Feuille de route

Par réflexe, je m'apprête à refuser ces crédits destinés à réparer mon cran de sécurité. Après tout, j'ai déjà mis de côté ce qu'il me fallait pour régler ce problème. Et l'idée de coûter de l'argent à ma nouvelle capitaine dès mon arrivée dans son équipage ne me plaît pas du tout. Cependant, j'ai le pressentiment qu'elle ne réagirait pas bien à un refus de ma part. Alors, je bredouille un merci en rangeant les crédits dans mon sac avec le reste de mes possessions.

A vrai dire...ouais, je vais passer à l'atelier du technicien que j'avais repéré, pour mon...
Je désigne mon cran de sécurité, faute de trouver mes mots. Le bout de mon index le touche, et les lames jaillissent. Heureusement, je ne touchais rien de fragile. Un mouvement saccadé de ma main cybernétique, et les lames rentrent, jusqu'à ma prochaine maladresse.
Avant que vous ne partiez, je voudrais noter le numéro du quai où se trouve Nemesis. Histoire de pouvoir le retrouver facilement
Je me fends d'un sourire tout en m'apprêtant à enregistrer les coordonnées sur mon HCom. Mon visage enflé me rappelle à l'ordre. Vite, je reprends un glaçon, pour diminuer les dégâts. Rovert va pour en saisir un autre, qu'il laisse tomber sur la table surpris qu'il était de la température d'un glaçon. Les jungles de Renaissance ne doivent pas connaître beaucoup d'hivers froids.

Je suis satisfaite qu'elle ait prévu de s'en occuper sur le champ. J'hoche la tête sans faire aucun autre commentaire. Puis, elle me demande le numéro du quai du Némésis. Je suis quelque peu surprise : mon vaisseau n'est guère l'un de ceux qu'il est difficile de repérer. Cependant, je puis comprendre que l'on ne souhaite point le chercher à travers la masse de vaisseaux qui se pressent dans le port de Tortuga. Je sors à nouveau mon h-com et pianote un instant sur le clavier avant de le transférer sur son h-com.

- Voici. N'ayez crainte, il vous sera difficile de confondre notre vaisseau avec un autre ; le Némésis est aisément reconnaissable.

Sur ces belles paroles empreintes de force et de conviction, je lui offre un ultime sourire.

- Eh bien en ce cas, je vous dis à plus tard. N'hésitez jamais à venir me voir dans mon bureau s'il vous manque quoi que ce soit.

Et sans autre parole, je me détourne et sort de la taverne, afin de rejoindre le Némésis.

Le technicien a pris moins de temps que je ne le pensais pour réparer mon cran de sécurité. Les quelques crédits supplémentaires ont dû le motiver. J'aime pas quand les pirates se comportent comme des corpos. Mais au moins, mes lames ne sortent plus n'importent comment, et il a même poli les quelques éraflures sur ma prothèse.
Je me sens un peu moins chiasseuse quand j'arrive au quai où est amarré le Nemesis, ma sacoche sur le dos et Rovert dans la capuche. Et en effet, on ne peut pas rater le Nemesis. Ce vaisseau est gigantesque! Et il a l'air ancien. J'ai soudain peur de ne pas réussir à le piloter. Finalement, c'est une bonne chose que je n'ai pas été interfacée. Ce vaisseau n'a certainement pas de quoi se brancher dessus.

Comment aller à bord du vaisseau sans être prise pour une intruse? Heureusement, la capitaine semble avoir prévenu ceux qui gardent l'entrée de mon arrivée. Ils me laissent entrer, m'indiquent même où se trouve le bureau du capitaine. J'hésite un peu avant de m'y rendre. Elle doit être occupée. Et il y a sans doute un officier qui pourrait m'aider à m'installer, sans la déranger. Mais je ne sais pas à qui m'adresser. C'est pourquoi je vais frapper à sa porte, de ma main prosthétique nouvellement réparée...

