Quo fata ferunt [Law]

Les activités et tâches ne manquent pas pour un mousse, ce qui explique en ce jour la présence d'une tête brune entre les pièces détachées que l'on charge, les marchandises que l'on décharge et les hommes. Rouage tout récent dans la machine, Selvh'ën y évolue par mimétisme, s'intègre sans hésiter - pour aider, un peu, pour écouter, beaucoup, parce que cette habitude a la vie dure.

Puis tout est neuf et rien ne l'est, ici. Ici, sur Renaissance qui prend avec Vanguard un nouveau visage. Si sa curiosité est ravie de découvrir de nouvelles coutumes, de nouveaux accents et expressions, le mo'at en lui se demande ce qu'il reste de la planète de son peuple, sous ces coutumes toutes récentes qui balayent celles de aborigènes - ce qu'il lui reste de son héritage, aussi, à part sa peau, l'encre sur ses tempes et une foi invincible en la Dame.

Eternel habitué à garder pour lui ce qui compte vraiment, la confiance en Calypso et les envies de liberté en tête, la graine de pirate offre cependant une façade aimable alors qu'il cavale, aide à porter outils, messages, matériel - jusqu'à ce qu'une boule de plumes attire son oeil.

"Tu es perdu ?"

Le Tawtute ne risque pas de lui répondre mais le gamin n'en a cure. Armé d'une permission de disposer de son après-midi, il imite le son émis par la créature dans l'espoir de la mettre en confiance, et de le raccompagner vers son propriétaire ou vers la sortie.

Je ne sais pas ce qui m'a amené dans ce hangar ni pourquoi j'y suis déçue mais j'y traîne mes jambes et regardant d'un oeil plein d'envie les vedettes, sloops, corvettes et frégates qui y sont entreposés, qui s'y posent et s'en échappent. Depuis mon diplôme, je ne suis jamais restée à terre aussi longtemps. J'ai envie de voler, de sentir à nouveau les commandes sous mes mains, mais le pilotage commercial est aussi ennuyeux qu'un jour de visite médicale et, ici, on me dit surtout de dégager. Pourtant, pour une fois, j'ai un air de loubard avec mon treilli et mon simple débardeur blanc. Peut-être que ce sont mes claquettes qui ne font pas sérieux. Je retiens un soupir.

Joshua quant à lui est très heureux. Il n'a besoin de rien pour voler et s'en donne à coeur joie entre les caisses et les gens, pépiant à qui mieux mieux sa joie d'être en vie, et au sec parce qu'il pleut sévèrement dehors. Et puis, quelqu'un lui parle. Il ne comprend pas l'humain, c'est sûr, mais l'autre, il pépie aussi. Curieux, l'animal se perche sur la caisse et penche la tête, une trille intriguée s'échappant de son bec.

Selvh'ën ne parle pas le Tawtute, c'est presque sûr, mais l'autre , il lui répond quand même. Du coup l'adolescent s'accroupit pour être à hauteur de bestiole, concentré autant qu'amusé, et tente de répondre d'une trille aussi amicale que possible.

En même temps, la petite créature ne semble pas ultra farouche - et probablement que pour voleter en pépiant entre les humains, elle doit être habituée au contact des bipèdes de tout poil. Armé de ces maigres indices, presque des suppositions, le mo'at relève le nez pour chercher quelqu'un qui, justement, semble chercher son familier. Mais allez dire dans le fouillis des équipages mêlés, des curieux qui se pressent, de ceux qui tentent de se faire recruter.

À défaut, il tend une main à plat au griffon miniature, des fois qu'il lui vienne l'envie de changer de perchoir - puis parce que c'est la seule façon de se présenter à une bestiole qui ne puisse pas vous serrer la main, aussi.

Joshua pépie aussi, puisqu'on lui pépie, sans réfléchir davantage et se perche sur le poing tendu. De là, il peut voir sa maîtresse qui déambule entre la foule. C'est la sienne celle-là; elle donne à manger et elle joue à la balle et lui gratouille les plumes et parfois elle est triste alors il lui apporte des cadeaux. L'humain au poing, lui est dressé et il a l'air de chercher quelque chose. Chercher, Joshua il connait un peu. Pas beaucoup, parfois il oublie. Souvent. Et puis c'est compliqué de savoir quoi chercher. Peut-être c'était dans la trille mais les trilles humaines, Joshua il ne les comprend pas. Penchant la tête, le griffonnet semble réfléchir - ce qui est le cas - puis, d'un coup, s'envole, ramasse un boulon de métal qui traînait par terre et revient le déposer dans la caisse de trucs en métal. Peut-être c'était ça qu'il cherchait hein. Il est fier, ça c'est sûr !

