Pirates dans le réseau [Ren]

- Je suis venue pour voir des collègues et discuter avec eux.

Je penche ma tête sur le côté et je lâche Chaton pour pointer mon doigt vers la jeune Ren.

- Tu es une collègue et je discute avec toi. C’est intéressant. Ne te dévalue pas comme ça.

Et hop, reprise de doigt. Ce n’est pas très gentil de pointer des gens avec ça, même pour les besoins de la conversation.

- C’est du partage de connaissances et c’est bien de le faire régulièrement. Je suis un vieille femme sur ce marché...

Ce qui me fait rire. L’idée d’être vieille à 40 ans est totalement ridicule mais lorsque je regarde autour de moi, je vois beaucoup de jeunes et bien moins de vétérans comme moi. Peut-être que mes aînés ont juste la flemme de socialiser, maintenant que j’y réfléchis…

- … Alors il faut bien que je fasse tourner ce que je sais et ce que j’ai appris, non ? C’est le minimum que je puisse faire.

Tu la regardes faire, hausses les sourcils quand son doigt se pointe sur toi, sans manquer une seule de ses paroles. Et tu finis par hocher doucement la tête, hésitant une seconde.

- Vous êtes pas vieille.

Tu ne trouves pas. Et t'avais envie de le lui partager. Tu passes une main dans tes cheveux, les rabats vers l'arrière.

- C'est gentil de partager comme ça avec moi.

Tu la regardes avec plein de motivation dans le regard.

- J'vais travailler fort et la prochaine fois j'pourrai mieux échanger avec vous.

Oh, tu y comptes bien !

Aaaaw, mais qu’elle est adorable la jeune Ren, à me rassurer que je ne suis pas vieille. L’envie de lui dire que je suis quand même une relique dans le métier ne me vient même pas, tant elle est gentille. Je me contente de hocher la tête pour la remercier.

- Je suis d’accord. Je suis trop jolie pour être vieille, que je fais avec un clin d’oeil.

Mais je suis certainement pas assez enthousiaste pour être aussi jeune qu’elle. A la voir comme ça, le regard tout déterminé, les cheveux multicolores et sa mo'eylan dans la capuche, je ne peux que me rendre à l’évidence. J’ai passé l’âge de la motivation.

- J’ai hâte d’entendre ça, alors.

Sur un bout de papier que je sors de mes poches, je note mes coordonnées professionnelles que je lui tend.

- Comme ça tu peux me contacter quand tu veux. Et si d’occasion tu passes à Alegria, envoie-moi un message. Si je ne suis pas dans l’espace je pourrais t’inviter au meilleur café de la ville.

Trop jolie pour être vieille.

Tu ris à ses paroles, amusé, même s'il est vrai que la femme devant toi ne manque pas de charme. Et son intérêt pour toi, ton parcours, te fait infiniment plaisir. Tu récupères le bout de papier, le regard brillant. C'est comme le premier lien que tu fais avec un autre hackeur qui n'est pas déjà sur l'Albatros. Tu adresses un grand sourire à Ati en glissant soigneusement le bout de papier dans ta poche.

- Merci beaucoup, c'est... Vraiment génial. J'apprécie.

Autant dire que tu cracheras pas sur le meilleur café d'Alegria. Mais tu comptes bosser fort avant, afin d'avoir de nouvelles choses à raconter à Ati.

- C’est normal, voyons.

Ca me fait plaisir qu’elle me remercie, bien sûr… Mais c’est bien naturel de faire ça pour Ren. Elle est adorable, enthousiaste, sympathique et en plus, nous partageons le même intérêt pour les pare-feux contournables. Ca mérite bien un café. Et des conseils, bien sûr, puisque je ne crains pas qu’elle les retourne contre moi.
Et puisqu’on parle de café… J’ai fini mon verre, c’est une tragédie qui doit être corrigée.

- Je vais me chercher quelque chose au bar, tu veux une boisson ?

Non alcoolisée, bien sûr, je ne le précise pas tant c’est évident.

Si, et non. Ça devrait être normal d'être si gentil, mais c'est loin d'être le cas de tout le monde. Alors pour les fois où t'as gentillesse s'écrase contre des murs, tu la remercies pour la sienne.

À sa question, ton regard se baisse sur ton verre dont il ne reste qu'un fond tiède.

- Ça serait vraiment gentil. Une limonade ou un truc du genre ? Sinon, le thé ou le café, ça me va.

