[Nemesis] Sibylle d'acier [Edward]

T’as du temps à perdre ?
Ben oui, il en a. Pourtant entre les leçons de pilotage de la gamine à qui on l’a confié, ses obligations de mécanicien un peu pouilleux, les exercices pour ses jambes et tout le reste de ses petites occupations quasi chronométrées, on pourrait croire qu’il n’y aurait pas de temps calme.
C’est faux.

C’est pour ça qu’il est dos au mur de la salle d'entraînement des abordeurs, la lame offerte par la Capitaine sur les genoux, l’air concentré. Il occupe son temps libre à regarder des gens se battre. Il balade ses yeux bouffés par le givre à droite, à gauche, accroche parfois un type en particulier et le suit.
Ca l’amuse. Il essaie de lire leurs styles. De comprendre qui vient d’où, de quelle école, de quel passé. Il y a du militaire, du bordélique, du furieux comme du carré. C’est passionnant.
Et puis il y en a qui parfois regardent vers lui et finissent par se détourner, pas très intéressés par un apprenti pilote sur roues. Ca le fait bien marrer intérieurement : il pourrait botter les fesses de certains de ces hommes et femmes. Même sans pouvoir leur sauter à la gorge comme dans sa folle -et dégueulasse- jeunesse, il pourrait leur faire très mal.
Sauf qu’il se contente bien de regarder. Il se fixe sur un immense brun avec une crête maintenant, passionné par sa logique de combat comme d’autres serait scotchés par un épisode de série romantique.

Pointe acérée de la lame vers l'avant, la garde tenue fermement et le poignet faisant aller des moulinets, tu faisais face à ton premier adversaire de la session d'entraînement et tu savais que cela n'allait pas être très pédagogique pour toi... Plus pour lui, certes. Ce jeune homme faisait parti des recrues de l'équipe d'abordage et il ne savait pas encore contre qui il allait se battre... Tu vas certainement lui faire sa fête.

Pas sur le côté, prenant une position défensive face au coup adverse visant la tête, tu l'as fit dévier sans aucun soucis vers un de tes flancs pour finir nez à nez à ce néophyte, lui collant les jointures de ton poing sur sa mâchoire.

- "Réfléchis avant d'attaquer aveuglément. Sinon, je te fais exploser le crâne." prononça-tu sans un sourire ou une pointe d'humour.

Les plus vétérans lâchèrent quelques rires gras, connaissant bien ton comportement et la peur que tu peux infliger aux nouveaux. Par la suite, tu te reculas en faisant signe au garçon de revenir à l'offensive. Ce dernier hésita, essayant de ne pas se refaire prendre au jeu. Il essaya quelques tentatives qui se terminèrent par de multiples échecs. En effet, tous les coups étaient repoussés par les multiples moulinets que tu accomplissais. Avec un peu d'attention, il est possible de remarquer qu'uniquement ton poignet s'agit dans dans tes réactions défensives et quelques fois offensives, simplement pour charrier ce dernier.

- "En quoi puis-je t'aider ?" dis-tu, à l'observateur derrière toi.

- Je regarde.

Non, vraiment, Suu ? Personne ne s’en serait douté.

- Juste ça. C’est intéressant...

Il se penche un peu en avant, appuie ses coudes sur ses genoux pour n’absolument pas ressembler à un vieux sage. Il lui faudrait au moins un semblant de barbe correcte pour ce genre de rôle.

- … La manière que tu as de te moquer de lui avec ton poignet. C’drôle.

- "Tu parles de ma technique de combat ? Ce n'est pas de la moquerie... C'est simplement de l'efficacité et surtout moins de pertes de temps dans de amples mouvements." dit-il, en se grattant légèrement le crâne.

Croyant avoir devant lui un homme complètement inattentif de ses alentours, le jeune adversaire qui affrontait Edward essaya de se fondre vers le géant barbu avec la pointe de sa lame. Pourtant, le voyant arriver, l'homme dévia simplement l'attaque dirigée contre lui vers le côté, tout en laissant le jeune homme continuer dans son mouvement. Voulant lui faire perdre l'équilibre, il lui attrapa le poignet désormais à portée avec sa main cybernétique et il tira vers l'arrière. N'étant pas prêt à une telle riposte, le néophyte alla se promener dans le mur à proximité, générant de nouveaux rires.