Les obligations auxquelles je dois répondre s'amoncèlent plus rapidement que la poussière sur les bouteilles d'alcool de ma collection personnelle - auxquelles il est rare que je touche en dehors du cadre des plus importantes des visites que je puis recevoir. Je n'ai dormi qu'un court moment, préférant m'affairer autour des derniers détails à régler avant notre départ. Nous quittons la terre ferme pour une longue période, aussi est-il de mon devoir de m'assurer que j'ai régler tout ce qu'il était en mon pouvoir de régler.

Lorsque l'on cogne contre le bois noble de ma porte, je m'accorde quelques secondes afin de terminer la tâche à laquelle je m'affaire.

- Entrez, dis-je finalement d'une voix monocorde mais autoritaire, sans même prendre la peine de relever les yeux de mes feuillets.

Je pousse la porte, doucement. Hors de question d'entrer dans le bureau du capitaine Alvarez comme dans des toilettes. J'ai peut-être été virée de l'armée, j'ai quand même gardé mes bonnes manières envers les supérieurs!
En passant ma tête dans l'embrasure de la porte, je vois des papiers à n'en plus finir. Je me demande de quoi il s'agit. Comptabilité? Contrats? Actes de propriété? Lettres de menace?

Capitaine Alvarez? 'Suis désolée de vous déranger. C'est juste que...
J'ai envie de me cacher dans ma capuche. Mais y'a déjà Rovert dedans.
Je voulais vous remercier pour les crédits pour ma main. Elle est réparée, comme neuve!
Je lève ma main et agite mes doigts, histoire de lui montrer que je n'ai pas dépensé ses credits pour m'acheter de la lingerie...
Et aussi pour savoir si...pour vous demander à qui je devais m'adresser pour mon...installation. Parce que j'imagine que vous êtes occupée

Un petit pincement vient me retourner l'estomac. Et si elle avait changé d'avis entre temps, et ne voulait plus de moi sur son vaisseau?

Je demeure silencieuse et concentrée sur mes trop nombreux papiers tandis que je reconnais la voix de la jeune femme. Elle m'adresse ses remerciements ainsi qu'une requête à laquelle je ne m'empresse nullement de répondre. Je prends le temps qu'il me faut afin de terminer la rédaction d'une annotation, avant de finalement lever les yeux en sa direction.

- Asseyez-vous, je vous prie. Je suis à vous dans un moment.

Malgré la grandeur de mon vaisseau, qui n'a d'égale que celle de ma réputation, je prends à cœur d'effectuer une partie du recrutement moi-même, et, lorsque cela m'est possible, d'accompagner les nouveaux membres de mon équipage dans leurs premiers pas sur le Némésis. Cela me permet de toujours savoir qui se trouve sous ma responsabilité, et souvent, ce premier contact permet de créer un lien qui m'est toujours fort utile par la suite. Je méprise ces capitaines qui sont incapables de tisser le moindre lien avec les personnes sous ses ordres.

Si je puis faire bien des reproches à feu ma mère, je ne puis en revanche nier l'importance de ses nombreux enseignements. Elle a su me transmettre le désir de connaître ceux qui travaillent pour moi ; qui pourrait obéir convenablement une figure dont on ne connait pas même l'aura ?

Bon, elle ne m'a pas congédiée. Et elle m'invite à m'asseoir. Ce que je fais, gauchement, pendant que Rov' grimpe sur ma tête. Je laisse échapper un grognement quand les griffes du ta'leng s'enfoncent dans mon cuir chevelu. Je l'en décroche, avec précaution. Il s'agrippe à mes cheveux. C'est un peu comme retirer un bout de ruban adhésif du dos d'une bestiole à fourrure: même en y allant tout doucement, on arrache quand même un peu de poils. Quand je pose Rov' sur mes genoux, mes cheveux sont en fouillis devant mon visage et il en a gardé quelques uns dans ses crochets. Sale bestiole! Qu'est-ce qu'il dirait si je m'amusait à épiler ses trois-quatre touffes de poils?

