Quand les armes se taisent... [Jezabel]

Alors que je relevais mon sceau du cachet de cire argentée, je me demandais toujours si c'était une judicieuse idée. Cette lettre causera peut-être ma mort, mais peut-être me propulsera-t-elle plus proche encore de Lui. Saint Odat ne nous aurait pas guidé comme il l'a fait sans sa fougue, sans son ambition. C'est à genoux, priant et implorant l'Unique pour sa protection et sa clairvoyance que cette voie m'était apparue : Rencontrer celle qui était inimaginable de rencontrer. A cette occasion j'avais réservé un salon privé sur le Crust, un salon où l'on était sûr de ne pas être dérangé.

Il n'était pas question d'envoyer une telle demande par radio, cela équivaudrait à un suicide en bonne et due forme, autant d'un point de vue stratégique que politique. Aussi j'avais rédigé mon invitation de ma plus belles plume, sur un parchemin que je scellais avec mes armoiries.


J'avais envoyé l'invitation quelques mois avant la date de rendez-vous, usant de mes réseaux pour faire parvenir l'invitation à qui de droit.


C'est ainsi qu'arrivé au jour J, je me rendais dans le salon privé que j'avais réservé, quelque peu nerveux. Ne manquant pas de saluer Rae avant de m'installer. Je me permis d'insister de nouveau quand au fait que nous ne devions pas être dérangés. J'étais habillé de mon uniforme le plus sobre, sans cape, ni trop de fioriture. Il affichait le triple triangle Trinitaire sur ma poitrine, arborant mes titres de Capitaine, Évêque et Inquisiteur au travers de broches ostensiblement épinglées. Accompagné seulement de ma fidèle canne, j'avais tenu ma promesse en ne prenant pas d'arme.

Assis, mon exemplaire rappé de l'Emerentius entre les mains, j'attendais posément la venue de mon invité, espérant très sincèrement ne pas patienter pour rien.

Suis-je en train de rêver? Ou peut-être s'agit-il d'un cauchemar? Je l'ignore. Me voilà complètement abasourdie devant l'invitation insolite que je tiens entre mes mains. Je dois bien avouer être surprise par les mots absurdes qu'il m'a fallu lire plus d'une fois. Les trinitaires ne reculent donc devant rien afin de répandre leur foi idiote. Mes premières pensées ont été de croire à un piège, bien évidemment. Cependant, je connais personnellement la propriétaire du Crust; jamais elle n'autoriserait un quelconque affrontement au sein de son établissement. Alors, que diable me veut cet homme odieux?

Le plus sage serait certainement de refuser l'invitation, cela est évident. Néanmoins, puisque je ne cours aucun risque, cela ne pourrait que me permettre d'en apprendre davantage à son sujet. De ce fait, il me serait possible de l'éliminer avec une facilité nouvelle. Soit. J'irai donc rencontrer cet inquisiteur.


Ce fameux jour s'en vient rapidement. Je me vêts de mes plus beaux atours: mon tricorne que je porte toujours, des vêtements sombres et souples, parfaitement faits mais confortables en cas d'efforts à fournir. Mes cheveux sont tirés en arrière. J'observe un instant mon visage dénué de la moindre imperfection, avant de prendre la direction de la salle indiquée par ce Capitaine Inquisiteur. Si j'ai abandonné mes épées, un poignard est glissé dans chacune de mes bottes. Mes hommes interviendront à la première sollicitation de ma part. J'entre donc dans la salle, droite et fière, et adresse un signe de tête à l'homme déjà présent.

-Capitaine.

Je m’apprêtais à compter les minutes en regardant ma montre quand la Capitaine fit son apparition. La légende de la Capitaine Alvarez n'était pas volée, c'était vraiment une femme dont la beauté n'avait d'égal que sa puissance et sa dangerosité. Toutefois ma nervosité c'était envolée : Elle m'avait saluer sans injure, ni attaque, signe d'une compréhension de ma démarche, de mon intention. Sa tenue était impeccable, toutefois il m'étais impossible de savoir si c'était dans son habitude ou si elle c'était apprêtée pour l'occasion.

> Bonjour Capitaine. Je suis agréablement surpris que vous ayez accepté mon invitation.

