Échec et mât. [Jez']

Voilà, c'est ici.
La ville pirate, Tortuga. Ce n'était pas difficile à trouver, bien que les Pirates soient en dehors des sentiers battus et perçus par les différentes factions comme des hors-la-loi, leur repère n'était pas la récompense d'une longue quête sans fin. Dès qu'il posa pied à terre, il admira l'ambiance régnant sous la cloche de la piraterie. Des tavernes remplies, des rues agitées, des hommes essayant de faire entendre leurs arguments en haussant la voix et levant les poings. Une musique folle couvre ce brouhaha, elle est enivrante et guida Miguel jusqu'aux portes d'une taverne au bois massif. De cette bâtisse se dégageait une aura puissante, il ne saurait dire si la beauté de l'espace se reflétant sur les vitres donnait cette illusion, mais il fut certain de trouver ce pourquoi il venait. Ici, là dehors sous la bulle il se sentait dans un décor familier. Et puis, dedans il sentait des tables de jeu et sa poche cliquetait de crédits demandant à être défiés.

La taverne des cinq, pourquoi ce nom. Miguel eu vaguement entendu les histoires et légendes pirates dans des salles miteuses de vaisseau de l'Impérium. Des soldats ricanant des mythes.
Il y avait une salle dominant ce repère, il pouvait apercevoir des personnes, probablement des Capitaines à en juger les tenues et le charisme dégagé. Il put apercevoir son destin. Une femme, dont la beauté ne pouvait se contenter de mots. Une femme, aussi belle que terrifiante.

Il se fit dévisager quelques instants par les pirates présents. Oui messieurs, vous ne le connaissez pas. Pas encore. Vous aussi vous le respecteriez et craindriez. Pour l'instant il a un rendez-vous avec une Capitaine. Comment savoir qu'il s'agissait d'elle ? A vrai dire l'attaque aux abords d'Oscuro était si osée que cela ne pouvait que d'être elle. Rapidement, à l'aide de rhum, il fit connaissance avec les habitués. C'était donc le Némésis. Les pirates ivres étaient assez facilement exploitables, Miguel est charismatique et put avoir assez de renseignements pour identifier le vaisseau qu'il avait vu et ainsi avoir la confirmation du Capitaine. Jezabel Alvarez.

Il sorti un papier et dessina un résumé de l'attaque, et corrigea soigneusement la tactique. Oui il y avait eu des manquements. Une attaque manquant de rapidité, de fluidité. Ils auraient pu venir à bout des deux vaisseaux et remporter un butin d'autant plus grand.
Miguel arriva devant la mezzanine et fut stoppé par un pirate aux airs peu recommandables. Ici c'était privé. Mais rien n'est inaccessible quand nous avons suffisamment de détermination. Il montra son dessin et ordonna de lui laisser voir la Capitaine. Chose qui lui fut accordée.

Il s'installa près d'elle, un échiquier entre eux. Il lui posa sa dame blanche, et installa son roi noir. Miguel posa son papier à vue de la Capitaine.

- Nous commençons ?

Tortuga. Encore. Nous nous y retrouvons fort souvent, ces derniers temps ; peut-être à cause d'une certaine lassitude que je puis ressentir parmi les rangs de mon équipage. Il est vrai que nous sommes fort occupés, et que le repos est toujours le bienvenue. Il serait dommage de les priver d'une récompense fort méritée, après quelques combats follement menés. Cependant, il ne s'agit nullement de l'unique raison de ma présence. D'autres capitaines m'entourent, maîtres de différentes frégates, toutes vouées à demeurer bien au-deçà de la grandeur du Némésis. J'ai choisi de m'attabler au sein de cette taverne en ce jour, pour la simple et bonne raison que j'attends quelqu'un. Quelqu'un qui a su d'ores et déjà éveiller ma curiosité. J'attends avec une impatience certaine d'en apprendre davantage à son sujet.

