Brûler la nuit

Boire ou conduire il faut…
Il faut rien du tout. Et puis de toute façon, il est hors de son véhicule là, heh. Le client pour qui il a sauté de planète en planète est en train de faire dieu sait quoi, il le retrouve dans cinq heures pour faire le chauffeur dans l'autre sens. Suu est tranquille.
Il a soif. Alors c'est une taverne dans laquelle il rentre parce qu'elle est ouverte et qu'il n'y a pas de volée de marches pour y mettre les roues. Une pause, une fois l'entrée passée. Les yeux marron glacé se plissent, lui donnent un sérieux air de petit vieux qui aurait oublié sa lorgnette pour voir. Mais non, il fait juste un tour de repérage visuel, c'est un vieux réflexe idiot. Il faudra qu'il le perde un jour… Pas aujourd'hui.
Aujourd'hui on a dit qu'il buvait.

Un petit coup de bras pour se lancer, le voilà parti à slalomer entre les clients. C'est fou tout ce monde quand même… Ils sont pas pratiques comme obstacles les buveurs.

- Tut-tut-tuuuuut !

Et hop, on se décale la demoiselle sur le chemin qui tortille de la fesse ! Ça marche bien, l'imitation de klaxon. Il le note, on ne sait jamais quand ce sera utile.
Ça ne servira pas avec le service au bar. Maintenant qu'il est devant, il se rend compte que c’est haut. On ne doit pas très bien le voir. C'est pas grave : la main gantée de monsieur Galwaïn tapote sur la surface sur un rythme enthousiaste.

- Hey ?

Il a la voix qui porte quand il veut, là il veut.

- Hey, salut, vers le bas ! Je voudrais commander !

Commander quoi, ça il n'en sait rien, il improvisera. La première étape c'est d'avoir l'attention de la personne derrière le comptoir, il ne réfléchit pas encore à la seconde.

Il y a du monde et l'absence de Sarrazin se fait sentir – pas seulement dans l'humeur sombre du patron. Les nouvelles recrues ont appris vite, se débrouillent bien mais elles ne suffisent pas à remplacer une barman qui est aussi source de rires et de jongleries.

Ce jour là Audrey est à la cuisine, Wulf au bar. Normalement, il domine de ses 2 mètres (ou pas loin) toute la plaine du Runny Amber tel le lion sur son rocher que l'on croit en train de faire la sieste mais qui ne perd pas une miette du balais des lionnes en chasse. Normalement, sauf quand il est plié en deux pour attraper une nouvelle bouteille de rhum à cocktail pour la transvaser dans le Magnum de présentation. Là pour le coup, il est invisible. Mais pas inaudible.

Quelques coups bien sentis sur le bar le font sursauter. Sa main bouge, renversant des gouttes de précieux liquide ambré sur sa main, sa chaussure et le sol. Il lâche un juron bien senti sur des sujets qui fâchent, un truc que seul un pirate peut avoir l'habitude d'entendre, et encore, tous n'osent pas le dire. Il se redresse, prêt à engueuler l'imbécile qui confond un bar et un porte mais ne voit rien. Une voix venant d'en dessous l'alpague. Il se penche par dessus le bois pour tomber nez à nez avec un type en chaise. Okay. Vu.

« Et il veut commander quoi le pic-vert ? A boire ? A manger ? Les deux ? »

- Pic-gris.

Parce qu’il porte un haut gris. Ce type est définitivement beaucoup trop plein d’humour, comme le suggère son sourire en tranche de courge.

- Et les deux, monsieur. Sans alcool et épicé si tu as.

Parce qu’on tutoie les taverniers lorsqu’on s’appelle Suu, mais qu’on essaie de rester poli. C’est la raison pour laquelle il ne relève pas l’immense taille de l’autre, ou le orange étonnant de ses cheveux, ou ses insultes créatives. Possiblement dues à sa présence d’ailleurs…

- J’ai de quoi payer sans laisser de note pour les dix années à venir. Promis.

S'il veut. Pic-gris, pic-vert, pic-rose, tant que c'est pas pique-assiette, Cathwulf n'est pas regardant avec ses clients, surtout les nouveaux. Le truc c'est qu'il n'a rien pour les gens en chaise. Il aurait pu y penser quand même. Il aurait du. Surtout lui. Papa aurait été fâché qu'on se serve de son héritage sans penser à ceux qui ont été blessés. Il ne montre rien de ses pensées, tendant une tablette comprenant la carte du restaurant.

