La Fête des Fleurs [Lodewijk]

Suite directe de la Rosalie

L’aide d’un évêque ne se refuse pas, monseigneur Lazare a été clair à ce sujet. Mais Colombe est peu habituée à autant de considération, encore moins de la part d’une personne de haut rang. Elle hésite donc quelques instants avant de poser son bras sur celui de l’homme, à qui elle emboîte le pas dans un silence timide uniquement brisé par sa réponse à la question qui lui est posée.

– Non, ce n'est qu'un ami. Je suis mariée, mais mon mari est… il n’est pas là, résume-t-elle d’une voix hésitante.

Le malaise qui la prend habituellement à la gorge à la mention de Josiah est rapidement balayé par l’ambiance joyeuse qui règne autour d’elle, par la présence de l’évêque à ses côtés et par les fidèles qui s’écartent respectueusement sur leur chemin. La scène a quelque chose d’irréel et de profondément dépaysant.

–  Ou-oui, avec plaisir, bafouille-t-elle lorsque son improbable compagnon propose de l’accompagner jusqu’aux paniers d'osier.

Ne sachant trop comment agir, elle se fait minuscule, suit monseigneur Lazare telle une ombre et calque son pas sur le sien alors qu’il la guide à travers la foule.

– Merci Monseigneur, ajoute-elle timidement.

Le claquement de ma canne est distinct, il porte le regard des badauds sur moi, eux croyant à l'approche d'un vieillard se retrouvent souvent sans voix et s'éclipse aussi vite que le faible espace le permet, toutefois plus nous approchons des panros, moins il y a d'espace et plus ces pauvres hères se retrouvent proche de mon regard, de mon jugement.

La jeune femme semble moins repoussée, peut-être la confusion qui semble l'habiter égare-t-elle son appréciation, ou peut-être se pense-t-elle à l’abri de tout reproche, une blanche fleure toute de pureté...

Sa réponse est hésitante, incomplète, mensongère peut-être. Elle n'aurait aucune raison de me cacher un mari engagé dans les FAS et l'appel de Paradis était stricte : En ce jour, chacun se devait d'être présent. Tel un acide, le soupçon rongeait à présent l'image de cette jeune femme.

Une femme se promenant avec un homme autre que son mari, sans marmot dans ces jupons et hésitant sur l'absence de son mari, en une phrase, cette jolie fleur venait de tacher sa pureté.

> Vous piquez ma curiosité à vif ma fille. Dites-moi ce qui retient un mari loin de sa femme en ce jour ? Ma question était dites sans hostilité aucune, d'une fausse douceur qui appelait à la prudence et à la justesse.

Nous avançons encore d'un pas, mais il y a un mouvement de foule. Heurté par un homme, j'en suis déséquilibré, m'obligeant à m'appuyer sur Colombe pour m'épargner une chute…

Colombe ressent l’effet d’une douche froide sur son échine quand elle comprend qu’elle s’est mis les pieds dans les plats. Elle a bien senti l’avertissement qui se terrait dans la douceur des paroles de Monseigneur Lazare. En voulant passer outre la mort de Josiah, elle a réveillé les soupçons de cet inquisiteur aux bras duquel elle traverse la foule qui s’éparpille sur leur passage. Par l’Unique…

– Il est mort, s’empresse-t-elle de répondre en se ratatinant sur elle-même. Pardon Monseigneur je… je ne voulais pas plomber l’ambiance d’une si belle journée avec une annonce aussi triste.

Triste. Elle n’est pas certaine qu’il s’agisse du terme idéal pour décrire le pincement au cœur qu’elle ressent chaque fois qu’elle parle de cette malheureuse histoire. Il n’y a pas de mot qui puisse résumer le fouillis de sentiments contradictoires qui l’assaillent en repensant à son défunt époux, même si la tristesse en fait effectivement partie.

Leur conversation est coupée court par un homme qui les percute maladroitement, emporté par le mouvement de la foule compacte. Monseigneur Lazare perd pied et, par réflexe, Colombe lui offre son appui.

– Tout va bien? s’inquiète-t-elle.