Le soupirail des anges [Colombe & Jezabel]

Colombe retrouve le corps et les mains de Jezabel, découvre la chaleur de son front contre le sien et de sa peau sur la sienne, brièvement, alors que dans son ventre le feu gronde avec force. L’envie de lui dérober un baiser la traverse, mais sa compagne ne lui en laisse pas l'occasion. Elle mène la danse, ondule sensuellement devant elle, et Colombe ne voit aucune raison de refuser qu’on la guide ainsi. Elle s’efforce de détendre ses muscles encore crispés et de suivre les mouvements de Jezabel avec de plus en plus d’aisance. Sa compagne dirige ses mains et Colombe la laisse sagement faire, effleure la peau et la dentelle qui lui sont offertes avec une certaine pudeur mêlée de curiosité. Puis, le dos brûlant de la pirate se dérobe à son regard et elle retrouve son visage et… tout ce qui se trouve en dessous. Elle la sent suivre le chemin des boutons de son propre chemisier et déglutit en prenant conscience qu’elle est toujours vêtue, contrairement à Jezabel, et que la suite logique des choses voudrait qu’elle perde quelques morceaux elle aussi.

Mais elle ne doit pas y penser. Pas tout de suite. Pas du tout, même, si possible. Alors elle s’accroche à autre chose, glisse ses mains d’abord hésitantes, puis de plus en plus amples, dans le dos de Jezabel, sur cette peau qui s’avère aussi douce que le reste de son corps, alors qu’elle lève le menton pour aller chercher ses lèvres.

La jeune femme semble enfin parvenir à se détendre réellement, et commence même à prendre quelques initiatives, qui me poussent à poursuivre notre danse. Je vais trouver ses lèvres avec avidité, alors même que ses mains dans mon dos m'arrachent un délicieux frisson. Les miennes s'affairent sur les boutons de sa chemise, et je les défais un à un, de bas en haut. J'écarte les pans de son haut ainsi ouvert afin de coller ma peau contre la sienne. Je soupire d'aise, alors que mes mains retrouvent elles aussi sa peau, se glissant à nouveau dans son dos afin de la garder tout contre moi, mais également de caresser sa peau si douce.

La friction de nos corps provoquée par notre danse m'est déjà tout à fait agréable, et je sens le désir croître vivement en mon sein, tandis que mes mains se risquent à se perdre plus bas dans son dos. Je demeure à l'écoute de ses réactions, mais j'avoue me sentir de plus en plus emportée par l'ambiance hypnotique, la musique, les lumières douces et l'odeur de nos corps. Pour autant, je ne laisse pas totalement la passion prend le pas sur le reste. Je souhaite que cet instant soit un instant de bien-être et de plaisir pour elle... Et peut-être un peu pour moi aussi. Doucement, je vais chercher l'une de ses mains, et puisqu'elle n'a pas mal réagi la première fois, je la guide lentement en direction de ma poitrine.

Les choses vont vite, déjà le dernier bouton de son chemisier a cédé et Colombe sent l’air lui caresser la poitrine. Son baiser se suspend et elle baisse les yeux, rougissant de gêne à l’idée d’offrir ainsi son corps à quelqu’un contre qui elle ne pourra jamais rivaliser. Mais les gestes de Jezabel ne faiblissent ni ne s’arrêtent. Toujours empreintes d’une agréable douceur ses mains explorent le bas de son dos, l’invitent à poursuivre leur danse et à se laisser emporter par ce moment qu’elle appréhendait tant. Enivrée par ce contact et par le très long frisson qui se propage dans tout son corps, Colombe se rapproche, se serre à elle, cherche sa chaleur en reprenant ses baisers. Elle s'aventure cette fois sur la peau délicieusement parfumée du cou de sa compagne, pendant que cette dernière guide l’une de ses mains vers un morceau de dentelle bien connu.

