Piste vénéneuse

Moki Dul’son est un vieillard et aussi l'ami d'un mécano du Liberty. Le vieux Mo’at a récemment perdu un petit-fils lors d’une rafle sur les caravanes de son clan. Parmi les mercenaires, l’un d’entre-eux reste imprimé sur sa rétine. Il menait l’opération, on le surnomme le Nāga et il est celui qui a jeté le filet sur le jeune homme cher à son cœur. Cet agent des esclavagistes sait dans quel vaisseau a été embarqué son petit-fils et Rosa de Nocera a pour mission de le découvrir, pour ce cher mécano, pour la famille.

La réputation du traqueur devrait aider à le trouver. Pourtant il n’en est rien, la jeune femme se heurte à impasses et culs de sac. Le salopard ne fréquente aucun débit de boisson, aucun dancing ou club, et semble n’entretenir aucune amitié par ici. Elle finit pourtant par obtenir l’adresse d’une salle de sport.

Rosa était un femme discrète avec cet air innocent malgré sa cicatrice témoignant d’un passé plus que mouvementé. Alors forcément des informations, il est facile d’en obtenir. D’autant plus qu’elle profite de son physique plus que séduisant pour parvenir à ses fins. C’est donc armée de ses atouts féminins qu’elle chercha le Naga dans différents bars, ces derniers étant de véritables lieux de rencontres. Pourtant elle ne le trouva pas directement.
À force de boissons, d’ histoires anonymes et de regard langoureux sans jamais aller plus loin qu’un sourire complice, on lui apprit qu’un jeune homme beau comme un éphémère, aux cheveux longs et dorés et à la musculature entretenue passait de temps en temps à une salle de sport. Certains hommes bien alcoolisés se vantèrent de leur implication dans le trafique d’esclaves et d’avoir brièvement croisé l’homme en question. Pas une seule seconde ils n’imaginèrent qu’elle recherchait le naga car elle avait pris soin de les amener à bavarder de tout et de rien et de noyer le poisson.
Des années d’expériences pour en arriver à ce résultat! Notre espionne se dirigea donc vers la fameuse salle de sport. Elle observa longuement les allées et venues des différents sportifs et décida elle même d’y entrer. Les cheveux teints en brun à l’aide d’une coloration qui s’enlèverait a l’aide d’un produit spécifique et sa joue balafrée cachée par sa prothèse de peau et le corps parfaitement moulé dans une tenue de sport ( pantalon, brassière et veste zip courte), l’espionne entra dans l’établissement. Sans avoir besoin de se déhancher, hommes et femmes se retournèrent sur son passage Quand elle rejoignit une machine de musculation donnant une vue large sur l’espace. Considérons que Rosa s’est munie de faux papiers d’abonnement à la salle de sport.

On se jauge, se juge, se matte, se palpe, inspire, expire dans la sueur, à s’en faire péter les veines du cou. On rit aussi, échange quelques vannes ou compliments, on parle avec conviction, souvent fort, on existe dans la performance et l’hygiène. Bienvenue parmi la faune body sculpting de Port Salem, parfaitement identique à la faune de toutes autres salles.

Soulevant ses jambes musculeuses à un rythme cadencé, les poids de l’appareil grimpent et descendent sèchement. Cet homme dans l’effort serein, tout à fait seul dans son legging rouge, torse nu et tatoué, c’est Dio Valdo, le Nāga. Autour de lui personne n’existe, il est totalement concentré sur ses cuisses, sur son cœur, son souffle. Ses paupières semblent lourdes et son regard n’envisage rien.

Il achève sa série en expirant profondément, ses membres se relâchent et sa tête part en arrière. L’œil se fixe au plafond, la musique aussi n’existe pas. Statuaire, il est absolument magnifique et il le sait.

L’espionne trouva rapidement sa cible. Impossible de le manquer puisque une bonne partie des regards surtout féminins convergeaient vers l’homme en action. Tandis que Rosa faisait travailler ses bras, elle resta le regard fixé sur lui afin de bien le détailler, d’imprimer à son tour son image sur la rétine. Elle repensa au pourquoi de sa mission, à cet acte abominable que le naga avait commis. Mais après tout, il était un esclavagiste, un être dénué de remords, tout ça pour de l’argent.... Priver d’autres de liberté....elle qui aimait tant profiter de la sienne souhaitait défendre celle des autres.

Il était donc grand temps d’utiliser ce pourquoi elle était faite. Rosa se leva donc de sa machine après en avoir assez fait pour que la sueur commence à perler sur sa peau, la rendant ainsi plus brillante. Alors qu’elle se dirigeait vers un tapis de course idéalement placé non loin de l’objet de sa mission, la demoiselle prit son temps afin d’attirer les regards sur elle. Certains hommes auraient pu s’en décrocher la mâchoire mais il murmurèrent sur son physique idéalement proportionné, sur la beauté de ses traits. Oui Rosa était là personne parfaite pour attirer l’attention du naga, lui qui aimait s’entretenir devait apprécier les belles choses....

