Fête du bruit ! [Logan]

Cela ne faisait pas bien long que j’étais en Dorado, mais déjà les profits étaient titanesques, à ce rythme j’aurai remboursé le trajet et la clinique en Fushi en quelques mois.

Bourreau de travail que je suis, on m’a souvent recommandé de m’autoriser des pauses, de me sortir les cyberwares et la chirurgie de la tête. Pour une fois, j’allais écouter ce conseil, parce qu’avec toutes ces nouveautés à assimiler, j’avais accumulé un sacré niveau de stress, que la boxe ne parvenait pas à extraire totalement.

Avant de partir en Dorado, on m’avait décrit des fêtes incroyables, des sorties dévergondées en Dorado, aussi je comptais bien le découvrir. Je me rendais donc dans un des bars de nuit ultra branché, non loin de l'astroport de Hope.

Lasers, fumée, projecteurs, musique forte, alcool à gogo et corps en mouvement, c'était une ambiance délicieusement kitche et animée. Ce soir je portais une chemise en jean, sans manche et une mini jupe composée de multiples froufrou multicolores avec des collants aux motifs d'animaux. Peu heureuse de la chose, il avait bien fallut que je mette des chaussures, aussi j'avais mit une mignonne paire de talon en plastique rose fluo. Je portais mes cheveux en une simple queue de cheval, couleur émeraude.

J'avais déjà bu deux verre et comptais en reprendre un autre, mais entre moi et le bar il y avait une montagne à la chevelure blonde.

- Hey, dites, je vous paie un verre, mais en échange vous me laissez accéder au bar, ça vous va ? Dis-je en riant, mais bien prête à faire ça pour que la fête continue et tenir loin de mon esprit mes préoccupations quotidiennes.

Une voix m'interpèle alors que je bois une longue gorgée de ma pression. Je me retourne et me retrouve nez à nez avec une jeune femme au regard déterminé. Je prend quelques secondes, la détaille de bas en haut avant de lui offrir un large sourire.

-Comment pourrais-je refuser une telle proposition, j'ai davantage l'habitude de payer les verres que d'en recevoir. Alors volontiers, je vous laisse la place, demoiselle!

Je recule, lui fais un passage jusqu'au bar, repoussant un peu un homme derrière moi. Je pensais passer ma soirée seul à siroter quelques verres dans cette boite, la musique explosant mes tympans, avant de rentrer retrouver ma femme, pourtant, j'aimerais me détendre un peu plus. Tout en ce moment est étrange. Nick, Kanhä qui grandit trop vite, elle est presque devenue une femme... Il est dur pour un père de voir ses enfants grandir. Et pire encore de rater leur vie...
Quand est-ce que Kanhä deviendra aussi grande que cette jeune femme? J'espère le plus tard possible...

- Merci, c’est sympa ! Dis-je alors qu’il m’ouvrait un passage jusqu’au bar, se mettant sans grande surprise à côté de moi.

J’arrive un peu mieux à voir à quoi il ressemble, un homme dans la force de l’âge, la quarantaine bien tassée, bientôt cinquante peut-être. Il a l’air plutôt sympa et même s’il n’est pas vraiment mon genre, il est plutôt bel homme. Bravant le bruit, je hurle au barman de resservir à mon voisin la même chose et de m’apporter le cocktail à base de boisson énergisante.

Profitant de cette pause pour remettre de l’ordre dans mes cheveux, je lance à mon grand et blond voisin :
- Alors beau gosse, qu’est-ce que t’es venu oublié ici ? A moins que tu sois venu pour trouver quelqu’un ?

Je croisais les doigts qu’il ne fasse pas parti du club des quarantenaires qui viennent en boite pour tringler des minettes de 18 ans. Je lui laisse entendre par ma question et mon attitude que je ne l’invite pas à quoi que ce soit avec moi, sinon partager un verre.

- Moi c’est Alex ! Dis-je en lui tendant la main. Dans cette ambiance à la fois lumineuse et sombre, le chrome de mes bras reflète des motifs abstraits à base de scintillements, de portraits déformés et flous colorés.

Beau gosse. Cela fait bien des années que l'on ne m'a pas affublé d'un tel surnom, en général c'est "le vieux" ou "le gros". Ce qui suit d'un bon gros revers en certaines circonstances. Je souris, amusé. Oh, saches bien, jeune fille, que je ne suis pas là pour draguer de la minette, aucune femme n'arrive à la cheville de la mienne. Mais tu as l'air sympa et, qui plus est, tu es sans aucune doute l'une des seules personnes à m'avoir un jour offert un verre. Le gentleman que je suis se doit de passer un temps avec toi, une discussion banale pourrait bien être agréable.

