Au pays des borgnes, les docs sont rois [Billy]

Le vaisseau vibre et ronronne tout autour de lui, comme le font tous les vaisseaux dignes de ce nom. Les pas de l'équipage de quart y résonne plus ou moins selon l'écho des couloirs, entre les interpellations, les mousses qui courent porter des messages ou faire leurs corvées. Partout, la vie a le même goût que toutes ses années passées en vol, entre les étoiles.

Ne manque que Wulf et ses quelques têtes préférées pour que tout soit parfait.

Mais Sarr' est un éternel optimiste, un irrémédiable joyeux luron. Alors il n'en rit pas moins derrière les canons qu'on lui présente et avec l'équipage d'adoption pour les mois à venir. Il tire aux fléchettes dans la salle de repos, lance les premiers paris idiots à base de "je te parie qu'au prochain abordage, je touche pile le point du i du nom de vaisseau" et c'est pas grave s'il n'y a pas de i sur la prochaine coque qu'ils viseront. Il y aura d'autres occasions, d'autres moments.

Puis parce qu'il faut faire mine d'être discipliné, aussi, parfois, le borgne écoute sagement les ordres et conseils pour s'intégrer, les procédures - si si, on a de ça même sur un vaisseau pirate, juste plus ou moins en vrac. Alors une fois présenté au maître artilleur et aux gens d'importance, une fois son sac posé et un grigri ramené du Runny accroché au-dessus de sa couchette, le brun suit sa dernière directive en date et s'aventure dans les couloirs à la recherche du Doc.

Il ébouriffe deux mousses différents et tire la langue à une connaissance avant de trouver la bonne porte et d'y frapper. Puis il attend pour rentrer, parce que bon, sait-on jamais, c'pas top de se pointer dans l'infirmerie si jamais ils sont en pleine opération.

Dodu et moi, on classe nos petites fiches et on range nos affaires. On n'a encore eu personne aujourd'hui, mais on s'ennuie pas. On a beaucoup à faire, dans le vaisseau. On s'active, moi avec ma canne, Dodu en sautillant d'un pied à l'autre. On est tout nouveaux, alors faut aussi qu'on s'intègre et puis, on n'a pas encore pu rencontrer tout le monde. On a hâte de voir les dernières têtes. Heureusement, on a une bonne mémoire, alors pour le moment, on a retenu tous les noms et puis toutes les têtes. Quand ça toque à la porte, on se redresse et on sourit.

- Oui ! Entrez donc, je vous en prie !

Je finis en vitesse ce que j'étais en train de faire, avant de me tourner vers le Monsieur.

- Entrez, entrez, soyez donc pas timide !

Je lui offre mon meilleur sourire - enfin j'essaie, et puis Dodu fait pareil. Je tends ma grande main calleuse pour serrer la sienne.

- Bonjour ! On est Billy et Dodu Jenkins. Et vous, vous êtes qui ?

Le borgne ne se fait pas prier pour passer la porte avec un sourire aussi sage que ses airs de canaille le lui permettent. La doc du Liberty ne lui est pas tout à fait inconnue : un certain rouquin l'a mentionnée à l'occasion, ainsi que son compagnon amateur de framboises.

"Enchanté Doc', enchanté Dodu ! Sarrazin Aguila. Je suis avec les artilleurs."

Il serre la main que lui tend Billy avec énergie, sans trop s'arrêter de parler :

"Les collègues m'ont suggéré de passer faire le point avec vous en plus de me présenter, histoire de faire d'une pierre deux coups. Enfin, si j'interromps rien ?"

Puis aller à la rencontre des gens est loin d'être un souci pour sa sociabilité, alors l'occasion de parler et de faire connaissance tant avec le vaisseau qu'avec les êtres qui lui donnent vie est toujours appréciée.

Le capitaine, il a été très clair avec l'équipage. Il veut pas qu'on nous embête et qu'on soit méchant avec nous. Mais il peut pas trop empêcher les regards horrifiabulés et puis les moues dégoûtées. C'est pour ça qu'on sait jamais trop comment ça va se passer quand on rencontre des nouveaux. Mais monsieur Sarrazin, lui, il a juste l'air content d'être là. Alors nous, on est contents aussi.

- Enchantée, Monsieur Sarrazin ! Vous êtes toujours le bienvenue ici, à n'importe quel moment du jour et de la nuit !

Je me rappelle que dans l'espace, y a pas vraiment de jour et de nuit.