« En boisson j'ai le Red Dragon qui a de bons parfums de Rennaissance ou si tu es plus du genre poivré, le Baba Yagaa pourrait te plaire. Je peux aussi te bricoler une version non alcoolisée du FireEmblem mais il sera cher, je préviens. En nourriture, en salé on a des burgers - une version par faction, un plat du jour qui est un poisson aujourd'hui, cuit à l'unilatérale avec des légumes et une purée que tu n'en a jamais mangé d'aussi bonne. Les desserts ne sont pas encore sur la carte mais c'est tarte aux fruits, mousse d'Apxa, cheesecake et gaufres cette semaine. »

La carte est récupérée, Suu perdu dedans à naviguer entre les listes. L’alcool ne l’intéressant pas il commence par la nourriture, finit par arrêter en chemin pour plutôt écouter le rouquin lui expliquer le menu.
Le burger corporatiste l’amuse dans l’idée, la liste d’ingrédients lui arrache même un souffle amusé.

- Du bacon et du cheddar ? Vraiment ?

Autant partager la raison de son amusement avec le taulier. Ca ne demande pas vraiment de réponse en plus, il peut enchaîner sur sa commande.

- Le plat du jour, parce que je veux comparer la purée, et le Baba Yagga. C’est trop si je demande à être servi à table ?

D’un petit coup de roue vers l’arrière, il souligne la raison de sa demande.

- Ou un petit plateau pour personnes âgées. Je suis pas très regardant tant que c’est pas sur mes genoux.

Ouais, vraiment. Quand on est con, faut y aller à fond, c'est la philosophie des Searuweard, Wynnstan compris qui peut être très con dans certains domaines. Un sourire un peu carnassier répond donc à la remarque mais il n'a pas le temps de réfléchir a un truc intelligent que l'autre lance sa commande. En quelques coups sur sa tablette, l'info passe à la cuisine tandis que le rouquin commence le Baba Yagga. Il ne fait pas souvent de sans alcool mais c'est l'un de ses préférés parce qu'il utilise le mortier en marbre. Il y met une dose de poivre, une autre de baies roses qu'il commence à réduire en poudre fine.

« On sert tout le monde à table. Tu donnes de la vaisselle a des gens bourrés et tes frais grimpent au plafond. Y a une table libre près du piano si tu veux. » Il y en a d'autre mais avec des chaises rangées autour. Enfin le client est roi.

- Mhh-mh. Vaisselle en métal. Moche mais solide.

Et c’est bien tout ce qu’il peut répondre sur cette histoire d’assiettes. Ce n’est pas un sujet qui passionne immensément un amater de sandwiches carrés, il faut bien l’avouer.
Il ne lui reste donc plus qu’à partir en direction du piano en bon petit soldat obéissant. Une direction c’est facile à suivre, et puis il voit bien que les autres tables sont tout sauf praticables pour lui. S’il a envie de faire une remarque sur le manque d’accessibilité, ça ne se voit pas sur le visage de Suu : il se contente d’observer le géant orange faire son travail avec une belle neutralité. C’est un moyen comme un autre de passer le temps.

« Le métal a un goût. » Sérieux. C'était pas bon. A part disait-on les matériaux noble genre l'or, l'argent ou le durilium mais il ne serait jamais assez riche pour ce genre de trucs. C'étaient donc de la porcelaine blanche de base et ça suffisait bien.

Quelques minutes suffisent à faire le cocktail décodé d'un peu de sucre et d'un parasol. Aux jolies filles il rajoute parfois une brochette de bonbons...pas là. Clairement, le nouveau client n'est pas une jolie fille. Tranquillement, il choppe un sous-verre, un set de table, une poignée de couverts, un panier de leur pain maison légèrement sucré au miel – ça va bien avec les cocktails et ça donne soif – et va mettre tout ça devant le client.

« T'as chopé ça comment, si c'est pas indiscret ? »

- Ca ?

Suu tapote sur un de ses genoux comme pour confirmer. Bien sûr que c’est ça, le tavernier ne parle pas de sa coupe de cheveux ridicule.