Et paf, l'adolescent se fige comme si le moindre geste allait chasser le mini-griffon. Pas que l'animal ait l'air farouche, cela dit... Alors il incline la tête sur le côté quand le pépieur à plumes fait de même, réfléchit aussi. Si leurs sons se ressemblent, leurs conclusions, elles, divergent : le Tawtute fond sur un boulon alors que le mousse décide plutôt de commencer un tour du hangar - une main prête à faire perchoir, pépiant pour attirer soit le griffonnet soit son bipède de compagnie, voire les deux. Après tout, il a du temps et de la confiance à revendre, la patience de jouer à ce jeu de piste sous la pluie qui tape contre le toit du hangar.

L'humain marche. Avec le boulon dans la caisse. Fier de lui, Joshua se reperche sur le bras tendu, espérant à moitié une friandise qui ne vient pas. Ca alors, c'est nul. Il a faim. Il a toujours faim. Il sait que ce n'est pas vraiment de la faim, elles sont bonnes les friandises. Comprenant que cet humain là n'a pas été dressé pour échanger les boulons contre ses bonbons préférés, le Twatute se renvole pour se percher sur l'épaule de son humain à lui.

"Ah, tu es là toi"

Les mots sont affectueux, décide-t-il en enfouissant sa tête dans le cou de la SIENNE et pépiant pour avoir une friandise.

"Qu'est ce que tu veux gros gourmand ? Ce n'est pas l'heure."

Fri-an-di-se. Pépie-t-il avec acharnement. En plus, elle en a dans les poches, il les sent d'ici. Mais peut-être ne sait-elle pas ce qu'il a fait ? Les humains ne voient pas comme lui, il le sait. Alors il se renvole et va voir l'autre humain, celui au boulon, celui qui sait. Il lui tourne autour en volant puis retourne vers sa sienne, pépiant pour que l'autre le suive.

Non, décidément, le gamin des rues ne parle pas le Tawtute, et ce n'est pas faute d'essayer. Aussi quand le mini griffon s'envole, Selvh' se demande avec un infime plissement de sourcils s'il n'a pas malencontreusement vexé la créature... à moins qu'elle n'ai trouvé un autre boulon. Les voies des bestioles volantes après tout, lui demeurent mystérieuses, comme il se doit pour tous ces êtres qui naviguent dans le ciel sans aide technologique.

Il n'en suit pas moins le babilleur de service - non, l'autre, celui qui n'est pas lui - quand celui-ci revient, parce que sur un malentendu ça pourrait marcher. Et de fait... Une inconnue rousse finit par se discerner au bout d'une ligne de plumes et de pépiements.

"Ah non, tu fais tout à l'envers" taquine-t-il à l'intention du griffon de poche. "C'est moi qui étais censé te ramener."

À la demoiselle, il offre un sourire sage, cessant de pépier pour ne pas passer pour l'idiot du village - ou du vaisseau.

"Bonjour... C'est le vôtre ou il vous a adoptée à l'instant ?"

Joshua, voyant les humains parler se rend compte qu'on ne s'occupe plus du tout de lui, ce qui est, avouons-le tout net, une honte quand on ne lui a pas donné de friandises. Sans prêter attention au babillage des deux bipèdes, il plonge dans la boite, retrouve SON boulon qu'il va donner à SON humaine et lui file un coup de tête dans la poche à friandises. On peut pas être plus clair. D'ailleurs, ça marche. Presque sans réfléchir, la rousse sort une petite lanière de viande séchée enroulée dans du papier film, la déballe et la lui lance. Il l'attrape au vol, la gobe dans un gloussement ravi et va se percher sur l'épaule de la jeune femme pour piquer un somme bien mérité.

"Qui ? Joshua ? Oh, c'est le mien. D'ailleurs, je crois qu'il vous a volé un boulon." Elle lui tend l'objet en métal, réveillant par là-même l'oiseau qui pépie d'indignation. Son boulon ! "Je m'excuse, j'essaie de le dresser à me rapporter des choses mais il ramènerait n'importe quoi pour des friandises ce gros gourmand." L'affection qui s'échappe de ses paroles est perceptible, au point même de calmer l'animal.