Le contact s’avère plus long, cette fois, et la jeune femme ne peut retenir un léger froncement de sourcils. Elle ignore tout de la façon dont elle doit la toucher à cet endroit et les sensations entremêlées des caresses, des baisers et de la danse ne lui laissent que peu de lucidité pour y réfléchir. Ses doigts s’attardent contre le tissu translucide, en effleurent les contours, découvrent avec une timide curiosité les formes qu’il cache à peine avant de remonter en une longue caresse vers l’épaule, puis la nuque de Jezabel, à la recherche de la douceur de sa peau.

Je la sens à nouveau hésiter, mais cela ne dure qu'un bref instant avant que ses mouvements ne prennent encore de l'assurance. Elle semble de plus en plus à son aise, et si je guide toujours la danse, elle prend plusieurs initiatives qui ne sauraient me laisser de marbre d'aucune manière. Je me risque progressivement à abaisser mes mains sur l'attache de son propre bas, afin de lui réserver le même sort que sa chemise. Je ne désire point que tout cela cesse, et j'essaie par conséquent de ne faire aucun acte qui pourrait l'effrayer d'une quelconque façon. Cependant, je sens bel et bien notre rythme qui s'accélère progressivement, au rythme de notre danse et de nos baisers, au rythme de nos mains qui explorent nos peaux, de nos souffles qui se mêlent et de nos peaux qui s'effleurent.

Lorsque plus rien ne retient sa jupe, je ne l'abaisse pas immédiatement ; j'autorise mes mains à découvrir davantage d'elle sous son haut défait, et explore en une caresse continue tout ce qui m'est accessible. Je m'attarde sur les endroits que je sais être sensible chez la plus part des femmes qui peuplent notre univers - et avec lesquelles il m'a déjà été donné de vivre pareil instant. L'une de mes mains cesse sa progression au niveau de sa poitrine, et sans cesser nos baisers, j'essaie de me montrer aussi attentive que possible à ses réactions.

Jezabel s’affaire désormais sur la ceinture de Colombe, qui se relâche lentement autour de sa taille. Pourtant, la jupe de son uniforme ne glisse pas immédiatement au sol comme elle s’y attendait. Les mains qui s'y affairaient dévient plutôt leur course sans achever leur travail. La capitaine prend son temps, sans doute pour ne pas la brusquer, et ce rythme doux plaît beaucoup à Colombe, même si l’envie d’accélérer la cadence commence à poindre le bout de son nez dans son esprit embrumé. Jezabel aussi semble ressentir le même désir, puisque ses doigts explorent avec de plus en plus d’insistance, arrachent à la jeune femme quelques frissons, puis un sursaut lorsqu’ils effleurent un coin de peau particulièrement sensible. Ses lèvres frôlant toujours le cou de sa compagne, elle ne peut retenir un petit rire gêné avant de rompre le silence, par peur que sa réaction ne soit mal interprétée.

– ... vous me chatouillez.

Et ce n’est pas désagréable.

Pour un raison différente, la main sur son soutien-gorge lui arrache elle aussi un petit mouvement de surprise. Jezabel s’arrête, semble guetter sa réaction, et Colombe profite de cette seconde de flottement pour poser sa main sur celle de sa compagne, en une caresse plutôt qu’un mouvement d’arrêt, cette fois. Elle demeure ainsi un court instant, le temps de taire l'appréhension dans son ventre, avant de relâcher sa prise, l’invitant à poursuivre alors que sa propre main part rejoindre sa semblable sur la nuque de la pirate.

J'autorise un soupir d'aise à passer la barrière de mes lèvres, mu par les sensations que me procurent ses baisers. Je ris également lorsqu'elle m'avoue que mes caresses la chatouillent. Cela ne me donne nulle envie de cesser ce que je suis en train de lui faire. Espiègle et joueuse, je laisse ma main libre s'attarder sur les endroits qui lui procurent le plus de sensations, lui offrant mille et une caresses. Je crains un instant qu'elle ne veuille encore m'arrêter lorsqu'elle pose ses doigts sur ma seconde main, mais elle n'en fait rien. Aussi, je commence à la masser délicatement.