-Enchanté, Alex. Tu peux m'appeler Logan.

Je lui sers la main, m'empare de ce nouveau verre, le lève vers elle.

-Merci beaucoup, pour le verre. En général, c'est moi qui les offre, j'aime bien me retrouver de l'autre côté.

Je ris, me recule du bar et de tous ces hommes assoiffés.

-Je ne cherche absolument personne et n'attend pas le moindre invité. Une simple sortie pour réfléchir en solitaire. Parfois, cela peut être bénéfique. Et qu'est-ce que recherche une jeune femme comme toi en de tels lieux?

Je remarque ses bras, me dis à présent que je l'ai peut-être mal cernée.

-Joli chrome que voilà.

Je le suis alors qu’il s’éloigne du bar, mon cocktail à une couleur chimique incroyable, perso, j’adore ça !

Quand il laisse entendre ne se faire quasiment jamais se faire offrir de verre, ça me rend à la fois triste et perplexe. Triste parce qu’il est dans la force de l’âge et que ça représente vraiment beaucoup de soirée sans se faire offrir un verre. Perplexe parce que Dorado est vraiment très différente de Valenos, avec une relation femme/homme très particulière.

- Moi ? Je suis venu souffler un peu. Je viens d’arriver en Dorado et je fais que bosser, ou presque. Suis bien décidée à écouler cet argent durement acquis et faire la fête comme il se doit ! Dis-je sourire aux lèvres, bougeant au rythme de la musique.

- Merci ! Ces sont mes bijoux, ma fierté ! Dis-je, toute sourire en faisant un peu jouer mes doigts dans les jeux de lumière.

- Et toi Logan, qu’est-ce qui te rend fier dans la vie ? Question un peu directe, j’ai une pointe de culpabilité, mais qui est vite balayée par la boisson sucrée et alcoolisée qui endort ma conscience.

Je souris à cette jeune femme qui visiblement a dans l’idée de passer la soirée de sa vie, dépensant sans compter. Je l’ai eu fait, étant jeune. Mais depuis la naissance de mes filles, étonnement ou non, je me suis bien assagi. Les responsabilités demandent plus de self-control. Mon sourire ne disparaît pas lorsqu’elle parle de son bras comme de sa fierté, des bijoux.

-Tu peux en être fière oui, cela semble d’une qualité bien supérieur à certaines que je peux voir.

La question qu’elle me pose n’est de loin pas une énigme et la réponse en est évidente. J’hésite l’espace de quelques secondes avant de prendre la parole, au milieu de ce brouhaha musical distrayant.

-Peut-être est-ce niais pour un homme comme moi, mais je ne suis pas de ceux qui se privent de niaiseries. Ma fierté sont mes trois filles. Qui penserait qu’une montagne aurait un cœur si tendre en son sein?

J’éclate de rire alors que ma jambe se trémousse au rythme de la musique. Je bois une longue rasade de ma boisson.

-Un grand gaillard qui n’a d’yeux et d’attention pour ses enfants et sa famille. Mais ce soir, c’est la fête! Alors on va les laisser à la maison entre les mains de leur mère.

Je prend une pause.

-Et tu fais quoi pour t’amuser ici?

Aux réponses de Logan, mon sourire et ma bonne humeur fondent comme neige au soleil. Je pose mon verre sur un coin de table et, poings gauche sur la hanche et pointant Logan de mon index droit :

- Ta fierté hein ? Et du coup pendant que tu t'fais une soirée peinard pépouse, ta meuf garde les gosses. J'imagine que dans ton concept de fierté, c'était trop dur pour elle de quitter la cuisine, passionnée à l'idée de faire le ménage et s'occuper de vos fille. Ch'uis dégoutée, je me disais bien qu'il y avait un truc qui clochait avec ce mec.

Dorado est vraiment un système d’arriérés.

- Moi, pour m'amuser, je casse les couilles des machos sexistes. Je pensais pouvoir m'en affranchir ici, mais visiblement c'était trop demandé. S'il s'excuse pas, je lui balancerai mon verre à la gueule, ça aura le mérite de le rafraîchir un coup, et moi me faire rire un peu.

Son attitude change radicalement. Je sens la colère monter en moi à mesure que les mots s’échappent de sa bouche. Cette gamine ignore de quoi elle parle, elle ne me connait pas. Elle ignore tout, elle ne peut pas savoir. Alors, mes poings se desserrent et je prend une grande et large inspiration.