Posant mes mains sur la table, doigts entrecroisés, le regard ferme, j'ajoute :
> Que vous soyez ici signifie que vous pensez pouvoir tirer quelque chose de notre rencontre. Je suis du même avis. Marquant une pause, je termine ma phrase ainsi: Je ne vous ferai pas l'affront de prôner la cause Trinitaire. Je souhaiterai simplement comprendre vos motivations et pourquoi elles sont aussi incompatible avec les miennes.

Prenant une position plus décontractée :
> Mais avant d'aborder d'aussi sérieux sujets, que diriez-vous de boire un verre à l'incongruité de notre rencontre ?
Dis-je me repassant la liste des boissons en tête.

J'entre, je le salue, nous nous jaugeons. Il m'expose ses motivations ; elles ne participent qu'à questionner l'estime inexistante que j'avais à son égard. Son être entier transpire la manipulation, le déshonneur et la malhonnêteté. Il n'en demeure pas moins charmant ; j'aurais probablement su me montrer sensible à son aura, s'il n'avait point été celui qu'il est. Tandis qu'il parle, je prends place en face de lui. Droite et fière, je m'assieds avec élégance, croisant une jambe presque par réflexe avant de poser mes mains sur mes cuisses.

- Je ne boirai nullement avec vous, Monsieur. N'y voyez là aucune offense de ma part, mais une préférence pour que nous demeurions tout à fait limpides quant à nos conditions et nos intentions respectives. Nous ne sommes ni amis, ni alliés. J'ai accepté de vous rencontrer, et par la présente, de faire une entorse à mes principes. Cela ne signifie en rien que je souhaite pactiser avec vous.

Je suis demeurée fort sérieuse en déclamant ces quelques mots ; mon sourire usuel ne tarde cependant guère à réapparaître.

- J'admire cependant votre impudence comme votre courage. Mettre votre vie en péril de la sorte demande très certainement une abnégation que je ne puis que saluer.

Ma propre abnégation n'est nullement moindre ; oh ! qu'il m'aurait été agréable de voir déjà le sang s'échapper d'une plaie béante creuser par mes soins au niveau de son cou ou de sa poitrine...

Aux mots de la belle capitaine, j'entends presque mes dents grincer, si notre réunion n'avait pas lieu dans un si bel établissement, sans doute aurais-je cracher au sol.

> Parce que vous croyez que je suis ici par plaisir ? Que je vous ai invité par complaisance ? Que vous ne trinquiez pas avec moi, je le comprends et j'en suis même heureux, mais vos propos me blesse, car ils laissent entendre que j'aurai, selon vous, pu en penser autrement. Regardant mon verre d'un air navré, je le repose sur la table, l'écartant de moi comme s'il dégageait une odeur nauséabonde.

> Vous me flattez, Capitaine. Dis-je, retrouvant un semblant de sourire.

Plusieurs fois, je voulu dire quelque peu, mais ce n'était que du fiel, du poison qui voulait se répandre de mes lèvres, cette femme avait sa place sur une table d'interrogatoire, pas à celle d'un restaurant, mais il n'était pas question de la provoquer, ni de lui donner raison en me détestant.

> En quoi croyez-vous ? Ou en qui d'ailleurs... Je ne comprends pas d'où vous vient votre hargne, votre soif.

Voilà qu'il est agacé, et il serait mentir de prétendre que cela me laisse indifférente ; qu'il peut être jouissif de voir cet homme détestable en pareille position ! Je demeure silencieuse, souriante, droite et fière. Je ne suis pas moins attentive au moindre de ses mouvements. Je me garderai bien de montrer la moindre faille au cœur de laquelle il pourrait s'introduire. J'ignore encore ce qui m'a poussé à perdre mon temps avec lui. Cependant, sa première question m'offre certainement un premier semblant de réponse. Je ris, lissant mon pantalon déjà parfait sur mes cuisses.

- Ma hargne, dites-vous. Ce terme est particulièrement intéressant entre vos lèvres, Monsieur. Songer qu'elle seule - et ma soif, selon vos mots - m'animent démontre une particulière méconnaissance de votre propre condition et par-dessus tout, de votre sujet.

Je balaie mes paroles d'un vaste mouvement de la main.

