Donner des ailes [Daya]

Il glousse. Monsieur Galwaïn, du haut de son statut d’adulte fait, glousse du fond de sa gorge devant une jeune fille qui imite un direct. Elle a l’air marrante comme ça, avec ses sourcils un peu froncés, ses regards qu’elle reprend quand elle a l’air de se rendre compte d’où ils vont.

- C’est vrai que les gens qui me cherchent ne font jamais attention… On garde jamais bien ses jambes.

Du coup il se penche en avant et tapote deux doigts sur le genou de Dayanara sans la moindre animosité. Il s’amuse, il démontre, c’est rien de méchant.

- Moi je préfère viser les genoux et les voir galérer à savoir où me frapper. Mais, fait-il en observant la courte taille de son apprentie, je pense que tu sais comment ça fait toi aussi. Quand t’es avec tout ces grands idiots de l’abordage.

Elle rougit un chouïa en le regardant rire, et se maudit pour ça. Elle est sur le point d'inventer un jeu à boire qui tournerait vite au coma éthylique en se basant sur le nombre de fois où elle agit comme une midinette devant Suu Beau Sourire Galwaïn. Elle acquiesce aux paroles du pilote, approuvant vivement sa réflexion et sa stratégie d'attaque. Non elle ne s'enflamme pas du tout quand il s'agit de combat, du tout.
- C'est une super technique ouais ! Sur mon ancien vaisseau les gars se focalisaient sur leurs gros biscoteaux, v'voyez ? "Regardez comme mon biceps est tendu et prêt à déchausser des dents !" Ils étaient toujours surpris quand une nana d'la moitié de leur taille arrivait à les foutre au sol. Ahah.

Elle fait un tour sur elle même sur la chaise à roulette, prenant un peu la pose pour finir :
- Il y a une arme létale dans ce p'tit corps, vous pouvez me croire !

- Je te crois. Je te crois totalement.

Pourquoi ne le ferait-il pas ? Suu était aussi une teigne miniature, il y a… Presque dix ans. Il était juste un peu moins enthousiaste à l’idée de botter des trains à coups d’armes létales, ça l’éclate donc de voir Dayanara prendre la pose pour prouver ses dires.
Tellement qu’il décide de mettre un peu de côté la leçon pour le moment pour simplement papoter.

- T’étais sur un autre vaisseau avant alors ?

Elle hoche la tête vivement, agitant sa crinière ébouriffée. Ca la dérange jamais de parler du Gladios. Elle aimait ces vieux malpropres.
- Ouep ! Sur le Gladios, M’sieur, le sloop le plus pas super rapide de la galaxie ahah ! J’suis restée deux ans dessus, ca a été mon baptême du feu, comme ils disent. Mais je savais pour sur déjà m'battre !

Elle jette un regard neutre à son bras métallique, le portant devant ses yeux.
- Je voulais être une guerrière quand j’étais p’tite, vous savez, comme le dessin animé là … La fille avec les mains en feu qui a perdu ses parents et va de planète en planète pour retrouver son frangin … Bah je voulais être comme elle. Enfin j’ai pas de frère. Mais bah le principe c’est l’même ! A la différence qu’elle éventre personne dans ce dessin animé, un truc genre la gentillesse plus forte que la violence …

Un petit haussement d'épaule nonchalant.
- Ca marche que sur écran ca ! Va dire au mec qui veut t’étrangler qu’il n’est qu’amour et que son coeur est pur, sous toute cette haine.

Elle ricane un peu avant de se reprendre, cette fichue tendance à digresser ...
- Bref, ouais, le Gladios. Premier ventre éventré à bord de c’vaisseau. Vous avez déjà vu quelqu’un mourir M’sieur Galwaïn ?

Elle a pas vraiment conscience que ca peut déranger les autres; elle a vu son lot de regards vitreux depuis un trop jeune âge.

