Bronson Phoenix a tout quitté pour Dorado, Valenos représente très peu pour lui, sinon son enfance. Sa scolarité est un calvaire, autant pour lui que pour ses professeurs. Son absentéisme et ses escapades (qui n’ont rien de fugues) sont difficiles à gérer pour ses parents. Bronson est ainsi, il faut qu’il s’éprouve en s’échappant, de plus en plus loin. A 15 ans, sans un reproche, il remercie sa famille et embarque pour le système aux milles promesses d’aventures. Il expliquera plus tard à sa mère que le confort et la sécurité de Valenos le déprimaient. Il y suffoquait véritablement, se sentait prisonnier même lorsqu’il s’évadait de la maison.
Sportif et challenger, il trouve un second père en la personne de son coach et va se faire un petit nom dans la boxe. Il décide alors de s’y jeter avec toute l’intensité qui le caractérise. Son gauche est dynamité et en vieillissant il va allonger une belle série de types plus fous les uns que les autres. Et un jour, le voilà champion de sa ligue planétaire d’Esperanza. Le lendemain, et ce malgré les qualités exceptionnelles qu’il rassemble dans ce sport, la boxe est derrière lui. Le petit monde des pugilistes est révolté par sa décision et finit scandalisé par ses mots : « A la réflexion, c’est un sport de caves et ça gagne mal, en tous cas pas assez pour les dons d’sang et d’os que j’ai fait au ring. On est tous des ringards entre ces cordes, même vous autres de l’interplanétaire et de l’intersystème. A part une bande de pauvres types qui nous prennent pour des dieux, la majorité des gens normaux se foutent de nous. La boxe, c’est complétement has been. » Il emporte malgré tout avec lui une belle ceinture platine frappée de ses initiales, qu’il revend rapidement à un collectionneur. Pour le citer : « Y’a une collection pour chaque con dans cet univers. »
L’épisode suivant, c’est la Légion. Il a 19 ans et apprend beaucoup de choses qui l’intéressent, des techniques précieuses pour cultiver son indépendance dans ce bas monde. Mais le cadre militaire est très contraignant pour lui, et l’esprit ne lui convient pas. Pourtant il a signé, pour 5 ans, et Bronson sait qu’on ne revient pas sur un contrat avec la Légion. Tant pis, il va falloir composer. Fort heureusement il a la chance d’être affecté plus vite que prévu à une unité commando de première bourre. Un sacré sport, où l’on peut se frotter à l’hostilité de Tech12 lors d’opérations anti-intrusions sur des sites répertoriés d’intérêt archéologique, aux zones franches en dehors des bulles d’Esperanza, et aux secteurs sensibles de Hell l’aguichante. Des missions sanglantes, où des combattants des factions rivales trouvent la mort dans l’anonymat le plus complet. Finalement, lorsqu’il n’est pas à bord du vaisseau ou à la base, le métier est tout à fait différent et les rapports avec les hommes vraiment authentiques. Bronson prend un plaisir certain lors de ces parachutages et se voit nommé Sergent. Il est entouré de gonzes aussi dingues que lui mais à la différence de beaucoup d’entre eux, il a pleinement conscience de cette folie. Il se marre bien mais le jeu n’en vaut pas la chandelle. La mort et l’honneur qui à l’odeur de la pisse sont partout et les crédits tombent au compte-gouttes. Il va pourtant signer un beau coup, bien gras, lors de l’interception de quelques lingots de durilium. En couvrant le Colonel Finch, le Sergent Phoenix se voit largement crédité pour sa souplesse d’esprit.
Et puis c’est le drame. Lors d’une confrontation surprise avec des pirates qui n’ont rien à faire là, il est engagé au corps à corps avec un type armé de lames monofilament qu’il fait voltiger avec une maestria terrifiante. Il a beau être ce putain de champion de platine, Bronson ne parvient pas à esquiver et prendre le dessus. Il assiste médusé à la scène de son avant-bras gauche qui roule à terre. Maintenant il va mourir, c’est joué, celui-là est trop bon pour lui. Et puis tout devient flou, inconsistant. Il apprendra plus tard qu’un pilote nommé Auguste McAllan, un as, survolait la zone à l’instant précis où il tombait dans l’inconscience. Le Lieutenant a lâché une salve assez convaincante pour que les pirates prennent leurs jambes à leurs cous.
La chirurgie fait du bon travail. La Légion a payé les réparations et le voilà avec un beau canon articulé en guise d’avant-bras.
Lorsqu’il sort du bloc Bronson se sent métamorphosé, l’esprit tendu vers d’autres horizons, vers une femme aussi. Encore trois mois à tirer et il pourra laisser la Légion derrière lui. Au lendemain du terme de son contrat, il fait face au Colonel Finch.
Colonel Finch – Sergent, mon garçon, nous avons besoin de vous.
Sergent Phoenix – Pas moi Colonel.
Finch – Mais vous représentez aujourd’hui un véritable investissement pour l’armée. Cet avant-bras nous appartient.
Phoenix – C’est pas ce que j’ai lu. Vice de procédure, vous avez oublié de demander mon accord avant la pose.