Enfin, il entre ; beau, dégageant un charisme certain et une assurance qu'il affiche avec fierté. Quelques hommes tournent la tête vers lui un instant. Sans doute aurait-il pu hypnotiser une salle entière. Droite et fière, les jambes élégamment croisées, je l'observe avec intensité. Quels étranges secrets cet homme dissimule-t-il en son sein ? Voilà un mystère qu'il me faudra dissiper au plus vite. Il s'approche, sans que nos regards ne se quittent. Mes hommes se montrent réticents à le laisser passer, néanmoins, ils finit par parvenir jusqu'à moi.

- A vous l'honneur, Monsieur Belasko. Quelques rumeurs courent selon lesquelles vous êtes un homme surprenant.

Je me penche très légèrement en avant, et je susurre :

- Surprenez-moi.

Miguel ne releva point le compliment. C'en était un. Comment qualifier le fait qu'une Capitaine pirate de renommée puisse connaître un simple stratège au sein d'une faction parmi deux autres. Depuis six longues années il n'avait eu que des postes mineurs. Oui, envoyé loin. Lui, un excellent élément, dans une galaxie qui ne voulait reconnaître son talent. Alors il avança une pièce. Une simple ouverture. Pouvez-vous envisager ce qu'il pourrait suivre ? Un mouvement de pion, certes. Ne pas négliger les charges cavalières et héroïques. Miguel songeait déjà aux prochains coups. A vrai dire il s'était déjà planifié diverses stratégies en fonction de la réponse.

Un plan ne se fait pas sur le tas, il se prépare. Bien sûr Miguel ne pouvait pas dire ce qu'il adviendrait de son pion, ni des pièces adverses. Mais il savait qu'elles tomberont toutes. Il sait qu'il laissera toutefois un plaisir à la Reine. Sa liberté, jusqu'à qu'elle se fasse traquer puis mise à terre. Bien sûr son intention n'était nullement d'humilier, mais de prouver ses capacités. A quoi bon n'être qu'une vulgaire pièce quand nous avons l'étoffe d'une pièce maîtresse.

Il passa doucement la main dans sa barbe afin de la caresser. Oui il avait noué son long bouc avec son bijou préféré. Une subtile bague d'argent aux motifs arabesques. Il esquissa un sourire et ne quittait les yeux de la belle femme que lorsqu'il avait à jouer un coup. Il fallait être rapide, dans la bataille l'adversaire ne laisse pas de répit.

J'observe l'homme avec une attention toute particulière. Sa réputation est discrète, néanmoins, mon oreille est fine lorsqu'il s'agit de dénicher de nouveaux talents. Il s'agit sans nul doute d'une de mes activités préférer. Un sourire sur les lèvres, mon regard glacé figé au creux du sien, une flamme ardente commence à brûler en moi, tandis que la partie démarre. Je n'ai jamais prétendu être douée aux échecs. Néanmoins, je sais suffisamment jouer pour pouvoir reconnaître une personne dont l'esprit logique surpasse la moyenne. S'il est là, ce n'est guère en vain. Je hais perdre mon temps plus que tout.

Il entame la danse, et je suis de près. Les premiers mouvements sont enfantins, néanmoins, il faut demeurer prudent. Une partie d'échec peut très rapidement tourner en l'avantage de l'un ou l'autre, et je n'ai aucune intention de lui concéder la victoire. Pas aussi aisément qu'il pourrait s'y attendre. Je ne compte pourtant pas sur la victoire. Si je la décrochais, je serai terriblement déçue. Et personne ne désire me décevoir.

La partie avançait jusqu'à la phase de traque des pièces maîtresses. Les pions tombent généralement les premiers, bien sûr cela ne signifie pas qu'ils n'ont aucune importance. Au contraire, ils sont en nombres et servent à mettre en doute l'adversaire. A le faire hésiter sur un coup. Est-ce un piège ? Un appât ? Faibles, lents, mais judicieusement joué ils permettent d'exercer une pression. Bien fou est le joueur qui les envoie au casse-pipe. Sur une table d’échiquier comme dans une bataille il y a toujours des pertes. Miguel le sait. Mais il est intéressant de prouver que cela peut être limité au minimum.

