M'sieur, vous avez perdu votre chemise [Wulf, Dodu & Billy]

La soirée, elle est passée vraiment vite. Dodu et moi, on s'est bien amusés. Il y avait des framboises, des gens joyeux, et le tavernier strip-teaseur. D'ailleurs, on a soigneusement gardé sa chemise. Au début, on a hésité à l'emporter, comme un souvenir de cette jolie soirée, mais on a pensé qu'il voudrait sûrement la récupérer. Alors on a attendu que la taverne se vide, que l'ambiance se calme et que le jour se lève. Je rougis encore un peu en pensant à la façon dont le tavernier nous a lancé sa chemise... Mais Dodu pousse un cri, et ça m'aide à reprendre mes esprits.

- Oui, oui, on ira racheter des framboises après... Mais cette fois, tu les mangeras pas toutes, hein ? Si tu crois que je t'ai pas vu tout à l'heure...

Dodu essaie de protester, mais il sait bien que je l'ai vu. Alors il essaie de détourner l'attention, en faisant comme s'il avait rien entendu. Je lève les yeux au ciel et je ris aussi. Et puis je récupère ma canne et nos affaires, avec l'aide de Dodu, et on se met en quête du tavernier. J'ai sa chemise dans ma main libre. Lentement, on retourne au Runny Amber. Je pousse la porte, et on entre.

La soirée s'est dans l'ensemble bien déroulée et l'argent récupéré valait bien un dénuement somme toute amusant. Il n'en ferait pas son métier – si tant était qu'on lui demande, il était grand et musclé mais couvert de cicatrices dues à l'explosion...et aussi à quelques bêtises avant. Il s'est rangé depuis. Mais redevenir, pour un soir, jeune et con lui avait fait du bien.

Il avait remit son pantalon, ses chaussettes et ses chaussures alors que les serveuses encaissaient les traînards et rangeaient les tables et les chaises. Cela sentait l'alcool renversé, la sueur, le tabac. Pendant les quelques heures de fermeture, les assainisseurs d'atmosphère cachés dans le plafond tourneraient à plein régime. En attendant, lui ne rêvait qe de rentrer à la maison rassurer sa mère et pioncer quelques heures. Après, ce seraient l'ouverture et un nouveau soir. A voir si ses bêtises lui avaient fait de la pub ! En attendant, il voulait bien retrouver sa chemise. Il se dirigea tourna sur lui-même. Il l'avait lancée où déjà ? Ah oui sur une fille aussi laide que le cul de son frère avec du rouge à lèvre. Y avait que le singe de passable. Il retrouva la table et se mit à chercher.

Je cherche timidement le tavernier du regard, osant à peine entrer. Dodu est blotti dans mon dos, et c'est lui qui pousse un petit cri en voyant l'homme. Je le vois à mon tour, et il est toujours torse nu, ce qui a pour effet de me refaire rougir, parce que je repense à la façon dont il a envoyé sa chemise sur nous. Je m'approche de lui.

- Heu, monsieur ?

Je me racle la gorge pour essayer de reprendre un peu mes esprits.

- Pardon de vous déranger, mais on vient vous rendre votre chemise. On l'avait prise avec nous pour éviter qu'elle s'abîme, v'voyez... Mais maintenant heu... Voilà.

Une voix le fait se retourner et il se retrouve nez à nez avec l'affreuse de la soirée. Elle est encore plus laide de près dites donc ! Il sait pas ce qui lui est arrivé mais en plus de pas être gâtée par la nature, elle a une cicatrice sur la tronche qui lui va nettement moins bien qu'à Sarrazin et qui n'a pas été faite par une explosion de moteur, ça c'est sûr. Elle a été élevée par des loups ou quoi ? En plus elle parle au nous, c'est trop bizarre. Mais elle a sa chemise et c'est une cliente et il aurait personnellement détruit quiconque aurait dit un truc méchant sur sa tête de cul de Kaiji alors il va pas se le permettre. Il colle un sourire commercial sur son visage et, malgré ça, il n'y a rien de moqueur dans ses yeux malgré la surprise de sa mocheté qu'il n'a pas pensée à cacher.