- Enfin, façon de parler, bien sûr ! Je vous en prie, installez-vous : on vous a bien suggéré, c'est bien important pour nous de connaître l'équipage ! Comme ça, s'il vous arrive un p'tit problème ou un plus gros, ben on peut intervenir et hop, vous êtes sauvez !

Après avoir désigné la chaise en face de mon bureau, je fais le tour en boitillant et je rejoins ma place à moi. Dodu reste du côté de Monsieur Sarrazin, et puis il l'observe, en s'approchant. Je sors une nouvelle petite fiche et puis de quoi noter aussi. Je lève la tête.

- Je crois que Dodu trouve que vous sentez bon, Monsieur Sarrazin. Ca s'écrit comment, votre nom de famille ?

"Merci Doc~"

Tirant la chaise qu'on lui désigne, le brun s'installe donc, sourit à un Dodu dont il trouve l'expressivité très humaine. En guise de présentation, il lui tend une main, pas inquiet le moins du monde.

"C'est peut-être les restes d'odeurs de fruits du Runny..."

À force de bosser et vivre dans le bar, les parfums de cuisine et de cocktails doivent lui coller à la peau et aux cheveux, s'être incrustés dans les tissus de ses habits et dans le cuir du bracelet qui ne quitte plus son poignet depuis que Wulf le lui a confié.

"Oh, c'est plus ou moins comme ça se prononce : a-g-u-i-l-a. Et Sarrazin pas comme la farine, avec deux R et un Z" ajoute-t-il joyeusement. "Qu'est-ce que je peux vous donner comme infos, du coup ? Qu'est-ce qui serait utile ?"

Quand il mentionne le mot "fruit", Dodu sautille encore plus. Il est tout fou, mais je sais qu'il fait attention aussi. Et puis Monsieur Sarrazin, il a pas l'air méchant.

- Ooooh, vous travaillez au Runny Amber ? C'est un bien charmant endroit que voilà ! Nous on aime bien ça, ça oui ! Mais du coup... Si vous êtes là... Ca veut dire que vous y travaillez plus ?

La langue un peu sortie, j'écris le nom comme il me le dit, en marmonnant les lettres l'une après l'autre. Quand j'ai fini je pose mon stylo et penche la tête un peu sur le côté pour vérifier que j'ai bien écrit tout droit. Puis, je relève les yeux vers lui, et je l'observe beaucoup, en regardant tous les détails que je peux voir. Je vois, bien sûr, son oeil bandé, et puis je remarque aussi plein de marques de brûlures sur ses doigts.

- Il vous est arrivé quoi, à l'oeil, Monsieur Sarrazin ?

Je renifle alors que Dodu semble enfin se calmer un peu, même si il regarde Monsieur Sarrazin comme si c'était le nouveau Dieu des framboises.

- Et puis à part votre oeil, ben j'ai besoin de savoir si vous avez des problèmes de santé particulier, et tout. Mais avant ça, j'vous en prie, parlez moi donc de vous.

Il sourit quand la mention du Runny allume des étincelles entre eux - le genre chaleureux dans le bon sens du terme. C'est fou comme le bar pourtant ne payant pas plus que ça de mine reste un repère chez nombre d'équipages.

"J'y retourne après cette passe d'armes avec le Liberty. Le Capitaine m'a proposé de me joindre à vous juste pour ce coup-ci... et j'ai promis à Wulf de revenir" explique-t-il tranquillement, adressant un léger sourire à Dodu dans la foulée.

La question lui fait agiter les doigts plein de petites brûlures. Les douleurs fantômes qui l'ont suivi un temps, après l'explosion du Lionroar, se sont tues. Le bourdonnement dans ses tympans, non. Un sourire de canaille pas vraiment repentant n'en étire pas moins ses lèvres. Puis il décide de mélanger les deux questions en vrac.

"J'ai quelques brûlures - les petites de l'apprentissage d'artilleur et de conneries d'ado mais rien de méchant. L'oeil et les brûlures plus étendues, c'est un souvenir de l'explosion du Lionroar, mon précédent vaisseau - pas le premier, pas le dernier, mais le plus marquant pour l'instant. Ah, j'en ai gardé un acouphène aussi..."

Le sourire de canaille s'élargit un peu.

"C'est super pratique comme excuse pour faire la sourde oreille. Et vous, Doc, vous êtes à bord depuis longtemps ?"

J'hoche la tête en écrivant quelques trucs sur la petite fiche du dossier que je fais pour Sarrazin.