-Comment oses-tu. Que sais-tu de moi?

Je garde mon calme, pourtant, mon regard glacial la fixe sans relâche. D’un revers de main, j’aurais pu la souffler.

-Je ne crois pas que tu connaisses ma femme ni mes filles, moi encore moins. Alors comment oses-tu étaler de tels propos à mon égards? Je n’ai en aucun cas à me donner défense puisque je ne me reconnais pas dans le rôle que tu as décidé de me donner. Quoiqu’il en soit, saches que je suis un homme, oui, navré pour ça, entouré de femmes. Et quelles femmes! Ma sœur est mon capitaine, ma femme est artilleuse et crois moi si quelqu’un garde les gosses, ce n’est pas elle. Elle est même incapable de cuir un œuf. Et ce soir? Elle m’a foutu dehors parce qu’elle s’est rendue compte que son époux en avait besoin, mais là encore les raisons ne te regardent pas. Alors maintenant que m’importe ce qu’une gamine pense de moi, mais ne crois pas que je sousestime les femmes. Surtout pas, jeune fille. Ne m’insulte surtout pas.

Aucune sympathie dans mon regard, je suis prêt à m’en retourner.

Malgré la musique survoltée, un silence plane entre nous l'espace d'une minute, une minute durant laquelle je reste surprise et perplexe. Mes yeux cybernétiques ne laissent pas transparaître mon trouble et ma posture est restée figée, comme si on m'avait coupé de l'écoulement du temps.

Puis, soudainement et sans prévenir, je reprends vie, le poing contre ma hanche s'ouvre et se glisse dans une poche, mon regard mêle honte et amusement et mon index provocateur rejoins ses voisins en un poing tendu, un poing de ralliement, la moitié d'un hand-check.

- Ok Logan, j'te demande de m'excuser. J'dois être plus à cran que je pensais et je me suis emportée. Je me sens bête, ça fait un bail que je ne me suis pas excusée de quoi que ce soit, mais il a l'air de le mériter.

L'atmosphère se détend soudainement et un sourire se fraye un passage dans l'ombre de mes lèvres. Je n'ai plus l'intention d'aller nulle part. Et lorsqu'elle prend la parole, je l'écoute attentivement. Enfin, j'éclate d'un rire tonitruant quand le silence retombe. Un long rire puissant, faisant trembler les murs. Je lance un regard à la jeune femme.

-Ne t'inquiètes pas, c'est déjà oublié! Nous sommes tous un peu à cran, sans doute.

Mon poing vient s'écraser avec précaution contre le sien, signant un accord silencieux. Celui de se pardonner pour cet emportement imbécile. De la part des deux camps.

-Tu ne pouvais pas savoir que ma vie entière n'est dictée que par des femmes de caractères. Pour le coup, tu es bien ou mal tombée, selon l'avis. Si je l'pouvais, j'te présenterai ma femme et ma mère. Crois-moi, j'ai beau être une montagne, j'fais pas l'malin très vite avec elles quand elles décident qu'elles ont raison. Et elles ont souvent raison, c'est la triste vérité. Ah! Sans vous, nous ne serions rien!

Je lui offre un clin d'oeil, finit mon verre cul sec.

-Mes femmes sont ma raison d'être et elles le savent.

Le grand blond ne m’en veut pas, suis soulagée, je ne me serai pas fait un ennemis ce soir, par contre ce qu’il a dit n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Si je suis nerveuse, vive et pars au quart de tour, j’ai aussi de bonnes oreilles.

Alors que mon imagination fait son chemin, un sourire se dessine sur mes lèvres, tandis que je l’écoute, finalement, assez distraitement. Me rapprochant de Logan, je lui fais signe que j’ai quelque chose à lui dire, mais que je n’ai pas envie de crier à toutes.

- Ta femme artilleuse, ta sœur ta capitaine... Tu m’excuseras Logan, mais t’as clairement pas la dégaine d’un gars qui sert sur un vaisseau militaire. Lui dis-je à l’oreille. Tu devrais te garder de dire ça à n’importe qui, y’en a à qui ça ne plairait pas des masses. Finis-je avant de me reculer, un sourire complice aux lèvres.

Sans plus attendre, je lui lance à voix haute :
- Tu prends un autre verre ou on va danser ?

Elle se penche vers moi, me fait une confidence. Et je souris. Elle a l'oeil, la gamine, il faut avouer que je ne me suis pas particulièrement dissimulé non plus. Je me fiche bien de passer inaperçu, à ce stade. Qui donc viendrait m'emmerder, ce soir? Mon poing est prêt si quelqu'un s'amuse à tenter quoique ce soit. Alors, je souris lorsque je plonge mon regard dans celui de la jeune femme.