« Oh. Ben euh merci. Vous avez passé une bonne soirée hier ? »

J'ai toujours la chemise dans les mains, un peu gênée par la situation. Je suis pas très à l'aise avec cet homme, et en plus, je vois qu'il me regarde bizarrement. Y a des fois comme ça, où je me demande comment aurait été ma vie si j'avais été jolie. Mais je chasse très très vite cette idée de ma tête, parce que c'est pas grave. Dodu est aussi intimidé que moi par la situation, et il sort à peine sa tête de derrière mes épaules, si bien qu'on le voit pas sauf si on fait très attention. Quand il me pose sa question, moi je souris et j'hoche vivement la tête.

- Oh oui ! Vous avez été vraiment fabuleux, et puis votre endroit-là est un endroit très chouette, pour sûr ! Et puis on a vraiment beaucoup aimé vos boissons.

Même si ça manquait un peu de framboises.

- On n'était jamais passé chez vous, mais on reviendra. Pas vrai Dodu ?

Dodu répond pas. Il continue à fixer le monsieur, et moi je me gratte la tête avec ma main trop grande et calleuse, tenant ma canne et la chemise de l'autre.

- Ben quoi, t'es pas aussi timide d'habitude !

« Je suis content que le Runny vous plaise. Vous êtes bienvenue quand vous voulez. »

Une cliente est une cliente, moche ou pas. Il ne fait pas dans la discrimination, surtout quand elle fait perdre des sous. Et les gens moches boivent et mangent autant que les autres. Parfois plus pour oublier,qui sait ! Pas lui, il n'avait pas la tête à faire les comparatifs des conso hier. Elle tend pas la chemise et a l'air ennuyée. Il continue à sourire s'habituant peu à peu à son visage, la laissant prendre son temps. Elle veut ptet un autographe ? Ca l'amuse. Vraiment, la nuit dernière a été...spéciale.

« Dodu c'est votre singe c'est ça ? Il aime les fruits ? J'ai une ami qui a un Capucin qui en raffole, il passe son temps à me faire du charme pour que je lui en donne. »

Je souris de toutes mes dents. Je sais pas trop s'il est sincère, mais c'est pas souvent qu'on nous dit qu'on est les bienvenus, ça non. Le Runny Amber est un endroit très joli, et l'ambiance qu'il y a là est vraiment chouette. Et puis, on n'a pas eu de problèmes pour le moment, alors on est contents de pouvoir y retourner.

- Ah bah ça ! C'est sacrément gentil m'sieur.

Et puis il s'intéresse à Dodu, qui le regarde toujours timidement par dessus mon épaule. Je tourne la tête vers lui, alors qu'il reste silencieux.

- Bah alors Dodu, t'as mangé ta langue ou quoi ?

Je me retourne vers l'homme.

- On adore les fruits, mais surtout les framboises et le jus de myrtilles. Peut-être que ça le mettrait plus à l'aise si vous lui donniez un petit fruit... J'sais pas ce qu'il a, vraiment !

L'avarice a court terme se dispute quelques secondes avec le sens du commerce à plus long terme dans la tête du Tavernier pendant qu'il pèse rapidement les pour et les contre. Le pour c'est qu'il est sincère, il veut pas coucher avec, il veut qu'elle revienne dépenser de l'argent, elle est donc bienvenue et sera protégée des moqueurs par ses videurs comme tous les autres. Le contre c'est que les fruits c'est pas gratuit. Quoi qu'on y repensant, il une barquette de framboises un peu fripées mais encore tout à fait mangeables dont il avait prévu de faire de la compote et qu'il peut utiliser. Au prix des framboises quand même.