- Qu'importe. Ce en quoi je crois, Monsieur, est aussi épars que divers. Je crois avant tout en la liberté. C'est elle qui me permet aujourd'hui de m'entretenir avec vous de la sorte, alors même qu'il n'est que peu périlleux d'imaginer qu'aucune femme de votre faction n'a connu pareil traitement de votre part.

Voilà que je songe encore au sang qui pulse au cœur de ses veines. Lentement, ma langue passe sur mes lèvres.

- Qu'en est-il de vous, Monsieur ? Sont-ce vos croyances qui vous ont dicté de vous entretenir avec une des Capitaines Pirate les plus illustres de la Galaxie ?

La liberté... cette même rengaine en la bouche de ces pirates. Au fil de ma carrière, j'ai eu l'occasion d'entendre de nombreuses versions de cette histoire. La piraterie comme exutoire, affranchissement des frontières, liberté de vivre, de voyager, de tuer, de piller, de violer. Je percevais cette soif de liberté comme une sorte de désespoir pour combler un manque, un vide.

> Je ne suis pas ici pour vous écouter étaler vos préjugés sur les miens, Madame. Je ne reconnais pas en vous de sang Trinitaire, ni la foi en l'Unique, aussi je crains que vous ne puissiez comprendre l'épanouissement de ces femmes que vous rabaissez.

Toutefois, il n'y a pas que du venin à franchir ses lèvres, mais aussi des questions et de l'arrogance. Je prends toutefois soin de ne pas relever ses propos fantasmés.

> A l'instar de Saint Odat, je sais que les chemins détournés apportent des solutions inattendues. Contrairement à nombre de mes confrères Evèques, je sais quelle est l'ampleur des risques à prendre et des concessions à faire pour avancer, c'est bien pour cela que je suis Inquisiteur.

Prenant le temps de boire une gorgée de ma boisson, je continue :
> Vous moquiez la position des femmes trinitaires, mais je n'ai pas souvent entendu de louange quant à la traite des femmes par les pirates... N'est-il pas plus difficile de vous faire respecter en étant femme ?

Si j'avais une idée de la réponse, ce n'était que la compilation de mes rapports.

Je ne puis retenir un nouveau rire lorsqu'il affirme que je rabaisse les femmes de son peuple. Il s'agit bien là de tout l'inverse. Je suis une fervente défenseure de la cause féminine, et voir des femmes ainsi asservies ne provoque en moi qu'un mépris profond à l'égard de ceux qui en sont responsables - un mépris que je ne masque guère.

- En réalité, Monsieur, ce ne sont nullement ces femmes, que je rabaisse, mais la façon dont vous les traitez. J'abhorre vos méthodes arriérées.

Seigneur, qu'apprennent-ils, au sein de leurs écoles ? Comment s'informent-ils ? Pour prétendre que les femmes sont inférieures au sein de la piraterie, il ne faut connaître qu'un seul de ces pirates : le capitaine Alphonse Lessard, dit l'Archevêque.

- En ce cas, vos informations sont erronées, Monsieur. Contrairement à vous, nous savons que ce qu'une personne possède entre les jambes n'indique en rien sa valeur. Je traite les hommes et les femmes de mon équipage de la même manière, et il s'agit-là du fonctionnement de la plupart de mes consœurs et confrères.

L'ombre d'un sourire réapparait sur mon visage.

- Soyons francs, Monsieur. Je suis certainement meilleure bretteuse que vous ne le serez jamais, et peut-être même suis-je meilleure en commandement. Par ailleurs, il se trouve que je descends de la plus grande lignée de femmes capitaines de notre système. Vous faut-il donc des preuves supplémentaires pour avouer qu'une femme n'est nullement moins capable que vos hommes ?

Les mots de la Capitaine me déplaisent, mais j’ai mené assez d’interrogatoires dans ma carrière pour ne plus ne plus le montrer, ni m’en offusquer. Je trouve toutefois cela navrant de retrouver en sa bouche les mêmes propos que l’engeance passée entre les mains de Père Vérité.

