May our Flames never die

La soirée s'annonce calmement au Runny - pour le moment. D'expérience, le barman devine que si la course de SpeedRacer détourne les clients partis parier ou encourager leurs pilotes préférés, une bonne partie ne sortira des gradins que pour mieux atterrir ici, à discuter stratégie et prouesses techniques. Sifflotant joyeusement, le borgne s'aventure dans la réserve pour refaire le plein de fruits frais nécessaires pour les cocktails avant le rush.

À sa sortie du local, une cagette d'agrumes dans les bras, une silhouette attire son attention - et, plus encore que la forme, il devine la Flamme, comme un phare dans la nuit. Il n'en prend pas moins le temps de déposer son chargement derrière le bar avant de faire signe à la serveuse qu'il se charge de la prise de commande du Capitaine Stackborn.

" 'soir Capitaine ! Qu'est-ce que je peux vous servir, ce soir ?"

Ton enjoué et professionnalisme se disputent dans les intonations alors que le borgne poursuit :

"Le patron a spécifié de vous laisser de côté une bouteille de ce rhum de Renaissance de la dernière fois, et on a eu un arrivage sympa d'une cuvée d'Alegria, en plus des habituels de la carte."

Conrad profite du début de soirée calme. Les hommes sont allés voir la course ou des filles de joies. Les femmes de l'équipages.... s'occupent comme elle le veulent bien. Il regarde pas trop, la dernière fois il en a eu pour ses frais avec Aliénor. Faudra qu'un jour il prenne le temps de lui expliquer que c'est lui le capitaine.... un jour.

En attendant il entre dans le RA. Un lieu où on peut jouer du piano, boire du bon rhum et finir à l'étage en charmante compagnie si on le veut. Bref tout ce que peu désirer un pirate. Il se dirige vers le bar et alors qu'une serveuse venait à lui elle est intercepté par le barman. Le fameux Sarrazin.

- bonsoir. répond en souriant légèrement le grand pirate. Le rhum des petits producteurs de Renaissance, le reste a un goût de sang et de sueur.

Sûr qu'il préfère boire du rhum produit sans que des esclaves aient donné un peu de leur vie pour le faire. Pas toujours facile mais quand il peut il boit du rhum libre. Il vient se poser au bar et observe le barman d'un peu plus près. Son œil perçant cherche cette lueur qu'il apprécie chez les hommes. Et il la trouve sans mal. Aussi brillante qu'elle peut l'être pour un homme à terre. Un Flamme que quelques mots bien placés peu parfois embraser. Parfois non. On ne sait jamais et c'est ce qu'aime Conrad. L'incertitude dans la certitude.

Un hochement de tête appréciateur prend en note le choix du capitaine.

"Un rhum libre, un."

Les doigts mouchetés de brûlures piochent de derrière le comptoir un verre propre et un dessous de verre. Le barman sort de son casier dédié aux habitués la bouteille, en verse une généreuse lampée aux reflets ambrés. S'il pose le récipient devant son client d'une façon tout à fait classique, il ne résiste pas à la tentation de faire glisser le long du comptoir le ramequin d'amuse-gueules qu'ils réservent à leurs habitués. La coupelle pirouette un peu mais glisse sur le bois vernis jusqu'à s'arrêter pile à portée de main.

"Et voilà pour vous, Capitaine~"

Un léger coup d'oeil à la salle lui confirme que les serveurs gèrent les quelques clients présents. Nonchalant, il s'accoude au comptoir.

"Vous ne vous êtes pas laissé tenter par la course de SpeedRacer ?"

Conrad tend la main et pioche dans les amuses-gueules. Mais c'est surtout l'autre main qui importe, celle qui vient prendre le verre pour le porter à sa nez dans un premier temps. Il hume donc ce rhum qui apporte des senteurs de liberté. Il est très sensible à l'aspect psychologique lorsqu'il boit pour apprécier.

- boit avec moi. C'est ma tournée. annonce le capitaine qui boit seul ou non selon son humeur.

Pour le moment il préfère être accompagné. Il n'a pas bu grand chose aujourd'hui. Aliénor lui a encore souffler dans les oreilles.

- C'est une belle taverne que vous avez là. dit-il sincère. Et les courses officielles ne m'intéressent pas.
Je préfère les activités qui se passent loin des yeux officiels.

Certes il en a déjà parlé au propriétaire. Mais ça fait pas de mal de le dire aux employés aussi. Surtout quand il sacrifie un peu ça Flamme en l’occurrence.

