Étouffant. [Jez]

Tu l'écoutes, toute silencieuse, non sans manquer la tension qui l'habite un instant quand un mouvement attire son attention et bientôt la tienne. T'as envie de presser le pas, mais tu te forces à calquer ton rythme sur le sien, malgré une petite moue inquiète. Pourtant, ça ne dure pas et la femme se détend en continuant son chemin. Vous êtes presque sortie, quelques mètres à peine.

- Votre nom est impérial, donc j'avais une idée de vos origines, mais j'savais pas que ça remontrait jusqu'à Tyrion de façon aussi... Récente.

Dans l'histoire, 100 ans, c'est rien, quand bien même que pour tes 16 ans, ça semble aussi énorme. Tu te mordilles légèrement la lèvre, songeuse.

- Les pirates semblent avoir une tolérance que peu d'autres ont. Si la majorité n'aime pas les factions, ils acceptent à leurs côtés des gens de tous origines du moment qu'ils partagent leurs idéaux et objectifs.

Tandis que nous poursuivons notre progression, la remarque de ma jeune compagne fait naître un sourire amusé sur mes lèvres. D'un geste ample et gracieux, je désigne tout ce qui se trouve autour de nous ; nous venons à peine de franchir les derniers mètres qui nous séparaient de la sortie de la ruelle. J'ai pris grand soin de ne pas demeurer dos à l'entrée de l'endroit, et je pointe désormais le port qui s'étend devant nous, en contrebas. L'endroit a un charme que l'on ne peut nullement nier. L'effervescence des divers équipages, la majesté des vaisseaux qui flottent, l'esprit qui s'en dégage... Mon cœur manque un battement lorsque je réalise à quel point les marques de destruction liées aux mutants demeurent présentes.

- Tout ceci est fort récent, dis-je finalement. Les êtres vivants que nos ancêtres ont délogé vivent dans notre système depuis des centaines d'années - peut-être même des milliers. Cependant, tous ceux qui ont décidé de venir vivre ici cherchait quelque chose qu'aucun autre endroit ne pouvait leur offrir.

Je demeure pensive un instant.

-Je songe que, si la piraterie existait auparavant, il s'agit bel et bien de l'endroit dans lequel elle prend ses lettres de noblesse. Certains sont venus ici afin de s'approprier ce qui ne leur appartenait pas; d'autres, tel que Léonore Alvarez, ont fait montre d'un immense courage et on tout bâti de leurs mains. Cependant, personne ne possède le monopole de la liberté. Il appartient à chacun de ne jamais oublier cela.

Tu es soulagé de quitter la ruelle peu accueillante que vous venez de traverser, le petit soupire que tu laisses tomber en attestant sans l'ombre d'un doute. Ton regard se pose sur le port qui s'étale devant vous, un terrain nettement mieux connu, plus sécuritaire à tes yeux que tout ce dédale de rues et ruelles derrière toi. Quand la femme à tes côtés reprend la parole, ton regard revient tout naturellement sur elle.

Le concept même de quitter sa galaxie pour une autre te semble... Étrange. Oh, tu n'as guère ce choix en étant pirate, mais tu sais que nombre de personnes le font. Malgré tes maigres attaches pour Renaissance, tu n'aimerais pas savoir la planète astronomiquement loin de toi.

- J'ai pas beaucoup entendu parler de la piraterie en dehors de Dorado, mais elle semble... Tu hésites un instant sur les mots à utiliser, te mâchonnant la lèvre. Rien de plus qu'un amas de criminels sans foi ni lois.

L'idée est malaisante. Ceux qui se comportent de la sorte en Dorado ne font pas long feu, détruit par les pirates eux-mêmes.

Le sourire qui naît sur mon visage est peut-être emprunt d'une dureté nouvelle. J'essaie néanmoins de n'être ni menaçant ni effrayante, à l'encontre de cette jeune femme qui n'a nul besoin d'être terrorisée plus qu'elle ne l'est déjà.

- J'imagine que nous ne sommes pas tellement éloignés de cette vérité-là en Dorado. Outre le Code que tout un chacun se doit de respecter, nous demeurons des êtres qui pillent, détruisent et tuent. Je songe que plusieurs d'entre nous savent se retenir de mettre le monde à feu et à sang par crainte des représailles. Il en est cependant ainsi ; nous prospérons grâce au malheur, à la ruine et aux pertes que nous infligeons à d'autres. Peut-être est-ce cruel, ou peut-être est-ce simplement l'ordre naturel des choses. Nous travaillons activement et prenons de nombreux risques afin de faire vivre un équipage, une famille, que sais-je encore.