Il espère prouver qu'il ne se mène pas à sa perte. La Capitaine ce genre de regard qui en dit long. Oui, elle n'aime pas l'incompétence, ni s'encombrer de personnes inutiles. Bien sûr il n'y a pas à être un fin analyste pour déduire cela d'un Capitaine. A travers ce petit jeu, Miguel savoure la prise de risque. Il ne s'était pas senti autant vivant depuis six longues années. Son regard s’égara un instant dans la pièce richement décorée. Ce lieu normalement réservé aux grands pirates possédait des ornements rappelant l'honneur des pirates, comme des chaînes d'esclaves brisés, mais aussi leur cruauté. Comme ce crâne certainement humain à la dentition encore complète, et avec deux rubis à la place des yeux. Miguel savait qu'il pourrait être une nouvelle décoration s'il venait à échouer.

Sauf qu'il était confiant. Les pièces mobiles étaient tombées et la traque commençait.

J'observe avec minutie chacune des mouvements du jeune homme. Il possède une assurance dont il ne se cache nullement et qui ne me laisse guère insensible. Nos coups partent les uns après les autres, s'enchaînent avec vivacité et pertinence. Je ne prétends nullement être à mon aise face à cet échiquier ; je le suis bien davantage lorsque je possède mes épées, sur un champ de bataille, quel qu'il soit. Néanmoins, il me semble que je suis capable de me défendre tout à fait convenablement.

Nos pièces les plus importantes sont en péril ; lui comme moi prenons un plaisir tout à fait évident à nous mettre en danger, à nous dévoiler. Une partie d'échec, suffit-elle à rendre compte du talent véritable qui s'immisce dans le coeur d'un homme ? Je n'en suis guère persuadée. En revanche, cela offre un panel intéressant de ses mécanismes de réflexion. Et ceux-là, s'ils sont défaillants chez Miguel, me permettront de mettre un terme à notre rencontre.

- Vous semblez tout à fait sûr de vous, Monsieur Belasko. Êtes-vous un habitué ?

Miguel ne s'attendait pas à être bercé par une voix délicieuse dont la mélodie laissait paraître quelques notes implacables. Bien sûr, il ne découvrait pas les tonalités de la belle femme, cependant il était quelque peu surpris. Dans ses coups impitoyables, Miguel pensait ne pas laisser l'occasion au Capitaine d'avoir les ressources pour s'exprimer tout en réfléchissant. Bien, des preuves supplémentaires s'imposent.

- A vrai dire je découvre ces lieux. Je n'y étais jamais venu auparavant.

Il prit une voix douce et galante sans pour autant être mielleuse. Oh non, il n'était pas là pour plier l'échine. Miguel eu un petit sourire et répondit finalement à la vraie question tout en avançant un pion.

- Il m'arrive occasionnellement de jouer aux échecs avec des soldats. Mais ils ne sont pas très forts. Pour pimenter le challenge, je m'ôtais des pièces maîtresse. Comme la Reine.

Ces mots furent à point nommé, il plaçait justement des pièces afin d'harceler la Reine. Il ne s'agissait même pas de cavaliers ou d'une dame. Non, des pions et un fou. Elle était désormais prise au piège et n'avait aucune échappatoire. Elle pouvait simplement décider qui aurait raison d'elle. Miguel savait déjà comment clôturer la partie depuis n'importe quel coup que pourrait lui proposer Dame Alvarez. À vrai dire il a fait durer la partie afin que les pièces qu'il voulait se retrouvent là où il le souhaitait. Bien sûr, il fut parfois contrait de réajuster sa stratégie et il n'en attendait pas moins.

Ce qui se joue entre Miguel Belasko et moi-même dépasse de bien loin le simple plateau d'échec. Nous nous jaugeons mutuellement, nous nous découvrons, et peu importe ma défaite ; il me semble avoir déjà gagné son respect. Je ne tarde nullement à réaliser qu'il est victorieux. Mon sourire s'accroit légèrement sur mes lèvres, tandis que ses mots éveillent davantage ma curiosité à son égard.

