Bad dream

110 ADD. Iceberg.

J’ouvre les yeux pour voir que du noir et me redresse vivement dans comprendre où je suis. Mon cœur qui bat trop fort est la seule chose que mes oreilles peuvent entendre au-delà de ma respiration rapide et sifflante. J’ai l’impression d’étouffer et je repousse les couvertures sur moi en m’adossant au mur, comme si tout ce qui me touchait me brûlait. Je reconnais la panique qui m’envahit comme une vieille ennemie et je peux retenir un premier sanglot. Le cri étouffé dans ma gorge au moment où je me suis réveillé me fait mal, mais aucun son parvient à sortir de ma gorge.

Je sursaute ensuite lorsque je sens quelque chose frôler mon épaule et me jette aussitôt de l’autre côté de mon lit, terrifié. J’ai beau être suffisamment réveillé maintenant pour savoir que je suis l’Iceberg, dans ma cabine, et non pas sur la plantation de mon enfance, que personne ici me veut du mal et que LUI est à des millions de kilomètres d’ici, j’y peut rien, la peur me bouffe le ventre et l’esprit. Je réalise néanmoins qu’il s’agit que de Sorewn et j’étouffe un nouveau sanglot avant de lui ouvrir mes bras en tremblant. Il vient s’y blottit, sentant de toute évidence ma détresse, et je ferme les yeux avec force un instant alors que les larmes coulent sur mes joues, cherchant dans la chaleur de mon compagnon un réconfort qui vient malheureusement pas. Je ressens alors l’irrépressible envie de quitter ma cabine et je me lève en silence pour pas éveiller mes compagnons de chambre, prenant que Sorewn avec moi, et quitte la cabine pour me retrouver seule dans les couloirs déserts du vaisseau.

Je me sens épiée, en danger, et des sueurs froides parcourent mon dos, me faisant courir alors que mes pas me mènent vers l’aile des quartiers des officiers. J’entends encore sa voix soufflée à mon oreille, ses mains sur moi, son poids qui m’étouffe... et je dois chercher toute la force que j’ai en moi pour pas m’effondrer en hurlant dans le premier coin que je trouve. J’arrive heureusement rapidement devant la porte de Loukian, le seul endroit qui me semble sécuritaire, le seul où j’ai envie d’être et de me réfugier maintenant. J’ai besoin de mon ami et je crois pas être capable de faire face à qui que ce soit d’autre maintenant. La voile ce de mon cauchemar, de mes souvenirs et de ma panique maintenant... bon sang, j’ai pas ressenti ça depuis des années. Je frappe deux coups contre la porte de métal en tentant de retenir mes larmes et ma panique.

Calypso, faites qu’il se réveille et m’ouvre, je vous en pris...

La journée a été longue et c’est presque avec soulagement que tu te laisses tomber dans ton lit, les muscles fourbus. Nulle envie de te plonger dans un bouquin ou de consulter un plan, t’as juste besoin de refaire ton énergie pour demain, juste au cas où ça serait une journée aussi bien remplit. Pas qu’elle ne le soit pas d’habitude, simplement qu’aujourd’hui, les astres se sont alignés pour te faire chier.

T’as l’impression d’avoir à peine somnolé quelques minutes quand ça cogne contre ta porte. Par l’Unique, faites que ça ne soit pas le quart de nuit qui a oublié le sens du mot débrouillardise.

Tu soupires, te lèves avec une grimace, enfilant un haut et un pantalon avant d’ouvrir… Et de rester une seconde, interdit devant le spectacle que t’offres Aeÿ’gis. Par l’Unique, lui a t'on fait du mal ? Tu regardes dans le couloir, t’attendant presque à voir un quelconque assaillant, mais il est vide. Et tu ne doutes pas une seconde que ton amie préfère vite trouver la tranquillité de ta cabine que de rester planté dans le couloir avec Sorewn dans les bras et la détresse la plus vive plaqué sur son joli minois. Tu lui ouvres plus grand pour qu’elle puisse entrer.

- Un mauvais rêve ?

C’est probablement ça, même si tu ne l’as jamais vu dans pareil état.

La porte s’ouvre et mon cœur rate un battement de soulagement en voyant Louk apparaître.

Je reste figé, toujours trop sous le choc pour savoir comment réagir, mais lorsqu’il m’ouvre plus grand pour me laisser entrer et me demande avec justesse si c’est un mauvais rêve, mes yeux s’embuent de larme et je franchis la distance qui me sépare de lui pour venir me blottir dans ses bras. Cachant mon visage dans son torse, je n’arrive pas à parler pour lui répondre, mais j’hoche la tête à l’affirmative juste avant qu’un sanglot ne déchire ma poitrine.

J’ai l’impression d’être une gamine terrifiée et j’ai horreur de ça, mais il y a rien d’autre que je puisse faire pour l’instant.

