D'en bas nous ne pouvons que monter

Première décade depuis mon arrivée sur cette planète. On ne peut pas réellement dire que j'ai le mal du pays, ni de terre. Mais je ne m'y sens pas chez moi, pourtant je n'ai pas non plus cette sensation normalement familière qui me pousse à partir. Un sentiment, ironiquement opposé à mon nom, me rend inconstante et fugitive. Dois-je encore fuir l'Unique ? Drôle d'idée, il me semblait que j'étais partie à sa recherche. Ses silences me font parfois presque l'oublier. Ma rencoeur me fait encore le détester, peut-être qu’inconsciemment j'essaie de le renier, cependant le rejeter serait m’amputer une partie de mon âme...

J'avais, lors d'un précédent jour de repos repéré quelques boutiques vendant des vêtements à bon prix. Je ne déteste pas forcément mes habits, mais ils sont vieux. Et quelque part j'ai la sensation de commencer une nouvelle vie, enfin. De mettre le pied dans quelque chose de nouveau, alors je veux me renouveler aussi.

C'est prise dans ses pensées que je ne réalisai pas qu'il me restait des marches à gravir. Un homme particulièrement pressé me fit un peu valser. N'ayant pas d'appuis, évidemment, je perdis l'équilibre et dévalai sur l'escalier de pierre. Arrivée en bas je ne bougeai pas tout de suite. La chute m'avait paru durer une éternité, quelle tête en l'air je fais. J'avais vraiment mal sur mon flanc droit et les idées encore secouées. Des visages me regardaient, que fait une enfant sur le sol, je me repose voyons. Je me relavai donc afin de disparaître aux yeux de la foule.

Soudainement je n'avais plus très envie de reprendre ces escaliers, j'irais plutôt sur le marché. Chaque pas me faisait mal, j'avais envie de rester en boule à terre, mais je me forçai à avancer comme si de rien n'était. J'irais plutôt dans mon lit finalement. J'espère ne rien m'être cassé, je ne pourrais plus travailler sinon et le Patron va... Même si ce n'est pas cassé il me faut absolument être opérationnelle dès demain pour le service. Ce n'est rien Constance, tu as mal mais ça passe. Ça passe toujours ! Il ne manquerait plus que ce soit une farce de l'Unique, je lui ai souvent manqué de respect. Me puni t'il enfin ? C'est cruel et bas. Je pouvais débuter enfin quelque chose, et me poser. Oui, sans vous Seigneur, êtes-vous devenu jaloux ?

Heureusement que ces pensées restent muettes. La plus part des gens me diraient qu'il s'agissait d'une simple bousculade. L'Unique n'existe pas. Il n'y a que les hommes et leur attrait pour tout rendre complexe. Je me moque pourtant je n'arrive jamais à me rendre les choses simples.

En'theven avait fini ce qu'il avait à faire, mais il supportait finalement assez mal de rester enfermé sur le vaisseau alors que les heures passaient avant le départ. Il se fondait alors dans la foule bigarrée de la trois fois cité, les trois quartiers de malheur. Des factions qui ne cherchent qu'à séparer. Ses yeux regardent sans observer, il est perdu dans ses pensées. Un léger mouvement de foule le fait réagir pourtant. Une femme qui tombe.

En'theven reste silencieux en observant la pauvre hère se relever, boitillant. Comme toujours, chacun s'en moque. Monolithe dans le flot aveugle d'une foule trop occupée, il juge silencieusement chacun de ceux qui passent à ses côtés. A commencer par la personne qui avait bousculé en partant sans rien dire. Il se retrouvait dans chacune des âmes ici, pourtant. On ne sait trop voir sans s'y brûler les yeux. Ceux qui s'occupent de la misère sont les idéalistes et les fous.

Son grand corps se fendit de mouvements lents pour se diriger vers celle qui boitait. Fou et idéaliste. Un peu des deux. Il proposa son bras gauche avec un sourire doux tandis qu'il se penchait vers elle.

"Vous n'allez pas arranger votre pied ainsi. Vous feriez mieux de vous asseoir quelques instants."

Mon corps se figea d'une manière dont je n'avais jamais expérimenté. Il n'y avait aucune contention physique, ni menace, pourtant j'avais comme reçu une flèche givrée dans le torse qui immobilisa mon corps. Cependant je ne pourrais pas dire que cela me glace. Au contraire, cela ne fait même pas mal.
Je me saisis de ce bras, d'un homme que je ne connais pas. Il existe encore des personne ainsi ? Soucieuse ? Je suppose qu'il y en a. Le Patron a beau s'accrocher aux chiffres, dans le fond il est bon.

Tout en me laissant guider pour m’asseoir, j'ai un très grand sourire. Je me sens un peu idiote d'ailleurs. La douleur finit par me rappeler à l'ordre. J'essayai de conserver un semblant de sourire en espérant qu'il ne passe pas pour un rictus.

- Merci bien pour votre bienveillance. J'ai l'impression que c'est une denrée rare par ici.

C'est une grande ville. Il l'accompagne avec un sourire.

"Ils pensent tous que quelqu'un d'autre s'occupera de vous."

Ils ont mieux à faire, ici. Dans l'U.C., les gens sont moins frénétiques. Plus aimables.

"Les grandes villes sont cruelles à ce point."

En'theven fixe la cheville, elle ne présente pas des signes encourageants, tandis qu'elle enflait lentement.