- Je crains fort que peu de joueurs d'échecs soient capables de se confronter à un professionnel aux coups aussi redoutables que les vôtres. Belle partie, Monsieur Belasko.

Je ne prends pas même la peine de bouger mon pion ; je sais fort bien que quoi que je fasse, je suis prise au piège. Si je ne suis pas particulièrement une bonne joueuse et que la défaite m'agace au plus haut point, les compétences de l'homme me font fort bien oublier l'odeur âcre de ma capitulation.

- Néanmoins, j'ignore ce que me prouve cette partie, mise à part que vous avez un don certain pour les échecs.

Miguel se garda de sourire lorsque la Capitaine du Némesis ne joua de pion. Elle le savait que cela était vain. Et il ne souhaitait pas contrarier la redoutable femme. De toute façon il n'est pas fort galant d'ennuyer une délicate créature. Il se détendit un peu, histoire de paraître à l'aise. Cependant, Dame Alvarez marquait un point. Le jeu d'échec n'est qu'un jeu. Les combats spatiaux n'en sont pas. Et si cela se prévoyait comme une partie ?

Il eu un petit sourire, séducteur, et confiant, et rapprocha le papier où il avait griffonné quelques minutes plus tôt les détails de l'attaque dont il avait été témoin.

- Ceci, comme vous avait deviné, est le schéma de la tactique employé il y a quelques jours par votre vaisseau contre les frégates Impériales Álvaro de Bazán et Blas de Lezo. Vous étiez justement informés de leur état mais heureusement pour ma vie votre stratégie a fait défaut.

Il corrigea des détails techniques sur la manière de neutralisation des boucliers, dosage de la vitesse, des propres défenses du Némésis, mais aussi de l'approche pour l'abordage.

- De cette façon, vous auriez pu mettre plus rapidement à votre supplice les deux frégates avant l'arrivée des renforts Impériaux. Et aussi vous auriez évité quelques dégâts à votre vaisseau. Mais aussi par la prise spectaculaire les ennemis auraient rendu les armes au début de l'abordage, donc moins de perte d'équipage.

Oui, Miguel venait d'appeler sa faction les ennemis.

Je ne fais fit de son sourire séducteur, ni de son allure assurée. La partie d'échec était une mise en bouche, et pour poursuivre la métaphore, elle m'a fort bien ouvert l'appétit. Miguel Belasko était un inconnu à mes yeux, il n'y a encore guère si longtemps. Aujourd'hui, il est l'un des hommes qui m'intrigue le plus. Oh, ça ne durera sans doute nullement ; il existe tant de perles dans l'univers que toutes les collectionner sera l'oeuvre de ma vie.

J'observe les mouvements de l'homme, écoute ses paroles avec une attention toute particulière. Je ne suis guère mauvaise en tactique de combat spatial. Lorsqu'il termine son petit exposé, je ris. Cependant, ce rire n'a rien d'amusé ; il est, au contraire menaçant.

- Comment diable avez-vous mis la main sur ces plans, Monsieur Belasko ?  Vous possédez des détails dont vous ne devriez point disposer.

J'inspire profondément, tandis que mes yeux glacés se fichent dans son regard brun.

- Quant à vos remarques, elles sont utopiques, Monsieur. Avez-vous déjà piloté un vaisseau de l'envergure du Némésis ? Connaissez-vous les manoeuvres liées à l'abordage ? Et celles que l'on prête aux combats, lorsque la moindre petite erreur de calcul se voit investit des capacités malsaines de réduire en poussière votre équipage et votre vaisseau, votre âme, tout entiers ? Les combats spatiaux ne sont guère des jeux, Monsieur Belasko. Il me faudra davantage que des schémas sur un morceau de papier froissé pour que vos paroles aient un impact.

