(extraits des enregistrements de thérapie psychiatrique, patiente: P. Woodward)

Bon, alors je préfère vous le dire tout de suite: la thérapie, je trouve ça con. J'ai juste besoin de médicaments pour que mon cerveau arrête de déconner. Mais apparemment, il faut que je vienne vous raconter ma vie pour en avoir, alors je vais le faire, mais je veux pas de commentaire sur mon entrain, le fait que je fasse la tronche, etc...Ça vous va?
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Ma famille, c'est des militaires de génération en génération. Mes grands parents étaient dans l'armée, ma mère est dans l'armée...j'ai déjà raconté tout ça au psy de l'armée, il a rien noté dans mon dossier? Bref, mes oncles et mes cousins et cousines sont militaires aussi. En gros l'arbre généalogique que vous avez fait la dernière fois, ben c'est quasiment que des soldats dessus.
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Mon père? Je l'ai jamais vu. D'après ma mère, c'était un corsaire. J'ai fait des recherches à partir du nom qu'elle m'avait donné, et j'ai trouvé un gars du même nom pendu à Port-Salem je sais plus quand, mais ça colle avec son histoire. Je sais pas ce qu'elle est allée fiche avec un corsaire. Je l'ai toujours connue seule, par la suite. Sa vie, c'était l'armée et sa famille. Rien d'autre.
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Je m'entendais bien avec ma mère, avant. Elle n'a eu que moi, comme enfant, alors on était un peu complices sur plein de choses. Je l'admirais, je crois. Elle était lieutenant, quand j'étais petite. Elle est devenue capitaine quand j'ai commencé à avoir du poil sous les bras. Ouais, je sais, c'est un point de repère à la noix. J'ai pas la mémoire des dates, alors je fais comme je peux! Mes cousins venaient souvent à la maison, mais je les aimais pas. C'est des connards. Y'en a un, il avait bousillé mon télescope. Je me suis vengée en cassant son premier HCom. Mes cousins plus âgés étaient plus sympa avec moi, ceci dit. Mais avec cinq-six ans de différence d'âge, on n'avait pas grand chose à se dire...
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Je voulais voyager dans l'espace déjà toute petite, et mon télescope, c'était un cadeau d'anniversaire. C'est pour ça que j'étais tellement en colère que l'autre con me l'ait cassé. Sur Valenos, c'était c'que j'avais de plus précieux. Je m'imaginais piloter un grand vaisseau et sillonner les nébuleuses avec. Oui, j'étais petite, alors je croyais que les nébuleuses c'était de la fumée dans l'espace. Mais c'était mon rêve: voir toutes ces planètes lointaines, à bord d'un vaisseau que personne n'oserait attaquer, avec une famille que j'aurais choisie, cette fois!
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Avec le recul, je crois que j'ai commencé à déconner au lycée. Je dormais presque pas, j'y arrivais pas. Trop d'énergie! Je passais mes nuits à faire des cartes du ciel, à lire n'importe quoi qui me tombait sous la main et qui parlait de vaisseaux spatiaux. J'avais pas l'âge, mais je potassais déjà les manuels pour les apprentis pilotes. On est comme ça, chez les Woodward. On bosse comme des forçats et en plus on en est fiers.
La journée, j'étais insupportable à cause de la fatigue et parce que j'étais sur les nerfs. J'ai perdu tous mes potes à cette époque, à force de les gonfler avec l'espace. Mais je m'en foutais, j'avais les classes l'année suivante. Et puis, c'était une bande de connards, de toute façon
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Les classes, c'était l'enfer. On m'avait dit que l'armée, c'était une grande famille. Mais moi, j'avais plutôt l'impression d'être dans un troupeau de bétail gardé par des bergers ramollis du bulbe! Mais j'ai supporté, parce que sans l'armée, adieu les voyages dans l'espace. Et puis je voulais être officier, comme ma mère. Elle s'inquiétait pour moi, à me voir énervée avec des valoches sous les yeux, alors il fallait que je lui prouve que tout allait bien, que tout rentrait dans l'ordre.
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J'ai rencontré Trevor, là-bas. Heureusement qu'il était là, ce con. Il m'a bien aidée. J'étais tout le temps vidée, comme si l'hyperactivité du lycée m'avait cramée de l'intérieur. Les exercices physiques étaient difficile. J'ai commencé à me lacérer à cette époque, pour me doper à coup d'adrénaline.J'utilisais une lame de rasoir que j'avais volée à Trevor, je crois. Il avait le même genre de problèmes que moi, alors il me comprenait. On se surveillait l'un l'autre, on veillait à ce que l'autre ne commette pas l'irréparable.