- "Ça, c'est de la moquerie. Il faut bien apprendre aux nouveaux sang les bases... Sinon, ils ne tiendront pas à leur premier abordage." dit-il, en souriant. "J'ai l'impression de t'avoir déjà vu dans les couloirs du vaisseau. Tu es disons... Pas difficile à oublier. Pourtant, on n'a pas eu la chance de faire connaissance." rajouta-t-il, à l'intention de l'observateur scotché à sa chaise roulante.

- Montrer la supériorité de ta technique en faisant presque rien face à un bébé escrimeur, explique très tranquillement Suu alors que le gamin en question tente encore sa chance, c’est un peu se moquer.

Mais il est plutôt d’accord avec ce genre de démonstrations de force. Il faut se faire botter le train pour comprendre, c’est comme ça que lui a appris quel était le bout pointu et quel était celui arrondi sur une arme.
Bon. Peut-être pas. Mais le principe reste.

- Je suis pilote. Et mécano. Et les couloirs dans ce coin sont pas faciles à parcourir, alors c’est normal de pas beaucoup me voir pour un abordeur.

Sans mettre une roue sur la zone d’entraînement, il tend une main en une salutation presque polie -elle le serait s’il n’avait pas un sourire de hyène vissé au pif.

- Suu. J’aime piloter cette grosse vache de l’espace et jouer à deviner où des types comme toi ont appris à manier une lame.

- "Je n'essaye pas de montrer supérieur ou quoi. Je ne souhaite juste pas m’essouffler." dit-il, simplement.

Le plus ironique dans la situation, c'était le simple fait qu'Edward continuait son combat d'entraînement tout en poursuivant la conversation avec le mécano, tout en étant capable de réagir promptement aux attaques de son jeune adversaire. Justement, ce dernier tenta diverses attaques en y mettant toute sa force. Edward se recula simplement de pas à pas jusqu'à rentrer rapidement dans la garde défensive du jeune homme pour lui enfoncer son pommeau dans le thorax.

- "Edward. C'est rare de croiser un pilote ou un mécano dans ce secteur du vaisseau en effet... Surtout dans cette condition." dit, en posant son regard sur son interlocuteur. "Pour mes connaissances dans le maniement des armes, j'étais auparavant à la place de ce petit jeune, dans l'équipage d'un sloop connu sous le nom de la Garde Cornue." rajouta-t-il.

- Cette condition.

Il répète doucement les mots.
Y ajoute du poids. Y ajoute de la froide, mesurée colère.
Cette condition.
Elle ne l'empêche pas de piloter. Pas de vivre. Pas de croiser le fer avec Jezabel, une fois; avec d’autres personnes, d’autres fois. Cette condition ne fait pas de lui quelqu’un d’amoindri au point d’être infoutu de se déplacer où il le veut, aux dernières nouvelles, et ce n’est pas un abordeur bas de plafond qui peut se permettre de le juger là dessus.
Mais il n’a pas envie de se battre. Pas la volonté de lever un bras alors qu’il venait juste regarder.

- Je ne suis pas handicapé.

Soupir, long, lourd. Il se redresse pour passer la main dans ses cheveux, passer à autre chose en même temps.

- Sloop pirate, alors ?

Edward avait bien remarqué le froissement qu'il avait provoqué auprès de Suu, à propos de son attachement presque permanent à sa chaise. Tout en mettant un minimum de concentration à dévier les coups de son adversaire pour finalement réussir à le désarmer avec un coup bien placé sur ses doigts pour le désarmer de sa lame.

- "Oui, un sloop pirate. On s'est essayé dans un abordage qui a mal tourné. Rares sont les survivants. À part moi, les autres sont dans le fond d'une prison de l'UC. J'ai été aussi en taule, mais on m'a pas considéré dangereux par mon jeune âge. On m'a fait sortir et me voilà." dit-il, en lâchant en soupir, en regardant la débutant ramasser son arme. "Juste te dire que j'ai été comme toi, mais derrière les barreaux... Un bras en moins. Donc, je ne souhaitais aucunement vexé." rajouta-t-il, en lançant un regard vers le mécano.

- “On” a eu la bonne idée du siècle.

“On” mériterait des lettres d’insultes, aussi, estime Suu qui continue étrangement à apprécier le bon ordre et la justice efficace. Sa présence sur un vaisseau pirate ? Oh, mais ce n’est pas la même chose. Lui il n’est pas un criminel.
Par contre il est vexé de nouveau. Edward a un don pour mettre ses grands pieds de grand dadais là où il ne devrait pas. Il n’a pas été comme lui ou alors personne n’a prévenu le pilote et perdre un bras est équivalent à avoir la colonne vertébrale transformée en chapelure au point où même les prothèses cybernétiques ne peuvent plus être utilisées.
Il ravale la remarque acerbe qui lui brûle la gorge.