Elle vient contre toi, te confirmant d'un mouvement que c'était bel et bien un cauchemar. Tu te tends légèrement en entendant son sanglot... Et ferme la porte avant de la soulever contre toi pour la ramener au lit. L'aidant à s'installer dans le fond pour faire un mur entre elle et la porte. Oh, bien sur qu'elle est verrouillé, mais c'est surtout symbolique. Tu rabats les couvertures sur vous et la laisse revenir se blottir si elle le veut.

- C'est passé, Aeÿ. Et maintenant je suis là, alors il va rien t'arriver, okay ?

Je viens m’accrocher à lui lorsqu’il me soulève, le laissant m’amener dans son lit où je me couche en chien de fusil juste avant de pouvoir revenir me blottir contre lui. Sa présence me fait du bien, et j’ai maintenant l’impression que mes démons ne sont plus tout autour de moi, mais seulement derrière la porte de sa cabine. Ils sont encore beaucoup trop près, mais j’arrive un peu mieux à respirer. Sorewn vient de rouler en boule dans mon cou en ronronnant, et entre lui et Loukian, ma terreur irrationnelle commence enfin à se calmer un peu.

"Il... il est toujours là, Louk. Dans ma tête."

Ma voix est faible, presque un murmure. Je ne lui ai jamais parlé de Lui. À personne d’ailleurs. Même pas à Hush, même s’il sait.

Tu fronces les sourcils en l'entendant, ne comprenant pas de qui elle parle. Un membre de l'équipage ? Dans sa tête ? Tu es presque mal de devoir poser des questions, mais tu as besoin de réponses pour arriver a y comprendre quelque chose.

- Je ne sais pas de qui tu parles, Aeÿ... Qui est dans ta tête ?

Tu la serres plus étroitement, glissant une main dans son dos pour la frictionner, sans trop penser a ta main pleine de cales qui doit être rude contre sa peau fine. Juste... Tu ressens le besoin de la réconforter, tu cherches comment faire sans trop savoir, espérant juste trouver les mots juste pour se faire.

J’essuie maladroitement les larmes de sur mes joues, geste inutile puisque d’autres coulent en silence, puis me fait encore plus petite contre lui. Je déteste l’idée d’en parler, mais peut-être que ça m’aidera à ne plus être aussi terrorisée?

Et puis... c’est Loukian.

Louk' qui chasse mes cauchemars. Louk' avec qui je me sens immédiatement plus en sécurité, juste parce qu'il est à proximité ou parce qu'il me tient dans ses bras. Louk' qui m'écoute, qui comprend, qui est tellement patient et qui jamais, jamais juge ou me rejette... Alors si je peux en parler à quelqu'un, c'est à lui.

"Il... merde, désolé, c’est tellement difficile... il s’appelle Félicien Du Breuil."

Dire son nom m’arrache un frisson et me donne envie de crier. Je serre un peu plus mes doigts autour de la poignée de son t-shirt que j’ai saisie plus tôt, comme si j’avais peur que les souvenirs m’arrache soudainement à lui. Pour m’ancrer dans la réalité aussi, surtout.

"C’était le fils de mon... premier propriétaire. Sur la plantation ou je suis née."

Elle est mal. Elle est si mal et tu voudrais prendre tout ce mal, le rouler en une boule compact, insignifiante et l'envoyer se faire voir dans l'espace intersidéral. Mais c'est pas possible. Tu le sens, tu le sais, c'est comme encré, viscéral. Et les mots qu'elle souffle, ce nom qui la fait frissonner, tu l'honnis immédiatement.

Elle s'accroche, tu la sens monter dans une pression qui te fais serrer légèrement les dents. Et la suite... Impossible de ne pas comprendre, imaginer. L'histoire est trop... Malheureusement commune. Et tu détestes cette part de toi, ces bouts de trinité qui restent enchâssé dans ton être, dans ton histoire. Qui tissent des liens avec ce Félicien Du Breuil et avec tant d'autres raclures. Et tu comprends d'autres choses. Tu comprends la jeune femme terrorisé qui à embarqué à bord. La jeune femme qui n'avait qu'à entendre ta voix ou te voir pour vouloir rentrer dans un mur. Et malgré toi tu te demandes si dans ta voix il y a encore des graines qui font fleurir les mauvais souvenirs, ramènent le passé juste derrière le voile du regard.

Par l'Unique, non. T'espères que non.

Et parce qu'il ne s'agit certainement pas de toi, mais bien de la jeune femme épouvantée dans tes bras, tu la serres plus fort, lui offre le refuge qu'elle cherche.

"Il ne t'approchera plus jamais."

Il y a toute l'assurance du monde dans ces mots. Sa pérennité ne tient plus qu'à ce qu'il ne te croise pas.