Je m'autorise une brève pause, détaillant ma jeune compagne du regard.

- J'ignore comment sont précisément les pirates en dehors de notre système. Je n'en suis nullement sortie au cours de mon existence. Le ciel de Dorado est suffisamment vaste pour avoir toujours son lot de secrets à découvrir et de richesses à explorer. Néanmoins, j'imagine qu'ils ne sont pas si différents de tous ceux qui, ici, essaient de vivre au mieux, en demeurant libre des contraintes imposées partout ailleurs.

Il y a quelque chose de différent dans son sourire qui te met pas très à l'aise, sans pour autant que ça soit particulièrement dirigé vers toi. Les mots qui glissent des lèvres de Jezabel Alvarez ne te plaisent pas. Tu n'as pas envie de voir ainsi ceux qui te sont chers et qui embrassent la piraterie avec fougue. Tu n'as pas envie de réduire Hannabeth à une voleuse meurtrière. Tu n'es pas débile non plus. Tu SAIS qu'Hannabeth vole, qu'elle tue. Tu le sais. Tu n'as pas envie de voir ainsi ceux qui te sont chers et qui embrassent la piraterie avec fougue. Tu ne mets pas l'emphase là-dessus.

C'est peut-être se mentir à toi-même, mais tu as encore du mal à assumer tout ça. Tu ne mets pas l'emphase là-dessus. Mais tu soutiens, calme, des miettes de tristesse et d'angoisse dans le regard.

Tu ferais n'importe quoi pour eux. C'est ce que tu crois. Et tu sais que ça fait de toi quelqu'un de peu recommandable aux yeux des lois. Mais c'est le chemin que tu as choisi et tu ne comptes pas t'en détourner.

- Ça semble tellement mal dis comme ça.

T'hausses doucement les épaules, l'observant.


- Mais je ne veux pas partir. Je voudrais rien changer. Tant pis pour ce qu'il en est, au final...

Mal. Ce mot ne me plaît nullement. Cependant, je ne puis le reprocher à la jeune fille qui m'accompagne. Je puis comprendre que ma description de nos pratiques n'ait été très flatteuse. Il est vrai que nous ne réfléchissons que rarement à tout cela lorsque nous sommes pris à l'intérieur de l'engrenage de la piraterie. Il est souvent compliqué de prendre du recul si nous avons le nez sur un élément. Je souris toujours ; cependant, mon sourire se fait plus amer encore.

- Qu'est-ce que le mal ou le bien, Ren'anwë ? Sommes-nous donc plus mauvais que les trinitaires qui esclavagisent d'autres êtres vivants et réduisent la moitié de leur population au rang d'inférieur ? Sommes-nous pire que les corporatistes qui ne vivent que pour le profit, sans se soucier des conséquences que peuvent avoir leur soif de progrès ? Sommes-nous pire encore que les impériaux qui vivent dans l'opulence et l'excès en ignorant les pauvres qui décèdent sous les fenêtres de leurs palais dorés ?

Je me radoucis.

-Nous ne sommes ni bons, ni mauvais. Nous faisons ce qui doit être fait, selon les valeurs qui nous sont propres. La liberté est notre Graal, et nous combattons pour cela ; aucun combat ne pourrait se targuer de ne point verser le sang. Si nos actes semblent mauvais, il n'appartient qu'à nous de les rendre utiles pour notre cause, et d'agir afin de servir ce qui nous semble être juste. Il est possible de choisir qui nous voulons être.

Tu lèves les yeux vers elle, cette femme si assuré dans ce qu'elle fait, si certain de ses vérités. Ses routes semblent pavées d'assurances si les tiennes sont faites de doutes et tu la respectes profondément même si chacune de ses paroles ne sonne pas correctement à tes oreilles. Ce n'est pas grave, qui pourrait se targuer d'avoir la vérité absolue ? Et puis, qu'est-ce que la vérité, n'a-t-elle pas autant de facette qu'il y a d'être dans le monde ?

Ça te fait te sentir minuscule. Ce monde immense remplit de vérités diverses comme de mensonges.

- J'pense que c'est une notion propre à chacun. Qu'on a tous notre part de mauvais et tous une jauge sur laquelle on classe tout. Pour les factions, nous sommes mauvais. Pour les pirates, les factions sont mauvaises.

Tu hausses doucement les épaules, ton regard traîne sur le port. Son bleu semble presque trop limpide pour cet endroit.