- Ca va. Je sais à quoi je ressemble, t’es pas le premier à me dire ce genre de choses.

Au moins il ne lui a pas encore sorti le coup du modèle de volonté et de triomphe devant l’adversité. C’est un bon point.

- Et t’as bien rattrapé ton bras, je vois. Tu devrais taper de l’autre côté, suggère-t-il platement au gamin qui se lance à poings nus sur ledit bras.

Visiblement, il fallait mieux se taire sur la condition de l'homme, voyant le sujet étant particulièrement délicat. Il se concentra de nouveau vers son combat, étant donné que le jeune garçon fonçait sur lui, à mains nues. N'étant un habitué du combat à mains nues, il préférait garder sa lame et faire comprendre à son adversaire que ce n'est pas la meilleure approche. Alors, Edward s'avança rapidement vers lui, la pointe vers l'arrière et le pommeau s'enfonça légèrement dans son thorax.

- "Mon bras n'est pas des plus solides, certes, mais il reste particulièrement dangereux lorsque la distance d'engagement n'est plus celle d'une lame. Un tir et c'est rapidement terminé." dit-il en plaçant son bras dans son dos avec un léger sourire amusé.

- "Et toi ? Tu viens d'où pour avoir des connaissances de pilote et de combattant ?" demanda-t-il, tout en défiant du regard son adversaire qui se remettait peu à peu du coup qui lui avait légèrement coupé le souffle.

Il est pas doué ce marmot. Le jugement de Suu est un peu rude mais objectivement, le petit gars s’y prend comme un manche, oublie de profiter de ses avantages et n’a pas l’air de savoir respirer correctement.
Bref, il est pas doué, il a donc le droit à un sourire de traviole du pilote pour l’encourager.

- Tu veux jouer à deviner ?

Celle-là, elle est pour Edward. S’il lui dit non il répondra sans regimber mais ce serait moins intéressant.

Edward fonça rapidement vers son adversaire, semblant être complètement absorbé à ces dernières secondes de ce duel. Il n'hésita pas à user de la pointe de sa lame pour intimider son adversaire et le pousser le plus loin possible, en espérant le faire tomber. Ce dernier, n'étant pas dans une situation d'assurance, perdit l'équilibre et s'effondra sur le sol.

- "C'est terminé pour aujourd'hui." dit-il, en essuyant son front du dos de sa main, tout en rangeant sa lame dans son fourreau.

Puis, il attarda son regard sur son interlocuteur tout en lâchant un soupir.

- "Est-ce que je suis passé par des énigmes, moi ? Non. J'ai horreur de ce genre de petits jeux, je suis du genre direct." dit-il.

Direct alors ? Va pour direct.

- Légion.

Voilà, c’est ça direct. Un mot et un haussement d’épaule pour minimiser l’information.

- J’ai fait mes deux contrats. Il fallait des gens pour piloter les speeders, alors j’ai appris. Et il fallait des gens pour savoir quel est le bout qui pique sur une lame alors j’ai appris aussi. C’est aussi con que ça.

Il sent venir le reste alors il prend les devants avec nonchalance.

- Et oui, c’est là que j’ai fini comme ça.

- "Tss. La Légion. Qu'est-ce que tu fous sur un vaisseau pirate si tu possèdes la citoyenneté alors ?" demanda-t-il, en fronçant les sourcils.

L'aversion d'Edward à propos de l'UC est particulièrement visible... Ce qui est en soit normal lorsqu'on est recherché par cette faction et qu'en quelque sorte, elle est la responsable de la mort de ses parents.

- "Pour ce qui est de ton accident ou quoi, j'essaye de compréhensif... Mais je n'essaye aucunement de te juger avec ce détail. Tu es sur le Némésis et c'est pas pour rien. Tu as la confiance de notre Capitaine, alors tu as la mienne. Point barre." rajouta-t-il, comme pour réduire un peu la tension, visiblement.

Nan mais il va se calmer, l’abordeur ? Il a beau essayer de se rattraper à chaque fois, il est aussi délicat qu’un speeder dans un magasin de porcelaine et ça ne fait que pousser Suu à en faire de même, ce qui est la recette pour une situation qui dérape.

- J’ai tellement la confiance de la Capitaine qu’elle m’a donné mon arme.