-Tu me blesses, n'ai-je pas la dégaine d'un militaire? Pourtant je m'y efforce pourtant tellement.

Elle se retire et je ris, levant mon verre.

-Je finis celui-là et on danse, demoiselle!

Cul sec, j'explose presque mon verre sur le comptoir lorsque je l'y pose en oubliant de contrôler ma force. Je m'excuse auprès du barman et me retourne vers la piste de danse, clin d'oeil lancé à Alex. Et me voilà qui me déhanche sur une piste de danse, me rappelant ma folle jeunesse. Et alors que je me lâche, j'en oublie presque mes préoccupations actuelles et l'invasion d'un fils inattendu dans ma vie familiale. Il me faudra plus d'un verre et d'une danse...

Je ne m’attendais pas à cette réaction de sa part, mais tant mieux ! Qu’il soit Pirate, Corsaire ou que sais-je, je m’en fichais pas mal à vrai dire.

Je le regarde avaler son verre d’un coup et partir hâtivement vers la piste, un vrai ado ! Je termine tranquillement le cocktail trop sucré à la couleur fluo. J’me demande ce qu’un grand gaillard peut bien avoir à évacuer pour se retrouver au seul à boire et danser. Sauf que ce sont ses problèmes, donc j’avale mes questions en même temps que les dernières gouttes de mon verre.

Je me dirige à mon tour vers la piste en sautillant, avant de me trouver une place. Je m’oublie rapidement dans la musique, je ferme les yeux et me laisse portée.

Deux morceaux plus tard, je sens une présence à côté de moi, j’ouvre les yeux, mais c’est pas Logan :
- Déso mec, mais c’est non, j’ai déjà un cavalier. Répondis-je mécaniquement pour m’en débarrasser. Sauf que ce con ne part pas. J’vais pas déclencher une baston alors que l’ambiance est bonne, alors je cherche juste Logan du regard.

Je me dirige alors tranquillement vers Logan, un peu dépitée, mais quand le relou me choppe par les flans, un cris de surprise m’échappe, j’me retourne d’un coup et lui envoie mon coude dans les dents. Ça craque, ça saigne, il le méritait bien, mais ça casse l’ambiance.

J’essaie de calmer le jeu, mais suis trop énervée pour bien le faire.

Les corps s'emballent sur la piste de danse et je me laisse aller. Mes pensées s'évadent et je parviens à laisser glisser mes préoccupations. Deux morceaux plus tard, je me rend soudainement compte que ma cavalière n'est plus à mes côtés. Nous n'avons partagé qu'un verre, elle fait bien ce qu'elle veut. Je continue à me déhancher lorsqu'une présence se fait à mes côtés. Alexis. Je souris, m'apprête à la saluer, petite boutade aux lèvres. Je n'en ai pas le temps. Un homme s'empare d'elle par les hanches, elle crie de surprise, se retourne, lui lance un coup dans les dents. J'arrête de danser, fronce les sourcils. L'homme parle le premier, main collée contre sa mâchoire ensanglantée.

-Putain, sale garce, tu m'as cassé le nez. Tu vas m'le payer, crois-moi!

Des menaces? Je m'avance de toute ma stature, le domine de deux bonnes têtes.

-Un problème?

-Toi j'te cause pas, l'vieux, vas voir ailleurs si on y est!

J'hausse un sourcil, me met soudainement à exploser d'un rire gras. Mon regard s'amuse, redevient très vite menaçant. Cet abruti vient de casser l'ambiance. La musique continue, pourtant, la moitié des danseurs ont cessé de se trémousser. Et j'ai horreur que l'on se comporte ainsi avec une dame.

-Quel poète! Je crois que la jeune femme t'a fait comprendre qu'elle ne désirait pas danser avec toi? Soyons malins et stoppons là cet intermède désagréable.

L'homme ne semble pas du même avis, je me tourne alors vers Alexis.

-J'ai l'impression qu'il en redemande.

Logan est plus posé que moi, en même temps c’est pas lui qu’on vient faire chier... toujours la même rengaine... mais visiblement il suffit pas à faire changer mon harceleur d’avis, surtout qu’il doit avoir l’habitude qu’une meuf lui casse des dents.

- Alors on va faciliter le travail des videurs Dis-je en regardant Logan dans les yeux. J’me retourne d’un coup et choppe le mec par les bourses. Je le tiens fermement, assez pour qu’il passe de rougeot à blanchâtre.