Leçons du jour : 1) Selvh'ën ne parle toujours pas le Tawtute ; 2) les mini-griffons aiment les friandises et les boulons. Récupérant ledit objet, l'adolescent hausse une épaule et empoche le bout de métal. Sa fraîcheur pèse contre le tissu.

"Je le rangerai."

Une pointe de sourire glisse sur ses lèvres face à l'affection qui transparaît dans la voix de la rouquine.

"Il a essayé avec moi aussi, je crois, mais je n'ai pas compris ce qu'il voulait, sur le moment. Vous êtes d'un des vaisseaux du coin ?"

Curiosité éternelle, quand tu nous tiens...

"Pas vraiment. J'suis pilote mais j'suis à terre pour le moment. Je cherche un bon mécano." Je souris sauf que le coeur n'y est pas et c'est assez amer. A terre, je le suis dans plus d'un sens du terme. Seulement je vais pas non plus me répandre pendant des siècles à tous les gens que je croise. Surement pas les gamins. "Et toi ? T'es un astroporien qui tente de se faire embarquer ou t'as déjà ton équipage qui s'amuse à te refiler les corvées chiantes ?" Ado sur un vaisseau, c'est souvent mousse et souvent bizuthé. C'est normal. De bonne guerre. A l'armée, on nettoie les communs. Dans le civil, on porte des caisses.

L'étincelle au mot "pilote" s'abrite derrière les mèches folles de l'adolescent et sous un voile de vieux réflexes de la rue de garder pour soi tant ses peurs que ses espoirs. Pilote à terre, en plus, ça fait un peu oiseau en intérieur.

"Les corvées forment la jeunesse" imite-t-il avec bonne humeur en guise de réponse, son accent et ses intonations chantant, se transfigurant pour copier au plus près celles du quartier-maître.

"Vous cherchez quoi comme mécano ? Peut-être que je peux vous aiguiller ?"

"J'en cherche un qui sache aussi coder. J'voudrais qu'il me fabrique un truc. Pas seulement pour mes beaux yeux, j'ai de quoi payer." Je montre pas ma bourse. Pour ce que j'en sais, il y a des voleurs non ailés qui nous surveillent et je suis avec des corsaires depuis assez longtemps pour savoir me méfier des entrepôts. "Peut-être que si tu en connait un bien et que tu m'y conduits, il te récompenserait ? Cela me ferait plaisir de faire d'une pierre deux coups."

Les mécanos, ce n'est pas sa spécialité, pas vraiment... mais sa spécialité se résumant à faire toute petite tâche qu'on lui confiera et à laisser s'exprimer sa curiosité, l'adolescent n'en prend pas moins le temps d'y réfléchir, de réassembler les pièces de puzzle que sont les termes techniques qui lui passent au-dessus de la tête tant bien même il tente de les attraper au détour de la salle des machines.

"Un truc, c'est vague. Ils vous faut un touche-à-tout ou un spécialiste d'un truc spécifique ?" qu'il demande finalement, ses intonations copiant l'accent du "truc" qu'il lui emprunte.

"Je cherche un module de by-pass des sécurités pilotages contrôlées par ordinateur parce que parfois les pare-feus sont un peu trop frileux et qu'il me serait plus pratique d'entrer à la main certaines variables pour trafiquer..." je suis devenue trop technique j'crois. "Me faut un type avec une bonne base de hack, sur des système de pilotages, pour me bricoler un objet qui me permette de piloter à la main en cas d'urgence, en gros." Du coup...c'est ptet pas un mécano qu'il me faut. Il a pas tort le petit. Il a rien dit mais je sais qu'il n'a pas tort. "Même si c'est pas un meca', tu connaîtrais ?"

Il comprend mieux la fin que le début - accroche et raccroche des mots vaguement saisis à une idée plus générale, plus facile à qui n'est ni mécano ni pilote ni quelle que soit la spécialité demandée.

"C'est pointu."

Donc pas simple à trouver. Il incline tout de même la tête sur le côté alors qu'il passe en revue les gens qu'il connait qui pourraient cadrer.

"Moi, je tenterai de voir avec un chef mécano. Un qui travaille sur le type de vaisseau que vous pilotiez, idéalement. Il saura dire quel profil convient, voire quel gars ou fille peut le faire. C'est quoi votre genre de navire préféré ?"

