ça, mais il a l'air d'y tenir alors...

Il a pas l'air bien un moment, il s'appuie sur la table et un instant j'ai peur qu'il tombe dessus, j'enlève vite la bouteille du milieu au cas où. Plus en état pour boire, je veux bien le croire vu ce qu'il manque dedans... Mais si on est plus en état pour boire, est-ce qu'on est en état pour faire des courses, marcher et tout ? J'imagine qu'il sait mieux que moi... et qu'il tient mieux le rhum que moi aussi. Moi je tangue pas, je suis juste... avec plein de trucs qui tournent dedans. Des émotions je veux dire. Des pensées. J'ai pas envie de vomir quoi.

Je regarde dehors, et je me souviens qu'il était déjà tard quand je suis partie. Ils doivent me chercher... je m'essuie le visage sur ma manche, j'ai un peu chaud et la figure qui colle de sueur et de larmes séchées.

"Mais il fait nuit... les magasins sont pas fermés ?"

En tout cas à cette heure-ci en ville il y a plus grand-chose d'ouvert à part les bars et les restaurants. Peut-être que sur les quais c'est pas pareil ?

Il a un sourire amusé.

- j'espère bien qu'ils sont fermés. C'est plus facile de voler quand c'est fermé qu'en plein jour. explique simplement le grand bonhomme. D'un geste il fait signe à un jeune qui attendait proche d'une porte de la taverne. Le jeune homme se ramène.

- oui capitaine ? qu'il demande content que Conrad fasse appelle à lui.

- j'ai des portes fermées à ouvrir. Je pense que ma méthode est trop bruyante et comme on veut passer un peu de temps sur place après ouverture... je ne vois que toi pour faire en sorte que ça arrive. explique Conrad.

Il sort son HCom et cherche des magasins pour enfant dans les environs. Il trouve un peu éloigné du centre ville et sourit tranquillement. Ensuite d'un geste il envoie les données en direction du HCom du plus jeune avant de se retourner vers la petite.

- prêt pour ton premier pillage petite ? qu'il demande amusé.

...ah ben oui tiens. Je me sens bête. Et toute rouge. Je les regarde faire avec de grands yeux. J'aurais pas cru que ça se passait comme ça. Déjà qu'ils y réfléchissent avant, mais surtout en public, comme si c'était normal et pas illégal du tout. Moi quand je "ramasse" des trucs souvent c'est qu'ils sont tellement près de ma main ou que leur propriétaire s'en occupe tellement pas que ça serait criminel de pas les prendre... je fais pas tout ça. D'ailleurs je me demande sans m'y attarder si sa "méthode bruyante" ça serait pas de défoncer la porte par hasard.

"Euh... oui ?" j'hésite, le cœur battant.

J'ose pas laisser les étoiles monter dans les yeux tout de suite. Y a un truc que je comprends pas. Que je trouverais sûrement louche si j'avais pas un tiers de verre de rhum dans l'estomac et les émotions qui débordent de partout. Là j'aimerais juste comprendre.

"Mais m's-capitaine. Pourquoi vous faites tout ça ?"

C'est vrai... on se connaît pas depuis une heure et il veut déjà aller voler des habits pour moi. Mes parents ils me connaissent depuis ma naissance et la dernière fois qu'ils m'ont acheté des habits...

Conrad la regarde interloqué.

- parce que je suis ton capitaine. Et que je prends soin de mes mousses ... encore plus quand ils sont mes aides de camp. dit-il tranquillement en faisant signe au jeune d'ouvrir la voie.

Les deux pirates se mettent en route pour la sortie de la taverne.

"..."

Je reste plantée bien trois secondes, et puis je repose la bouteille sur la table et je trottine pour les rattraper.

Les trois pirates traversent donc le port en direction de la ville basse. Ils ne s'approcheront pas de la ville haute... trop de patrouille. Et le gouverneur aime bien que ça ville soit tranquille. Même si on dit qu'il n'a rien contre quelques petits pots de vin.

La nuit est fraîche et ils atteignent une petite boutique. Conrad regarde l'enseigne et hoche la tête. Le jeune lui à l'air beaucoup moins à son aise et ne cesse de regarder autour de lui pour voir si des passants ne s'intéressent pas trop à leur petite affaire.

Conrad vérifie sur son HCom.

- C'est bien là. Le patron est un soiffard qui bat sa femme d'après les ragots. Pendant que vous choisissez des vêtements je vais lui faire une petite visite de courtoisie. explique le capitaine pirate.

Le jeune homme acquiesce de la tête et une fois le champ libre se dirige vers la ruelle attenante pour chercher la porte de derrière. Forcer la devanture c'est con et il est pas né de la dernière pluie. Le capitaine se contente de suivre. Visiblement serein et habitué de ce genre de pratique.

- ça va petite ? qu'il demande quand même au passage.