- J'aime ce que vous venez de dire, madame. J'espère que je ne vous embête pas trop avec mes réflexions. J'comptes pas changer d'voie, mais j'aimerais la comprendre l'mieux possible et y faire ma place. Même si parfois ça semble la pire possible... Beaucoup plus souvent, c'est la meilleure.

Nous marchons à un rythme moins soutenu que lorsque nous avons traversé les étranges ruelles pour parvenir jusqu'au port. La jeune fille semble toujours en proie à de nombreux doutes, mais tout de même apaisée par la conversation que nous avons pu avoir ensemble. J'hoche la tête en souriant.

- Exactement. Tous ont le droit et peut-être même le devoir de connaître ce qu'il supporte ou ce qui, au contraire, l'insupporte. De la même manière qu'il vous faut savoir où se trouvent vos limites et les frontières tracées par votre propre code d'honneur - qui ne saura cependant surpasser celui que nous respectons en tant que pirates.

L'ambiance qui règne sur le port de Tortuga est toujours fort particulière ; elle est surtout unique en son genre, et où que l'on pose son regard, il est possible d'apercevoir des scènes étranges, qui peuvent parfois sembler dénuées de sens. Sur notre passage, quelques salutations respectueuses et quelques regards admiratifs ou intimidés naissent. Personne ne se risque néanmoins à nous interrompre.

- Si vous m'embêtiez, nous ne serions point en train de discuter. Je vous l'ai dit : je ne suis point femme à me forcer à acter d'une manière qui ne saurait me convenir. Il est nécessaire et normal de vouloir comprendre le monde au sein duquel nous évoluons, et il est tout à votre honneur d'entreprendre ce cheminement de pensées, quoi qu'il ne soit guère toujours agréable.

- De toute façon, j'trouve le Code juste. Peut-être difficile parfois, mais il est fait pour que ça fonctionne au mieux. Il permet à la piraterie d'être... plus que ce que pense ceux qui y sont hostile, qu'ils le veulent ou non.

Peu doivent vraiment en avoir conscience, d'ailleurs, mais tant pis. Ton regard s'attarde une seconde sur ceux qui salut Jezabel -toi, on ne te connaît pas assez, donc c'est clairement pour elle-, puis se repose sur la dame pirate. Tu lui souris.

- Merci de prendre simplement du temps pour moi. J'doute pas que vous ayez pleins d'autres choses à faire.

Plutôt qu'écouter et éclairer une adolescente perdue. Et si c'est pas agréable, tu es dans cet univers depuis un moment déjà et il te semble nécessaire.

J'hausse les épaules avec légèreté, amusée par les convictions de la jeune fille qui a encore tant à apprendre. Je n'ai guère le souvenir d'avoir été ainsi un jour ; cependant, je retrouve un peu de Jillian en Ren'anwë. Ces questionnements adolescents ne me semblent donc nullement étranges.

- Le code existe effectivement pour beaucoup de bonnes raisons. Je ne suis guère en accord parfait avec tous les points évoqués, mais cela ne m'empêche nullement de le suivre autant que faire se peut, et d'être satisfaite par ma vie ainsi. Il faut parfois apprendre à avoir un regard plus critique sur ce qui nous entoure, afin de se forger une opinion qui n'appartient qu'à nous, et de savoir où mettre nos valeurs et comment agir.

Je souris, la tête haute et les épaules bien droites, lorsqu'elle me remercie de prendre du temps.

- Il est vrai que je suis une femme fort occupée ; cependant, un capitaine qui ne sait se rendre disponible pour ses subordonnés ou ses pairs est, selon moi, un fort mauvais capitaine. Selon moi, les seigneurs pirates et par extension, les capitaines, ont également pour mission de s'assurer que l'âme de la piraterie se perpétue en bonne et due forme. Cet esprit est relayé par les équipages et les plus anciens d'entre nous, mais aussi par les jeunes êtres qui se lancent dans cet univers à la fois beau, complexe et impitoyable.

T'hésites un instant, l'observant...

- Quelles sont les points qui vous sont plus problématiques dans le Code ?

Ce n'est généralement pas une chose dont on discute. Le Code, c'est le Code et ceux qui s'en détournent finissent plus souvent qu'autrement mal. Le sujet n'en devient, de ce fait, que plus intriguant. Tu pourrais peut-être questionner Hannabeth à ce sujet également, voir ce qu'elle en pense pour sa part.

- Je comprend ce que vous voulez dire. L'image de la piraterie, c'est à chaque pirate d'en prendre soin et de veiller à ce son esprit soit correctement compris.

Tu te mordilles la lèvre, songe un peu à tous ces pirates que tu connais, certains plus vertueux que d'autres, des dizaines de visions qui se rejoignent plus ou moins justement.