Il n'est pas des meilleurs danseurs. Miguel avait malheureusement perdu le pas avec sa cavalière, désormais sur ses gardes, mais surtout menaçante. Allons, il peut comprendre à quel point l'inconnu peut effrayer, il s'agissait seulement d'un aperçu de ses talents et Miguel comptait bien poursuivre jusqu'à mater la dame. Depuis cette attaque, Miguel avait eu une révélation. Il ne voulait pas s'ennuyer d'une vie de soldat sur une frégate.

- Hé bien. J'étais à bord du deuxième vaisseau et j'admirais la scène. J'ai simplement mémorisé le déroulement des événements. Le Capitaine me refusait de commander la navigation ou le combat spatial, il faut dire que je ne suis pas assez corrompu pour eux. Pas assez de vices, peut-être qu'en traitant de pauvres innocents comme des rats j'aurais pu gagner leur estime. Bon sang vous n'imaginez pas ma joie quand j'ai vu ces singes de l'espace se faire imploser, et mon soulagement à rester en vie.

Il retourna son papier et se mis à griffonner un schéma du vaisseau Némesis. Il était concentré, dans son monde où les vaisseaux s'explosent, lui aux commandes à mener coups et revers dans un état où on ne sait plus s'il est un fou ou un génie. Il avait calculé, là comme ça, plusieurs trajectoires de navigations avantageuses.

- Une belle frégate. Elle a du faire plusieurs générations, ses turbo-canons semblent être en très bon état. Et d'après mes observations son armement n'est pas d'origine. Un bel engin assez maniable. Et une réputation terrifiante aussi.

Tandis qu'il dérape un instant et manque de trébucher, je le vois reprendre le contrôle de lui-même avec une adresse toute particulière ; voilà qu'il m'intrigue encore davantage, balayant d'un vaste geste la rage qu'il avait installé en mon sein. Il dévoile ses talents, ses particularités, avec une candeur telle que je me mets à douter. A douter de lui, de moi, du réel. Peut-on seulement être doté d'un si bon sens de l'observation ? Puis-je alors être si profondément médiocre ? Je décide de lui accorder le bénéfice du doute. Après tout, s'il est devant moi, ce n'est guère la clé du hasard.

- Eh bien. Vous semblez être doté d'un remarquable sens de l'observation ; à moins que vos informations vous aient été donnés par un quelconque informateur. Néanmoins, je vous crois, Monsieur Belasko. J'espère que vous avez pleinement conscience de ce que cela signifie ; n'ayez guère l'audace de me décevoir, Monsieur.

Mon regard ne le quitte pas ; je cherche à déchiffrer en vain ce que je ne saurais savoir de lui.

- Bien, poursuivez. Dites m'en davantage sur ce que vous auriez fait à notre place, dans ce combat-ci. J'aimerais également connaître la raison de votre présence ici, afin que nous soyons clairs quant aux issues escomptées.

Miguel releva finalement la tête de sa feuille de papier. Il ne cacha point son regard, ni son sourire soulagé d'avoir pu attirer l'attention de la Capitaine. Il n'y avait rien de victorieux et encore moins d'hautain dans son comportement. Si Miguel pouvait par moment se montrer dédaigneux et supérieur, il connaissait néanmoins l'ordre de la hiérarchie. Un ordre que l'on se doit de respecter. C'est ainsi. Mais bien sûr, Dame Alvarez était majestueuse, comment un subordonné pourrait être un jour à remettre en question son leadership ? Dans son regard on pouvait simplement lire une forme de joie. Miguel était très impatient et excité, tel un enfant, à l'idée de commencer une nouvelle aventure.

- Merci de votre confiance. Et vous soulevez justement un point important. Sans rentrer dans des détails inintéressants et barbants sur mon parcours, sachez que j'ai été formé et appartenait jusqu'à présent au Impériaux. Cela fait 6 ans que je suis arrivé. Et j'ai rapidement été déçu, voyez-vous je suis d'une petite noblesse insuffisamment signifiante pour avoir un rôle, mais aussi je refusais de participer à des atrocités. Des personnes, gradées, au nom de ce qu'elles représentent et de leurs influences se permettent des actes qui m'écoeur. C'est pour cela que je m'en suis détourné. Ils n'ont pas de but, ils ne font que dériver. Je n'aime pas l'esclavage, ni la violence aux personnes démunies, cependant j'adore exploser des vaisseaux et voir mon ennemi partir en fumée. C'est cela qui m'a mené jusqu'à vous Madame.