> Vous êtes, Madame, assurément une femme d’exception. Toutefois la théocratie Trinitaire dirige des milliards d’individu, hommes et femmes. Je crains me laisser plus facilement convaincre par un si vaste et solide système que votre seule personne, aussi convaincante et forte vous soyez. Que sont les individus face à la Trinité ? Face à l’Unique ? Rien d’autre que les réceptacles de Ses verbes.

> Est-ce cette Liberté qui vous fait haïr la Trinité ? Qui vous fait nous combattre ? Après une courte pause, j’enchaîne : Car après tout, l’Ordre et la Liberté ne sont pas incompatibles, bien au contraire. S’enfermer dans un cercle de violence, conduire femmes et hommes à la mort, détruire et voler. Tout cela peut-il vraiment servir un idéal libertaire ?

Il serait mentir que de prétendre que ses flatteries ne m'atteignent guère ; cependant, je ne suis point dupe. Seul du poison peut espérer s'échapper des lèvres de l'homme qui se tient en face de moi. Fière et droite, il ne parvient nullement à entacher mon sourire usuel.

- Oh, il n'était point question ici de vous convaincre ; voilà bien longtemps que j'ai cessé de croire qu'un homme tel que vous pourrait posséder une chance - aussi infime soit-elle - d'aller à l'encontre de sa nature profonde. J'espérais seulement que vous admettriez qu'une femme est tout à fait apte à diriger des hommes, aussi singulière cette idée soit-elle.

L'ombre d'un instant, mon sourire se meut en un rictus.

- Le mot Liberté n'a en rien sa place entre vos lèvres, Monsieur. Vous dépendez de votre Foi, vous y êtes liés ; et si, vous autres, en tant qu'hommes, pouvez vous targuer de posséder une relative liberté d'action, l'essentiel de votre affaire réside en l'enchaînement de ceux qui vous entourent. Combien de chaînes avons-nous brisé ? Combien d'hommes, de femmes et d'enfants, avons-nous arrachés à votre joug ?

Je laisse le silence planer quelques secondes durant, mon regard profondément ancré au sien. Mes épaules demeurent droite ; cependant, mon sourire s'élargit, dénué de toutes traces de joie.

- Cependant, ma haine envers la trinité est bien plus profonde que cela. Vous êtes parvenus à nécroser l'existence de nombre d'individus en ce monde, depuis désormais bien trop d'années. Cela doit cesser.

Les espérances de la capitaine trouvent en moi un écho. Je vois là une ouverture, une occasion inespérée :

> Madame, je crains que vous vous mépreniez sur mon compte et mes motivations. Je suis un fervent défenseur de l’Ordre, au sein de la Trinité exclusivement. Je ne suis point un hégémoniste, juste une réponse nécessaire à l’infamie, l’hérésie et la corruption. Changeant de position, je soulage ma jambe douloureuse. Il m’a été donné à plusieurs reprise de parler d’égal à égal avec des femmes, en toute franchise. J’ai la conviction que dépouillées de leur prison charnelle, les âmes sont égales entre elles, je le constate de nouveau ce soir avec vous.

Avec une ferveur à peine contenue, je rétorque à ses propos soi-disant libertaires :
> Ces créatures sans âme que vous appelez Hommes. Combien de vies sacrifiez-vous sur leur autel ? Combien des vôtres ? Combien des miennes ? Contenant ma colère, je soutiens son regard : Votre Liberté n’exige pas moins de sang, ni de morts que l’Unique et n’est pas même fédératrice. Vous les ‘délivrez’ pour les affliger, les ensemencer de votre cruelle Utopie. Ces esclaves gorgés de sang Trinitaire ne sont alors libre que de se soumettre à quelqu’un d’autre.

> Nous sommes là bien d’accord. Trop de vies innocentes ont été perdues. C’est pour juguler ce drame que je suis Inquisiteur, et que je vous rencontre ce soir. Je me veux sincère, la corruption est un fléau qui ravage les cœurs et la Foi.

Mon sourire s'évanouit. Désormais, plus rien sur mon visage ne peut masquer la haine et l’écœurement que m'inspire cet homme. Seigneur, a-t-il seulement idée de ce dont il parle ?