Je réfléchis à la manière d'exprimer mes réserves quant au code. Elles ne sont guère nombreuses, mais nier leur existence serait une erreur que je ne souhaite point commettre.

- Eh bien. Je n'apprécie nullement les clauses qui indiquent que tous les hommes qui sont en arrière doivent être livrés à eux-mêmes. Je songe que chacun mérite une chance de s'en sortir, même lorsque le combat s'annonce moins évident pour lui - à condition que cela ne devienne point usuel. Je ne suis guère adepte de l'interdiction de verser le sang à bord. Les hommes qui commettent des erreurs doivent être punis, de la même manière que ceux qui montrent leur bravoure et leur dévotion doivent être récompensés. J'imagine que cela n'appartient qu'à moi, cependant.

J'hoche ensuite la tête en recouvrant mon sourire lorsqu'elle me prouve qu'elle a tout à fait compris ce que je souhaitais lui signifier.

- En effet. Il appartient à chacun de veiller sur notre communauté, afin de nous assurer que notre image ne va guère être salie par quelques incompétents qui se disent pirates sans avoir ne serait-ce qu'une idée de ce dont il s'agit réellement.

Tu l'observes alors qu'elle t'explique, n'ayant pas de mal à comprendre que le fait de laisser quelqu'un derrière soit... Tu aurais du mal à laisser faire, quand bien même tu ne sais guère te battre. Toutefois, pour ce qui est de ne pas verser du sang à bord...

Les membres de l'équipage n'ont qu'a lever le ton pour te mettre mal à l'aise, qu'à se crier dessus pour te faire te ratatiner dans un coin. Encore heureux qu'il n'y ait pas de sang versé. Jezabel Alvarez est incroyablement différente de toi et si tu ne peux acquiescer à toutes ses opinions, tu les respectes quand même.

- J'vois. J'pense que la seule règle qui peut me gêner, c'est la première.

Tu hésites un instant.

- En général, ces hommes qui se disent pirates... Ils s'en vantent pas longtemps...

Ton regard se tourne vers l'endroit d'où vous venez. Combien avez-vous croisé de spécimens de ce genre, qui se cache dans les ruelles pour fondre sur les victimes potentielles, entre deux voyages spatiales ?

Je ne puis qu'avoir un léger sourire sincère lorsqu'elle m'avoue ne partager avec moi que la moitié de mon mécontentement quant aux règles du code que j'énonce. Cela ne me surprend guère ; peu d'individus ont une vision similaire à la mienne sur ce point, et je ne puis décemment point le leur reprocher. Nous n'avons tout bonnement nullement le même style de piraterie, et cela me sied ainsi. Je demeure discrète quant à mes pratiques et je fais en sorte de ne point faire de vagues ; j'évite d'aller à l'encontre du code afin de ne point m'attirer les foudres des seigneurs pirates. En revanche, cela ne m'empêche en rien de posséder des opinions qui me sont propres, et tant qu'aucun de mes compères n'a l'audace de me faire un quelconque commentaire quant à mes idéaux, je ne vois nulle raison de faire une esclandre.

- Garde cela à l'esprit ; tes opinions quant à la vie que tu mènes sont l'une des clés qui te permettront de comprendre quel style de piraterie tu désires adopter, et quel mode de fonctionnement te correspond le mieux.

Mon sourire vacille un instant, puis se mue en une moue insatisfaite, lorsqu'elle mentionne ces fameux hommes qui se disent pirates sans en avoir l'étoffe.

- Ils pullulent comme de la vermine ; les écraser n'est guère suffisant. Ils reviennent en nombre aussitôt qu'ils le peuvent. Nous ne pouvons que demeurer vigilant à ce que nous faisons, et tenter d'éviter de leur donner des raisons de nous faire du tort.

Votre divergence d'opinions ne gêne pas Jezabel a en croire le sourire qu'elle affiche. Toute comme sa réponse fait doucement briller ton regard. Malgré ta gêne du début, tu ne pouvais espérer tomber sur meilleure personne pour t'aider à mettre de serait-ce qu'un peu d'ordre dans ta tête, te pousser vers des pistes intéressantes à parcourir pour mieux... te construire tout simplement. Tu hoches doucement du chef, un sourire ourlant tes lèvres.

Toutefois, la mention des pirates... Enfin, ceux qui disent l'être alors qu'ils ne sont que des criminels aux yeux de leurs compères.

- Il n'y a pas vraiment de solution contre eux, non ?

Tu es curieuse d'entendre son avis sur la question.