« Il doit me rester un quartier de pomme d'hier soir si vous voulez. Il est un peu marron à cause de l'oxydation mais totalement comestible. »

Il se retourne vers son bar, posant nonchalamment la chemise sur une table, tout en réfléchissant encore. La pomme, il la voulait pour la compote justement, pour qu'elle se tienne. Bah.

« Et s'il oublie d'être si timide, je pourrais peut-être sortir des framboises de ma manche, qui sait. » ajoute-t-il, oubliant qu'il est toujours torse nu.

On continue à regarder l'homme, et quand il mentionne la pomme, puis les framboises qui sortent de sa manche, Dodu bondit brusquement, et va vers lui, en cherchant au niveau de ses poignets s'il y aurait pas des framboises qui se seraient perdues. Brusquement, il est plus du tout timide.

- Ah bah, c'est des manières ça, Dodu.

Il m'ignore complètement, et puis il regarde l'homme avec des yeux de Gorl'k frit. Je mets mes mains sur mes hanches, en tenant toujours ma canne dans l'une d'elle.

- On va finir par croire que je te fais mourir de faim, gros gourmand.

Je relève les yeux vers l'homme torse nu.

- Il s'est enfilé tout notre stock de framboises hier, pendant la soirée. Enfin, je l'ai aidé. Faut dire qu'on était captivés par ce qu'on voyait, ça oui. Mais d'ailleurs, vous faites souvent des soirées spectacles comme ça ?

Le singe se met immédiatement à chercher les poignets, oubliant sa timidité. Il a un truc avec les animaux il faut croire – les Wynnstan mis à part mais le Wynn est une espèce très particulière de bestiole – et il sourit avec indulgence au manège du capucin avant de se forcer à reposer ses yeux sur la moche. Le singe est nettement plus agréable à regarder, c'est certain, sauf que c'est pas lui qui paye.

« Vous en faites pas, il a pas l'air maltraité. »

Il ne comprend pas très bien pourquoi elle se justifie mais c'est pas important du tout. Au pire, lui des fruits il peut en vendre hein. D'ailleurs...

« Si vous voulez, comme j'utilise des fruits dans mes cocktails, on peut discuter d'une formule pour une assiette de fruits pour Dodu quand il viendra vous accompagner avec nous. » c'est pas très standard sa phrase mais le sens y est. Profit. Il aurait du y penser avant d'ailleurs, peut-être que ça pourrait plaire à Ni'oh aussi comme idée. Il aimait bien plaire à Ni'oh.

« Mais pour répondre à votre question, on a souvent des soirées avec de la musique et de la danse mais le spectacle non, pas vraiment. » Il avait besoin d'argent et une tournée générale sur une clientèle comme ça lui avait rapporté beaucoup. Vraiment. De quoi gâter les petits. « Je ne suis d'ailleurs pas certain de le refaire. Je ne pense pas que ça apporte grand chose à l'établissement. »

J'ouvre de grands yeux plein de surprise.

- Oh ça non qu'il est pas maltraité ! Dodu, c'est mon meilleur ami, alors ben, s'il avait des ennuis, je serais vraiment vraiment pas contente du tout, ça non. Mais tu vas bien, hein Dodu que tu vas bien ?

Et Dodu me regarde et il vient se serrer contre moi. Et puis on est à nouveau intéressé par le Monsieur.

- Voilà une bien chouette idée ! Chouette chouette chouette ! T'entends ça, Dodu, une assiette spéciale pour toi ! C'pas merveillationnel ?

On est tout excitationnés. C'est bien la première fois qu'on nous propose quelque chose d'aussi chouette que ça. On est tellement contents qu'on est même pas super déçus quand on apprend qu'on reverra plus le joli monsieur presque tout nu.

- Ces soirées-là doivent être très bien aussi, c'est sûr ! Vous avez vraiment une chouette ambiance. Mais dites moi, j'me suis pas présentée. Je suis Billy, et lui, c'est Dodu. Billy et Dodu Jenkins. Et vous, vous êtes qui ?

