Black holes and revelations [Nadya & Jezabel]

Vais-je mourir ? Le froid traverse mon corps, impitoyable et cruel. Mes paupières demeurent ouvertes non sans difficultés. En moi, tout se bouscule. Les révélations, les souffrances, les larmes qui roulent en silence sur mes joues, et les sanglots qui voudraient percer ma poitrine sans pouvoir y parvenir. Ma Jayn. Ma Jayn est en vie. Elle a survécu. Elle me hait. Ma Jayn, ô ma Jayn, mon amour, ma fille. S'attendait-elle réellement à ce que ma lame vienne percer son coeur ? Après tout le temps passé à la chercher, toute l'énergie consacrée à vouloir comprendre son passé, sa vie ; tous les efforts mis en oeuvre afin d'avoir une simple idée de qui elle avait été. Et tout ce temps, elle était juste là, sous mon nez, sous mes yeux, à me haïr, à mûrir une vengeance incompréhensible à mon égard... Elle est celle qui a tenté d'assassiner ma Jillian. Seigneur.

Vais-je mourir ? Je me sens si faible ; je n'aurais point dû sortir de mes appartements. Jaeven, mon fils, vient tout juste de naître. J'ai eu si peur pour lui, si peur de le perdre, si peur... Et ma propre fille qui désirait ma chute ; et ma propre fille qui aurait arraché la vie de sa petite soeur, de son petit frère. De l'innocence qui perle au coin de leurs yeux. Mon Jaeven, il est si beau. Je n'ai qu'eu le temps d'admirer son si beau visage, ses yeux si semblables aux miens, ses cheveux, déjà plus pâles que nos astres. Un Alvarez. Un véritable Alvarez.

L'accouchement, les révélations, tout m'a épuisée. Vais-je mourir, désormais ? Je n'ai guère la force de me relever. Lamentablement assise contre une paroi de cette salle maudite, je ne puis pas même appeler à l'aide. Je ne veux voir personne ; personne si ce n'est... Nadya. Nadya, mon aimée, j'ai tant besoin de toi. De tes bras, de ton aide. Mes paupières se ferment, ma respiration est sifflante, laborieuse. Et j'ai froid, si froid. Ô cruel destin ! Vais-je donc mourir alors que ma fille m'a été rendue ? Alors que mon fils vient à peine de voir le jour ? Entre mes lèvres, un souffle s'échappe, unique et suppliant.

- Nadya...

Ça n'a pas été facile d'être séparée de Jezabel après l'accouchement, mais le Némésis avait besoin d'un dirigeant, avait besoin de direction, et elle n'était pas en état d'assumer cette position. Je devais veiller sur le Némésis pendant qu'elle se rétablissait. J'avais compris que c'était mon devoir, envers elle mais aussi envers le Némésis. Alors c'est avec un coeur lourd que je l'ai laissé entre les mains de notre médecin, Jadis, et que j'ai pris le commandement de notre vaisseau.

Plus tard, cependant, alors que j'étais sur le pont du Némésis, j'ai été pris d'une étrange sensation. J'avais l'impression que mon estomac était en train de se tordre dans mon ventre. Quelque chose n'allait pas, je le sentais. J'ignore si c'est Callypso qui guide mes pas ou simplement mon intuition, mais je devais me rendre à Jaeven et ma bien aimée le plus rapidement possible.

D'un pas rapide, je me dirige vers les quartiers de la capitaine, le dernier endroit ou je les avais vu. Mais alors que je me rapproche de ma destination, quelque chose m'attire ailleurs. Le souffle désespéré d'une femme, et la faible voix de mon aimée qui appelle mon nom. Je bifurque dans une salle vers la source du son et je la trouve, assise au pied d'un mur avec une tristesse au visage qui vient me poignarder le coeur.

- Jez !

Je m'attarde à elle, la soulevant dans mes bras contre ma poitrine.

- Qu'est-ce qui est arrivé ?