- C’est pas de bol… Accident de transport idiot. J’ai perdu de contrôle, je me suis fracassé dans un mur, le speeder s’est replié comme un accordéon avec moi dedans. “T10 écrasée, Galwaïn, vous êtes chanceux d'être vivant !”.

Il imite l’infirmière militaire assez lamentablement, il faut bien l’admettre, mais c’est sa technique pour dédramatiser son histoire. Ca et le haussement d'épaules qui chasse la lourdeur du sujet de discussion.

- On peut pas retaper ça, même s’ils auraient bien aimé tester chez les bacon-cheddar. Mais sans vouloir te vexer, je préfère mes roues à des prothèses, question de préférence personnelle.

Parce qu’il l’a bien vu, le bras du rouquin, et que ce n’est définitivement pas sa tasse de thé.

« Ah ça, les courses de speeder c'est dangereux. J'en avais bricolé plusieurs quand j'étais gamin avec un amie qui pilotait. On se classait pas mal en courses. Si vous voulez, y a un coin rien que pour les pilotes du côté des simulateurs pour la prochaine fois. Les soirs de championnat, l'ambiance est franchement sympa. »

Cathwulf détestait qu'on s'apitoie sur son sort, il avait donc décidé que les autres fonctionnaient pareil et ne voulait pas donner du « oh mon pauvre » à l'homme fier qu'il avait en face de lui. Trop de gens avaient plains son père sans pour autant ouvrir leur bourse pour l'aider. Lui non plus ne donnait rien mais au moins il n'ajoutait pas l'insulte à l'injure.

« J'comprends. Avec cinq bouches à nourrir, j'ai pas trop eu le choix par contre. Faire le con quand on est seul, c'est son problème mais quand y a des petits dans la balance, c'est une autre histoire, soit dit sans vous offenser. »

Courses, du côté des simulateurs, bonne ambiance. Il note tout ça dans sa caboche pendant que le rouquin parle. Profite du moment pour tendre la main, attraper un bout de pain apporté par le tavernier et commencer à en arracher de petits bouts pour les manger.
Quoi, comment ça il faudrait peut-être qu'il précise qu'il ne s'est pas écrasé pendant une course ? Il a la flemme. Pas envie de voir le regard plein de pitié qu'on tend à réserver aux vétérans alors que là, monsieur Flamboyant est agréable.

- Je suis pas offensé par la vérité. J'ai que mes fesses à gérer, je peux décider de les mettre dans des roues tout seul. C'est pas le cas de tout le monde.

Suu hoche sobrement la tête, une fois, comme pour reconnaître quelque chose. Peut-être sa chance sur ce plan là.

- Si j'avais eu des petits à charge… Je sais pas.

Vraiment pas. Mais il ne se voit pas avoir de gamin ce qui règle le problème.

- C'est cinq enfants, ou cinq frères et soeurs ? Tu me dis, dans les deux cas ça reste des gens dont tu t'occupes, ca ne change pas grand-chose à part pour ma curiosité.

« Trois cadets, ma mère et mon père mais il est passé l'année dernière donc je suppose que ça ne fait que quatre maintenant. Cinq si on compte ma grande carcasse. » Il oubliait tout le temps de se compter. Et régulièrement qu'il n'avait plus son père à entrer dans les dépenses. De fait, les finances allaient beaucoup mieux avec Niaw qui gagnait sa vie et les bourses de Wynn mais Wulf ne pouvait pas s'empêcher de se méfier de la vie et mettait sur un compte à part tout ce qui ne lui était pas rigoureusement indispensable. Il n'y avait cependant aucun apitoiement dans l'annonce du tavernier, pas plus qu'il ne s'offusquait de la curiosité du type. Après tout, c'était lui qui avait commencé.

« Mon paternel était en fauteuil aussi. Mauvais endroit au mauvais moment, ça arrive. Ma mère a donc du arrêter de travailler pour s'occuper de lui. J'ai jamais eu la fibre infirmière. Vous pariez toujours pour les courses?Je peux vous rencadrer avec des gens pas trop malhonnêtes si ça vous branche. »

- C’est toujours le mauvais endroit et le mauvais moment pour ce genre de trucs.