Il y avait en cet homme une détermination qui illuminait son regard ; je n'étais guère étrangère à cette lueur particulière, ni même aux paroles qu'il prononçait, et qui résonnaient en moi avec un étrange écho. il était certain qu'il possédait une audace grandiose qui le poussait sans vergogne à prétendre mériter une place au sein du Némésis ; néanmoins, il avait eu le bon sens d'éveiller ma curiosité avec suffisamment d'efficacité pour que sa demande ait du sens.

- Vous haïssez la violence et les atrocités ; pourquoi rejoindre un navire tel que le Némésis ? Nous ne sommes guère connus pour notre douceur, et si nos actes prennent un sens toujours clair, je ne doute nullement que vous ayez eu écho de ma réputation.

Je défroisse mes vêtements, décroise ma jambe pour croiser l'autre.

- Moi même, j'ai ouï de vous quelqu'histoires que j'aimerais volontiers vous voir confirmer. L'on dit de vous que vous avez les combats en horreur ; que votre épée ne perce jamais l'ennemi ; que votre talent au combat n'est guère plus impressionnant que celui d'un nourrisson dépourvu de bras.

Je marque une pause, essayant de déchiffrer en son oeil une quelconque réaction.

- Néanmoins, l'on dit également de vous que vous êtes l'un des stratèges les plus brillant que Dorado ait vu naître en son sein. Comment est-ce possible que l'un et l'autre de ces dires cohabitent ?

Miguel pris soin d'accorder un silence à sa Dame. Il lui semblait qu'elle ait besoin de ce moment de calme afin d'écouter ses pensées, rassembler les dires et les exprimer avec des mots justes. Justes ou cinglants ? Si le ton n'était point à la joute, Miguel fut piqué dans son orgueil. Une réputation de poltron ? Un faiblard ? Et pour couronner, serait-il trop doux pour la piraterie ? Cependant il ne s'en offusqua pas, il était naturel que la jalousie déformait toute valeur afin de lui faire perdre ses saveurs. Miguel eu un délicieux sourire, il savait qu'il avait toutes les pièces en main pour surprendre.

- Hé bien. Me voilà flatté de tant de volonté afin de me faire passer pour un fanfaron.

Il se caressa la barbe, et joua avec son bijoux tout en reprenant,

- Il se trouve qu'en effet je ne suis pas un bon combattant. Je n'ai pas la force ni l'agilité d'un guerrier. Je n'ai que l'esprit. Les Impériaux ne me laissaient commander des attaques, pourquoi écouter une personne ne sachant se battre ? Parce que j'ai toutes mes capacités disponible pour prévoir les tactiques les plus judicieuses. Bien sûr j'aime me rendre au cœur de l'action, parfois, afin d'avoir une idée précise de l'enfer qui se déferle. Crainte la violence ? Non. C'est beau et subtile. Je n'aime pas cependant lorsqu'il s'agit de loups écrasant les agneaux, ou que cela est vide de sens. Sommes nous pirates ou des contrebandiers ?

Mon regard tente en vain de le transpercer ; je n'ai guère été pourvue du don de lire dans l'âme d'autrui. Néanmoins, il m'est toujours capable de reconnaître le potentiel lorsque je le vois. Et si celui de Miguel Belasko ne m'intéressait en nul point, nous ne serions guère ici à débattre. Peut-être mes paroles provoquent-elles en lui un certain déplaisir. Je n'en ai cure. Que peut-il y avoir de plus déplaisant que quelques mots teintés de vérité, ou au contraire, dénué en tout point de quelque pertinence que ce soit ?