"Ouais" c'est pour ça que j'étais restée vague à la base hein, tu r'marqueras, gamin mais bon, t'as demandé des précisions, moi je te précise. J'suis pas sure que tu deviendras pilote du coup. "Les chasseurs mais je pilote surtout des frégates." Je hausse les épaules. "Les mécanos, ils savent pas bien programmer. Les hackeurs, ils n'y connaissent rien en théorie des vols spatiaux et à part les navigateurs, y a pas grand monde qui se soucie des loies d'inerties. Pour faire bien, me faudrait un type qui soit les trois. Je suppose que tu connais pas." Parce que s'il s'agit de me dire "tu veux pas demander à des gens que tu connais" j'ai pas besoin de zoner dans les garages hein, je peux bien le faire toute seule, pas de soucis.

"tu risques pas d'avoir d'ennuis à bavarder comme ça ?" J'interroge, pour la forme.

Quelqu'un qui soit mécano, navigateur et hackeur à la fois, ça ne court pas les rues, clairement. Il secoue distraitement la tête à la seconde question, la plus facile.

"Non. Je suis en pause."

Le sourire sage adouci les phrases courtes et assurées. Il aurait au moins fait l'effort de se cacher ou de continuer à travailler en parlant, sinon... mais demander ne fait pas de mal, au contraire.

"Mécano et navigateur, ça doit se trouver chez les gars qui ont des vedettes. Les plus doués font tout eux-même, pilotage, nav et réparations. Hacker par contre..."

Il est presque certain qu'un contrebandier ou l'un de ces gens à la légalité douteuse saurait bien hacker, mais ce n'est pas le genre de chose que l'on dit à une inconnue. Puis rien ne garantit que ces gens aient le bon niveau ou type de codage, pour ce qu'il en sait.

"Et vous avez parlé de by-pass de sécurité de pilotage ou quelque chose comme ça ? Vous avez tenté de parler aux gars du Looping ? Y'a une table d'adeptes d'acrobaties et de défis de pilotage, je crois. Si quelqu'un a tenté de piloter à la main en cas d'urgence, il est probablement connu là-bas."

Pas que ça me regarde mais j'ai des doutes sur la véracité de sa pause. Ou alors il la prend toute la journée qui sait. Je hausse les épaules avec bonne humeur, faisant semblant de le croire. "Ah ouais le looping c'est une bonne idée même si beaucoup de ces prétendus génies sont des interfacés. C'est sûr qu'en trichant on a des réaction beaucoup plus rapides." Je me rappelle de Vasco, propriétaire d'une vedette qui avait les mêmes idées que moi. Parait qu'il a quitté le système. Il me manque un peu. "Tu demanderais pour moi ? Si je te donne de quoi payer les tournées et pas me rendre la monnaie ?"

Un haussement de sourcil amusé accueille la remarque sur les interfacés.

"Pourquoi ce serait tricher, s'ils utilisent les moyens qu'ils ont ?"

Il n'y a pas de règles, dans la vie, par défaut. Les circonstances ajoutent des codes : codes pirates, règles des compétitions, contrats de travail. Mais à la toute base, pourquoi se priver de quoi que ce soit qui puisse aider ? L'idée d'aller fouiner et en plus en toute légitimité, et potentiellement en récupérant de l'argent de poche, lui allume un sourire en coin de contentement.

"Je peux. Mais 'faudra me dire comment vous joindre pour vous donner les résultats."

"Parce que piloter, ce n'est pas seulement faire les calculs et modifier les trajectoires, un ordinateur peut faire ça. Ce n'est pas non plus que s'adapter à l'imprévu, c'est aussi la beauté d'un geste, d'une réaction. C'est connaître et utiliser ses outils. Ceux qui s'interfacent, ils n'ont plus ce geste. Le vaisseau devient leur corps et ils peuvent oublier qu'il n'est pas de chair mais d'acier. Ce n'est plus de l'art, de la technique et du travail mais simplement de l'abstrait. C'est comme si on pouvait peindre directement depuis ce qu'on imagine dans sa tête tu vois. Evidemment c'est plus proche mais ça perd la beauté de l'interprétation qui passe par la main. Donc c'est de la triche et je sais qu'au final, ce sont les pilotes old-school qui gagneront car l'interface donne de mauvaises habitudes." Je souris, je sais que j'ai beaucoup parlé et que je n'ai pas utilisé mon langage habituel mais le pilotage c'est toute ma vie et il m'arrive parfois d'oublier que je suis sensée cacher mon intelligence. Bah, c'est un jeune, il ne se sentira pas menacé par moi. Au contraire, peut-être que je l'ai convaincu. "Enfin j'suis sure que les autres du looping ont d'autres arguments hein mais ce sont les miens. Si tu veux que je résume, je dirais que les interfacés sont d'excellent techniciens mais que les vrais pilotes, eux, sont des artistes."