Avec un sourire, le borgne se sert un verre également, s'installe non loin. Après tout, le bar est calme, la conversation tentante et ce genre de proposition ne se refuse pas, tant bien même la fréquentation des ses collègues pirates tend à attiser le besoin de repartir dans l'espace. Un léger rire échappe à l'artilleur à la dernière remarque et il secoue la tête, amusé.

"Les officiels gâchent souvent la fête - sauf peut-être quand il s'agit de faire quelques passes d'armes avec eux."

Mais c'est bien la seule utilité que le brun peut leur trouver : le reste du temps, il se sent globalement très peu concerné par leurs lois et décrets. En attendant, il lève son verre :

"Aux officiels et à leur absence, surtout ?" propose-t-il.

Il lève son verre et trinque avec son petit sourire tranquille. Il est bien dans ce genre d'endroit. C'est comme une deuxième maison.

Aux officiels et leur absence. répète-t-il.

Pour une fois que ce n'est pas lui qui lance le premier toast. Ca le change un peu. Le barman est fait pour être pirate pas tavernier. C'est un peu du gâchis mais il a de bonnes raisons semble-t-il.

- Pas trop dur d'attendre avant de repartir ? demande Conrad.

Lui ne pourrait. Pas dans l'état actuel des choses en tout cas. Il a besoin de naviguer.

Les verres se trouvent dans un tintement. Nonchalant, le brun porte le sien à ses lèvres pour une gorgée. Les parfums épicés se répandent dans son palais alors qu'il se fend d'un sourire de canaille.

"Ça démange, clairement. Le Runny est une forme d'équipage, mais il manque de canons" plaisante-t-il, l'humour atténuant l'aveu. "Mais je sais que je repartirai, ça aide. 'faut juste convaincre un certain entêté."

Le grand jeu de convaincre Cath de reprendre la voie des pirates n'est pas un secret, pas ici. Sarrazin soupçonne les habitués de tenir des paris sur la date de l'éventuel départ.

"D'ailleurs il paraît que votre escale touche à sa fin, Capitaine, non ?"

Le rhum fait du bien par où il passe et le Conrad est plutôt satisfait pour le coup.

- Il a une famille. La piraterie c'est trop risqué à son goût. Je peux ... concevoir. dit le capitaine.

Après tout il a été retenu à terre par sa femme. Et comme il ne sait pas ce qu'est une famille de sang. Il ne saisit pas trop la profondeur des liens associés. Il aurait aimé pour sûr. Mais le destin en a décidé autrement. Certains considèrent leur équipage comme une famille. Mais il perd trop de membre à chaque abordage pour tisser des liens aussi fort. A la limite ses officiers.

- on part bientôt. il est temps que les canons tonnent à nouveaux et que l'or coule à flot. dit-il avec un sourire pirate typique mélangeant excitation et appât du gain.

"Pas plus que quand il a commencé, techniquement..." objecte-t-il.

Non, il en est certain, ce n'est pas le goût qui retient Wulf à terre sinon un sens du devoir... qu'il lui faut bien comprendre. On ne laisse pas tomber potes et proches, c'est tout. Le borgne laisse cependant le sujet s'éloigner et le départ proche le dérider. Dans les mots du Capitaine, il peut presque percevoir les détonations des canons, la tension exaltée qui précède tous les abordages. Un frisson de nostalgie court le long de son échine.

"Vous avez déjà une idée de sur qui les faire tonner ? Ou vous verez selon ce que les courants spatiaux vous amènent à croiser ?"

Conrad sourit doucement. Le sourire entendu de l'homme qui est sur une affaire. Les yeux brillent et il se délecte à l'avance. Même si ça sera tout sauf simple.

- J'ai un plan. Un très bon plan pour faire une action d'éclat qui fera parler d'elle dans toutes les tavernes. dit-il tranquillement.

Il n'ira pas plus loin par contre, c'est dangereux de parler à ça à terre. Sans doute que Jaziel désapprouverait même la simple phrase qu'il vient de prononcer. Mais Jaziel ne sait pas ce qu'est le panache non plus. Alors au diable la prudence à outrance. Il s'arrête là est c'est déjà beaucoup.

Un plan. Les meillleures aventures commencent comme ça avec un plan - celui vers un trésor, vous diront les vieux récits, mais l'artilleur est de ceux qui pensent que les butins enfouis sont moins grisants que ceux que l'on prend en bras de fer de maestria et de valeur. Un sifflement entendu lui échappe, enthousiasme par procuration.