D'un geste de la main, je dégage ma vue en rabattant ma tignasse vers l'arrière. Tandis que Rovert s'agite sur mes genoux, retenu par le harnais que ma main gauche enserre, j'essaie de me détendre. Et aussi d'oublier Sad Pops qui m'explique que le capitaine Alvarez s'apprête à m'expliquer qu'elle a fait une erreur et que je suis renvoyée. Parce qu'elle a réfléchi et ne veut pas de suicidaire à bord. Parce qu'elle a montré mes cartes à ses pilotes et ils ont éclaté de rire. Et que de ce fait il faut que je lui rembourse les crédits pour ma main...

Je termine rapidement de classer ce qui doit l'être, et je relève finalement les yeux vers la nouvelle membre de mon équipage. Je lui souris, affable. Je ne tiens pas compte de son animal légèrement agité ; j'ai, par le passé, été maîtresse d'animaux agités. S'ils m'ont quitté depuis longtemps déjà, je n'oublie cependant nullement quel travail cela peut être. Aucun reproche ne lui sera fait tant qu'elle conserve le contrôle.

- Bien. Bonjour, Madame Woodward. Je vous remercie pour votre patience ; être capitaine ne peut, hélas, jamais attendre. Cependant, je tiens à consacrer du temps à chaque membre de mon équipage, aussi bien à son arrivée parmi nous, que lorsqu'il requiert ma présence pour quelque raison que ce soit.

L'on peut bien me reprocher le malheur du monde, me qualifier d'une femme cruelle et sans pitié - ce que je suis peut-être bel et bien -, chanter au monde l'horreur de certains de mes actes ; on ne pourra cependant jamais m'enlever que je suis une excellente capitaine, et que j'ai très à cœur le bien-être de mon équipage.

- Aussi, sentez vous libre de venir me trouver aussitôt que vous en ressentirez le besoin ; je ne vous promets guère d'être disponible et efficace à tout moment. Néanmoins, vous pouvez être sûre qu'aussi longtemps que vous naviguerez à mes côtés sur le Némésis, jamais vous ne serez laissée pour compte.

Sad Pops se tient un peu plus tranquille devant le sourire du capitaine Alvarez. Même si je sais que aussi longtemps que je travaillerai dans ce vaisseau, elle continuera de me souffler ses sales idées. Et si je ne l'écoute pas, elle injectera ses sales pensées directement dans mon cerveau. Elle sait y faire, cette emmerdeuse.

C'est bien normal. La patience, je veux dire

A défaut de me souffler ses pensées, elle met le bazar dans les miennes. Oh, tu veux jouer à ça, alter ego de malheur? Essaie donc de te battre face aux endorphines que je m'apprête à t'envoyer. Un peu de douleur pour court-circuiter les idées noires. Un pinçon discret de ma main cybernétique sur mon bras naturel fera l'affaire. Je ne vais quand même pas sortir la lame de rasoir devant le Capitaine...

Je ne vous remercierai jamais assez. Et je me suis permise de venir parce que...
Rovert secoue sa tête, et ses grandes oreilles giflent son petit museau. Il entreprend ensuite de lécher sa patte avant, comme un chat ou un rat.
Tout simplement parce que je ne sais pas vraiment où aller, ni à qui m'adresser pour m'installer. Je voudrais éviter de piquer son lit à quelqu'un d'autre
Un petit sourire, juste pour emmerder Sad Pops. Cette bataille intérieure me fatigue déjà...

Je ne saurais me mentir à moi-même de manière suffisamment convaincante pour pouvoir prétendre que la gratitude des membres de mon équipage me laisse de marbre. A l'inverse, cela flatte mon égo, et il me semble que jamais je ne pourrais me lasser de cela. Lorsqu'elle me livre la raison de sa visite, mon sourire se teinte de bienveillance.

- Eh bien, Madame Woodward, je serai plus qu'enchantée d'accompagner vos premiers pas à bord.