La question déclenche un torrent de mots. Il ne s'y attendait pas, mais il adore. Ce n'est pas un secret, pas vraiment, plutôt un pan entier de la vérité de la jeune pilote qui tombe en phrases affirmées et en métaphores imagées. Alors il se gorge de ce bout d'identité qui sonne plus vrai que tout le reste, hoche la tête, une promesse d'étincelle lovée dans ses iris.

"Je comprends mieux, comme ça."

Il incline la tête, l'ombre d'un sourire en coin aux lèvres.

"Et si les gars du Looping ont d'autres arguments, et bien ça sera toujours un débat intéressant à avoir."

En plus, il est presque certain de pouvoir isoler le gars qu'il faudrait à la demoiselle en fonction de sa compréhension de l'argument, en plus des compétences.

J'espère qu'il comprend. Il a l'air et j'suis pas du genre à me poser des questions pendant cent-sept ans. Je hausse les épaules. Si les gars du looping ont d'autres arguments c'est qu'ils sont de mauvaise foi et puis c'est tout hein. Même si j'avoue que l'idée du débat fait pétiller mes yeux de paillettes dorées. "Tu sais ce que tu voudrais faire quand tu en auras assez des corvées toi ? Y a tellement de postes sur un vaisseau qu'on sait généralement assez vite ce qu'on aime et ce qu'on aime pas."

Il hausse les épaules avec cette attitude empruntée aux autres mousses, aux ados normaux. Il ne sait pas trop ce qu'il veut. Il veut être libre et voir les autres être libres, mais ce n'est pas un poste en soi.

"Je ne sais pas trop encore. Probablement pas mécano, c'est pas mon truc."

Il ne l'avouerait pas, mais il ne se voit pas rester à vie dans une salle des machines. Les machines mortelles des plantations ont laissé cette marque, cette méfiance qui le dispute à la curiosité. Puis avec les étoiles à côté, ce serait gâcher que de s'enfermer près des moteurs.

"Peut-être un poste en passerelle, du côté des senseurs et de la cartographie. Ou de la sécurité."

La sécurité, c'est choisir quelles serrures fermer et lesquelles ouvrir. Le concept lui plait bien.

"Comment vous êtes arrivée à votre poste actuel, vous ?"

"J'ai fait mes classes d'officier, on a tout un tas de tests à passer et l'on teste toutes les spécialités et il se trouve que je suis très douée pour la navigation, j'adore les calculs de trajectoires, l'inertie, la gravité qui s'en mêle, bref, comme en plus j'étais vraiment pas taillée pour le combat et l'abordage, c'est venu naturellement. J'adore piloter faut dire et c'est un poste d'officier avec un nombre plus limité de gens sous ses ordres, ce qui est cool parce que tu vois, donner des ordres je sais faire mais jouer à qui a la plus grosse c'est pas mon truc." Je réfléchis pas trop à lui avouer que j'ai fait l'armée. C'est ptet con mais c'est moi. Pis il est cool le jeune, il va pas tilter. Surement. "Tu devrais tester, avoir la direction d'un vaisseau c'est la plus belle chose au monde. On est ceux qui dirigent les étoiles."

Sous l'attention portée à la passion qui pointe de chaque parole de la pilote, Selvh'ën mémorise machinalement les mots qui la différencie de son monde de piraterie. Officier, déjà... et officier dans l'armée. Il ne s'en serait pas douté. La faute aux claquettes, probablement.

"Ça donne envie d'essayer" admet-il, pas certain de si ce qui l'attire est le poste ou l'entrain contagieux de la jeune femme.

N'empêche qu'il reste certain que c'est la Dame qui décide d'où vont les étoiles.

"Même avec une équipe réduite, ce n'est pas compliqué de gérer des gens ? Est-ce qu'on enseigne aux officiers à faire ça, ou est-ce que ça s'apprend sur le tas ?"