Une totale liberté de penser cosmique vers un nouvel âge réminiscent

C'est pas la panique à bord, mais c'est un peu tendu quand même. Seik'el a sous les yeux les listes de doléances de tous les autres officiers pour les approvisionnements qui seront nécessaires avant et probablement après l'abordage de l'Incognita, et ça fait pas mal de choses. Beaucoup trop à son goût, les caisses vont prendre cher, sans parler du fait qu'elle pourra pas tout trouver dans les délais, c'est évident. Vivres, médicaments, soins de toutes sortes, uniformes corporatistes et trinitaires pour donner l'illusion de ce qui doit l'être, armes, munitions, équipements, carburant, outils, pièces, pièces, pièces, et oh, surprise ! encore des pièces. Foutus mécanos. Peuvent pas faire un peu plus attention ? Ils réalisent pas, eux, le prix que coûte le moindre boulon... alors ces foutus filtres de triphaseur ! En plus y a pas mal de pièces qui coûtent une blinde dans le tas... Elle en est à se demander si Valmont aurait pas profité de l'occasion pour charger le bon de commande et réclamer des trucs dispensables. De dépit elle se renverse en arrière sur sa chaise avec un gros soupir, fixant le plafond avec découragement.

"Déeeesse... qu'est-ce que je vais pouvoir faire de lui..." elle gémit lourdement.

"Je ne sais pas. Lui pardonner son offense et t'excuser d'être insupportable ? propose une voix féminine dans sa tête. La voix est omniprésente, pleine de vie et de pouvoir.

"Comment ça insupp..." qu'elle commence, vexée, en se redressant. Mais y a personne, personne de visible du moins. "...hein ?!" elle s'étrangle en se rendant compte tardivement que la voix, elle est pas comme les autres voix. Comme si elle venait de partout et nulle part, mais surtout de sous sa tête.

Un instant elle se demande bêtement si elle va pas faire une attaque, par hasard, et puis finalement non, son cœur bat à nouveau. Elle regarde partout autour d'elle, aux aguets, un tambour dans les oreilles.

Insupportable, c'est mot que vous employez pour définir les personnes comme toi qui décident de pourrir la vie de tout un équipage parce qu'un pirate membre de cet équipage lui a fait des avances une fois alors qu'il avait bu comme ça arrive à beaucoup de pirate. Je pourrais dire peste limite... mais comme tu es sage avec les autres... je vais me contenter d'insupportable.  continue la voix comme si de rien n'était. Est-ce que c'est plus clair pour toi ?

Maismaismais... Mais. Pas de mais. Elle est pas sûre de comprendre ce qui se passe mais elle est absolument certaine que, quoi qu'il se passe, vaut mieux pas contredire la voix.

"...oui ?" elle tente en levant un regard humblement piteux vers le plafond, vivante image du chaton crotté qui comprend pas quelle grosse, grosse bêtise on lui reproche.

On verra plus tard pour envisager d'être ou non d'accord, hein, mais les mots qui brûlent au bord de son cœur sans qu'elle ose tout à fait les admettre la poussent pas du tout à envisager la négative.

Tu me poses une question donc je te réponds. Certes on aurait pu commencer sur un pied plus solennel. Mais j'avoue que tu m'horripiles un peu en ce moment ma fille. reprend la voix. Comprend bien que je t'apprécie énormément et que je suis fière de comment tu as traversé l'adversité. Mais concernant Valmont, je suis déçu par ton comportement même si je le comprends.

De tout ça Seik'el retient surtout deux mots. Horripile. Déçue. La Dame lui parle, parce que qui ça peut être d'autre que la Dame hein, la Dame lui fait l'honneur indicible de lui parler, et c'est pour lui dire qu'elle fait n'importe quoi. La peau de la métisse passe par la moitié des couleurs de l'arc-en-ciel avant de se fixer sur un carmin qui jure un peu avec les bijoux verts qu'elle porte ce jour-là.

"Pardon..." elle pense tout bas à la Voix, toute ratatinée sur sa chaise.

C'est pas à moi qu'il faut le dire. J'apprécie ta personnalité de feu, elle est comme je les adore. Et jamais je te forcerais à apprécier quelqu'un qui te revient pas. Mais je me demande si le reste de l'équipage mérite de vivre tout ça. Et je parle même pas de ton capitaine. Dire qu'au départ je voulais vous faire un cadeau en faisant croiser vos chemins.... mais je me suis peut-être trompée. elle soupire. Elle voulait que le capitaine De Nieves dispose des moyens de ses ambitions. Pour le moment en tout cas.

Elle le savait ! C'est tout juste si elle le crie pas, mais la pensée, diffuse, non formulée, puissante comme la marée montante, noie son esprit de gratitude. Elle a déjà prié bien sûr, beaucoup, longtemps, pour remercier la déesse, mais on a beau croire dur comme pierre, supposer dans le vide et avoir une confirmation directe de la principale intéressée c'est clairement pas la même affaire. Ca fait oublier la honte qu'un instant pourtant, le temps de l'aiguillon, et Seik'el fonce encore un peu. Elle se trouve pas méchante avec l'équipage elle pourtant, mais si même Calypso le dit, alors...

...ah non hein, non non non ! Depuis quand les déesses ça se trompe ?! Elle est raide comme une planche soudain Seik'el, et encore plus foncée si c'était possible.

"Non ! C'est moi qui... je vais... faire quelque chose."

Elle sait pas quoi, mais elle va trouver. Aller voir Valmont, peut-être.

Faire quelque chose... c'est une idée oui. Tant que tu le fais correctement et avec le bien être de ton équipage à l'esprit. Et celui de ton capitaine aussi au passage. dit-elle ensuite visiblement amusée par la situation. Et si tu fais correctement les choses ... sans doute que je t'apprendrais comment prier et le genre de miracle que je suis prête à faire pour aider ton navire et sa cause.

Y en a au moins une qui s'amuse... C'est sûrement ce qu'aurait pensé Seik'el si elle avait été observatrice extérieure, mais comme là elle est partie prenante de l'histoire, et pas celle qui s'amuse, elle enregistre tout religieusement avec des yeux de plus en plus arrondis et brillants tournés, faute d'interlocuteur visible, vers le plafond.

"J'aimerais tellement." qu'elle murmure, oubliant d'un coup que c'est pas la peine de parler.

Pas son style de dire "c'est mon vœu le plus cher depuis toujours", pas en état de quantifier l'honneur qui lui est fait... pas en état non plus de se dire que la Dame, elle est généreuse, mais à la fin elle fait un peu ce qu'elle veut quand même. Parce que "si tu fais correctement les choses"... c'est vaste, comme estimation. Elle fera ce qu'il faut, c'est tout, comme à chaque fois, quitte à bouffer des barreaux de chaise pour pas hurler. Comme avec l'alphabet, les livres de comptes, les courbatures, les crampes et les blessures.

- "Oui je fais un peu ce que je veux." dit-elle toujours souriante dans la voix. "Et toi, ne te contente pas de vouloir, agit. J'aide ceux qui s'aident."

"Oui."

Et ce "oui" vaut tous les serments du monde.

C'est que quand elle se lève que la métisse réalise qu'elle pleure. Elle s'essuie précipitamment les yeux, étalant sans s'en rendre compte son maquillage noir, va pour sortir... et puis se ravise, revient et embarque la liste des demandes des mécanos avant de sortir, presque en claquant la porte.