La moche, elle semble pas avoir pigé le second degré en plus. Elle a du souffrir dans son adolescence parce que déjà les ados sont cons et méchants, il en sait quelque chose, il n'a jamais dépassé vraiment dépassé cette période, bloqué dans la colère du jour où on lui a détruit son père. Dodu de son côté n'est pas beaucoup plus intelligent mais il est affectionné, et c'est beaucoup parce que ça veut dire que malgré les blagues pas drôles, les insultes, les cailloux et l'absence total de second degré, la moche ne déteste pas l'humanité et n'est pas devenu violente ni mauvaise. En soi, c'est un miracle. Sûr qu'à sa place, lui aurait décidé de détruire le monde pour s'en venger. Par chance, il n'est pas elle.

« Et bien si c'est merveillationnel, je l'intitulerais comme ça. L'Assiette Merveillationnelle, spéciale de fruits frais et secs pour les amoureux du grignotage et leurs amis à poils. »

Après tout, il en achète déjà plein pour ses cocktails, des fruits et s'il peut doubler la marge rien qu'en les coupant en petits bouts dans un assiette il veut bien. Donner des noms privés a des plats ou des cocktails pour inciter les gens à revenir ou les faire se sentir privilégiés c'est une méthode qui marche bien et qui ne le dérange absolument pas, d'autant plus que les mots, c'est pas trop son fort à lui.

« Cathwulf Searuweard mais on m'appelle le Patron le plus souvent parce que mon prénom est compliqué. »

Dodu et moi, on a les yeux qui brillent. Il est drôlement gentil, le monsieur presque-tout-nu.

- L'assiette merveillationnel, chouette, chouette, chouette ! T'entends ça Dodu ? On a notre assiette à nous !

Dodu il pousse des cris d'excitations, et puis moi je rigole. On est vraiment très très heureux, et c'est sûr que maintenant, on reviendra souvent ici, ça oui !

- Merci, monsieur Cathwulf. C'est joli, Cathwulf. Ca a une origine particulière ? J'ai jamais entendu un tel prénom avant, ça non. Et pourtant, j'peux vous dire que j'en connais, des gens aux noms originaux !

Elle a l'air extatique la jeune femme et c'est bien, ça veut dire qu'elle reviendra et mettra un point d'honneur à payer très cher l'assiette bon marché qui porte le nom qu'elle lui a donné. Sans parler des autres pirates amoureux des animaux qui pourraient trouver l'idée bonne. Bien. Quelques fruits deci, delà en plus ça ne changerait pas grand chose aux frais, bref, à simuler mais ça avait l'air d'une bonne idée.

« Ca vient de l'Union. C'est un très vieux prénom. Mes parents aimaient bien les trucs vieux et compliqués. De mémoire, c'est un poète des temps anciens ou un truc comme ça, je sais pas trop. Vous connaissez quoi comme noms originaux ? » répond le tavernier en tendant la main vers sa chemise.

- C'est ben chouette ! Vos frères et soeurs aussi, ont des prénoms originaux, alors ? Et pis moi, c'que je connais d'original, c'est surtout des prénoms mojat. Mais vous savez, on dit qu'on est toujours l'original de quelqu'un d'autre ! Enfin, Dodu et moi, on a l'habitude de ça, et puis ça nous convient bien comme ça.

Et alors qu'il prend sa chemise, mon regard tombe sur son bras mécanique. Ca, c'est un truc que j'aimerais bien savoir faire aussi, pouvoir m'occuper des membres mécaniques. Je peux faire un petit truc pour les nerfs et la peau autour, mais la mécanique, on y connait vraiment rien de rien.

- Ca fait mal, ça ?

« J'ai un frère qui s'appelle Nynniaw, un autre qui s'appelle Wynnstan et ma petite sœur s'appelle Sunnyifu, c'est la seule qui n'ait pas de double-vé. Mais entre nous on dit Wulf, Niaw, Wynn et Sunny. Je préfère les prénoms mojat, je vous avoue, je les trouve terriblement musicaux. Mais Billy Jenkins ça fait très union corporatrice non ? Si ce n'est pas indiscret. » Il enfile la chemise, content de se couvrir un peu avant de regarder sa prothèse.