J'entends cette voix ; cette voix si douce, qui emporte mon coeur et mes craintes. Sa voix. Je n'ouvre guère les yeux lorsque je sens ses bras se refermer sur moi, son odeur envahir mes sens, sa chaleur m'apporter un réconfort inespéré. Mes doigts se referment péniblement sur le tissu si doux de ses vêtements. J'espère qu'elle ne me lâchera point. Ma respiration demeure laborieuse ; l'épuisement s'est abattu sur moi, avec une telle violence que je ne puis lutter.

- Oh, ma tendre aimée, tu as entendu mon appel...

Ma voix n'est qu'un murmure, faible, éteint. Éteinte, je le suis. Peut-être à jamais. Comme à l'agonie, après de si longues années de lutte féroce, de force sauvage. Un unique sanglot secoue enfin ma poitrine, tandis que les larmes coulent comme le temps sur ma peau. Je suis si proche du visage de mon aimée que je sens son souffle brûlant sur mon front ; et je ne puis pas même trouver la force d'ouvrir mes paupières afin de la regarder. Je ne conserve que son image en mon esprit ; si belle, si sauvage. Dieu que je l'aime, Dieu que je l'aime... Je suis si faible désormais, et elle, si forte. Ô Nadya, pardonne ma couardise et ma consomption future. Pardonne ma voix étouffée, mes mots trop blêmes.

- Jayn... Jayn est en vie.

Un nouveau sanglot, douloureux, déchirant.

- Jayn... Me hait.

J'attends pas spécialement qu'elle me réponde avant de partir vers ses quartiers, m'assurant une fois de plus de prendre la route la moins fréquentée pour éviter de nous faire voir. Sa voix se fait tellement faible à côté de mon oreille que même à cette proximité, j'ai du mal à l'entendre.

- Attends que... quoi ?

Jayn... Elle parle de sa fille aînée là? Mais d'où ça sort? Est-ce qu'elle est en train d'halluciner? Je baisse mon regard vers elle et je remarque qu'elle pleure ce qui a pour effet de me presser le pas encore plus. Nous arrivons alors dans ses quartiers et je viens la poser rapidement sur son lit avant de m'y installer à mon tour.

- Jez', de quoi tu parles? Jayn est perdue. On ne sait pas où elle est...

Tant d'incompréhension dans mon regard. Je viens lui serrer la main dans la mienne. Elle est fatiguée, complètement exténuée de ses efforts et ça se voit dans son visage. Peut-être que c'est la fatigue qui lui fait dire ces bêtises. Elle ne peut pas l'avoir retrouvé... si ?

Me voilà perdue ; perdue au milieu d'un océan de brume opaque et sanglante. Mon esprit erre, je m'égare. Seule la présence de Nadya à mes côtés me permet de garder un pied sur terre. Brusquement, je suis dans mon lit ; je ne suis nullement capable de dire comment il est possible que je sois arrivée jusque là. Nadya m'a-t-elle porté ? Ai-je marché sans même le réaliser ? Qu'importe. Qu'importe. Je regarde Nadya, serre faiblement sa main en la mienne, la ramène jusqu'à mon visage, m'accrochant avec la force du désespoir au contact de la peau du dos de sa main sur celle de ma joue. Mes paupières se closent d'elles-mêmes, mes larmes ne tarissent point ; cependant, les sanglots douloureux cessent d'agiter ma poitrine, certainement par manque de force.

- Je le croyais aussi... Nous le croyions tous. Azel...

Je me roule sur moi-même, en position foetale ; ô, je souhaiterai être morte, en cet instant. Je souhaiterai ne plus être. Pourtant, les mots franchissent la barrière de mes lèvres, faibles et mécaniques. Incontrôlables.

- Azel est Jayn. Jayn est Azel. Azel est l'assassin. Celle qui a voulu assassiner Jillian. Jayn a attenté à la vie de Jillian. Jayn est en vie. Jayn est en vie. Jayn a attenté à la vie de Jillian. Jayn croit que je l'ai délibérément abandonnée. Jayn croit que je mens lorsque je dis aimer et chercher ma fille aînée. Jayn est en vie. Seigneur, Nadya. Jayn est en vie.