" 'faudra que vous passiez nous raconter ça à votre retour, alors. C'est toujours plus intéressant d'avoir des récits de première main~"

Il prend une nouvelle gorgée de rhum pour noyer la curiosité qui n'en pétille pas moins dans son unique iris azur.

Conrad est amusé par le barman. C'est un bon gars de ce qu'il peut en juger. Après ce n'est pas sa grande spécialité de juger les gens.

- Je viendrais promis. Mais ce qui est encore plus intéressant c'est de vivre l'aventure. rétorque le capitaine.

Non pas qu'il désire recruter l'artilleur mais avoir des pirates coincés à terre quelque soit la bonne raison ne l'enchante pas. Les pirates sont fait pour parcourir l'espace, piller les marchands, sauver la veuve et l'orpheline... et plus si affinité. Bref ils n'ont rie à faire à terre.

Le brun secoue la tête dans un froissement de boucles brunes. La promesse de récit sonne bien, mais moins que la tentation nostalgique de l'aventure. Sous ses phalanges marquées par toute une existence de pirate, il peut presque sentir la légère résistance d'une gâchette, deviner l'odeur de métal chauffé par les tirs.

"Ah ça... Ce n'est pas moi qui vous dira le contraire, Capitaine."

Les récits n'ont pas la même saveur, clairement.

Conrad sourit sereinement parce qu'il sait que lui sera au milieu du tumulte pendant sa prochaine aventure. Il est un peu triste pour ce pirate attaché à terre, rongeant son frein et attendant que Wulf se décide.

- tu devrais peut-être prendre des vacances ? Tu reviendrais fin Natcer dans environ 2 mois. propose Conrad.

Il boit doucement son verre de rhum et regarde la réaction de son interlocuteur. Il a tendu la perche à voir si le poisson mord.

Un vieux reste d'impulsivité datant du Lionroar lui rugit au travers de ses acouphènes de partir - là, maintenant, et peu importe où tant qu'il y ait des canons et des détonations. De retourner aux étoiles et à la piraterie qui l'ont vu naître. Une part plus mesurée le retient de justesse.
Parce qu'il y a Wulf, qui est foutu de dormir avec son livre de comptes en guise d'oreillers si tant est qu'il dorme en son absence.
Parce qu'il y a le Runny, qui est presque comme un équipage et qu'on ne trahit pas un équipage.

La tentation n'en sous-tend pas moins tout son être, ravive la Flamme mal étouffée de terre.

"Damn. Vous savez parler aux artilleurs, Capitaine."

La boutade n'atténue pas le tiraillement de sa loyauté et de l'aventure qui se disputent le fin mot. Le verre de rhum complètement oublié, Sarrazin tourne son oeil unique dans la direction des cuisines et autres antres de Wulf. Les doigts mouchetés tambourinent contre le bois.

"Je peux pas partir sans au moins en discuter, cela dit. Ça s'fait pas de lâcher son équipe sans préavis, même temporairement. Vous avez dit que vous repartez quand, déjà ?"

Il ne sait pas s'il sait vraiment parler aux artilleurs. Il a toujours du mal avec Aliénor. Sans doute parce qu'elle aime beaucoup trop crier à tort et à travers. Mais il sait parler aux pirates.

- c'est une grande aventure. Et j'ai potentiellement une jeune serveuse pour votre taverne. Un mo'at qui mérite qu'on s'occupe bien d'elle mais qui pourra travailler avec énergie. précise Conrad. Je la présente demain à Wulf.

Il espère que ce sera un argument supplémentaire.

- On part après demain. C'est pas long deux mois. qu'il renchérit.

Après-demain. Une remplaçante potentielle pour le service dès demain. Pour les cocktails, il pourrait probablement demander à l'une des premières serveuses qu'ils aient embauché de seconder Wulf, il lui semble qu'elle a un petit peu d'expérience pour mixer. Et certes, ça se fait toujours pas trop de lâcher son équipage mais pour deux mois... Il sera revenu avant d'avoir eu le temps de manquer, non ? Sous les questions, la Flamme brûle, chaleureuse et exigeante.

"On s'occupe toujours bien de nos employés, Capitaine, elle sera bien ici" lui assure-t-il avec un sourire.

Le personnel du Runny a l'habitude de prendre soin des siens, et il est de notoriété publique que le patron en personne veille au grain.