Il n’y a pas grand-chose dans la voix de Suu. Une neutralité tiède au mieux, quelque chose de voilé qui ne montre rien. Il n’a pas pitié pour le père du tavernier. Il n’est pas triste pour sa mère. Il est quelque chose, mais c’est tellement enfoui dans son esprit qu’il n’y a aucun moyen que la compassion trouve la lumière du jour.

- Et j’ai jamais parié sur la moindre course.

Ca, voilà, ça fait ressortir un sentiment : l’amusement.

- J’ai vu des circuits de loin, jamais osé mettre mon argent sur des pilotes que je connais pas et des machines que j’ai jamais senti. Ca a l’air d’être un coup à perdre une solde pour avoir parié sur un type juste parce que… Peu importe quoi. C’est ton amie qui court ou il a les cheveux verts, ton chouchou. Le seul sur qui je mettrais mon argent, c’est moi, et j’ai rien pour courir. J’irais voir les courses très sagement pour l’ambiance j’imagine.

Ben voyons, personne n’y croit. Même pas Suu.

C'est vrai et il n'y a rien d'autre à rajouter aussi, loin de se vexer de la simple remarque du type, Cathwulf apprécie qu'on ne cherche pas à le plaindre à tout prix. Comme si ça changeait quelque chose. Il ne voulait pas plus de la pitié de son client que celui-ci ne voulait de la sienne. Ils parlent de course et c'est tant mieux.

« On est pas obligés de parier sa solde mais un enjeu rend la course plus palpitante. »

Après, il ne parie plus depuis l'accident de son père. Il préfère garder ce qu'il a pour ses cadets plutôt qu'épicer un loisir. Son cœur bat assez vite quand Noor est en piste de toute façon, il n'a pas besoin de plus. Il hausse les épaules, celle de chair et celle à demi en métal, un sourire venant nuancer son discours. Il y a ce qu'il dit et ce qu'ils comprennent, clairement.

« Venez pour le 17 de ce mois, je vous ferais une place accessible. » mais pas de réduction, il ne faut pas déconner, « vous aurez un bon aperçu de l'ambiance. » Une vibration sonne à son poignet, là où l'on peut voir une holo-montre bas budget. « Votre repas est prêt. » Et, sans rien ajouter, il le plante là pour aller au passe-plat attraper le poisson et la purée artistiquement déposés sur l'assiette.

- Un enjeu qui paie deux cacahuètes est moins intéressant, mais va. Le 17.

Un haussement de menton faussement blasé, histoire de contredire le petit bout de sourire au bord de ses lèvres.
Pour la place accessible, ou pour autre chose, peu importe. Il ne prend pas vraiment la peine de remercier pour l'attention portée à son handicap : si Rouquin a vu son père lutter à faire sa vie avec une paralysie, il sait à quel point c'est important. C'est tout.
Donc il le regarde juste lui passer son plat, et il met le nez dedans presque de suite, après un “m’rci" tout bas.

Et c'est l'explosion. Métaphorique bien sûr, la purée ne saute pas comme une mine. Mais elle lui noie clairement les papilles, tout habitué qu'il est aux rations et aux nouilles instantanées. C'est riche et réconfortant, pas fade, pas pâteux non plus. Ça n'a rien à voir avec quoi que ce soit qu'il ait goûté en plus de trente ans.
Une pause. Ses yeux se lèvent.

- Ton chef est… D'accord, c'est la meilleure purée de ma vie. Je suis vaincu. T'as un restaurant pour cols-blancs caché derrière en fait ?

Nouvelle bouchée de purée. Les yeux se cachent derrière ses paupières, pour lui laisser le temps de savourer la bouchée.

C'est comme tout dans la vie, il faut trouver le juste milieu entre pas d'enjeu, deux cacahuètes et la solde entière. C'est à l'appréciation de chacun, Cathwulf, lui, n'a pas d'argent à perdre dans des paris pour son amusement personnel et il n'est pas assez fou pour croire que ce pourrait être un moyen de devenir rapidement riche. Seul le travail paye lui avait-on apprit toute sa vie et c'était par ce travail qu'il voulait gagner suffisamment pour ses petits.

