Gling-gling

Les quais d'Espoir sont bondés, comme d'habitude, et comme d'habitude depuis un moment la première chose que je fais en mettant pied à terre, ou pas loin, c'est d'aller vérifier les vaisseaux à quai.

Aujourd'hui, pas comme d'habitude, il y a celui qui hante beaucoup trop mes rêves depuis des mois.

"La Pie..."rre au Fusil. Un vaisseau inquisitorial dont je me contenterais de rester très loin si Jean ne s'était pas retrouvé dessus. On a pu reconstituer le nom avec ce que Ren a rapporté de sa conversation avec lui, la fois où elle l'a croisé. Mon crétin de traître de grand frère, sur un vaisseau inquisitorial ? Comment ? Pourquoi ? Je trouve ça tellement... enfin il est con, je sais, mais... je voudrais comprendre. Savoir s'il en plus d'idiot, il est resté gentil, ou s'ils en ont fait un monstre.

D'après ce qu'a dit Ren il avait pas l'air méchant mais... je sais pas. Depuis que je sais ça, ça tourne beaucoup dans ma tête. J'crois qu'la naine elle a remué des choses qu'auraient dû rester dans un trou.

Alors du coup j'suis retournée sur l'Albatros, j'ai cherché dans mes affaires, et celle qui est ressortie plus tard, avec ses boucles brunes, dans sa robe blanche et sous sa capeline à pluplumes, cette tenue même qui avait fait chavirer Jezabel Alvarez si longtemps auparavant, c'était Maud Eugénie Lesage. Maud Eugénie Lesage a le fâcheux inconvénient de ne pas pouvoir décemment traîner dans les coins sombres et les ruelles mal famées, mais Maud Eugénie Lesage a de l'argent à donner à un prêtre pour ses pauvres et donc un prétexte pour engager la conversation. Et puis Maud Eugénie Lesage, elle peut cacher plein de choses sous son chapeau - son visage et un stylet, par exemple - et sous sa robe - son bouclier, un pistolet à impulsion radiné pour l'occasion, un couteau monofilament -, ce qui la rend très sympathique même si malheureusement elle a pas de raison de se balader avec une épée.

Et puis en plus son chapeau il est super joli, alors hein.

Maud Eugénie Lesage, quand elle sort de l'Albatros, elle commence donc à se balader à petits pas dans les quartiers trinitaires d'Espoir, en quête d'un prêtre mal sapé avec des boucles brunes sur la tête, et qui se baladerait peut-être avec une guitare. Ca fait pas beaucoup d'indices, surtout pour un grand astroport comme celui-ci, mais en tendant bien l'oreille et en ouvrant grand ses jolis yeux...

Espoir porte mieux son nom que Salem. C'est un endroit où chacun, quelle que soit sa faction, peut entendre la lumière de l'Unique, un endroit où tous se mêlent mais, comme toujours, également un endroit où se trouve la misère et la peur. Comme il est de permission cet après-midi là, le Père Artaban a attrapé ce qu'il a pu économiser sur ses gages, un peu de lait et de sucre en poudre, du pain qu'il n'a pas mangé, sa guitare et est allé droit dans l'église du coin, prier.

Comme toujours aux abords des lieux de culte, les pauvres pulullent dans l'espoir qu'un rayon de chance les touche dans leur malheur. Jean s'approche d'eux, distribue sans compter tout ce qu'il a, des paroles de réconfort aux bénédictions en passant par le matériel qui ne s'oublie jamais quand on a eu faim, un jour. Des discussions s'engagent puis, l'un des estropiés - disant être un ancien mécanicien dont le vaisseau a été attaqué par de vil pirates - demande un hymne pour soulager sa peine.

Alors Jean s'installe au sol, sur le parvis du lieu de culte et, s'accompagnant, commence à chanter un chant de travail, un chant d'espoir, un chant à la gloire de ceux qui continuent, encore à toujours, à marcher sur le chemin de rédemption.