« Pas vraiment, ça m'a fait mal quand un médecin trinitaire m'a remis les nerfs en place et parfois j'ai l'impression de ressentir mon vrai bras mais sinon, c'est pas douloureux. Par contre il se dérègle tout le temps, c'est une infection. Je ne compte plus le nombre de verres qu'il a cassé. »

Je l'écoute avec beaucoup d'attention, et Dodu aussi. On a jamais entendu des prénoms comme ça, c'est vrai. On est sûrs que maintenant, si on entend parler d'un d'entre eux, ben on pourra les reconnaître tout de suite. Des Cathwulf ou des Wynnstan, y doit pas y en avoir deux dans toutes les galaxies, ça c'est sûr.

- Et puis vous monsieur Cathwulf, vous êtes le seul sans "y". Au moins, c'est certain que vous êtes les seuls à porter ces prénoms-là. Moi je préfère ceux-là aux noms mo'ats, mais vous avez très sûrement raison, ça oui.

Je suis pas vraiment très objective, parce que moi, je me souviens avoir eu un prénom mo'at, avant. Et puis ça me rappelle pas de bons souvenirs. J'entends pas la musique, mais encore les cris et les pleurs. Ca, c'est pas très joli. Mais je hausse les épaules et je souris encore.

- Très juste, monsieur Cathwulf. Mes parents viennent de l'Union Corporatiste, et puis moi aussi. J'ai grandi sur Hope jusqu'à ce que je commence à voyager. Mes parents vivent toujours ici, d'ailleurs. C'est bien peut-être pour ça qu'on a jamais vu votre jolie Runny Amber avant.

Je continue à fixer la prothèse, qui a pas l'air toute jeune, et puis ce qu'il me dit me le confirme un peu.

- Si y a bien un truc pour lequel j'y connais rien, c'est ce genre de mécanique-là. J'imagine que ça doit pas être bien compliqué, mais votre machin a l'air capricieux !

Raison il sait pas, quoi que si, il sait, il a toujours raison, bien évidemment. Cela dit, elle marque un point auquel il n'avait jamais pensé, habitué qu'il était à entendre les prénoms résonner dans la maison. Il est le seul à ne pas avoir de y. Révélation. Peut-être parce que la folie de cette lettre est arrivée après la naissance à moins que ce ne soit pour marquer les enfants conçus après le mariage... Cathwulf avait toujours été impatient dans la vie et même, d'après papa quand il allait bien, de la vie. Il eut un sourire à ce souvenir qu'il balaya rapidement.

« Il est capricieux parce que c'est un vieux modèle de base. » Et parce qu'il refusait d'aller aux révisions prescrites tous les trois mois mais outre que c'était cher, ça demandait du temps qui était cher, lui aussi. Il n'avait pas de sous à gâcher pour des bêtises pareilles. Son argent était pour ses cadets. A la rigueur pour la famille étendue. Minipouce, Noor, Sarrazin. « Les trucs haute gamme sont super précis et peuvent rajouter des sens comme de meilleurs réflexes par exemple ou bien des trousses à outil ce genre de chose. Ou même imiter totalement la peau. Je connais une fille qui est spécialisée dans les prothèses si vous voulez. Elle passe souvent le soir prendre un verre... » ou des bouteilles la connaissant « alors si vous voulez que je vous présente, ça ne pose pas de soucis. » et ça ne coûte rien.

Je le regarde me donner toutes ses explications. Je sais que moi, j'ai mes prothèses d'yeux qui sont un super modèle, si ce n'est le meilleur modèle qui existait sur le marché quand on me les a faites. J'ai pas trop de problèmes avec elles, ça non. Elles me servent bien correctement, et elles m'aident beaucoup beaucoup.