30, 31, 32, 33 secondes. La minute de repos s’écoule et Dio écoute son corps. Bientôt la prochaine série. Soudain, quelque chose dans l’air ou dans les sons qui l’environnent se met à exister pour lui et ses membres se déplient en avant. Son visage marmoréen plonge et ses yeux luisant trouvent la source de ce picotement. Une femme.

Elle est brune et sa beauté est celle du diable.

48, 49…

Ses lèvres sont pleines et son regard de velours.

53, 54, 55…

Elle est nouvelle ici.

58, 59. Mécaniquement, le Nāga débute une nouvelle série, détaillant cette inconnue sans aucune gêne aucune. Pareille humaine n’a pas été aperçue depuis des lustres. Pourtant les traits de l’ange blond ne transmettent pas la moindre émotion.

La jeune femme joua de ses charmes, accordant quelques sourires à certains des hommes qui la regardent sans gène aucune. Pourtant elle ne sembla pas plus intéressée que ça par tous ces hommes. Concentrée sur sa machine, elle appuya sur différents boutons et le tapis commença à tourner sous ses pieds. Elle marcha doucement, d’une démarche souple et très légère. Les mains appuyées sur les barres de côté, elle inclina le dos afin de mettre en valeur son propre corps athlétique. Elle enleva même son sweat zappé court pour découvrir son haut du corps finement sculpté. Seule sa brassière cachait ce qui devait l’être.

Le regard de Rosa balaya innocemment la salle, ne s’attardant sur rien en particulier, allant et venant d’un corps à l’autre quand tout d’un coup, ses iris se posèrent sur l’esclavagiste. Ses paupières se baissèrent légèrement et elle continua son observation par dessous ses longs cils. Elle prit son temps pour le regarder même si elle l’avait déjà bien observé. Mais elle fit mine de le découvrir et d’apprécier ce qu’elle voyait. Montrer son propre intérêt était un premier pas pour une future approche.

La température grimpe dans la salle mais reste figée dans les veines de Dio Valdo. Flexion extension au rythme métronomique d’un puit de pétrole, le regard dans celui de cette créature féminine. Sa petite musique intérieure se fait plus présente et l’œil de Dio s’aiguise doucement. Il s’intensifie tout entier, les sens captivés. Pénétrer l’âme de cette femme, écorcher son visage et ouvrir ses chairs pour la mirer de l’intérieur. C’est à ça qu’il pense, ça qui étire son souffle.  

Elle s’est mise à jouer de son corps, quel dommage, pourquoi forcer le trait ? Fin de la série. Son visage bascule de nouveau en arrière et ses membres se débandent. Au plafond il sourit. Il reconnaît ceux de sa race, celle des prédateurs.

Et c'est l'instant que choisit le mâle alpha de la salle pour approcher la nouvelle.


"Salut toi, moi c'est Kévain, sois la bienvenue parmi-nous ! Si j'peux t'aider avec cette machine, hésite pas. Tu viens d'emménager dans l'coin ?"

Kévain délivre son sourire lumineux, la confiance qu'il dégage est hors norme.

Forcer le trait avait un intérêt. Celui de se faire remarquer d’autant plus. Attirer les regards, faire baver ces andouilles sans cervelles qui n’aimaient rien d’autre que le sport pour gonfler leur corps. Tout ce qu’elle n’aimait pas. Mais aujourd’hui elle devait être vue car sa cible était de la même trempe à quelque différences près. Lui volait la liberté aux autres quand Rosa choisissait de la leur rendre.
Et son petit manège avait parfaitement fonctionné. Car même si elle ne voyait pas ses yeux, elle voyait clairement son sourire. Il l’avait vu, avait sûrement apprécié ce qu’elle représentait - il était difficile aux hommes et même aux femmes de ne pas l’admirer quand elle souhaitait être vue. Alors elle reprit une position normale et tapant sur l’e fan numérique sous ses yeux, elle augmenta la vitesse du tapis et commença à courir, tranquillement.

C’est là qu’un homme, un peu trop sûr de lui l’accosta, la dérangea même dans sa course. Son regard vert d’eau d’abord fixé au loin, elle daigna lui accorder un regard en coin, les paupières toujours légèrement baissé afin de lui montrer le peu d’intérêt qu’elle lui témoignait. Si il se prenait pour un gros dur dominant, il était mal tombé avec elle.
«  Ça va... j’ai assez de neurones en place pour utiliser une machine aussi simple.... »
Elle ne répondit pas à ses autres questions, n’en ayant clairement rien à faire de Kevain. les gros lourds, très peu pour elle.

L’autre ne se démonte pas et lève les mains.

"Wow wow, mains en l’air ! J’voudrais surtout pas déranger. Je vois que t’es en place et je m’en réjouis. Passe au club house après, on t’offrira une boisson du tonnerre et on aura peut-être le plaisir de connaître ton nom."

Sourire large, Kévain fait deux pas en arrière en la regardant fièrement et volte vers ses amis qui l’observent. Il secoue une main et hausse les sourcils en revenant vers eux, pas commode la garce. On ricane.