- Il me semble que notre conflit majeur réside en l'absence de définitions conventionnelles de ce que sont réellement l'infamie, l'hérésie et la corruption. Vous entretenir avec quelques unes de mes concitoyennes ne fait pas de vous un homme tolérant et prônant l'égalité entre les sexes. Si j'avais eu le malheur de naître parmi les vôtres, voilà bien longtemps que vous m'auriez brûlée. Je ne suis point dupe quant au fiel qui s'échappe de vos lèvres, Monsieur.

Je serre les poings de plus en plus fort, à mesure que mon courroux s'accroit.

- Les mo'ats méritent davantage de vivre que vous et moi réunis. Chacune des vies prises ou données au nom de leur liberté est salutaire. J'en tuerais dix des vôtres de mes mains, pour en sauver un seul d'entre eux. Traitez moi de monstre, d'assassin, de voleur autant qu'il vous plaira ; votre peuple torture, tue, et dérobe bien davantage que nous ne l'avons jamais fait.

Je ris sans la moindre retenue, emportée par les affects qui sont les miens.

- Chaque vie innocente arrachée dans votre peuple est directement l’œuvre des dysfonctionnements de votre foi absurde qui vous laisse croire que vous posséder des droits sur la vie d'autres que vous-mêmes. Je crains fort que votre rôle ne puisse juguler ce que vous n'avez de cesse d'attiser.

Tout d'abord perplexe, je suis en suite déçu par les paroles de la Capitaine : ses paroles relèvent plus du fantasme et du procès d'intention que de revendications et accusations réelles. Si ses talents d'oratrice sont indéniable, ce n'est malheureusement qu'un profond ennuie que ses mots suscitent en moi. C'est par politesse et par soucis de cérémonie que j'écoutais ces mots, que j'avais tant et tant entendu.

> Sont-ce vos mots que le moindre baroudeur de l'espace, éprit de liberté répète ? Où n'est-ce là que ce qu'il est coutume de dire ? Demandais-je, faussement interrogatif. Vous êtes-vous passé le mot, quant aux grandes vérités à secouer fièrement dès que vous croisez un Trinitaire ? Mon ton est blasé, je tiens ma posture, mais le coeur n'y est plus.

> Capitaine Alvarez, j'avais de grands espoirs en vous voyant arriver, mais j'avoue être déçu. Je pensais pouvoir vous rencontrer, mais vous n'êtes finalement capable de présenter que votre haine. Malgré votre beauté, votre allure, votre aura, vous m'apparaissez d'une banalité et d'une vacuité déconcertantes.

C'est presque à regret que je lance ceci :
> Vous me faites perdre mon temps, et j'ai le sentiment que vous perdez le votre. Allons-nous en et entre tuons-nous, puisque cela vous tient tant à coeur.

Je l'observe dans un premier temps, consternée par ses paroles. Au bout de quelques secondes de silence, un rire sincère secoue ma poitrine. Un rire qui emplie la salle entière, sans la moindre retenue. Un rire que j'ai la plus grande peine à calmer. Le regard encore brillant de la joie apportée par ces paroles, je réajuste ma cape sur mes épaules.

- Eh bien, il me faut vous remercier, Monsieur. Vous venez très certainement de me faire le plus beau compliment que vous puissiez me faire - et pourtant, je ne nourrissais point tels espoirs -, en plus de fournir ce qu'il me fallait savoir.

La tête et le corps droits, je l'affronte du regard, sans plus me départir de ce sourire que l'on qualifie bien souvent d'hautain.

- Je vous avoue à contre-coeur que lorsque j'ai reçu votre invitation, j'ai crains un instant qu'un homme réellement éclairé, intelligent et possédant une rare ouverture d'esprit n'existe au sein de votre faction aux mœurs défaillantes. Me voilà fort rassurer de constater qu'il n'en est rien.

Je me relève avec la plus grande élégance, prêtant attention au moindre de mes mouvements.

-Eh bien. Par la présente, je préfère que vous me trouviez sans intérêt aucun plutôt que de vous voir nourrir une quelconque inclination à mon égard. Sachez, Monsieur, que la réelle vacuité se trouve dans votre Foi. Votre aveuglement pourrait m'inspirer de la compassion. Hélas, je crains qu'il ne me soit impossible d'éprouver une quelconque pitié à l'égard de monstres.