Quoi que mon sourire ne s'efface point, il se fait légèrement plus dure. Je ralentis jusqu'à pouvoir faire face à la jeune fille, et je pose une main légère mais ferme sur son épaule.

- Il existe toujours des solutions. Toujours. Qu'importe la situation, qu'importe que nous soyons capable de la discerner sur l'heure ou qu'il nous faille davantage de temps. Aucune circonstance ne peut être s'il n'existe point de solutions pour y mettre un terme.

Je tiens à ce qu'elle conserve cette idée en tête, et je patiente quelques secondes avant de la relâcher avec douceur, et de me replacer à ses côtés, légèrement plus en retrait.

- Cependant, leur existence n'a rien d'aisé. Les seigneurs pirates se battent activement contre les imposteurs qui nuisent à notre image. Régulièrement, des équipages entiers disparaissent après avoir été trop imprudents, trop maladroits ou trop impertinents à l'égard des quelques règles qui nous régissent. Il ne faut en aucun cas sous-estimer le pouvoir de ceux qui sont au sommet de la piraterie. Mais malgré tout, il arrive récemment que des pirates plus isolés n'échappent aux mailles d'un filet pourtant bien fait.

Je demeure silencieuse quelques secondes, perdue dans mes pensées.

- A notre échelle, nous pouvons demeurer vigilants. Je n'éprouve aucun remord à me débarrasser des vermines qui jonchent mon chemin. Ceux qui ternissent notre image, ceux qui essaient encore de violer nos enfants et le peu de mœurs que nous tâchons de conserver.

Tu t'arrêtes quand elle pose la main sur ton épaule et te fait face. Sa main est loin de représenter une agression et ton regard bleu se lève vers elle, attentif. Ses mots sont forts, disent qu'il y a toujours moyen de faire quelque chose, de passer à l'action. Ils t'impressionnent, parce que tu n'as toujours pas trouvé cette force en toi, alors que Jezabel Alvarez semble en regorger.

Elle te relâche et vous continuez à avancer, ayant rejoint le port et ses vaisseaux. Les vôtres sont toutefois plus loin. En attendant le moment fatidique où tu devras la laisser, tu bois chacun de ses mots avec attention. Nul doute que les seigneurs pirates sont redoutables et que leur jugement tombe tel un couperet sur le cou de ceux qui souille les lettres d'or de la piraterie. Toutefois, tu n'es pas de la trempe a t'occuper toi-même d'éliminer qui que ce soit, quand bien même tu sais fort bien que ton aide mène souvent à ce genre de fins pour ceux qui suscite le courroux de l'Albatros et son Capitaine.

- J'comprend.

Tu hésites une seconde.

- J'suis... J'ai pas trop les compétences pour m'débarrasser d'ce genre de personnes, mais j'ferai toujours d'mon mieux en tant qu'hackeuse pour aider à c'qu'ils soient évincés.

Ton ton est plus assuré que ce à quoi tu t'attendais alors que tu lèves un regard franc vers la femme exceptionnelle à tes côtés.

La jeune fille est toujours hésitante, mais elle semble néanmoins plus déterminée qu'elle ne l'était au commencement de notre conversation. Cela me porte à croire que tout cela n'a guère était une perte de temps. Néanmoins, mon h-com se met à sonner frénétiquement, et je n'ai d'autres choix que de prendre connaissance des messages qui m'ont été envoyés.

- Je vais devoir retourner à mes obligations. N'oubliez cependant jamais que personne n'est jamais né avec d'incroyables compétences. Rare sont ceux qui n'ont jamais eu à travailler afin d'acquérir un bon niveau en quoi que ce soit. Vous êtes encore jeune. Ne rêvez pas de devenir quelqu'un d'autre. Travaillez dur afin d'atteindre vos objectifs et de devenir qui vous souhaitez être.

Je lui souris avant de lâcher délicatement son épaule.

- Nous nous reverrons, Ren'anwë.

Et sur ces paroles, je me détourne d'elle et marche à grands pas en direction de mon vaisseau.

Le Hcom de Jezabel commence à sonner avec insistance et la femme le regarde, t'annonçant, comme tu devinais qu'il adviendrait, son retour à ses occupations. Tu t'estimes déjà chanceuse d'avoir pu passer tout ce temps en sa compagnie, votre conversation ayant été des plus riches grâce à l'expérience de cette capitaine plus que connue.

- J'travaillerai fort, Madame, merci pour tout !

Tu lui adresses un de ces sourires lumineux qui t'es coutumier avant que vos chemins ne se séparent, te laissant regagner l'Albatros, a l'abri des soûlons bagarreurs de Tortuga.