- Est-ce agréable ? soufflé-je sensuellement.

Progressivement, sans cesser chacun des mouvements que je puis faire sur son corps, je m'applique à lui retirer sa jupe. Elle choit sur le sol sans une once de résistance. Je cherche encore ses lèvres, afin de lui offrir un baiser emprunt d'une intensité nouvelle. Puis, sans mettre un terme à notre danse, je la guide à nouveau en direction du lit. J'espère que cette fois-ci, elle saura être davantage à son aise. J'en profite également pour essayer de lui retirer tout à fait sa chemise, afin de l'envoyer valser avec le reste de nos habits - de telle sorte que nous soyons toutes deux en sous-vêtements.

Colombe n’est pas certaine de savoir ce que désigne la question que vient de lui poser Jezabel. Parle-t-elle de leur danse? De ses caresses? De ses mains sur sa poitrine? De la jupe qui glisse doucement au sol? La jeune femme l’ignore, mais hoche néanmoins la tête, étouffant sa réponse dans un long soupir qui se heurte au cou de sa compagne. Cette dernière s’amuse visiblement beaucoup à insister là où elle la sait sensible et, frémissant sous ses doigts, Colombe sent les mots et les pensées lui échapper.

Lentement, leur danse les mène vers le lit en une chorégraphie improvisée. Un pas, Colombe abandonne ses chaussures au même endroit que sa jupe. Un autre et sa chemise les rejoint. Un autre encore et elle enroule ses bras autour de la nuque de Jezabel pour lui rendre son baiser. Elles ne doivent plus être bien loin de leur destination désormais, mais la jeune femme n’y pense qu’à peine, pas plus qu’elle ne pense à la perte de ses vêtements, aux sermons qui ont bercé son enfance ou au travail qui l’attend sans doute au restaurant. Doucement, elle se laisse guider par sa compagne, pose son front contre le sien, s’enivre de sa présence, de sa beauté et de sa chaleur, alors qu’elle se sent frissonner de plus belle sous l’effet combiné des caresses et de l’air tiède de la chambre contre son dos dénudé.

A peine nous sommes nous allongées sur le lit que notre danse prend une toute autre dimension. Nous voilà toutes deux emportées dans ce moment d'une infinie tendresse, qui me donne tout à fait la sensation de flotter dans un océan de tendresse. Mes mains et mes lèvres explorent son corps, goûte à sa douceur, chérissent chaque parcelle de sa peau, lui offrent toute l'attention qu'elle mérite selon moi. Il me semble que je perds la tête et la notion du temps, enivrée par les contacts et les sensations que ce moment intime peuvent nous procurer.

Je suis légèrement essoufflée mais parfaitement apaisée lorsque nous mettons finalement un terme à nos ébats. Nos corps nus sont mêlés l'un à l'autre, et je n'ai nulle envie de relâcher cette douce étreinte qui nous lie. Mes doigts effleurent affectueusement sa joue. Je ne dis mot, laissant perdurer la beauté de cet instant. Il possède une pureté qu'il me semble n'avoir trouvé dans un aucun autre de ces moments que je chérie tant. La tempête qui faisait rage à l'intérieur de moi connait une accalmie aussi rare que profitable. Pour la première fois depuis le décès de ma fiancée, j'ai la sensation d'être de nouveau vivante.

C’est Jezabel qui mène la danse ; une valse lente et douce, au rythme de la musique, de leurs envies et de leurs corps qui s’entremêlent. Colombe se laisse entraîner sans opposer la moindre résistance, s’abandonne toute entière à sa compagne du moment jusqu’à ne plus toucher terre, emportée par sa tendresse, sa chaleur, et tout cet or, ce blanc et ce rouge qui les enveloppent.