"Je vous cache pas que c'est terriblement tentant. 'Faut quand même que j'en parle à Wulf, pour pas pourrir son organisation. Est-ce que je peux vous donner une réponse demain, quand vous reviendrez avec la miss ? Ou est-ce que ce serait trop galère pour vos plans de recrutement ?"

Conrad était souriant, il le devient encore plus.

- Bien sur qu'il faut que tu en parles à Wulf. Mais ça serait dommage de raté une chasse au trinitaire. il a l’œil brilant le capitaine. Mais j'ai quand même une question très importante. Tu supportes les grandes gueules ?

Parce que Aliénor c'est particulier quand même.

Un haussement de sourcil mi amusé mi sérieux suit la question. Le sourire du borgne se teinte d'une pointe de malice tout à fait bénine.

"Je suis artilleur. Supporter les grandes gueules, c'est presque dans la description du job, Capitaine."

Têtes brûlées, téméraires et autres forts caractères de tous genres finissent souvent derrière les canons, de son expérience - ou peut-être assez généralement chez les pirates. Son tempérament jovial s'en accommode généralement sans souci.

Conrad est content de l'entendre le dire. C'est vrai que les artilleurs sont parfois difficiles à vivre et c'est une généralité qui s'étend à tous les navires pas seulement au sien. Même si parfois il se demande s'il n'a pas tiré le pompom avec Aliénor.

- tant mieux alors ça va bien se passer. dit le capitaine pleinement satisfait.

Pour la peine il lève son verre pour trinquer.

Au Liberty.

"Au Liberty."

Il lève son verre complètement oublié avec la proposition, boit une gorgée avec la lenteur qui convient pour apprécier et le rhum et cette perspective nouvelle. À nouveau, il lui faut un effort pour ne pas demander ce en quoi consiste cette chasse au trinitaire.

"Elle est comment, notre peut-être future serveuse ?" demande-t-il plutôt pour ne pas céder à sa curiosité.

Conrad boit son verre rapidement comme souvent. Il en apprécie pas moins le rhum. Mais c'est une mauvaise habitude qu'il a pris lors de sa déchéance et il ne parvient pas à s'en séparer complètement. Il n'est pas un ivrogne fini heureusement sinon il ne pourrait pas être capitaine. Mais il ne peut pas non plus se passer de sa dose d'alcool. C'est comme ça.

La petite.... c'est une bonne question et il prend le temps de réfléchir.

Je sais pas encore si elle est totalement décidée.Sinon elle est trop belle pour son bien. Une ancienne esclave mo'at. Elle servait de concubine au maître de maison. Elle s'en remet à peine. Donc faudra être gentil avec elle. explique Conrad.

Derrière l'unique iris visible, les pensées se poussent et se bousculent, basculent follement en valse où la promesse de l'aventure le dispute aux considérations plus raisonnables. Le goût du rhum encore collé au palais, le borgne repose son verre pour écouter la description.

"On fera attention. Les serveurs plus expérimentés ont l'habitude, on leur dira de l'orienter vers les tables calmes."

Le coin des adeptes de speeder et de fléchettes recèle en général un public plus occupé à parler visée et mécanique qu'à embêter les filles. Une nouvelle gorgée glisse entre les lèvres du forban.

"Puis nos habitués savent qu'il vaut mieux pas embêter le personnel. C'est un coup à prendre une main ou un poing dans la figure."

Et quand le contrevenant insiste vraiment et que le poing en question est de métal, c'est le jackpot.

Conrad hoche de la tête plutôt satisfait de la réponse. Mais il n'en attendait pas moins de l'équipe de Wulf. Donc il espère juste que la petite va se décider. Même s'il n'est sur de rien avec elle.

- C'est parfait tout ça. Il ne reste plus qu'à discuter avec ton pote et tu pourras sentir à nouveau la bonne odeur d'ozone autour des cannons qui viennent de faire feu. sourit Conrad.

Il s'envoie un autre verre parce que le rhum est bon et que dans ces cas là on ne compte pas.

Le borgne finit son verre et le repose. Le contenant tinte d'un son clair contre le bois du bar alors que le barman vérifie du coin de l'oeil que le petit groupe de clients qui arrive est bien pris en charge par une serveuse.

"J'irai parler à Wulf dès la fin de mon service, histoire de vous donner une réponse au plus vite" assure-t-il.

Alors que la liste de commandes des derniers arrivés atterrit sur le comptoir, il la saisit nonchalament et adresse un sourire au pirate.

"Avec votre permission, Capitaine, 'faut que je m'occupe des boissons de ces messieurs...