« Alors gamine, tu l'as trouvé ton paternel ? »

La même question encore et encore, parfois moqueuse, parfois sincère. Elle aimerait pouvoir répondre oui, pouvoir dire qu'elle connaît enfin son père, qu'elle as pu le voir en chair et en os. Mais cet homme n'est qu'un mirage, un rêve semblant impossible à rendre réalité. Ce père qu'elle n'a jamais connu. Pourtant, elle ne le déteste pas. Il est difficile de haïr quelqu'un qu'on ne connaît pas, même si il y a l'amertume de l'abandon. De ce qu'elle sait, tout est la faute d'un duel entre cet homme qu'elle devrait nommer papa et son oncle, qu'elle ne connaîtras jamais. Ce père qui a fui ainsi la justice, qui a laissé sa mère toute seule. Un terrible concours de circonstances dirait-on, mais au moins, elle sait qui c'est. Au moins elle sait qui rechercher. Et le hasard fait que cette personne n'est pas spécialement discrète. Dans de telles circonstances, il est difficile pour cet enfant de se trouver une figure paternelle. Le maître d'armes qui connaissait son père y arriva un peu et encore... Ça ne suffisait pas vraiment. Ce lien fantôme était plus fort que tout, ce besoin de savoir, de trouver, de comprendre le pourquoi du comment. Peut-être est-ce qui alimente cette Flamme qui doucement s'exaltait. Une Flamme grandissante, qui prenait doucement le contrôle des idées et des envies de la demoiselle. C'est sûrement cette flamme aussi, qui guidait ses envies et ses passions au fur et à mesure des années qui passèrent. Les armes blanches, une passion qu'on pourrait croire transmise par les gênes. Depuis toujours, ses yeux étaient attirés par le brillant des lames. Pourquoi ? Aucune idée, mais elle aimait déjà ça. Se couper ? Pas si grave au fond, c'est comme ça qu'on apprend. C'est en se brûlant qu'on apprend que le feu fait mal. Hey, au moins elle n'a pas perdu une main dans le processus. Peut-être que son père aurait été fier de voir sa fille suivre cette passion. Si seulement il était là pour voir ça. Mais il n'est jamais venu. Et le pire pour Dayanara, c'est qu'elle ne sait même pas si lui est au courant de son existence.

Mais rien n'est éternel, c'est bien ce qui fait la nature de l'homme. Sa mère a quitté ce monde et l'a laissée seule, meurtrie, en colère. Le destin venait de lui retirer son ultime racine, maintenant, il lui fallait s'envoler. A quinze ans, sans parents, sans fortune, sans rien si ce n'est le nom de son père, elle a entamé sa nouvelle vie. Et quelle vie allait l'attendre. Mais autant commencer en bas de l'échelle. Elle fut une simple mousse, qui ne faisait pas grand bruit, mais dont le charme et la gentillesse savait donner le sourire et la motivation aux autres. C'était peut-être bien l'effet de cette Flamme. Sûrement même, l'adolescente avait ce sentiment, de pouvoir lire dans les gens. Pourtant, ce n'est qu'une impression. Avec le temps, elle apprit à connaître les pirates, à découvrir leurs valeurs. Et quelles valeurs. Le respect d'autrui, l'obéissance, des choses simples, pourtant si importantes. Dayanara s'attacha très vite au Code et au besoin de le respecter. Ce n'était pas sur elle qu'il fallait compter pour désobéir.

Rapidement, elle se montra digne de confiance au sein de l'équipage qu'elle avait rejoint. Sa maîtrise des armes blanches et son tempérament de battante ont fini par la pousser à rejoindre l'équipe d'abordage du navire qu'elle servait. Et ces combats-là la forgèrent plus encore. Malgré son jeune âge, malgré sa petite taille, c'était déjà une combattante. Aucune hésitation dans son regard ou dans son bras quand elle affrontait l'ennemi. Ce sont ces combats qui ont marqué son visage et son corps de cicatrices, mais elle ne s'en plaignait jamais, elle n'en faisait jamais mention. C'était des marques comme d'autres, les marques de ceux qui combattent. C'est lors d'un abordage qu'elle récupéra ce chiot Kao qu'elle nommeras Chad. Quel drôle d'animal que celui-là, si curieux, si joyeux. L'adolescente eut rapidement à apprendre à le dresser et ce n'était pas aussi facile que manier une lame. Un peu de patience et de témérité ont fait qu'elle y arriva malgré tout. Un membre de plus dans son étrange famille.

Trois années passèrent, Dorado lui tendait les bras. Un autre monde à découvrir. Et par malheur, le nom de son père lui fut soufflé comme celui d'un pirate sans racines, un vagabond. Il a donc choisit de fuir jusqu'au bout. Peut-être y a t-il une autre raison à cette vie d'errance. Mais pour Dayanara, l'errance était terminée. Elle avait trouvée quelque chose qu'elle recherchait sans même s'en douter. Une autre famille, une autre loi à suivre. Le navire qui l'avait accueillit, elle décida de lui dire au revoir au jour de ses dix-huit ans, pour passer à autre chose, découvrir d'autres choses. Les pirates seront toujours sa famille, c'est une certitude.

[A finir]