Je l'écoute parler et y'a soudainement un million de trucs qui se bousculent dans mon esprit. Azel, Jayn, la même personne ? Elle la déteste, elle a voulu la mort de Jillian, et soudainement je suis frappée par la réalisation et mon regard devient sévère.

- Où est-elle ? Est-ce qu'elle est sur le vaisseau ?

Ma voix s'élève et j'entends les pleurs de Jaeven s'élever derrière moi. Je me ressaisis et me lève du lit pour me diriger vers l'endroit où il se repose. Le pauvre, il sent la détresse dans nos paroles, alors je fais mon possible pour le rassurer, le prenant dans mes bras en le collant contre ma poitrine, ma chaleur se répendant dans son petit corps.

- J'arrive pas à y croire Jez'... Jill... sa soeur...

C'est une chance que je tiens Jaeven contre moi, car sinon je crois que j'aurais enfoncé mon poing dans un mur en hurlant de rage tellement que la situation m'énerve. Toute cette souffrance infligée à ma douce, Jillian qui a failli mourir... Je m'étais juré que j'allais faire payer la personne qui avait osé lui faire du mal, mais que faire maintenant que je sais que c'est Jayn, la fille aînée de Jezabel, qui est la coupable ?

La douleur de la situation brûle ma poitrine, me consume lentement mais sûrement. Il est certain que la mort me guette, désormais. Je ne suis que douleur et incompréhension, vide et trop pleine à la fois. Jaeven se met à pleurer, je ne l'entends qu'à peine. Nadya se lève, m'abandonne avec le froid qui s'empare de moi. Je replis mes jambes contre mon ventre encore légèrement gonflé par l'accouchement trop récent. Je détourne la tête, incapable de les regarder, eux, la femme et l'homme de ma vie. Ô que je les aime. Quelle importance, désormais ? Pourrais-je me remettre de tout cela ? Tandis que les émotions se bousculaient en mon sein quelques minutes auparavant, je me sens désormais vide.

- Je l'ignore, Nadya. Elle s'en est allée. Elle a fuit. Peut-être ne la reverrai-je jamais. Peut-être reviendra-t-elle. Et que ferais-je alors ? Que dois-je faire ? Rien, je... Il n'y a rien que je puisse faire. Seigneur, comment est-ce possible, Nadya ?

Je la regarde à nouveau, en proie au désespoir.

- J'ai voué ma vie entière mes enfants, depuis... Depuis que j'ai appris que Jayn était dans mon ventre, je n'ai plus vécu que pour être une mère, et une capitaine. Qu'ai-je mal fait, Nadya ? Qu'ai-je donc fait pour mériter cela ? Ma fille qui attentent à la vie de ma seconde fille ? Ma fille qui me hait si fort alors que je l'aime plus que de raison depuis toujours? Seigneur...

Les larmes coulent, en silence.

J'arrive à calmer les pleurs de Jaeven assez rapidement malgré l'anxiété que je ressens. Je vois ma bien-aimée recroquevillée sur elle-même, le désespoir lui agrippant les tripes. Je reviens vers elle, m'asseois sur le bord du lit en tennant notre fils fermement contre ma poitrine. Je sens son petit souffle se calmer alors qu'il se laisse bercer par les battements de mon coeur, ce qui en retour m'apaise assez pour éclaircir mon esprit.

- Shhh... Hey, ce n'est pas la fin Jez', pas tant que je peux y faire quelque chose...

Je m'étends alors à côté d'elle en prenant soin de déposer Jaeven entre nous deux, ce dernier était en train de se rendormir, collé tout près de nos coeur.