C’était doux et agréable, à des années-lumière de la passion sauvage qu’a connue Colombe auparavant. Le souffle court, les jambes molles et la tête dans les nuages, elle soupire de bien-être contre Jezabel, profite sans gêne du tendre calme qui s’est installé entre elles pour presser son corps contre le sien, s’accrochant à la chaleur de leur étreinte. Des doigts lui effleurent la joue et, en réponse, Colombe fait jouer les siens dans les cheveux et sur le dos nu de Jezabel, tout doucement, pour le simple plaisir de sentir à nouveau la douceur de sa peau sous ses mains. Depuis combien de temps ne s’est-elle pas retrouvée ainsi collée à quelqu’un? Longtemps. Elle n’a pas envie de compter. Cette pensée suffit néanmoins à lui faire réaliser qu’une telle tendresse lui avait manqué. Elle s’en voudrait d’être celle qui brisera leur confortable silence, alors elle laisse son corps parler pour elle, resserrant légèrement son étreinte et enfouissant une nouvelle fois son visage dans le cou Jezabel pour y retrouver le parfum sucré de sa peau.

C’était… pas mal du tout.

Je l'enlace, appréciant ce moment habituel mais toujours intensément singulier que je partage avec mes conquêtes après nos ébats. Ce moment de calme après la tempête, ce moment durant lequel le bien-être et les sensations se prolongent encore et encore. Je dépose des baisers sur le sommet de son crâne, m'assurant de toujours la garder contre moi. Il me semble qu'elle est tout à fait apaisée, bien loin de la créature affolée et terrorisée qui s'est présentée à moi plus tôt. Elle demeure silencieuse tandis que la musique défile toujours, hypnotisante. L'une de mes mains se pose sur son bras, la caresse en un mouvement aussi doux que régulier. Je me redresse à peine afin de pouvoir saisir la couverture et la rabattre sur nos corps dénudés. Mes caresses reprennent aussitôt.

- Comment te sens-tu, Colombe ? soufflé-je d'une voix aussi douce et paisible que le moment dans lequel nous baignons.

Elle me semble très bien se porter. Pour autant, je suis tout à fait curieuse de connaître ses ressentis. Elle n'est point la première jeune femme que j'initie au saphisme. Il se pourrait néanmoins qu'elle soit parmi les premières à captiver autant mon attention. Elle possède en elle cette particularité que je ne saurais nommer, qui me touche par-delà même les mots. Je ne parviens pourtant guère à en connaître les raisons. Qu'importe. Je n'ai aucunement besoin de savoir cela pour pouvoir profiter de cet instant.

La voix de Jezabel résonne doucement à ses oreilles, accompagnant les doigts qui lui caressent le bras et le cœur qu’elle sent battre contre elle. Comment se sent-elle? Voilà une question compliquée à laquelle Colombe ne sait pas quoi répondre. Ou peut-être n’a-t-elle tout simplement pas envie de le faire. Les mots lui semblent trop ternes et vides de sens pour exprimer les émotions qui la traversent en cet instant paisible, mais Jezabel lui a posé une question et elle ne peut se résoudre à s’emmurer dans son silence, aussi confortable soit-il.

– Bien, souffle-t-elle, les yeux clos.

Elle se sent bien, là, maintenant, dans la douceur des draps qu’a rabattus sa compagne sur leurs corps entremêlés. Bien dans la chaleur et la tendresse des bras de cette femme magnifique contre laquelle Colombe se blottit toujours sans ressentir le moindre besoin de bouger.

– Et un peu… déroutée, je crois?

Elle ajoute sa dernière phrase en entrouvrant légèrement les yeux sur la musique qui les entoure. Les souvenirs encore frais de leurs ébats s'accrochent à sa peau comme autant de claques et de caresses emmêlées, la laissant aussi satisfaite qu’incertaine du dénouement de cette rencontre inopinée. C'était si inattendu, si nouveau, si inconvenant et si agréable à la fois... C'est avec l'impression de ne plus savoir quoi penser que Colombe remue enfin, se dégageant légèrement pour oser un bref regard vers Jezabel.