- Et vous voulez pas un modèle haut de gamme, vous ? C'est-à-dire que vous devez sacrément bien gagner votre vie avec votre super renommée et puis tout le monde qui vient vous voir ! Moi aussi, j'ai des prothèses. Et puis, c'est vrai qu'ça change la vie ces trucs-là, quand c'est bien fait. Mais ça doit être péniblou pour vous, que ça se déréglationne toujours !

Et puis je réfléchis un instant à sa proposition.

- Ce serait sapristouillement chouettissime, dites donc ! C'est que, on est plutôt sacrément doués pour la mécanique du corps, mais alors la mécanique machiniste, on y connait rien de rien de rien, ça non. Vous pensez qu'elle voudrait bien nous apprendre deux ou trois trucs, dites ?

"Je n'en sais rien, il faudra voir avec elle. Et boire avec elle aussi. La plupart des marchés ici se font autour d'un verre ou d'une bouteille de rhum, c'est la coutume." Une coutume pirate et qui l'arrangeait bien car il fallait bien se l'avouer, il avait un business à faire tourner. Et pourtant, ce n'était pas la seule raison du conseil. Ivrogne, Silène apprécierait de se faire payer un verre et ça pourrait bien la mettre de bonne composition envers la moche. Car faut bien avouer qu'elle est pas franchement le genre de personne avec qui on aimerait causer sobre. Il hausse les épaules.

"Je préfère mettre mon argent de côté. C'est une question de priorité finalement. J'ai perdu mon bras, j'assume, ce n'est pas grave, il y a pire dans la vie. Avant de m'en repayer un autre de meilleure gamme, je préfère veiller à ce que mes frères et soeurs puissent faire de bonnes études, s'acheter des maisons, se marier. Et puis je veux que s'il m'arrive quelque chose de pire, ils ne se retrouvent pas sans rien. Alors ouais, c'est chiant le bras mais franchement, on fait avec."

On a rien contre l'alcool, ça non, mais ça a un goût fort et amer que nous on aime pas trop. On préfère la grenadine ou le jus de fruit, et puis parfois un peu d'alcool sucré et doux, et puis c'est tout. La plupart du temps, c'est sûr que nous on boit vraiment pas de chez pas, mais c'est pas très grave.

- Dodu et moi, on aime pas trop ça le rhum, sauf le bon rhum avec des fruits dedans. Mais s'il faut ça pour pouvoir discuter avec cette madame, alors on le fera, ça oui !

Et puis je le regarde avec de grands yeux admiratifs.

- Waaaaah. C'est sacrément beau c'que vous dites là, sapristouile ! Ca se voit que vous les aimez et puis que vous feriez n'importe quoi pour eux. J'ai jamais eu de frères ou de soeurs, mais si j'en avais eu, j'aurais bien aimé qu'on s'entende comme ça aussi, et puis qu'on soit tous prêts à s'entraider pour avancer. C'est aussi très courageux de votre part ! Dodu et moi, on va travailler durs pour être encore meilleurs, et puis un jour, on pourra aussi aider les gens comme vous qui ont de la mécanique au corps, ça oui !

Je fronce légèrement les sourcils et puis je lève un peu le poing, déterminationnée comme presque jamais. C'est pour ça que je suis médecin, après tout. Pour aider les autres. Et puis lui aussi, je veux l'aider.

« J'vais vous dire, tant qu'elle elle peut boire son rhum j'peux vous servir un de nos punchs hein. Tant qu'il y a du rhum dedans je pense que les apparences sont respectées. » La patronne du Rusty était de toute façon trop imbibée pour s'en rendre compte la plupart du temps mais elle était vraiment douée dans son domaine et il aimait mettre les gens en contact. Après, ils lui étaient reconnaissants – alors que ça lui coûtait rien, au contraire, ça faisait des consos et ça ramenait des gens dans son établissement, tout bénef – et il pouvait échanger plus tard cette reconnaissance en services. C'était d'ailleurs en partie pour ça que les autorités ne lui cassaient pas les pieds avec son bar à pirate. Il avait pris contact avec les bonnes personnes et s'arrangeait pour qu'elles restent reconnaissantes.