- Maintenant, j'ai besoin que tu m'écoutes Jezabel. Tu n'as rien fait de mal, d'accord ? Tout ceci est arrivé à cause de ta mère. Tu me l'as dit toi-même. Le problème, c'est que Jayn ne le sait pas... mais elle va le savoir. Elle ne poura pas se sauver éternellement de la vérité, et la vérité c'est que tu l'aimes et il n'y a rien qui va changer ça. Nous allons la retrouver, Jez', ça je te le promets.

Je ne la lâche pas des yeux. Ma main vient se poser sur sa joue, que je caresse ensuite du pouce. Je lui offre un sourire rassurant, même si, au fond de moi, je suis incertaine de ce que va entraîner la suite des évènements...

Tandis que je sombre, en proie au désespoir, mon aimée demeure présente, forte et d'un soutien indéfectible, comme depuis toujours. Elle s'allonge près de moi ; je sens la chaleur du tout petit corps de notre fils entre nous, et l'apaisement qui s'en suit est quasiment immédiat. Je clos mes paupières tandis qu'elle caresse ma joue. Je porte ma main à la sienne, la serre avec tendresse et gratitude.

- Je te remercie, Nadya. Tes mots m'apaisent, il me semble. Néanmoins...

Je rouvre enfin les paupières. Les larmes coulent encore, silencieuse, parfaitement opposées à la tempête qui hurle en mon sein.

- Tu sais comme moi qu'il nous faudra prendre des décisions quant à ce qu'elle a fait... Seigneur, pourquoi doit-on nous imposer telles épreuves ? Je crains de ne guère avoir la force. Affronter cela sera peut-être plus que je ne peux supporter.

Mon regard s'assombrit. En effet, il ne faut pas oublier le dommage qui a été fait. Jillian a failli perdre la vie aux mains d'Azel, un membre de notre équipage, et même si maintenant nous savons qu'elle est, en fait, la fille de la capitaine, ça ne l'exempte pas de ses actions. Je sens une boule se former dans mon estomac et je me pose la question: Que faire maintenant ?

J'expire bruyamment et serre la main de Jezabel dans la mienne. Jayn est de la famille à Jezabel, et je m'étais juré de la protéger tant et aussi longtemps que j'étais en vie, mais je restais la seconde du Némésis, et Jezabel, son capitaine, et certains choix difficiles s'imposaient à nous, surtout dans des circonstances comme celle-ci.

- Tu sais que j'ai juré de protéger ta famille, que je ne ferais jamais quoi que ce soit pour enfreindre à leur sécurité... mais cette situation avec Jayn... On ne peut pas se permettre de rien faire, Jez. Elle a presque tué Jillian, et tu me dis qu'elle a voulu te tuer aussi ! Il n'y a rien qui garantie qu'elle ne retentera pas le coup, et avec Jaeven, on ne peut pas prendre le risque qu'elle revienne sur le Némésis... Surtout que, si ça se découvre qu'elle était à l'origine de l'empoisonnement de Jillian, l'équipage la rejetera, ou pire, si nous la laissons rester et qu'ils le savent, c'est notre crédibilité qui en subira les conséquences.

Je ne sais trop bien à quel point Nadya a raison. Cependant, les décisions futures me brisent d'ores et déjà le cœur. J'ai juré de trouver, de torturer et de tuer celui ou celle qui avait osé s'en prendre à ma fille et à moi-même. Celui qui, au sein même de mes locaux, avait eu l'audace de me défier. Et voilà que cette personne n'est autre que mon aînée, cette enfant que j'ai recherché toute ma vie durant et que j'aime plus que de raison. Je me recroqueville davantage sur moi-même serrant le tout petit corps de Jaeven contre mon sein, le visage enfoui dans son épaisse chevelure blanche. Je m'approche ainsi davantage de mon aimée.