Je reconnais le quartier. C'est pas vers chez moi, mais j'y suis déjà allée. J'ai eu peur que ça soit vers chez moi. J'ai quand même peur de croiser quelqu'un de la famille, mes parents, un de la fratrie, un voisin même. Et j'ai peur de croiser une patrouille aussi, alors je mets les mains au fond de mes poches pour pas me les tripoter et avoir l'air nerveuse, et j'essaie de juste avoir l'air d'une fille de douze ans dans une situation parfaitement normale. Je me demande si on a l'air naturel, un géant, un type... un type quoi, et une gamine. Je crois pas. En tout cas on aurait du mal à passer pour une famille en balade. Le type aussi a pas l'air très tranquille justement.

J'écoute le commentaire du capitaine sans broncher mais je me sens tirer un peu la gueule. Il y en a beaucoup, des soiffards qui battent leur femme. Mon père le premier, c'est pas un soiffard mais... bref. Je renifle et je décide que pour des gens comme ça, ça me gêne pas de vider la boutique sans payer.

"Hein ? Oui oui." je réponds, le nez levé pour le regarder.

Qu'est-ce qu'il est grand, mince. Et il brille toujours autant.

"Dites..." j'hésite. J'ai deux questions à poser mais je crois que la première j'ai pas trop envie de savoir la réponse en fait. "C'est pour ça qu'on va ici ou c'est juste un hasard ?"

Conrad la regarde avec intensité.

- j'ai pas pour habitude de détrousser les petites gens. Sauf quand c'est des cons. Et là c'est le cas. explique le grand bonhomme. Je fais rarement les choses par hasard petite. En fait je le fais jamais. Je planifie rien ou pas grand chose. Mais contrairement à ce que les gens pensent ... je fais rien au hasard.

C'est pas entièrement vrai. Mais c'est important de garder la légende vivante. Et les enfants répètent facilement les rumeurs surtout quand ils y croient fermement eux même.

- en route ... mauvaise troupe. dit-il en prenant la direction de la porte de derrière.

Le jeune voleur met un peu de temps pour l'ouvrir mais finalement les voilà qui entre dans la boutique. Conrad cherche les escaliers et fait un signe pour dire qu'il va monter.

Oooh. Alors c'est pour ça. On est déjà en route mais je les suis quand même, les yeux qui brillent et un début de réflexion intense sur le bien, le mal, la justice, tout ça. Juste le temps de décider que ça me gonfle, en fait. C'est vrai quoi, il est tard, j'ai qu'un tiers de verre de rhum dans le ventre depuis ce matin, et j'ai eu mon compte d'émotions pour dix ans alors hein, bon. On va pas trop en demander.

J'ai bien compris qu'il fallait pas faire de bruit alors je me tais et je hoche juste la tête, un peu inquiète. J'espère qu'il va pas être trop "courtois" quand même...

Du coup nous on sort de l'arrière-boutique et on va dans la boutique et ouah. Des habits partout. La caverne aux merveilles.

Conrad monte à l'étage et prend le temps de faire la causette avec monsieur et madame. Surtout monsieur qui est encore saoul, madame a un gros cocard et n'est pas d'humeur à parler à un inconnu. Conrad explique sympathiquement que c'est la déesse païenne Calypso qui l'envoie. Et qu'elle n'aime pas spécialement qu'on maltraite les femmes. Alors monsieur à deux choix qui s'offrent à lui. Quitter Dorado ou arrêter de cogner madame.

Étrangement les propos hérétiques de Conrad semblent criant de réalisme. Et si on prend en compte qu'il est armé dans la chambre du couple au milieu de la nuit... et bien ses arguments ont encore plus de poids. IL regarde Madame, mais l'absence de la moindre Flamme est désespérante. Peine perdue pour le coup. Il attache le couple et les bâillonne avant de redescendre voir comment la petite à trouver son bonheur.

La petite si on l'avait laissée faire elle aurait embarqué toute la boutique, parce que la petite elle a jamais eu quartier libre dans un magasin d'habits, qu'elle a même pas souvenir d'y avoir déjà acheté quelque chose et que les fois où elle y a mis les pieds doivent se compter sur ses vingt doigts. Alors la petite, elle a fouillé derrière le comptoir et elle a préparé trois gros sacs. Un sac de robes et de jupes et une bonne veste solide, un sac tout gonflé de pantalons et de T-shirts, avec du pratique joli et avec du joli moins pratique. Mais surtout du pratique parce qu'elle a suivi les sages conseils de l'ouvreur de porte. Et des sous-vêtements, les plus simples parce qu'il y a qu'elle qui les voit et que tant qu'il y en a, hein, bon. Et dans le troisième, trois paires de chaussures, deux solides qui tiennent bien et des sandales "bon si tu veux, ça servira toujours quand t'auras grandi des pieds". Et un manteau. Et un chapeau. Un grand truc en paille avec un gros ruban bleu. Parce que ça fait des années que je rêve d'avoir un chapeau comme ça et que toutes les remarques du monde sur l'inutilité d'un chapeau dans l'espace ne me feront pas changer d'avis.

Oui c'est un caprice. Totalement.