- Non seulement vous allez revenir là-bas, mais en plus, vous serez en pleine forme, vous verrez ! Vous vous plaisez, ici, Monsieur Sarrazin ?

Puis, je le regarde quand il me raconte son histoire, et j'écris encore quelques mots. Pas besoin de trop en faire, j'ai une très bonne mémoire pour tout ça. J'le fais plus pour la forme que parce que j'en ai vraiment besoin.

- Bah dites donc, c'est que vous avez du vivre de sacrées aventures ! Z'avez des douleurs qui vous restent, ou bien qui arrivent parfois ? J'imagine que vous avez vu des médecins pour tout ça. J'espère que ça vous ennuie pas trop toutes mes questions, parce que bon, vous devez l'avoir dit et redit encore !

Je lui fais un sourire un peu désolée, mais à la fois, je suis contente qu'il mette de la bonne volonté comme ça à m'expliquer tout ça.

- Vous avez ben raison d'en profiter, ça oui ! Moi aussi, j'suis un peu sourde, alors j'sais bien que c'est pratique parfois !

Je lui souris.

- Ca fait quelques jours qu'on est là, et pis c'est à cause d'un hasard vraiment très hasardeux.

"Yep ! L'équipage est super, et j'avoue que ça m'avait manqué, la vie à bord d'un vaisseau."

Le dicton qui veuille que si l'on chasse le naturel il revient au galop n'est probablement jamais si vrai que pour les pirates -eux qui reviennent au galop vers les combats qui les ont jetés à terre.

"Y'a pas de souci~ J'ai vu un médecin globalement pour la rééducation du côté brûlé. Pour l'oeil, y'a rien à faire mais c'pas grave, il me reste le bon pour viser. Et niveau douleurs..." Il se gratte la tête, pas du genre à prêter attention à ça, honnêtement. "Peut-être un tiraillement de temps en temps ? Je fais pas super gaffe, je vous avoue..."

Le sourire par lequel il répond à la doc se fait complice en trouvant en elle quelqu'un d'aussi un peu sourd et aussi décidé à en jouer.

"Oh, vous savez Doc, je crois que c'est les hasards hasardeux qui ont les pirates, le plus souvent. C'était quel genre de hasard très hasardeux, pour le coup ?"

- La piraterie, il paraît qu'on a ça dans le sang ! J'sais pas trop si Dodu et moi on a ça vraiment dans le sang, mais vous savez, quand on a commencé à voyager dans l'espace intergalactique, ben on a plus voulu lâcher le ciel - à moins que ce soit le ciel qui veuille plus nous lâcher, on sait pas trop. Et puis le liberty est super chouettissime !

Je me reconcentre sur ma petite fiche et je marque ce qu'il me dit. C'est bien pratique quand on doit intervenir en urgence. Et puis pendant qu'il parle, j'hoche la tête, et Dodu m'imite. Il comprend pas tout, mais il sait très bien ce qui se passe, ça oui.

- Ah, si vous faites pas gaffe, ça veut dire que ça vous gêne pas trop trop ! C'est plutôt bon signe, ça. Et vous avez des allergies, ou bien des soucis maladifs dans votre famille ? Dites, je peux vous examiner ?

Et puis, je me redresse sur ma chaise et je lève la tête vers le plafond.

- Dodu et moi, on était sur Hope pour quelques jours, parce qu'on a notre famille là-bas et puis on aime bien soigner les gens aussi. Et puis, y a madame Ni'oh qui a été blessée, et y a quelqu'un qui nous connaissait et qui est venu nous chercher. Alors on l'a soignée, et puis le capitaine a voulu qu'on rejoigne le vaisseau.

"Dans le sang je sais pas... Je dirais qu'on l'a dans le coeur, la piraterie. Mais p'têtre que ça revient au même, un peu."

Après tout, le coeur est cette espèce de carrefour à sang, non ? Du coup la piraterie y passe forcément, tôt ou tard, y brûle en flamme fixe entre les ventricules ou en feu liquide dans les artères des forbans.

"Oui, bien sûr. Et pas d'allergies que je sache, pas de maladies récurrente... On est juste un peu tête brûlée, mais je crois que y'a pas de diagnostic formel pour ce genre de truc" plaisante-t-il.

Un sifflement appréciateur accompagne la chute du récit. Si les mots sont simples, pour l'artilleur, il y a toujours quelque chose d'impressionnant chez ceux qui guérissent et construissent là où ses facilités à lui s'orientent vers les explosions.