Il s'est écarté pour nettoyer des tables pendant que le client mangeait, amusé par avance de la réaction prévisible et ne voulant pas en perdre une miette. Beaucoup de gens pensaient que vu les prix raisonnables, l'ambiance chahuteuse et la tronche du patron, la nourriture serait au mieux mangeable, changeant des mess et autres barres de nutrisoja. C'était un plaisir pour Cathwulf de montrer qu'avec des produits certes pas nobles mais frais, Audrey et lui pouvaient faire quelque chose de bon/ Mieux même, depuis l'arrivée d'Audrey et ses « études de cuisine », quelque chose de très bon !

« Nah, les cols-blancs sont trop cons pour savoir ce qui est bon, il leur faudrait du foie gras de Terra Mater mariné pendant trois ans avec du vin jaune dont les raisins ont été cueillis à la petite cuillère. Ici, on fait bon et frais. Les recettes et les plats sont tous cuisinés par Minipouce et moi. J'lui dirais que t'as aimé sa purée, ça lui fera plaisir. »

- J’ai pas aimé sa purée…

C’est plus que ça, mais il ne sait pas trop comment l’exprimer, alors Suu bouge très vaguement la main devant lui. Ca n’explique pas beaucoup plus, il le sait. Il fait pourtant de son mieux.

- J’ai l’habitude des pâtes déshydratées et des rations, je suis pas le mieux placé pour faire critique culinaire, je sais. Mais c’est de la nourriture, ça.

Accent bien mis sur nourriture : sa voix s'alourdit, les “r” roulent, poussent ses mots. Pas besoin de concepts très compliqués pour montrer qu’il est impressionné. Soufflé. Et ravi.

- Le foie gras peut aller se faire foutre, c’est bien meilleur ce qu’il y a dans cette assiette. Si c’était mon genre, je t’aurais demandé si Minipouce voulait se marier. Coup de foudre en cuisine.

A défaut de demande en mariage, il fera dans le pourboire massif, et c’est sans doute plus apprécié.

Ouais. Il sait. A croire qu'on apprend vraiment des trucs dans les études de cuisine des grandes maisons de Renaissance. Il ne l'aurait pas cru, pas plus qu'il n'avoue l'observer mine de rien pour tenter de percer ses secrets, aimant cuisiner bien plus qu'il ne veut l'admettre. Il sourit. Le Runny est autant son enfant que le sont Wynnstan et Sunny. Il l'aime et il aime qu'on l'admire, qu'on l'apprécie et qu'on le respecte.

« Elle est un peu jeune pour ça. Je verrais si elle peut passer vous voir avec les desserts, histoire de vérifier si elle vous plaît toujours après sa tarte au citron. » fait-il dans un rire qu'il n'aurait pas eu si on lui avait demandé la main d'Audrey dans un autre contexte. Mais là, il saisit la boutade et surtout il comprend l'admiration qu'il y a derrière et ça... ça il apprécie.

- Si elle vient avec un gâteau…

Suu agite de nouveau la main, tête penchée à gauche, manifestement enthousiaste quand à la dégustation d’un gâteau. Ce n’est pas habituel, ses goûts tendant plus au délicieux sel, mais si Minipouce est aussi douée avec du glaçage qu’avec des patates… Une exception à ses habitudes, juste cette fois, avec lui-même en seul témoin. C’est absolument séduisant cette idée.

- Le genou au sol, je peux pas exactement, mais le double du montant de l’addition et un hommage à sa cuisine, ça j’en suis capable. Et elle le vaut bien.

Il a un sourire et une lueur d'intérêt qui vient éclairer ses yeux verts lorsque le pilote propose de doubler la note en pourboire. Le talent d'Audrey - et dans une moindre mesure le sien qui n'est pas si petit, au contraire - est un plus indéniable pour le Runny Amber et s'il veille à ce que personne ne profite de la jeunesse de Minipouce il n'est pas contre utiliser une partie de son charme inconscient.

"Et bien, je vous demande de m'excuser une seconde, je vais prévenir le chef que vous désirez le rencontrer."

Et, sans attendre davantage, il attrape la vaisselle sale, fait demi-tour, entrant sans frapper dans la cuisine où il repère rapidement la jolie rouquine s'activant aux fourneaux. Il pose son fardeau côté plonge et lance tranquillement.