La colère me coule dans les veines telle une viscosité noire et brulante, mes mâchoires se serrent, mon regard se durcit et ma gorge s’aiguise.
> Vous vous enveloppez de votre suffisance, mais votre survie ne tient qu’au faible intérêt des factions quant à votre existence. Vous êtes la Reine d’une faille entre trois continents en mouvements.

Instinctivement, ma main glisse sur la poignée de verre de ma canne et caresse la surface parfaitement lisse.
> Profitez de ses instants, car bientôt Dorado sera disciplinée, ordonnée, jugée et purgée. Vous n’êtes que des météores se prenant pour des Quasars.

Un sourire mauvais se dessine sur mes lèvres :
> De même nous côtoyons les toutes dernières générations de Mo’at, ils seront soit absorbés par les Corporatistes, soit écrasés par la culture Trinitaire et ce avec l’accord passif de l’Empire.

Me relevant, au prix d’un grognement de douleur, mettant en valeur les différentes armoiries de mon uniforme, je lançais ces mots telle une prophétie :
> Allez-vous en et fuyez Dorado, car si vous ne le faites pas, je vous promets qu’aucun de vos enfants n’aura cette chance. Si ce n’est l’Inquisition, c’est la Légion ou les Forces Impériales qui les pendront haut et court, car tel est l’Ordre des choses.

Ses paroles me laissent de prime abord souriante et confiante. Je n'ai que faire de ses menaces vides et de ses croyances impies. Cependant, il ne s'agit plus uniquement de cela, lorsqu'il mentionne mes enfants. Mon sourire s'évanouit, remplacé par un air grave. D'un coup sec, je sors mon poignard dissimulé jusqu'à lors dans ma botte ; je bondis en avant coinçant l'homme infirme contre un mur, la lame appuyée sur son cou.

- Avisez-vous encore une fois de menacer mes enfants, osez ne serait-ce que les mentionner, et je vous jure qu'il s'agira de votre dernier acte en ce monde.

Mon regard le foudroie, tandis que nos visages ne sont plus guère éloignés l'un de l'autre. Il me serait si simple de trancher cette gorge... Il me serait si aisé de voir le sang s'écouler, tâcher mes vêtements et les siens, choir entre mes lèvres... Je demeure en cette position de longues secondes durant, avant de donner un coup afin de le dégager du tranchant de ma lame.

- Je ne vous tuerai point aujourd'hui, par égard pour la propriétaire de ce lieu, et parce qu'il serait particulièrement déshonorant d'abattre une larve telle que vous de cette manière. Si nous nous recroisons, ce ne sera que pour creuser votre tombe, Monsieur. Puisse votre Dieu avoir pitié de vous, désormais.

Je me détourne de lui, et prends la direction de la sortie. Nous en avons terminé.

Je ne suis guère surpris de la voir dégainer une arme, c'eut été une erreur de croire une pirate capable de probité et d’honnêteté. Comme elle l'a souligné elle est bien meilleure bretteuse que je ne le serai jamais, alors quand elle me bondit dessus, je n’essaie pas même de me défendre, de me dégager. Il est trop tard pour cela. Ce qui arrive est le fruit de mes mots, il n’est pas question pour moi de fuir mes responsabilités.

Elle me menace, de sa ton, de son arme, de ses mots, mais je tiens bon. Ce n’est pas aujourd’hui qu'un Inquisiteur se laissera intimider, si je dois mourir, alors ce sera en la regardant dans les yeux, sans une larme, sans un cris, sans un regret. La pression s’accroît pour finalement disparaître, je ne garderai qu'une marque sanguinolente de cette rencontre. Lorsqu’elle se retire d'un coup, je m'effondre sous mon propre poids, mes jambes n’étant pas capable d’encaisser la chute.

Elle s’en va telle une furie, ne laissant qu'un tourbillon d'air derrière elle et moi contre le mur, tâchant de me redresser en position assise. Saisissant mon HCom après m’être assuré être seul, je compose une des fréquences de la Pierre au Fusil :
> Père Vérité, pourriez-vous venir me chercher ? Veuillez également prendre note d'un nouvel objectif : Les enfants de Jézabel Alvarez. Il nous les faut vivants.