"Eh bah... Bien joué ! Vous avez bien fait d'accepter, c'est une belle aventure, la vie de pirate. Puis le Liberty est un bon navire."

- J'vous crois sur parole, m'sieur Sarrazin ! C'est qu'vous êtes un plus pirate que nous, pour sûr ! Et pis l'coeur, c'est la vie, c'est l'amour, c'est le boum boum ! J'trouve ça ben chouette, ça oui !

Je lui souris quand il accepte de se faire examiner, et puis je termine de noter trois ou quatre trucs sur son dossier rien qu'à lui, avant de m'approcher de lui.

- Les brûlures, j'soigne ça hyper bien ! Mais vous brûlez pas trop trop la tête non plus ! Et puis faites attention, parce que nous, on veut pas de morts, ça non ! La mort, c'est pas très très gentil, ça non ! Allez-y, faites AAAAAH ?

J'observe le monsieur Sarrazin, et puis je choppe mon stéthoscope pour lui écouter les battements du coeur. J'pose sur son coeur, et puis j'écoute.

- Vous avez raison, votre coeur, il bat comme un pirate ! Alors c'est bien dans le coeur, l'amour des pirates. Woooah.

Je lui souris sincèrement. Il est gentil, ce monsieur-là.

- Dodu et moi, on a toujours aimé ça, la liberté. C'pour ça qu'on a jamais eu de travail fixe aussi, parce qu'on veut voyager, vous voyez. Et du coup, quand on nous a dit que c'était le Liberty, et puis qu'il voyage partout, et puis avec le capitaine qui est très gentil, nous on a pas pu refuser. C'est qu'il a un chouette machin, l'capitaine ! Vous savez, dans son regard !

"Promis, je ferai hyper gaffe. En plus, si je meurs, Cathwulf va me tuer" plaisante-t-il en indécrottable trompe-la-mort.

Quoi que. Après tout, si quelqu'un est capable de le ramener d'un hypothètique au-delà pour l'enguirlander, ce serait bien Wulf.  Coupé dans son débit d'âneries par un "faites AAAAAH", il obéit presque sagement et se plie à l'examen.

"Ah ça, pour voyager, avec le Liberty, vous allez être ravis ! Et mieux, vous allez voyager en bonne compagnie, et probablement dans certains coins qu'on atteint pas sans un équipage pirate~"

Il devine instinctivement la nature du "chouette machin" qui l'a attiré lui aussi, comme un papillon vers une ampoule - ou une explosion.

"La Flamme."

Comme en réponse, la sienne s'allume dans son oeil unique et s'enroule dans les nuances de sa voix.

"Ils sont pas nombreux, ceux comme lui, chez qui elle brûle aussi fort."

J'hoche la tête, un peu rassuré parce qu'il a l'air de bien vouloir faire attention, et moi j'aime bien ça, les gens qui veulent bien faire attention et puis qu'on doit pas sauver de la mort à tous les coins de la galaxie, ça oui. Même si on aime bien sauver, et bah c'est mieux quand les gens vont bien, pas vrai ?

- On a bien hâte de voir ça, Dodu et moi, ça oui ! C'est qu'on est tout excitouillés de s'embarquer dans une aventure comme ça ! On a bien voyagé, mais pas comme ça, ça c'est sûr !

Et puis quand il parle de la flamme, je penche un peu la tête sur le côté. J'suis pas trop familière avec ça, ça non. C'est que, j'ai dû en entendre parlé une ou deux fois peut-être, mais j'ai jamais compris c'que c'était qu'cette bête là.

- La flamme ? J'sais pas trop trop c'que c'est, ça non. Vous l'avez, vous, la flamme ? Et moi, vous croyez que j'l'ai aussi ? Et Dodu ? C'est ça, le truc des pirates ?

J'crois comprendre qu'on est un peu comme des moustiques, attirés par la lumière, et puis c'est sûr que c'est bien ça qu'il dégage, le capitaine ! Mais nous, on a aussi un peu d'cette lumière là, ou pas ? Je braque de grands yeux curieux sur lui, parce que j'ai très envie d'en savoir vraiment plus !

Il rit doucement en entendant l'enthousiasme dans la voix du Doc', d'un de ces rires qui partagent une même énergie - parce qu'il a voyagé, lui, qu'il est né dans cette aventure mais qu'il ne s'en lasse pas, des années après. Au tout fond de lui, il le sait, il ne s'en lassera jamais.