Avec la grâce et l'élégance qui me caractérise, je me lève et l'invite à me suivre. Je prendrais grand soin de refermer la porte de mon bureau à double tours lorsque nous serons toutes deux sorties.

- Notre visite sera succincte, mais j'ose espérer qu'elle vous permettra de trouver vos premiers repères. Le Némésis est un vaisseau vaste, qui a néanmoins été intelligemment conçu, afin d'inciter au travail, à la discipline et à l'efficacité. Il nous faut nous rappeler que nous sommes des pirates et non des sauvages.

J'aime profondément mon vaisseau, et l'héritage laissé par mes aïeules. J'en prends grand soin, autant sur le plan matériel que sur le plan de notre réputation.

Tiens, prends encore ça dans ta face, Sad Pops. Une visite guidée du Nemesis, par le capitaine Alvarez en personne. Rov' me donne un coup de main en plantant ses griffes dans mon cuir chevelu, lorsque je le repose dans sa cachette favorite, ma capuche. Il faudra que je désinfecte ça à l'alcool, tout de même. Ses pattes ont traîné dans un bar de Tortuga, après tout.

J'ouvre mon HCom, et saisis du bout des doigts des notes au fur et à mesure de la visite. Les lieux importants, leur localisation sur le vaisseau. J'aime pas demander des trucs aux gens, alors je fais en sorte de pas avoir à le faire. Une fois seule, je ferai sans doute un plan du vaisseau juste pour moi. Quoique il faudra que je voie avec les pros de la sécurité. Ce serait bête qu'on me pirate mon HCom et qu'on vienne aborder le Nemesis grâce aux plans que j'ai faits pour me souvenir de l'endroit où se trouvent les chiottes. Je ferai mon plan sur papier, et j'effacerai les notes ensuite. Un peu de parano ne fait de mal à personne, quoi qu'en dise mon thérapute...

J'indique à Madame Woodward les lieux les plus pertinents pour sa bonne intégration au sein de notre équipage. Elle me suit dans un silence presque religieux ; je suis quelque peu surprise de la voir pianoter sur son h-com, cependant, je ne fais aucune remarque à ce propos. Nous arrivons finalement dans le lowerdeck, non sans croiser quelques membres de l'équipage qui me saluent respectueusement.

- Vous trouverez votre cabine à cet étage. Vous disposez également d'une salle de repos au sein du poste de pilotage, dont vous pourrez faire usage. Néanmoins, nous possédons suffisamment de pilote et de navigateur pour que vos horaires ne soient jamais chaotiques. Vous verrez les détails de tout cela avec votre supérieur hiérarchique direct. Pour l'heure, voici la cabine qui est la vôtre.

Lorsque nous croisons quelques uns de mes nouveaux coéquipiers, je les salue d'un hochement de tête. Il vaudrait mieux que je ne me les mette pas à dos trop rapidement. Déjà que je ne suis franchement pas douée pour me faire des amis...
Ma nouvelle cabine est beaucoup moins encombrée que celle du Segfault, et les couchettes semblent bien plus confortables que le lit de la chambre que je louais à la nuit à Tortuga. J'espère que ceux avec qui je vais partager la cabine ne sont pas des connards. De toute façon, s'il s'agit de pilotes ou de navigateurs, ils dormiront quand je serai au poste et vice-versa.
J'esquisse un premier pas, timide, dans la cabine. Une des couchettes du bas est libre, j'y dépose mon sac.
C'est...parfait!
Et je n'ai pas besoin de me forcer pour sourire, cette fois-ci. Car cette frégate étrangère ne l'est plus, maintenant que j'ai posé mes affaires. Finies les missions pour des équipages à la manque, finies les raclures de fond d'astéroïdes qui veulent me payer en bière. En pensée, je m'imagine tendre ma main hérissée de lames, me présentant en tant que "Woodward, du Nemesis". Et ça me plaît bien!
Capitaine? J'aimerais refaire un tour du côté du poste de pilotage. Histoire de me familiariser avec le matériel. Pensez-vous que c'est possible?
Nous sommes encore à quai, je ne dérangerai pas les pilotes. Mais on ne sait jamais. Peut-être que des mécanos y sont occupés...