- Je t’emmène avec moi, mec. Marche arrière, sinon j’te fais une démo de ce que c’est une sorcière casse-couilles. Un pas, puis un autre, il garde le rythme, j’me pose la question de si je devais le lâcher ou non si jamais il devait trébucher en arrière... j’me dis que je verrai le moment venu.

- Logan ? Tu veux bien prévenir les videurs qu’on leur amène un trouble-fête, s’il te plait ? Lui lançais-je par-dessus mon épaule.

La scène de moi avançant et le mec luttant contre la pression fait sourire, grimacer, rire ou regard noir. Le mec à l’air de vouloir dire quelque chose, je l’encourage à ne pas le faire d’une pression supplémentaire.

Finalement, je lève mon bras libre, poing fermé et dis tout fort :
- Voilà mesdames une façon de résoudre un problème de harcèlement. Sinon vous pouvez demander de l’aide, y’en a plein des comme moi, ou des comme lui. Dis-je en désignant Logan.

-Bien évidemment, je m'attèle à la tâche, avec plaisir.

Je contourne des tables et des gens, malgré que pour la plupart ils nous ont fait place. Et vite, je parviens à l'entrée du bar. D'un bras, j'ouvre la porte, lance un large sourire aux videurs qui se retournent, surpris.

-Messieurs, une demoiselle vous ramène un homme dont les manières sont plus que douteuses.

Ils m'observent un instant, jettent un coup d'oeil à l'intérieur et voient enfin la scène. Alexis, tenant les bijoux du gros dégueulasse dans sa main, le poussant en arrière vers la sortie. Je ris, amusé par la scène, heureux de voir cette femme remettre un abruti à sa place. Il n'a même pas besoin de l'aider, elle y arrive parfaitement seule. Je la laisse le confier aux videurs, après sa tirade des plus exaltante, puis je referme la porte. La salle nous observe, attendant le dénouement de l'incident. La musique résonne toujours dans le bar. Je relève soudain les bras.

- Recommençons à faire la fête, mes amis! Ne nous laissons pas emmerder par un abruti. Dansez et buvez!

La bulle éclate et le monde recommence à tourner. Les visages ne nous fixent plus et moi, je me retourne vers la jeune femme et éclate de rire.

- Rappelle-moi de ne pas t'énerver, je ne tiens pas à finir comme lui. Je t'offre un verre pour fêter les bonnes choses bien faites? Comme remettre ce genre de type à sa place?

Le soutient du blond titan témoigne de sa franchise plus avant, un bon point pour Logan ! Le merdeux livré, on s'en retourne à nos festivités, j'apprécie particulièrement son aptitude à relancer l'ambiance. Faut dire que le géant blond brille par son charisme et sa puissance douce.

- Ah ! Rappelle-moi de t'appeler la prochaine fois que je m'énerve, on fait une belle paire ! Répondis-je avec un sourire complice, en acceptant volontiers le verre qu'il me proposait. Ça fait longtemps que t'es en Dorado ? Demandais-je, n'ayant pas trop d'idée de conversation, tout en me doutant de ses paroles plus tôt qu'il n'avait sans doute pas envie de parler de sa famille ou de son vaisseau.

- Et je serais ton homme, si tu as encore besoin d'un soutiens pour une nouvelle histoire!

Cette gamine, je l'aime bien. Grande gueule, une force intérieure à l'égal que sa force physique. J'ai toujours été habitué aux femmes fortes, aux femmes possédant un caractère puissant, à commencer par ma mère, suivie de près par ma femme. Je préfère parfois leur compagnie à celle d'autres hommes de l'Albatros qui peuvent se révéler de parfaits crétins lorsqu'ils le décident. Alexis semble être l'une de ces femmes fortes, au caractère explosif. Un sourire s'étire sur mes lèvres alors que je l'observe quelques secondes, avant de commander deux verres au barman qui s'exécute sur le champ. Je m'empare du miens, tend le second à la jeune femme.

- A nous et au travail bien fait!

Cul sec, l'alcool rafraichit ma gorge que je remarque à présent déshydratée. Je retourne mon attention sur ma complice de cette nuit.

- Si ça fait longtemps? Je suis né ici, donc... je fais mine de compter, sourcils froncés. Quarante-huit ans. C'est qu'on s'fait vieux! Mais qu'est-ce qu'on se fiche bien du vieux hibou que je suis. Qu'est-ce qui occupe les journées et la vie d'une jeune femme comme toi ayant bien plus de courage que n'importe quel homme dans cette pièce?