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Des soucis de discipline, j'en ai eu pas mal. Trevor et moi, on passait la moitié de notre temps au trou. Qu'est-ce qu'on a fait comme conneries, lui et moi! J'ai même failli me faire virer. Secrètement, j'aurais bien aimé qu'ils me virent. Je commençais à comprendre que l'armée, c'était pas pour moi. Mais, bon, le célèbre entêtement Woodward a eu raison de .... ben, de ma raison. Ma mère a fait jouer ses relations, et ces connards m'ont gardée.
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Oui, j'aime bien dire "connard". C'est facile, ça défoule, ça sort tout seul. Parfois, je dis d'autres gros mots. J'aime bien dire "sac à fions" aussi, par exemple.
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Trevor, c'est mon meilleur pote. Et, euh...ouais, on a été un peu plus que ça, pendant un moment. On parlait de déserter l'armée pour devenir des pirates, pour rigoler. Enfin, lui, il rigolait. Moi, un peu moins. On s'engueulait souvent. Et on avait du mal à se voir, avec la formation, les spécialisations différentes, tout ça...Alors on a rompu. Mais ça reste mon Trevor, hein. C'est le seul connard à pas m'avoir trahie. Parce que les autres potes de l'académie, ils m'ont tous lâchée. Pas une nouvelle, ni rien! Ils m'ont oubliée, alors qu'on devait compter les uns sur les autres. Et j'ai essayé d'en appeler certains. Mais ils sont jamais dispo pour boire un verre. Ils m'ont abandonnée. C'est des connards. Y'a que Trevor qui vaille le coup.
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Je crois que je vous avais expliqué le principe de "Good Pops" et "Sad Pops"? C'est Trevor qui avait trouvé ça, à l'époque. Bref, à la fin de l'école de spécialisation, j'étais Good Pops. J'ai failli voler un vaisseau pour me faire un équipage pirate. Je me disais qu'avec un peu d'entraînement, je pourrais prendre une frégate militaire. J'ai tendance à me croire invincible, quand je suis "Good Pops". Je me suis salement engueulée avec Trev, parce qu'il m'en a empêchée. Il m'a sauvé la vie, mais sur le coup je l'ai pas compris. Ce connard refuse de me parler depuis. Je suis passée en Sad Pops juste après. Il me manque, ce con.
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Ma première affectation, c'était en Dorado. J'avais eu des bons résultats à l'école de spécialisation, mais j'avais trop de casseroles sur mon dossier pour avoir mieux. J'entendais tous ces gens dire que Dorado, c'était une affectation merdique, et ça m'a sapé le moral. J'étais comme un mort vivant: plus d'envie de quoi que ce soit, plus d'émotions, juste la force de traîner ma carcasse là où on me disait de la transporter. J'ai continué de me lacérer la peau, en cachette.
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Pendant l'entraînement aux explosifs, j'ai essayé de me faire sauter la tête avec une grenade. J'étais déjà morte à l'intérieur, alors autant officialiser le truc, je me suis dit. Mais c'était une faible charge, et ça a sauté avant que je ne lève mon bras pour la mettre devant mon visage, alors y'a juste mon bras qui a sauté. C'était ma première tentative de suicide. La seconde, c'est quand j'ai pris une navette et que j'ai essayé de me planter avec dans un caillou en orbite autour de Tech12. J'ai eu l'air con quand mon officier supérieur a fait hacker le vaisseau pour dévier la trajectoire. J'ai eu une crise de larmes, je me souviens. J'ai honte rien que d'y repenser...
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L'armée m'a fait passer des tests psychologiques. Je les ai foirés. J'ai été virée. Ma mère m'ignore depuis. J'ai eu des nouvelles de la famille par mon oncle, mes cousins sont toujours des connards.
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J'ai commencé à prendre des médocs quand j'ai bossé pour un corsaire. Ça m'a un peu nettoyé l'esprit. Les pirates, ils s'en fichent qu'on ait un grain. Tant qu'on fait son taf, tout va bien. J'ai navigué pour quelques équipages à la con, depuis. Plus de corsaires. Trop proches de l'armée. J'ai économisé de quoi entretenir mon bras et rajouter des lames sur la prothèse. Et j'ai adopté un petit ta'leng en passant sur Renaissance. Il s'appelle Rovert. Ça veut rien dire...Pourquoi vous souriez? ...Ouais, c'est un peu évident que c'est Trevor à l'envers...Y'avait un air de ressemblance, au niveau des oreilles pointues. Pas tant que ça en fait. C'est surtout qu'il me manque, ce con...
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C'est fini, enfin! J'aime pas parler de moi, alors ces séances de thérapie (rire nerveux). Bon, du coup, ça marche comment pour les médocs? Je suis encore assurée chez OniCorps? Sinon je paie, pas de problème.
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Quoi, d'autres séances? Je peux pas juste avoir les médocs? Bon, OK, mais j'aime pas ça, raconter ma vie. Pis vous allez vite en avoir marre de ma tronche...