"Près du piano, y a un type en fauteuil qui veut une tarte au citron et féliciter le chef. Il a eu un coup de coeur avec ta purée. Tu voudras bien lui porter son dessert histoire de le fidéliser un bon coup s'il te plait ? Je te remplacerais pendant ce temps."

HJ:

Au premier abord, Audrey n'écouta pas son patron. Elle était concentrée sur le transfert d'un steak sur l'empilement de truc qu'était un burger en cours de fabrication. Une fois le burger finit, elle se repassa la bande. Un type en fauteuil, une tarte au citron, un coup de cœur et fidéliser le client.

"Ok."

Elle s’éloigna des fourneaux, ôta son tablier dégueu et tourna une seconde, cherchant ce qu'elle cherchait.

"Oui. Une tarte au citron."

Elle pris une assiette et y déposa une part de tarte puis sortit vers la salle. Elle ne pris pas longtemps à repérer le client. En effet, le fauteuil était un indice de taille. Elle accrocha un sourire commercial sur ses lèvres et s'approcha. Elle déposa la tarte devant le client tout en le saluant:

"Bonjour! Je suis Audrey Darand, le chef de cuisine aujourd'hui. Le repas vous a plus?"

Quoi, ça va si vite pour avoir le droit de rencontrer la fameuse Minipouce, impératrice de la purée ? D’accord, il ne s’en plaint pas, il va juste attendre en finissant son poisson. Presque aussi bon que les pommes de terre, mais pas tout à fait… Du coup le voilà curieux de savoir si la tarte au citron mise sous son nez va détrôner la purée.

- Suu Galwaïn.

Tête penchée sur le côté pour saluer, parce qu’il est bien élevé. Effectivement, elle fait jeune mais elle est charmante. La proposition de fiançailles aurait presque pu tenir.

- Le repas m’a coupé les jambes.

Ben oui, il ricane, c’est si intelligent comme remarque...

- J’ai jamais rien mangé d’aussi bon que votre purée, madame. Pour ce que ça vaut, vous avez mon admiration culinaire et mes remerciements pour le repas. Et toute la publicité que je pourrais vous faire.

Ce qui vaut pas grand-chose. Mais ça, il ne va pas le dire, il va plutôt prendre la tarte pour la goûter… Et faire le silence pour apprécier le goût, les yeux fermés un instant. Qui aurait cru que le sucre pouvait être aussi délicieux ?

Audrey rit à la plaisanterie du client. Suu. Il s'appelle Suu.

"Désolée pour vos jambes, ma cuisine est moins... Littérale d'habitude."

Elle fait une petite courbette pour répondre aux compliments de l'infirme.

"Et bien... Merci beaucoup à vous. N'hésitez pas à revenir, les plats du jour changent en fonction du marché, vous pourriez rencontrer meilleur que ma purée, qui sait?"

Ricanement étouffé -par la cuillère, la tarte et l’absence d’envie de risquer de recracher du citron partout en riant comme un cochon- au retour de plaisanterie. Elle est marrante en plus, la rouquine. Parfait !

- Meilleur que la purée ? J’ai pas envie d’en avoir les bras qui en tombent quand même.

Finalement, Suu réouvre les yeux. Et penche la tête, juste un peu, façon oiseau curieux.

- Et puis si vous faites quelque chose d’encore mieux je risque de vous demander en mariage pour de bon. Le grand roux au bar risque de m’arracher la tête cette fois pour mon audace. Je finirais avec juste un tronc, c’est pas fou…

Non, ça serait même tragique. Du coup il fait une petite grimace dégoûtée à l’idée. Vil cabotin.

- Mais le risque vaut la récompense. Je repasserai, promis !

"Vous en faites pas, au pire, le frere du patron est meilleur medecin que je ne suis cuisiniere. Si vos bras tombent, il vous les recollera!"

Elle rigola a l'idée absurde que Wulf décapite le client pour une bete demande en mariage.

"Mais non, il a l'esprit pratique. Tant que vous ne tentez pas, par ce mariage, de m’empêcher de cuisiner pour le Runny Amber, il laissera votre téte sur vos épaules."

Le Client assura qu'il repasserait et Audrey soupira intérieurement. Fidélisation faite, chef!

"Vous ne le regretterez pas! Maintenant si vous me permettez, il faut que je retourne à ma cuisine. J'espere que la tarte vous plaira aussi!"