Tout homme abrite en lui une bête sauvage.

Bullet a repris contenance et elle renifle la rue aux volets fermés à la recherche de la moindre trace de Scott. Eugène se contente de rester derrière elle et de la rassurer quand elle revient vers lui, attentive et nerveuse. Il la congratule d'encouragements et de caresse à chaque retour.

"C'pratique cette bestiole. Tu vas en faire que'que chose de ton chien toi ?"

Un sifflement le prévient que Bullet semble avoir trouvé quelque chose ou quelqu'un. En l'occurrence une loque, roulée en boule sur elle-même à côté d'une flaque de vomi. Pas très glorieux.

Je me retrouve donc à suivre Eugène dans les rues, j'observe Bullet chercher Scott avec son flair, j'observe également Eugène qui la félicite malgré qu'elle revienne bredouille, ça se voit qu'il l'apprécie. Puis il me pose une question que je ne m'étais jamais posé, est-ce que je vais faire quelque chose de Carl, je regarde alors celui-ci quelques instants avec de reporter mon regard sur Eugène et de lui répondre

-Je ne sais pas. À voir. Je dois avouer que j'y ai jamais réfléchi, mais si je dois en faire quelque chose, il faut que je me décide vite. S'il prenait trop de temps à ce décidé, Carl serait trop vieux pour apprendre rapidement.

"C'est sûr qu'c'est presque d'jà trop tard... faut les habituer vite à c'qu'on va leur d'mander pis à qu'on va leur d'mander des trucs. Fin j'veux dire ... quand tu l'dresses pas il a pas appris à écouter. La mienne j'y ai passé des tas d'heures pour qu'elle comprenne qu'c'était moi l'chef et qu'elle d'vait m'écouter. Et j'continue à l'aider. J'te conseillerai d'en faire un que'que chose c'est une belle bête qu't'as là. Elle pourrait t'être utile."

Eugène interrompt sa conversation pour aller voir Bullet qui siffle.

"Eh bah Scott j't'ai vu plus en forme."

Il attrape un bout de vêtement et le tire en l'air, son biceps se gonfle. Scott est encore un jeunot, un peu plus de la vingtaine, un roux pas très costaud mais qui vise mieux que personne. Le tenant à bout de bras, le jeune Scott maugréé et fronce les sourcils devant la lumière du jour.

"Eh beh.."

Mais il m'obéit, c'est juste que je ne lui aie pas appris d'ordres complexes, m’apprêtais-je à répondre, mais je ne dis rien en voyant la loque qu'a trouvée Bullet, c'est vrai qu'il n'avait pas l'air bien le jeune. Eugène le soulève, je viens alors l'aider,

-C'est où que tu veux le ramener ? Demandais-je alors.

Eugène réfléchit un instant.

"Ouais attends tiens le moi, faut qu'j'appelle l'équipe voir c'qu'on va faire de lui. L'est clairement pas en état d'venir avec nous voir les fournisseurs."

En s'éloignant, il lui hèle.

"T'fais pas vomir dessus."

Il sort son HCom piraté par Azel et appelle Tilu en lui expliquant brièvement la situation. Tilu s'esclaffe mais il va falloir ramener Scott au port où les autres attendent pour aller voir les nouveaux canons, les munitions et les pièces de rechange. Il revient vers John.

"On va r'venir sur le port, c'pas un trop grand détour pour toi ?"

Je fais un signe de tête pour dire "d'accord" à Eugène quand il me demande de tenir Scott. Faire attention à ne pas me faire vomir dessus ? Ouais, pas, de problème, enfin, j'espère. Je ne fais pas vraiment attention à ce que raconte Eugène dans son HCom, même si j'entends vaguement quelques bribes de sa conversation, mais je suis plus occupé à surveillé l'état de Scott.

-Comme je te l'ai dit, j'ai toute ma journée de libre, alors en avant. Lui répondis-je, près à mettre en route.

"M'est avis qu'tu f'rais un bon pirate."

Il le regarde de haut en bas tout en marchant. Il a repris Scott sur sa propre épaule pour laisser son nouvel acolyte tranquille.

"T'es d'ces gars sur qui on peut compter, pis t'as pas l'air d'rechigner à la tâche et t'as bien vu qu'les factions jouaient d'toute façon pour leur propre pomme."

Il sourit.

"T'as jamais rêvé d'être un pirate pis d't'envoler complètement libre dans l'espace ?"