Que dois-je faire ? Ô seigneur, pourquoi ai-je mérité cela ? Vais-je y perdre la tête ? Je sens d'ores et déjà ma lucidité faiblir, mes pensées s'entremêler, et ma gorge est plus sèche que l'aridité elle-même. J'ai soif. Soif de sang, soif de cris, de morts. Je veux que l'on paie pour cette souffrance que l'on m'inflige, je veux me nourrir des pleurs et du malheur... Cette fois-ci, les sanglots qui secouent ma poitrine percent la barrière de mes lèvres, tandis que je berce mon fils contre moi.

Un sanglot s'échappe des lèvres tremblantes de ma bien-aimée et je me glisse vers elle davantage, faisant tout de même attention de se pas écraser le tout petit corps de ce fils qu'elle vient de mettre au monde. Je ne peux même pas songer savoir ce qu'elle vit en ce moment, elle qui aime tant ses enfants, sa famille, et qui ferait n'importe quoi pour eux, mais voila qu'elle a été trahie par sa propre chair... Une petite larme s'échappe de mon oeil à la voir ainsi en détresse, son désespoir plus profond que jamais. Je l'accueille contre moi, laissant suffisament d'espace pour que notre fils ne s'étouffe pas entre nos seins.

- Hey... Je suis là, ma douce. Je sais que tout semble noirceur, que tu as l'impression que tu vas jamais pouvoir te remettre de ce qui est arrivé... Mais tu es si forte mon amour, la plus forte que j'ai connu de toute ma vie. Tu es si forte, c'est pour ça que je suis folle de toi, tu sais ?

Je rigole légèrement, tentant d'apaiser un peu les tensions palpables. Je lève sa tête doucement avec ma main, lui offre un tendre sourire alors que mes yeux sont un peu humides.

- Et je sais que tu n'y croiras pas maintenant. J'te connais trop bien, mais c'est pour ça que je suis là. Pour te rappeler de ta force quand tu es à ton plus bas... Tu es forte, ma belle. Nous allons trouver la solution...

Elle s'approche de moi ; je sens son souffle chaud, d'abord butter contre ma chevelure, puis caresser mon visage lorsqu'elle m'oblige à la regarder. Mon Jaeven demeure paisible, au milieu de cette tempête qui fait rage en moi ; seigneur, je suis épuisée. Peut-être est-ce là la raison de tous mes maux. Et les mots de mon aimée sonnent juste à mes oreilles, redonnent un sursaut vital à mon cœur. Dieu que je l'aime. Que ferais-je sans elle ? Qu'aurais-je pu faire tout ce temps, sans sa présence à mes côtés ? Nous sommes liées, nous sommes une équipe, nous sommes une famille. Comme si l'une ne pouvait fonctionner convenablement sans l'autre.

Un faible sourire vient étirer mes lèvres, tandis que je l'enlace et me blottis contre elle, toujours en faisant attention au trésor qui n'a pas encore passé son premier jour. Je demeure muette un long moment durant, toujours en proie à cette soif inextinguible qui me pousserait à sacrifier n'importe qui sur l'instant, afin de faire taire la douleur et les pulsions qui m'assaillent. Cependant, je me suis bien assez laissée aller à ma peine ; il me faut garder tout cela enfouit en moi, désormais. J'exprimerai mon désir sanguinaire lorsqu'il sera temps.

- Je crois qu'il n'existe point de bonne solution, Nadya. Je m'étais promis de trouver, de torturer, de tuer le coupable. Qui puis-je, désormais ? Qui peut-on si l'assassin est un des seuls êtres que je ne peux tuer, alors même qu'il le faut ?

Je soupire. Moi aussi je m'étais juré de faire payer le responsable, de le faire souffrir autant qu'il avait fait souffrir Jillian. Mais je voyais maintenant que ce n'était plus possible. Cela voulait-il dire que tout était pardonné? Bien sûr que non. Jayn avait beau être la fille de Jezabel, mais ce qu'elle avait fait était inexcusable et il y aura rectification...

- En effet, on ne peut pas se déchainer sur le coupable comme nous l'aurions voulu... Mais maintenant que nous le savons que c'est Jayn, que veux-tu faire maintenant ? La retrouver ? Tu ne veux sans doute pas la laisser disparaître de nouveau...