Je lui laisse prendre le temps d'admirer l'endroit dans lequel elle passera certaine de ses nuits ; les cabines sont sommaires, mais aucun membre de mon équipage n'y passe plus de quelques heures sporadiques. Nous sommes ici pour travailler et nullement pour obtenir quelques congés payés au cœur des étoiles. Qu'importe. A peine Madame Woodward a-t-elle déposé ses affaires sur son lit, qu'elle désire retourner au poste de pilotage. Je ne puis masquer mon sourire satisfait.

- Bien entendu. Comme je vous l'ai spécifié plus tôt, sur le Némésis, nous prônons le travail et l'apprentissage. Je suis ravie que vous ressentiez déjà l'envie de vous mettre à la tâche. Le poste de pilotage est sur mon chemin pour retourner à mon bureau. Vous n'avez qu'à m'accompagner ; cela vous permettra de mémoriser le chemin le plus court pour y accéder depuis votre cabine.

Après tout, mémoriser des trajets et cartographier des passages sont au cœur de son activité professionnelle. Quoi que je ne l'ai guère beaucoup vue à l’œuvre pour l'heure, j'ai déjà toute confiance en ses capacités.

Parfait. Si vous voulez bien me donner quelques secondes, le temps d'attacher Rovert...
Car il est hors de question que mon adorable ta'leng amateur de vols planés et de chapardages en tous genres s'aventure dans un poste de pilotage. S'il se mettait en tête de jouer sur une console à boutons ou d'attraper les images d'un affichage holographique, il pourrait bien foutre en l'air des heures de travail. Dans le meilleur des cas.

J'entortille la laisse reliée à son harnais autour d'un coin de la couchette sur laquelle j'ai posé mes affaires, et lui dépose une de ses friandises aux restes de viande. Rovert supporte bien la solitude. Mais si je le laisse libre, il risque de laisser les empreintes de ses griffes partout. Sans parler de son guano...

Voilà, c'est fait
Je referme la porte de la cabine derrière moi. C'est un peu étrange de ne plus sentir son poids dans ma capuche, mais je m'y ferai. Après tout, je n'ai jamais fait entrer Rov' dans aucun poste de pilotage. C'est simplement une habitude à retrouver...

Je lui laisse disposer du temps nécessaire. J'en profite tout de même pour m'informer de l'heure grâce à mon h-com. Je grimace très légèrement. Comment est-il possible que le temps s'écoule à une telle allure ? Nous allons devoir accélérer la cadence, si je ne désire point voir mon retard s'accumuler encore davantage. Aussi pressai-je le pas dans les couloirs du vaisseau, mettant tout de même un point d'honneur à guider ma nouvelle recrue jusqu'au poste de pilotage.

- Lorsque vous serez plus à votre aise parmi votre équipe, peut-être pourrez-vous envisager d'attacher votre compagnon au plus près de votre poste. Vous ne serez nullement la première à posséder un animal turbulent - et certainement pas la dernière. Sachez que les animaux sont autorisés partout sur le vaisseau - sous réserver qu'ils ne commettent aucun dégât, bien entendu.

Et c'est bien ça le problème, je lui réponds, avec un sourire. Un ta'leng dans un poste de pilotage, c'est des dégâts assurés. Mais c'est pas grave, il a l'habitude

J'arrive pas à faire suffisamment confiance à Rov' pour ça. Et j'arrive pas à l'éduquer non plus. Et j'en ai pas envie. S'il est trop sage, comment pourra-t-il me remonter le moral avec ses bêtises?