– … et vous? demande-t-elle enfin après une longue hésitation.

Je souris en entendant sa réponse, étrangement satisfaite par son bien-être, et par le fait qu'elle ose enfin partager cela avec moi. Mes doigts ne cessent de caresser son corps, et je suis si bien en ce moment qu'il me semble que je pourrais demeurer ainsi pour l'éternité. Cependant, elle initie la première un léger mouvement de recul, qui me rappelle en lui-même ô combien je suis assoiffée.

- Il est normal que tu te sentes déroutée, si tout cela est nouveau pour toi. Tu sembles cependant bien plus à ton aise qu'auparavant.

Je conserve mon sourire et caresse sa joue du bout de mes doigts, traçant le contour de son visage comme si je souhaitais le garder en mémoire.

- Je me sens tout à fait bien également, je te remercie. Souhaites-tu que nous commandions de quoi nous sustenter ou nous désaltérer ? Je ne sais que trop bien que ces efforts-ci peuvent creuser l'appétit et assoiffer, soupiré-je.

Tandis que je prononce mes derniers mots, je la fais très légèrement basculer sur le côté afin qu'elle soit tout à fait dos contre le matelas, et que je puisse la surplomber à nouveau. Je l'observe un instant, me délectant de son visage, avant d'y déposer mes lèvres en un millier de baisers emplis de douceur.

Elle est plus à l’aise, oui. Cette constatation n’est pas pour lui déplaire, même si elle rougit un peu en hochant la tête. À bien y penser, ce n'est pas vraiment surprenant. Il n’y a qu’à voir le sourire de Jezabel, beau, serein, aimant, qui lui donne envie de lui sourire à son tour. L’a-t-on déjà regardée de cette façon? Probablement pas. Peut-être est-ce l’une des nombreuses raisons pour lesquelles Colombe se sent si bien, désormais, dans les bras de cette femme. Cette impression d’être aimée, de se sentir importante…

La perspective de commander de quoi étancher sa soif lui paraîtrait particulièrement alléchante si cela ne signifiait pas d’appeler un serveur à la suite. L’inquiétude qui la tiraille soudain se retrouve rapidement balayée par les lèvres de Jezabel, qui lui arrachent un rire alors qu’elles explorent son visage. Colombe laisse l’instant durer un peu avant de l'attraper au passage pour lui voler un baiser à son tour, s’accrochant tendrement à sa nuque, puis laissant descendre ses doigts contre le doux visage de sa compagne.

– Je veux bien, répond-elle lui caressant la joue. Mais… mes collègues...

… en parleront pendant des siècles s’ils la trouvent dans ce lit avec Jezabel. La chambre n'est pas visible depuis l'entrée, mais Colombe ne peut s'empêcher de songer avec malaise au moment où un autre employé mettra les pieds dans ce confortable cocon qui semble s'être formé dans l'immense suite.

– J'ai pas envie qu'on soit dérangées, ajoute-t-elle avec un sourire gêné.

J'entends ses raisons, et je ne saurais le lui reprocher. Elle s'est ouverte à moi, et il s'agit déjà là d'une progression tout à fait conséquente. Je ne suis nullement le genre de femme qui éprouve une quelconque honte vis à vis de ses conquêtes, ni qui ressent le besoin de demeurer secrète à ce sujet. J'entends cependant qu'il puisse ne pas en être de même pour tous, d'autant que je ne suis guère ainsi depuis toujours. Est-ce cette part de moi que la jeune femme parvient à atteindre ? Je l'ignore, et cela n'a pas réellement d'importance en cet instant. Mes lèvres étirées en un sourire effleurent les siennes avec la plus grande des douceurs.