Je lui caresse le joue tendrement. Sentant Jaeven bouger légèrement entre nous, je penche la tête pour lui embrasser le crâne avec douceur. Dieu qu'il est doux... Je ne m'étais jamais vu avec des enfants plus tard, mais maintenant que je tiens cette précieuse vie contre moi, je n'arrive plus à imaginer ma vie sans lui, au même titre que je ne pourrais m'imaginer sans Jezabel à mes côtés...

- Seigneur, non. Nous le savons, ô mon aimée ; mon temps est compté, désormais. Je ne souhaite rien, si ce n'est passé ces derniers moments avec ma famille au complet. Jillian, Jaeven, Jayn ; Ma jeune soeur ; Toi, mon amour. Rien d'autre n'a d'importance, si ce n'est, certainement, le Némésis, auquel j'ai dédié l’entièreté de ma vie.

J'observe avec un amour infini toute la tendresse qu'elle éprouve pour cet enfant, qui, pourtant, a su provoquer de nombreuses crises entre nous. Distraitement, sans quitter Jaeven des yeux, je caresse la peau si douce de celle que je sais être la femme de mon éternité.

- Nous ne pouvons pas partir à sa recherche ; je n'en ai point la force physique pour l'instant, et nous avons d'autres obligations envers l'équipage. En revanche, je parlerai de cette histoire à ma jeune sœur. Je... Je songe qu'elle saura nous aider, et peut-être Jayn sera-t-elle moins sur la défensive si les mots viennent d'elle. Ainsi, reviendra-t-elle là où est sa place... Parmi nous. Je l'espère. Quant à ce que nous ferons si cela arrive... Je n'en ai pas la moindre idée, je... Je n'ai jamais réprimé les traitres que par le prix du sang. Je...

J'écoute attentivement ma bien-aimée, bien que mes yeux sont posés sur ce petit corps étalé entre nos seins. Malgré le profond désespoir qui nous accable, il y a un peu de lumière et je crois que Jaeven représente parfaitement cette lumière. J'acquiesce doucement aux mots de ma tendre et je lève les yeux pour rencontrer les siens.

- Je crois que c'est une bonne idée. Ça te laissera le temps aussi de te remettre des efforts d'aujourd'hui... Ne t'en fais pas pour l'équipage tout de suite. Je m'occuperai d'eux, et de Jaeven, bien sûr. Sans oublier que je prendrai soin de toi...

Mes lèvres se pressent contre son front si froid.

- Nous trouverons quoi faire au moment approprié, mais pour le moment, repose-toi. Je veille sur toi et sur notre fils... Dors...

Je berce alors les deux amours de ma vie, fredonnant une petite mélodie. C'était devenu une habitude maintenant, d'envoyer ma bien-aimée vers le royaume de Morphée avec le son de ma voix...

Je ne cherche en rien à lutter ; j'ai accouché quelques heures plus tôt, avant d'apprendre que ma fille est en vie, qu'elle me hait, qu'elle a souhaité assassiner ma Jillian... Ma Jayn est vivante. Seigneur, ma Jayn est vivante. Malgré toute ma peine, malgré la perte qui menace mon royaume, je ne puis empêcher un léger sourire de venir percer à travers mes larmes. Mon fils est né, beau comme un dieu, rayonnant de la lumière commune aux Alvarez ; mon aimée est à mes côtés ; ma Jillian reprend peu à peu ses esprits, bien qu'elle soit loin de moi, et je la verrai d'ici une semaine ; ma Jayn est en vie. Ma Jayn est en vie.

Mes paupières se closent, trop lourdes pour que je ne puisse espérer lutter. Mon bras enserre doucement le petit corps de mon fils, et nous sommes tous deux collés contre Nadya. Sa voix s'élève, douce, hypnotisante, rassurante et apaisante.

- Je t'aime, soufflai-je avant de me laisser aller dans les bras de Morphée.