Impossible d'être dans vos branches sans un abonnement à la caféine. Tes seize ans n'y ont rien changé.

Je ne peux pas m’empêcher de hocher la tête pour approuver le “thé ou café” de Ren. L’addiction aux excitants est un peu une partie du travail, un effet secondaire aux longues heures et aux écrans. Je suis contente -et un peu horrifiée, elle est jeune quand même- de savoir qu’elle est aussi habituée aux vilains petits travers des hackeurs.

Je reviens donc avec un café au lait pour moi, plus une limonade et un autre café au lait pour la jeune fille aux cheveux colorés… Et de quoi grignoter. Parler le ventre vide est un peu triste.

- J’ai pris un peu de tout, je sais pas ce que tu préfères. Prends ce qui te fait envie.

Pour moi ce sera un des cubes de fruits dans l’assiette, pour pouvoir le donner à Chaton.

- Depuis combien de temps tu fais ça ? Hacker, je veux dire.

Tu poses ton verre vite près de toi et fini par t'asseoir sur le rebord, roulant un peu l'épaule qui doit s'embarrasser de ton attelle. Ati ne tarde pas beaucoup, plateau en main. Tu la remercies en prenant le verre de limonade.

- J'aurais mieux fait d'aller avec vous.

Parce que c'est trop gentil et que c'est aussi trop de choses à boire et manger. Tu piges un biscuit, croque dedans pendant que Hilton sort le museau de ta capuche pour voir ce que tu es entrain de manger.

- Hmmm... Officiellement depuis deux ans. Mais avant ça, on m'avait déjà appris comment ça fonctionnait... À temps perdu.

T'es peut-être un peu trop vague. Tu n'aimes pas vraiment parler de ces années-là, voir le mélange de compassion et de pitié gonfler d'un coup dans le regard des gens. Pauvre petite ancienne esclave.

- Et vous ?

- Officiellement aussi, ou pour de vrai ?

Sa question m’amuse alors je souris à Ren pendant que Chaton me réclame des fruits à grands renforts de sifflements bas. Je sais qu’il a l’air d’être sur le point de m’attaquer mais comme je sais que ce n’est pas vraiment le cas, je ne me presse pas pour lui tendre un bout de pastèque. Est-ce que j’ai l’air inconsciente ? Je m’en fiche.

- Depuis moins d’un an. J’avais mon petit commerce avant d’embarquer dans l’espace mais je ne me vendais pas comme hackeuse. Je trouve ça trop connoté “blablabla, j’aborde des vaisseaux, je brouille leurs radars, j’ouvre les sas pour les autres équipes”, tu vois ? Je faisais pas ça à terre. Je rentrais juste chez les gens.

Qui ne voulaient pas que je rentre, qui cachaient des choses, qui avaient des défenses. Certes. C’est le petit point de détail qui me donne un léger air carnassier que mon animal de compagnie ne renierait pas.

- Mais ça j’ai commencé à l’apprendre… Ca fait combien de temps maintenant… ? Hm… Vingt ans ? Un peu plus de vingt ans. Pour rentrer dans des bases militaires.

Ouh, j’aime bien cette formulation, c’est mystérieux. Je vais remplacer “pour voir mon mari” par ça, c’est décidé.

- Je suis un vieux dinosaure, tu vois.

Et pour accompagner l’affirmation, rien de tel qu’un clin d'oeil complice !

"Avant j'aidais à la protection des données, même si c'était pas reconnu... et probablement pas vraiment connu non plus. Du coup, j'ai vraiment commencé il y a deux ans."

Chaton est... flippant. Et Ati semble absolument pas atteinte par ça. C'est presque fascinant. Ou inconscient, tu ne saurais pas comment trancher. Tu récupères un morceau de fruit pour le passer à Hilton qui retourne se planquer dans ta capuche, préférant visiblement se cacher à la vue du prédateur. Au moins, ça vous permet d'être tranquille dans votre coin ?

Tu agrandis un peu les yeux quand elle te dit que ça 20 ans qu'elle a commencé a apprendre. Tu avais du mal a comprendre comment ça se faisait qu'elle était hackeuse depuis moins d'un an, mais là, c'est déjà plus clair.

"... Juste pour rentrer dans les bases militaires ?" que tu questionnes, avec amusement et curiosité.

Puis tu secoues la tête.

"Vous n'êtes pas un dinosaure! Et moi, j'ai commencé a apprendre vers... pfff... Ça doit faire sept ou huit ans ?"