- Entendu. Nous nous contenterons de verre d'eau, en ce cas.

Je dépose un ultime baiser sur ses lèvres, profond et intense, avant de me détacher d'elle, presque à contre-coeur. Je ressens immédiatement le froid de son absence, mais je me force à me redresser malgré tout. Je chemine ainsi jusqu'à la petite cuisine de la suite - non sans appuyer le roulement de mes hanches. Je nous serre un grand verre d'eau chacune, avant de la rejoindre à nouveau sans traîner. Je m'assieds au bord du lit et lui offre de quoi boire, espérant que cela suffira à étancher sa soif.

Étourdie par le dernier baiser de Jezabel, Colombe fixe le plafond pendant une brève seconde avant de se redresser dans le lit pour suivre sa compagne du regard. De son point de vue, elle perçoit sans mal le roulement des hanches de la belle blonde avant que cette dernière ne disparaisse en direction de la cuisine. La vision s’attarde dans son esprit et, toujours aussi déroutée, la jeune femme ramène la couverture contre sa poitrine et plaque une main contre son visage brûlant. Un instant, elle se demande ce qu’elle vient de faire et tente de mettre de l’ordre dans ses pensées en pagaille. Peine perdue. Déjà, Jezabel revient et son corps nu attire le regard de la jeune serveuse tel un aimant.

– Merci, souffle-t-elle en prenant le verre qu’elle lui tend.

Bon sang qu’elle avait soif. Et chaud, malgré l’air qu’elle sent dans son dos. La présence de Jezabel, assise au bord du lit, n’est certainement pas étrangère à cette sensation. Colombe se sent rougir de nouveau en découvrant une fois de plus la majestueuse beauté de cette femme… et en constatant qu’elle la regarde sans la moindre pudeur.

– V-vous êtes magnifique, bafouille-t-elle en détournant poliment le regard.

Elle est à l’aise, aussi, plus que Colombe ne le sera probablement jamais avec son propre corps, et c’est sans doute ce qui la rend encore plus belle aux yeux de la jeune femme. Et dire qu’elles ont passé la nuit ensemble…

… bon sang.

Je ne saurais me lasser du regard qu'elle pose sur moi, ni de l'expression pleine d'innocence qu'elle affiche depuis le début de notre soirée. Je suis fort satisfaite de la tournure que les évènements ont su prendre, alors même que cela semblait mal engagé entre nous. Non pas que j'ai douté un seul instant que nous puissions finir ainsi. Je ris lorsqu'elle me complimente quant à mon physique.

- Je te remercie, Colombe. Tu es également très jolie, même si tu ne sembles nullement le réaliser. Ne souhaites-tu donc point que nous nous tutoyions, toi et moi ? A minima dans un cadre privé, tel que celui dans lequel nous sommes actuellement.

En disant cela, je fais un geste ample de la main, afin de désigner ma suite dans laquelle nous sommes définitivement seules. Après avoir vidé mon verre, je le dépose sur la table de chevet, et tend une main en sa direction afin de caresser sa joue avec tendresse. Je me permets de repousser les cheveux qui tombent devant son joli visage. Il est certain que sans cette timidité-là, elle serait tout à fait remarquable.

- Tu es différente, Colombe. Je connais beaucoup de tes camarades qui seraient près à se vanter s'ils avaient pu passer une nuit en ma compagnie. Cependant, toi, tu désires que cela demeure un secret. Suis-je un motif de honte, pour toi ?

Même le rire de Jezabel lui donne des papillons au ventre et Colombe peine à croire qu’elle puisse réellement lui plaire. Pourtant sa compagne s’évertuent à lui prouver le contraire, ce qui ne manque pas de faire rougir la jeune serveuse de plus belle alors qu’elle la remercie timidement. Elle ne se fait pas d’illusions: elle se sait plus banale que la majorité des gens, mais les compliments de Jezabel la touchent néanmoins profondément. Elle retrouve même un petit sourire contrit quand la capitaine l’invite à abandonner le vouvoiement.