Le Gladios ? Connaît pas, okay, il note le nom. On sait jamais, s’ils le croisent ou… Ou il perd le fil, distrait par le dessin animé qu’il ne connaît absolument pas, et puis ça a l’air bizarre une fille avec les mains en feu, et le message sur la gentillesse est tout aussi con. Ils font vraiment des programmes pour enfants aussi niais ?
Oui. Oui sans doute. Les gens doux ont le monde autour d’eux fait pour préserver ça. C’est pas un mal, c’est juste pas ce qui l’a vu grandir. Et pas ce que Dayanara a vécu, non plus.

- Le coup du lapin.

C’est si vague, dit avec tellement de douceur sur un sourire flou que ça en devient juste bizarre.

- Le premier homme que j’ai vu mourir c’était le coup du lapin. Le transport a eu un accident, il est parti en avant.

Suu mime le cou comme coupé, côté de la main dans sa propre nuque.

- Les autres sont plus flous.

Pas tous, mais ce sont ses souvenirs. Il ne veut pas les partager. Il peut par contre offrir une explication alors il le fait.

- J’ai été Légionnaire. On voit beaucoup de morts quand on fait ses dix ans dans la Légion, donc ouais, j’en ai vu quelques uns. Je suis content que ce soit moins le cas au pilotage, si tu veux savoir.

Elle l’observe dans un silence qui ne lui ressemble pas trop. Le visage mortellement sérieux, dénué de l’habituelle flamme farouche et intrépide. Elle revoit les yeux exorbités du type inconnu quand elle a retiré ses lames, sa combinaison qui se teintait de pourpre et la bave qui lui coulait au menton. Même pour l’homme le plus charismatique du système, il n’y a aucune dignité au moment de mourir.
Elle baisse la tête sur ses genoux et les mains qui y sont croisées. Ouais, et il n’y a définitivement aucune fierté à baigner dans des entrailles.
Elle relève la tête en souriant :
- Il est cool en plus cet endroit !

Elle fait tourner la chaise à 360 degrés pour apprécier la salle.
- Pas de poster de pin-up épinglé à côté de votre poste, M’sieur ?

Bon changement de sujet. Ca fait rire Suu, un peu forcé peut-être, mais avec assez de sincérité pour ne pas sonner faux.

- Des pin-ups. C’est comme ça que le pilotage du Gladios était décoré ? Des pin-ups…

Avec son sourire du type qui s’amuse, il regarde intensément l’espace vide au dessus de son poste de pilotage. Il essaie d’y imaginer un poster et… Il suffit d’une seconde pour qu’il aie une image très précise digne d’un garage à speeders. Deux image très précises, même, parce que pourquoi se limiter aux bimbos peroxydées dans l’imagerie douteuse alors qu’il ne le fait pas dans la vie ?

- Tu verrais plutôt une fille avec un bikini et un tricorne ? Ou un garçon en boxer avec le même tricorne ?

Elle cligne des yeux trois secondes, la bouche ouverte, son regard courant de gauche à droite, sur Suu puis sur le mur vide. L’image qui lui vient en tête tient plus de la seconde proposition. Avec roulettes en supplément. Elle s’étouffe à moitié.
- Euh je ... Je sais pas ... Je ... C’est votre mur hein, moi je ...

La honte. Elle a envie de s’enterrer quelque part. L’image du jeune pilote en sous-vêtements danse devant ses yeux. Elle s’empourpre alors que l’unique bout de tissus disparait de son fantasme, lui laissant un quota d’images indécentes. Elle tend un doigt rapide vers une commande au hasard sur le tableau de bord :
- Et c’est quoi ça ?!

Son coeur bat la chamade.

Tiens, tiens, tiens. Mais elle est toute embarrassée, Dayanara ? C’est la fille ou le garçon en tricorne qui font cet effet ? Ou alors ce sont juste les hormones de fin d’adolescence ? S’il se souvient bien, ces trucs sont incontrôlables et fichent dans des situations débiles.
Et il a très envie de l’ennuyer avec ça. Tellement qu’il se retient pas et que même s’il fait mine de regarder la commande qu’elle lui montre, son mauvais fond se met en branle tout seul.