A bonne distance, le Nāga expire profondément et saisit sa serviette blanche. Il passe sur ses tempes, sa nuque et se redresse. Ses doigts pénètrent sa chevelure épaisse nouée en une longue natte et il va tranquillement jusqu’à l’espace tapis de sol. Il déroule le sien et entame les étirements de fin de séance. Souplesse reptilienne et moirée. A cet instant il lui tourne le dos et elle pourrait croire qu’elle l’a perdu. Mais alors qu’il change de position pour une nouvelle séquence, elle peut sentir le regard qu’il pose sur elle. Son œil n’a rien de chaud et rieur, il est au contraire froid et observateur. Inquiétant.

Tandis que Kevain lui tourne le dos après avoir décidé de la laisser tranquille, la jeune femme qui ne sourit pas très souvent hormis pour ses missions - il le faut bien - esquisse un léger rictus, plutôt moqueur à l'encontre du bodybuildé. D'ailleurs alors que lui et sa fine équipe rigole bien - ils doivent forcément parler d'elle en des termes peu flatteux -, un des gars la regarde. Il riait de bon coeur jusqu'à croiser le regard froid de la pirate quand il comprend qu'il vaut mieux calmer le jeu. Il le regarde à présent du coin de l'oeil en essayant de stopper les médisances de ses amis. Après tout on ne sait jamais sur qui on peut tomber et la belle n'a pas l'air très commode. Et le calme revint dans la salle, le troupeau se dispersa et elle reprit l'air plus léger son sport.

Rosa n'avait pour autant pas oublié le naga qui ne cessait d'entretenir son propre corps. A ses mouvements, à la distance naturelle qu'il y avait entre lui et les autres comme s'il le fuyait, et à l'aura qui semblait l'entourer, elle comprit rapidement la dangerosité du personnage. Alors qu'il semblait la regarder peu chaleureusement, elle courait doucement, appuya sur un bouton afin d'augmenter la cadence du tapis et de courir à un rythme plus soutenu. Ses iris clairs n'avaient à aucun moment lâché l'esclavagiste mais son regard était moins dur et elle donnait parfaitement l'impression de le fixer sans raisons. Elle pouvait très bien le regarder pour se régaler les yeux, il n'était pas désagréable à regarder. Et la salle de sport était un lieu parfait pour mater à tout va.

Son regard dans le sien, le Nāga exécute ses mouvements avec une souplesse remarquable. Il pivote soudainement et se met à se contorsionner lentement dos à elle. Il danse au ralenti, sans musique, et il expire de façon sonore et rythmé. Il cherche l’équilibre tout en étirant gracieusement chaque tendon, avec la pleine conscience de chacun des muscles de son corps. De nouveau face à l’inconnue, Il se renverse lentement en arrière, forme un pont au sol, et puis les pointes de ses pieds se hissent au plafond pour déclencher la pirouette. Cambré dans un angle incroyable, les pectoraux maintenant au contact du tapis, ses jambes retombent et il exécute une fente avec une absolue fluidité. Son menton se redresse vivement et sa chevelure est renvoyée. L’œil du serpent retombe dans celui de cette femme, intense, pénétrant. Qui es-tu ?

Finalement il se relève, saisit sa serviette et prend la direction des vestiaires en silence. Il ne salue personne et on se garde bien de le faire. Fin de la séance.

Rosa continua de courir, l'air de rien, la foulée fluide et élégante. C'est une sportive, son corps est élancé, et tout en courbe courbe malgré une petite poitrine.Sa peau de porcelaine se couvrit d'une pellicule de sueur rendant sa peau brillante. Ses cheveux longs, laissés lâches, lui collèrent à la peau tandis qu'elle augmenta la difficulté. Le tapis s'inclina et Rosa modifia quelque peu sa position afin de ne pas se mettre trop à l'effort.

Elle regarda même ailleurs, son regard désintéressé détaillant les machines. Rosa était une bonne comédienne, difficile de douter de ses intentions jusque là! Elle n'eut aucune réaction au départ de sa cible. L'air de rien, elle continua son petit exercice et alors qu'il était à mis chemin entre elle et la porte du vestiaire, elle mit fin à sa propre séance. Rosa aimait le sport mais elle ne ressentait pas le besoin d'en faire à l'extrême. Cela lui servait à s'entretenir.

Elle fila donc au club house. Impossible de suivre le naga s'en éveiller ses soupçons. Elle ne pourrait d'ailleurs pas l'accoster avant un moment sans se griller. Aujourd'hui, elle avait pu établir un premier contact. Dans la pièce elle retrouva certains sportifs et vit le fameux Kevain. Elle n'ira pas l'aborder, puisqu'il n'avait aucuns intérêts. Devant un distributeur, elle hésita longuement, se tapota la lèvre inférieur de l'index droit puis attrapa dans la poche de son sweat qu'elle avait ramassé au passage une pièce qu'elle rentra dans la machine. Entre barres énergétiques et le chocolat, elle opta pur le chocolat, son pêché mignon! C'est là que plusieurs des sportifs s'approchèrent, et l'encerclèrent.