Devant l'admiration de la moche, il enfouit ses doutes concernant ses frères et sœurs, surtout l'aîné des cadets qui était rentré dans l'armée et dont il ne savait absolument pas quoi faire. Que l'on croit les Searuweard soudés malgré leurs dissensions pouvait être important au final. Il y a des blessures qu'on exhibe et d'autres que l'on cache. Il sourit.

« Si vous cherchez un cobaye de bras, on peut le négocier en framboises pour Dodu ! » Après tout, une aide gratuite (ou contre deux framboises trop mures pour être vendues) ça ne se refusait jamais.

Quand il parle de punchs, moi je souris encore plus. On aime bien ça l'alcool, à petite dose, et avec des fruits.

- Oh bah, ça oui oui oui ! On a bien hâte de goûter ce que vous faites comme punchs. Vous le faites vous-mêmes, maison ? C'est vraiment gentil à vous tout ça, et puis ce sera avec plaisir que je regarderai votre bras, surtout si y a des framboises ! Enfin, je regarderai votre bras quand je connaitrais un peu plus sur la question, bien sûr.

Je réajuste mes sacs sur mon dos.

- En attendant, moi, je peux regarder tout partout tant qu'il y a de la vraie peau et de la vraie machine humaine et pas de machines machiniques. Alors si vous avez besoin de quoi que ce soit, faut pas hésiter, ça non ! C'est qu'on vient souvent par ici, Dodu et moi.

« Faudra voir sur la carte, on a plusieurs sortes de cocktails à base de rhum avec des fruits et des épices de renaissance et tout. » Et la, la fille elle lui parle de vrais soins, genre des soins de Docteur. Il ne sait pas à quel point elle est douée la moche mais c'est une offre qui est vraiment généreuse si c'est vraiment ça qu'elle offre. Sauf qu'il a déjà son medic perso et que jamais il demanderait de conseils à quelqu'un d'autre que Wynnstan. Ca lui ferait trop de mal, il en est sûr. Le petit a besoin qu'on lui fasse CONFIANCE, paraît. Et comme la médecine c'est tout ce qu'il sait faire, jamais Wulf n'irait voir quelqu'un d'autre.

« J'y penserais si j'ai besoin mais j'vais être franc avec vous, j'ai mon frère qu'est docteur et c'est plutôt lui que je vais embêter voyez. »

- Vous avez pleiiiin de trucs chouettissime, ça oui ! Il est un peu tôt maintenant pour ce genre de boisson-là, et puis, j'aime pas trop boire de l'alcool avant le travail, et je vais travailler après. Oh, mais je suis pas pressée, vous en faites pas !

Et puis quand il me parle de son frère, j'ouvre à nouveau de grands yeux.

- Ooooh ! Lequel de vos frères ? Wynnstan ou bien Nynniaw ? J'espère bien que j'écorche pas leurs prénoms, ça non ! Mais c'est toujours vraiment très chouette de connaître les noms d'autres médecins, vous savez ! Et puis, c'est bien pratique pour vous ça, d'avoir votre propre médecin à la maison ! Mon papa, il dit que je suis sa p'tite doc' à lui. Et puis vous, vous avez votre p'tit doc à vous !

Je suis très enthousiasmée par tout ça et je gesticule un peu dans tous les sens. Dodu, il me le fait remarquer, parce qu'il aime pas ça, quand je gesticule dans tous les sens. Après, j'ai mal partout, alors c'est pas rigolo. Du coup, je me calme un peu.

- Alors j'imagine que vous allez pas avoir besoin de nous, ça oui. Mais si jamais un jour, votre p'tit doc à vous il est pas là, oubliez pas que nous on peut bien vous rendre ce p'tit service-là.