– J’ai un peu de mal à tutoyer les autres, surtout les gens comme… toi?

Ça sonne terriblement faux et Colombe retient une grimace. Non, le « tu » ne va décidément pas à une telle dame, même dans l’intimité la plus totale. Mais Jezabel semble y tenir et Colombe n’a pas envie de protester, profite plutôt de la caresse sur son visage pour presser sa joue contre la paume de sa compagne. L’agréable souvenir de ses mains sur sa peau lui remonte en mémoire, rapidement balayé par le nouveau malaise qu'engendre la question de Jezabel.

– Non, non, c’est pas de la honte. Elle hésite avant de poursuivre. ... mais là d’où je viens on… on brûle les gens qui…

Les mots refusent de sortir de sa bouche. Sa main se resserre sur la couverture qui la recouvre.

– … disons que c’est pas vraiment le genre de chose dont on se vante, chez moi, termine-t-elle en s'éclaircissant la gorge.

Malgré la difficulté qu'elle semble avoir - certainement par manque d'habitude - je suis heureuse qu'elle s'essaie au tutoiement. Peu sont ceux qui peuvent se targuer d'avoir l'autorisation ; cela se limite à mes proches, et à quelques conquêtes qui sortent de l'ordinaire. Colombe en fait partie, cela ne fait pas le moindre doute. Elle est de ceux que je souhaiterais volontiers revoir plus d'une fois, et ce de manière régulière. Je lui souris sans cesser mes caresses sur son visage.

- J'imagine qu'il s'agit-là d'une habitude à prendre. Peut-être cela finira-t-il par te sembler tout à fait naturel. Je le souhaiterais, en tous les cas.

Par la suite, elle s'ouvre à moi quant aux pratiques dignes des temps anciens des personnes de sa faction. Cela fait naître une rage sourde en moi et mon sourire s'évanouit un instant. Je me redresse légèrement, et ma seconde main vient rejoindre le visage de la jeune femme, de telle sorte que mes doigts l'encadrent parfaitement.

- Ici, personne ne te brûlera pour cela. Cela dit, il me convient tout aussi bien que notre liaison demeure un secret entre nous. Je n'ai nul besoin d'étaler tous les détails de ma vie sexuelle au grand jour ; bien d'autres de mes conquêtes ont déjà décidé de le faire pour moi.

Je souris encore, mon regard plongé dans le sien avec intensité.

- J'apprécie réellement ce moment passé en ta compagnie, Colombe.

Même si elle se sait protégée sur le Crust grâce aux bons soins de Rae, Colombe ne peut taire cette peur qui gronde au fond de son ventre à l’idée de se retrouver dans la mire de l’Inquisition. Jezabel semble détecter son trouble et s’affaire rapidement à la rassurer. Avec un lent hochement de tête, Colombe pose les doigts de sa main libre sur ceux de sa partenaire.

– M… merci. Je veux bien que ça reste secret, alors, avoue-t-elle d’une toute petite voix.

Les rumeurs courent vite ici, inutile d'alimenter davantage l'imagination fertile de ses collègues. Elle ne veut pas que ça s'ébruite. Pourtant elle ne regrette rien, et les paroles de Jezabel lui indiquent qu’il en est de même de son côté. C’était agréable. Déboussolant, un peu effrayant même, mais très agréable. Et, un peu égoïstement, Colombe aime l'idée de garder le souvenir de ce moment pour elle seule.

Elle devrait aller travailler, mais son corps et sa tête refusent de bouger en ce sens. Alors elle se rapproche lentement de la belle dame et, malgré une pointe de timidité, pose sa tête contre son épaule pour profiter de la chaleur d’un nouveau câlin et du bonheur de se sentir bien contre quelqu’un, à l’abri du monde et des regards indiscrets.