Il n’a pas envie de justifier pourquoi il est là. Surtout pas à un type avec qui il ne travaille pas directement, contrairement aux pilotes et aux mécanos à qui il a bien voulu dire que c’est la piraterie ou finir fou quelque part ailleurs.

- J’ai un passé, t’as un passé, on a tous un passé et moi je roule sur les noix de personne avec ça. Je suis pas le premier type de la Légion à finir sur un vaisseau pirate et si ça te rassure, je compte pas vous vendre tous à une Corpo pour finir gras et riche au bord d’une piscine. Monsieur. C’est clair comme ça ?

Edward s'approcha du garçon par terre, lui tendant la main pour l'aider à se relever. Visiblement, même s'il paraît comme une vraie brute, il sait comment agir d'une manière fraternelle avec ceux qui l'assistent en combat. Puis, il se retourna face à Suu, visiblement irrité de son comportement.

- "Bon, monsieur le Vexé. La petite nature s'est froissée ? T'avais qu'à pas te pointer ici. Maintenant, casses-toi. C'est mieux que tu m'écoutes si tu veux qu'on reste dans le cadre du Code." dit-il, le regardant lâchant un reflet quasi-enflammé par la colère et l'impatience. "Toi, gamin. Va te trouver un autre partenaire, il te reste encore un bon bout de chemin à faire." rajouta-t-il, à l'adresse de son ancien adversaire.

Puis, il se dirigea plus vers le fond de la pièce, souhaitant s'attaquer à de réels morceaux de combat... Des vrais barbus qui n'ont pas peur de la pointe d'une lame...

Petite nature ? C’est pas lui qui se barre de l’autre côté de la salle comme un ours bougon pourri, qu’il sache ! Petite nature. Non mais. Il va lui montrer, au grand casse-bonbons, qui est le lâche.
Suu se propulse donc à travers la pièce, parfaitement à l’aise sur ses roues, pour venir se camper devant le barbu. Non, il n’a pas peur de lui. Oui, c’est idiot.

- En selle, Princesse.

Et en garde. Le pilote lève très académiquement sa lame comme on lui a appris dans la Légion, juste parce qu’il est mesquin comme ça.

- Tu veux t’entraîner avec un type qui sait se battre ?

Il a un vilain sourire, le genre pas joyeux, trop moqueur.

- Ou tu as peur du type en fauteuil ?

Edward entendit les roues grincer derrière lui, signe de l'entêtement du jeune mécanicien qui l'importunait. Il se retourna et posa son regard dur sur ce dernier, montrant qu'il n'était pas là pour jouer.

- "Bon, Roulettes. En effet, je veux m'entraîner avec quelqu'un qui sait se battre... J'ai une équipe d'abordeur au complet qui remplit ces prérequis. En ce moment, j'ai simplement peur que tu te fasses mal en tombant de ta chaise. Maintenant, va-t-en. Sinon, ils te sortiront, toi et ta chaise d'une manière séparée." dit-il en lâchant un soupir d'exaspération. "Et je ne sais pas qu'est-ce que tu vas vouloir me faire avec ton joli couteau à beurre." rajouta-t-il.

Donc il a peur.
Ou en tout cas c’est l’interprétation qu’en fait un Suu toujours souriant. Le gros ours aurait pu accepter, croiser le fer deux minutes, lui coller une raclée et repartir. Mais non. C’est plus rassurant les remarques sur son fauteuil, visiblement. Même pas drôle.

- J’en ai abattu des plus gros et plus méchants que toi.

Quand il avait encore ses jambes. Il ne faut pas le dire, ça.
Et puis de toute façon l’abordeur a les miquettes, il va le laisser tranquille. Sa lame retourne dans son fourreau et le pilote repose les mains sur ses roues pour simplement quitter la salle d'entraînement sans un mot de plus, son sale air narquois toujours vissé au pif.

Edward passa sa main dans son cou, faisant craquer légèrement sa nuque. Si son officier n'était pas présent pour superviser l'entraînement, il aurait certainement fait voler des mannequins et des supports d'armes d'entraînement d'un bout à l'autre de la pièce. L'entraînement des abordeurs n'était pas des portes ouvertes et chacun devrait connaître sa place dans ce vaisseau.

L'abordeur s'avança vers un autre de ses frères d'armes pour pouvoir engager un autre combat, quelque chose de beaucoup plus ardu et difficile que la nouvelle recrue. Il fallait bien rejeter toute cette frustration... Sinon, il allait éclater des gueules.