- Détrompez-vous, Monsieur Belasko. Mon but n'est en rien de vous faire passer pour un fanfaron, au contraire ; quel mal y a-t-il à vouloir apprendre la réalité là où elle demeure la plus pure, c'est-à-dire à sa source ? Comme je vous l'ai spécifié, j'ai ouï dire bien des suppositions à votre sujet. Cependant, je vous ai devant moi, désormais.

Un léger sourire flotte sur mes lèvres, et il s'agrandit fort probablement à mesure que Monsieur Belasko dévoile son être.

- Comprenez, Monsieur Belasko, qu'aucun acte peut être dépourvu de fondement. J'admire la manière dont vous savez percevoir la beauté du combat et de la violence ; j'apprécie l'étincelle que je vois briller au coeur de votre regard. Vos lacunes en combat ne sont qu'un détail futile. Dites-moi. Si je vous offre l'avenir de mes batailles, si je vous offre l'opportunité de vous exprimer ; si je vous offre ma confiance. M'offrirez-vous la vôtre ?

À ce moment crucial de l'échange, lorsqu'il atteint le point juste avant le dénouement et que chaque mot a son poids, Miguel ne donna réponse et arrangea sa tenue. Bien sûr qu'il ne s'agissait pas d'une volonté de manque de respect, seulement, il tenait à être le plus éclatant possible pour ce qu'il allait suivre. Certes, il n'y avait rien qui enregistrait cette scène, cependant il considérait ses yeux et ceux de sa future Capitaine comme une prise de vue. La symbolique est très importante. On se souvient plus volontiers de la première rencontre, lui s'en souviendra toujours. C'était en cet instant que l'homme tournait la page sur toute une vie.

Il se leva, et accompagna la suite de son discours de manière théâtrale. Oh, il n'était point ridicule. Loin de là, sa flamme illuminait son regard, donnait la puissance dans sa voix et la force dans sa prestance.

- Ma Dame, sachez que vous me remettez plus que votre confiance et l'expression de mon art. Vous me permettez de raviver le désir de peindre des éclats de carcasses de fer et de sang dans un tableau noir, vous m'avez permis de réveiller l'être qui était en moi. Alors pour une vie donnée, elle ne pourra que vous appartenir jusqu'à ce que mon esprit s'en aille, ou que ma flamme s'éteigne et ne vous sert plus. Je ne souhaiterais devenir votre fardeau. Je vous fais confiance, je sais que vous n'avez que de place pour les plus impétueux d'entre nous.

J'observe avec intérêt la passion qui anime Monsieur Belasko. Il teinte ses paroles de l'assurance qu'il m'ait fort agréable de trouver chez les membres de mon équipage, et je sais d'ores et déjà qu'il fera ce qu'il faut pour que jamais je ne sois désappointée par sa faute. Je lui laisse tout le temps qu'il lui faut pour terminer son discours, écoutant avec une forte attention chacun d'entre eux. Lorsqu'il termine, je me lève à mon tour, lentement et élégamment. Droite et fière, le regard brillant, je lui tends alors une main assurée.

- Bienvenue à bord du Némésis, Monsieur Belasko.

Les planètes tournent bien autour du soleil, ou alors il s'agit d'un vertige appelé la folie qui fait tourner ma tête. Mes yeux se plongèrent dans celle qui est désormais ma Capitaine. Je ne savais comment exprimer cette fierté et enhardisse qui s'emparait de ma poitrine, l'honneur de représenter un tel charisme. L'univers tourne, les planètes toujours sur la même trajectoire sont prévisibles et leur vie se calcule. Percuté par cette femme, je tournerai autour d'elle.

Face à sa main tendue, j'aurais pu être l'homme à charmer les femmes. Un baise main, cela est très simple et empourpre toujours les joues de ces dames. Elle n'était de ces dames, frivoles, au rire facile et à cacher son visage derrière leurs mains, je me saisis donc de la main de mon Capitaine dans une poignée de main solide et déterminée.

- Merci mon Capitaine.