- Ca ? Oh. Le carburant. Les niveaux au dessus, les commandes en dessous. Cheveux courts ou cheveux longs, sur ton idée du poster ?

Elle lui fait les gros yeux pendant trois secondes, à ce M’sieur Galwaïn qui a décidé d’intensifier le rouge de ses pommettes. Elle le dévisage quelques secondes supplémentaires avant de se tasser sur elle-même, tirant sur son bonnet pour cacher ses oreilles écarlates et son regard brillant de gêne. L’image fugace de son récent fantasme danse sur le pilote.
- Cheveux … Courts ? Enfin à moitié courts. Euh … Mais pas longs, longs. Enfin un peu comme …

Elle agite une main brouillonne vers la tignasse du gars et rougit encore plus.
- Un peu comme ça ? Et … Et vous ? Courts ou longs ? Attaque-t-elle dans un sourire tellement crispé que ses incisives semblent grincer.

Daya essaie de se prêter au jeu de la séduction, la subtilité et le charme qu’on attendrait de ce genre de situation en moins.

Attends. Attends attends… La lumière se fait soudain dans la tête de Suu. Vaguement. A moitié. On va dire que la lampe clignote, ce qui est déjà pas mal, et qu’il commence à piger qu’il y a moyen que sur son poster imaginé ce soit lui que Dayanara voie.
Bon, peut-être qu’il se trompe totalement. Ce serait pas la première fois. Et peut-être qu’il ne sait pas trop ce qu’il veut en faire, de cette possibilité, alors il va continuer de prétendre ne rien avoir compris et voir où tout ça mène.

- Pas de préférence.

Hey, Galwaïn, c’est pas comme ça qu’on drague. Un peu de concentration.

- Un joli visage. Un air un peu rugueux, tu vois le genre ? Cicatrices, air bagarreur. Assez de muscles pour me mettre au tapis. ‘fin, pas que ce soit difficile… Enfin voilà.

C’est mieux. Un peu bancal, mais mieux.

- Pas beaucoup de vêtements. Un bonnet.

Subtil. Bravo.

Elle l'écoute avec l'attention la plus marquée, allant jusqu'à s'empêcher de cligner des paupières pour ne pas louper une miette de ce qu'il lui confie là.

Elle coche mentalement de petites cases en essayant de faire le rapprochement avec d'autres membres de l'équipage, homme ou femme, ça en fait un tas. Joli visage, y'en a beaucoup, des jolis visages tout lisse. Rugueux ? Comment ça ? De la barbe ? Ok donc un homme. Cicatrices et air bagarreur ... Ca laisse à peu prêt tout l'abordage ... Voire la moitié du Némésis. Des muscles ? Allez un tiers du Némésis.
Daya fronce un peu les sourcils en cherchant la perle parmi tout ça, à peu près sûre que de toute façon, peu importe qui aurait la préférence du pilote, ce ne serait pas dur pour lui de la ou le séduire. Vision biaisée ? Pas du tout.

Elle rougit, "pas beaucoup de vêtements" ? Son fantasme d'un peu plus tôt surgit et agite ses atouts devant ses yeux toujours écarquillés. Un bonnet ? Elle sursaute, tire sur le sien d'un geste incertain. Son esprit énumère à toute allure les membres de l'équipage qu'elle a pu croiser avec un bonnet. Pas beaucoup. Genre, pas beaucoup du tout. Elle rougit d'autant plus en baissant rapidement les yeux. Confuse quant au message à entendre ici.
- Y'a pas beaucoup d'gars avec des bonnets ahah, vous me compliquez la tâche M'sieur ... Enfin pas que j'essaie d'viner hein. Juste euh ... Pour imaginer. Ouai- Enfin non ! Pas pour vous imaginer, juste euh enfin ... J'suis curieuse hm.