"Faites gaffe, quand on y prend goût, on ne veut plus voyager autrement~"

Il hausse les épaules avec une mimique rieuse face au flot de question, pas vraiment expert surtout quand il faut poser des beaux mots sur l'évidence qui brûle au creux de ses côtes.

"C'est le truc des pirates, oui, et tous les bons pirates l'ont, de ce que m'a dit mon vieux quartier-maître. Mais on la voit pas tous. Les plus vieux la devinent et recrutent comme ça, mais pour le reste d'entre nous, c'est plus une sensation. Pour moi, c'est naviguer en équipage, presser la détente quand je suis aux canons, trinquer aux victoires."

Et Cathwulf, et l'équipage à terre qu'est le Runny, bizarrement, aussi.

"Après j'sais pas si je l'explique bien. Un vieux de la vieille vous le dirait probablement mieux" avoue-t-il. "Et puisque Dodu est pirate aussi, je suppose que ça veut dire qu'il a une Flamme comme le reste d'entre nous~"

Le petit avertissement de Monsieur Sarrazin, il nous fait pas peur. On aime bien ça, la sensation de liberté et puis tout ça. Et pour le moment, on est vraiment bien ici, ça oui ! Peut-être qu'on se lassera un jour, et puis peut-être pas. On sait pas trop encore, mais ça a pas trop d'importance, et puis, on vient juste d'arriver !

- Zut, ça veut dire qu'on va être des pirates toute notre vie ?

Je dis ça avec un sacrément grand sourire, ça oui ! Dodu et moi, on aime ça, être des pirates. Des pirates de l'espace ! Et puis son explication de la flamme, je la trouve chouette, même si je comprends pas encore tout. Je demanderai à monsieur le capitaine, parce qu'apparemment, lui il en a une sacrément grande de flamme !

- T'entends ça, Dodu ? On a la flamme !

Mais Dodu, il se pavane déjà, tout fier, alors moi, je ris.

- C'est que nous, on aime ça, et puis, la liberté aussi. Ca oui, la liberté, c'est vraiment très très chouette. J'crois que c'est ça qu'on ressent, là.

Et puis je fais claquer mes mains.

- Moi je crois que j'ai bien fini de vous examiner, Monsieur Sarrazin. Vous êtes tout en forme !

Incorrigible rieur, le borgne prend son plus bel air dramatique, soupire d'un ton que dément son oeil pétillant. La piraterie finit rarement par un "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants", il le sait. Elle explose en gerbe de feu silencieux entre les étoiles ou meurt sous les condamnations et les huées, le plus souvent. Il souhaiterait ce destin avant tout autre à tous ceux qu'il apprécie, pourtant.

"J'ai bien peur que vous soyez des nôtres défitinitivement" rigole-t-il.

Sur un sourire chaleureux, il se redresse à l'annonce de la fin de l'examen, l'air aussi canaille qu'à son habitude.

"Merci Doc', Dodu. J'vais faire de mon mieux pour le rester~"

Pas que l'infirmerie et ses propriétaires ne soient pas accueillants, mais lui préfère y passer pour des visites de routine et pour papoter que par nécessité... d'autant que son dernier séjour en aile médicale, pour la perte de son oeil, a fait son quota pour encore quelques années d'après son estimation aussi personnelle que douteuse.

"Et encore bienvenue parmi nous !" ajoute-t-il sur le seuil, avant d'adresser un signe de main d'au-revoir et de rejoindre son poste.

Moi et Dodu, on aime sapristouillement bien Monsieur Sarrazin, ça oui. C'était une ben chouette visite qu'il nous a faite là, et puis on est ben heureux aussi de pouvoir profiter de sa présence pendant quelques temps. Il est superbouillement gentil, et puis nous, on le trouve chouettissime. Il se dirige vers la sortie, parce que nous on a fini, et puis on lui fait aussi un signe d'au revoir avec de grands sourires.

- Revenez donc nous voir quand vous l'voulez, même si vous êtes bien en forme !

Un rire joyeux répondit au duo de docteurs depuis le couloir, esquisse de promesse de revenir jongler avec ce qui trainerait à portée de main et papoter.

"C'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, ça - ou dans la bonne !"

Les mains dans les poches et le coeur léger, l'artilleur s'éloigna d'un pas tranquille pour regagner son poste, sifflotant complètement faux une chanson de taverne.