Un pirate ? Je ne m'étais jamais posé la question, faut dire qu'avant les récents événements qui ont eux lieux dans ma vie, ma situation m'allait très bien. Je l'écoute, tout en réfléchissant.

-Non, j'ai jamais spécialement rêvé d'être un pirate, faut dire que ma situation actuelle est très récente. J'ai pris conscience de tout ça assez récemment quoi. Répondis-je avant de reprendre

-Je ne cherchais pas spécialement quelque chose en venant à Dorado, je voulais juste un nouveau départ.

Il faut que je prenne en compte toutes les possibilités qui s'offrent à moi.

Nous arrivons enfin au port, je suis Eugène, après tout, c'est lui qui sait où il faut aller.

"Attends-moi là beau brun."

Mieux vaut que John ne voit pas l'emplacement du Némésis, au cas-où.Il repart avec Scott sous le bras, le confie à un autre artilleur qui l'emmène sur le bateau, à l'infirmerie. Des tapes dans le dos, des sourires et un grand brouhaha les accompagne comme souvent. Il revient vers John.

"Voilà la p'tite troupe."

La p'tite troupe est composée de physiques, de tailles, de regards, de blessures, d'hommes et de femmes différents, tous avec un air un peu spécial, un peu fou et drôle à la fois, méfiant et difficile de les approcher si on ne les connaît pas. Et parmi eux, Eugène ne détonne plus autant.

"Moi j'te conseille de te trouver un bateau, pis une famille dans c'bateau. Le reste c'est qu'des conneries. T'vas pas t'faire chier pour des guerres qui t'concernent pas. Pour des abrutis qui croient penser bien et qui sont les pires ordures d'la galaxie. Y'en a pas mal que j'ferais exploser d'l'intérieur et j'me ferais des colliers d'leurs tripes sans r'gret."

Le gars qui avait accompagné Scott revient.

"J'vais t'laisser par là, frère cyborg. C'pas que j't'aime pas mais j'dois choisir mes canons pis c'est secret d'état. Imagine qu'tu t'fasses embaucher par une faction, d'autres pirates... ou pire qu'tu rentres dans la Glaçonnière... Mais s'tu veux m'contacter..."

Eugène sort son HCom d'une de ses poches.

"T'as un bidule comme ça ?"

Que je l'attende là ? Ok, pas de soucis, il doit avoir ses raisons.

Il revient un peu plus tard et plutôt bien accompagné, bizarrement, au milieu d'eux Eugène passerai presque inaperçu.

Que je me trouve un bateau ? À voir. Bons, nos chemins se séparent, pour le moment, qui sait ? On se recroisera peut-être.

-Je comprends très bien t'inquiète pas, certaines choses sont personnelles. Répondis-je avec le sourire, puis comme il avait sorti son HCom, je fis de même,

-Oui, j'en ai un et puis oui, comme ça, je pourrai te contacter, ou l'inverse d'ailleurs.

Le maître artilleur laisse ses hommes partir un peu devant. Il se sent bien plus à l'aise et plus calme accompagné des siens, même s'il est un peu à l'écart. Eugène montre son numéro d'HCom et récupère le numéro du gars, sans oublier de faire un selfie avec John. Il l'accompagne d'un clin d'oeil.

"T'inquiète j'suis sûr qu'on va s'recroiser frère robot. C't'écrit dans les étoiles."

Il s'agenouilla vers Hans ou Jack ou Brutus, le chien dont il avait oublié le nom.

"Et fais moi plaisir John, j'suis certain que ce p'tit là pourrait te d'venir d'une grande aide. Apprends-lui quelques trucs  pis fais en un vrai assistant. C'est un bon chien, fort pis qu'a pas l'air trouillard ou méchant."

Il tapote le flanc de l'animal, Bullet se sent plus à l'aise et renifle avec méfiance le chien qu'elle n'osait pas forcément approcher.

Après l'échange de numéros et le selfie, je lui réponds,

-Nous verrons bien, j'aurai peut-être trouvé quelque chose d'ici là, en tout cas, ce sera avec plaisir.

Je l'observe ensuite s’agenouiller vers Karl et je l'écoute, il n'a pas tord et j'ai peut-être une idée, mais faut que j'y réfléchisse un peu plus. Voir Bullet, qui se sent enfin assez en confiance pour s'approcher de Carl, me tire un sourire, quant à lui, Carl est beaucoup moins méfiant, on dirait même qu'il veut jouer, mais ce n'est pas le moment.

-Oui, t'inquiètes pas, je vais y réfléchir sérieusement pour ne pas perdre plus de temps. Dis-je alors.