Le décollage est proche?
J'ai bien vu que le capitaine semblait pressée. Et elle a fait une drôle de tête en regardant l'heure sur son Com. J'en profite pour sortir le mien et contrôler les alertes que j'ai paramétrées dessus. Déployer la carte en marchant, c'est un peu compliqué. Et c'est surtout pas très utile en ce moment précis. Mais si une déviation de trajectoire d'astéroïdes risque de mettre des débris sur notre chemin, autant le savoir au plus vite. Heureusement, mon Com ne me signale rien d'immédiat.
Mon estomac s'effondre sur lui-même. Mon système d'alertes sera inefficace dès que nous aurons quitté le réseau de Tortuga! Ces bricolages, c'était bon pour les missions free-lance, pas pour un vrai travail de navigatrice. A peine enrôlée sur le Nemesis, et j'étais déjà en dessous de tout...

J'inspire, pour m'aider à remettre de l'ordre dans mes idées. Les senseurs. Mais bien sur, andouille de Woodward! Tu re-configureras tes alertes sur les infos qu'ils t'enverront, comme tu le faisais avant d'échouer à Tortuga. Heureusement, ma déprime n'a pas grignoté tous mes neurones...

J'hausse les épaules sans rien ajouter ; que pourrais-je dire de plus ? Je sais que tolérer les animaux au sein des postes de commandements et autres terrains propices aux catastrophes est un risque que nous prenons. Néanmoins, il est bel et bien pesé, et nous ne le prendrions nullement s'il n'apportait point son lot de bénéfices. La présence d'animaux aux côtés de leurs maîtres serait une manière efficace d'enrayer l'anxiété, et ainsi, les espaces de travail se verraient affubler d'une ambiance plus paisible. Si une légère adrénaline ne saurait porter préjudice à nos performances, trop d'émotions fortes seraient nocives, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Mon attention se reporte sur ma jeune recrue.

- En effet. Mon équipage et moi-même ne souffrirait de rester trop longtemps amarré. Nous sommes les enfants des étoiles, et je dois bien avouer être sujette à un léger mal de Terre. L'ensemble de vos camarades ont appris à ravitailler le navire en un temps records, puisque nous ne demeurons jamais bien longtemps loin du ciel. Quant à moi, je suis investie d'une mission aussi complexe qu'exaltante, au travers de mon statut de Capitaine. Il est de mon devoir de m'assurer que tout soit parfait avant le décollage. Vous imaginez bien qu'on ne peut nullement se permettre de réaliser un oubli alors que nous avons pris notre envol.

En effet, réaliser qu'on a oublié son HCom dans sa cabine quand on vient d'en sortir, c'est autre chose que de se rendre compte qu'on a oublié les pièces de rechange des propulseurs au beau milieu de la ceinture d'astéroïdes. Quant au mal de terre, je ne sais pas si je le connais vraiment. Le mal physique, je ne l'ai jamais ressenti. Mais le mal psychologique, c'est une autre histoire.

En tout cas, je n'ai rien détecté d'anormal sur mes affichages, aux alentours de Tortuga. Mais il faudrait vérifier avec les instruments de bord qui sont sans doute plus élaborés que mes bricolages

Si je ressens encore ce brouillard qui étourdit mes pensées, je me surprends tout de même à avoir hâte de comparer mes cartes à celles des autres navigateurs ou pilotes. Après tout, si je veux cartographier Dorado aussi bien que les natifs du système, il me faudra plancher sur le sujet.
Mais je pourrai le faire bientôt. Nous nous approchons du poste de pilotage. Enfin, je crois...

- J'apprécie votre vigilance ; il s'agit-là du mot d'ordre pour l'ensemble de l'équipage. Si tout le monde vérifie ce qu'il a à vérifier, et si tout le monde demeure attentif à ce qui l'entoure, alors la sécurité n'en est que décuplé. N'hésitez jamais à prévenir vos collègues, vos supérieurs ou moi-même si quoi que ce soit vous semble... Mmh, disons étrange. Nous préférons devoir faire face à de fausses alertes plutôt que de prendre le risque d'ignorer certains éléments qui auraient été importants.

Nos pas nous mènent finalement jusqu'au poste de pilotage. J'ouvre la porte, et invite ma nouvelle recrue à pénétrer en premier.

- Je vous en prie.