Finch – Vous étiez au seuil de la mort, inconscient, et vous savez très bien que les risques de rejets diminuent lorsqu’on réalise la cyberconnexion à frais. Ecoutez Phoenix, j’ai les moyens de faire éditer ce que vous avez lu en un battement de cil. Vous souhaitez vraiment m’y contraindre ? Restez, vous irez loin, je crois vraiment en vous.
Phoenix – Je pars Finch, c’est comme ça. Soyez pas mesquin, restons sur le bon souvenir de Tiger Eyes.
Finch – Ahem, l’opération Tiger Eyes a alourdi votre compte numéroté autant que moi.
Phoenix – Vous voulez vraiment aller sur ce terrain là ?
Finch – Sacré Phoenix ! J’aurais essayé. Bon vent Sergent, vous êtes quelqu’un de valable.
Phoenix – Mais certainement !
Il part sans amertume, sans regret, tout ceci était bon à prendre, formateur et souvent exaltant les dernières années.
Cleo, la première femme de sa vie. Il n’a heureusement pas encore tout flambé et à 24 ans il lui en reste assez pour s’offrir une belle baraque sur Renaissance. Il aime cette planète, cette femme pleine de projets en tête, et ils conçoivent un enfant six mois plus tard. Les tourtereaux coulent des jours heureux, Bronson apprend à apprécier la vie au ralenti. L’amour, le vrai, c’est une aventure intense voyez-vous. Mais une ombre s’abat sur eux un jour d’onier. Leur fils est atteint du cancer de Davos et les pronostics sont difficiles à entendre. Les existences de Bronson et Cleo se placent en orbite autour du centre médical et des merveilles d’Anthema. Le couple solide qu’ils formaient se délite, Bronson devient violent à l’égard du corps médical qui leur vend de la poudre de perlimpinpin. Anthema ne peut pas battre le Davos, pas chez un enfant si jeune, plusieurs experts désintéressés et surtout moins musculeux que Bronson ont craché le morceau. Un matin orageux, leur fils trouve la mort. Bronson et Cleo n’ont plus un crédit en poche, leurs visages sont jaunis et leurs yeux sont soulignés de charbon. Ils essayent encore, tentent de se guérir, mais rien n’y fait. Regarder l’autre est devenu insupportable. Rupture, vente, solitude tristesse et désespoir. Et puis Bronson finit par émerger, se redresser, parcequ’il est un cogneur qui rend coup pour coup à la vie.
Il lui faut quelque chose hors du cadre, quelque chose de puissant et rageur. C’est pour ça qu’il entre sur un terrain de Brutal Ball un jour où le soleil tape à crever sur Esperanza.
Bronson a fait adapter un canon lanceur à son bras gauche pour la compétition. Sa condition physique et sa combativité lui ouvrent des portes mais l’accès à la ligue pro cyborg est très disputée. Le bas de l’échelle rapporte quedal avec une toute une bande de clodos qui cassent les prix en entrant sur le terrain pour un peu d’alcool de Kei ou une dose de Näa'ngi. Le milieu est un vrai bourbier et Bronson, qui n’a pas manqué de se faire remarquer, se met à bosser pour la pègre afin de s’assurer un rendement efficace. Impossible de jouer comme une bête au Brutal Ball sans une bonne assiette de produits frais tous les jours et des conditions de vie décentes. Sans ça, c’est de l’autodestruction. Mais ce qu’exige ce sport n’est pas compatible avec un boulot normal. Il faut du cash rapide, pour pouvoir consacrer le reste de son temps à maintenir son corps paré pour le prochain match.
Et c’est comme ça qu’il va se hisser au plus haut, qu’il va replier l’image de ce fils perdu et de tout ce qui aurait pu être avec Cleo. Lorsque vient le moment où la Fédération lui remplit le frigo, il a un mal fou à se défaire de ses activités illicites, elles qui l’amusent vraiment. Il découvre qu’il a un vrai problème avec la légalité, ce monde qui protège et déresponsabilise à outrance. Il se découvre vraiment à son aise dans les allées où la loi d’Etat et ses juges ont été remplacés par la loi des hommes et leurs paroles. Il va toutefois frôler la mort à plusieurs reprises lors de frictions avec certains de ses anciens employeurs. C’est que Bronson est devenu le chef d’un groupe de receleurs (dont certains sont joueurs de BB) qui fait recette auprès de pas mal de contrebandiers. Il finit par mettre un terme à tout ça, définitivement, et emménage dans un quartier très éloigné des activités qu’il doit considérer comme de l’histoire ancienne s’il veut vivre encore quelques années. Il quitte aussi Nina, une blonde gâchette avec qui il a beaucoup trop de points communs.
Quelques années plus tard, il est le meilleur Quarterback de toute la ligue de Dorado, une star qu’on s’arracherait à prix d’or s’il ne s’entêtait pas à rester chez les Dredd. Parce que notre homme est ainsi constitué : il est très bien dans cette équipe, lui et ses gars l’ont mené au firmament, c’est beau ce qu’ils font sur le ground, ils forment une famille. Il y a Bradley, l’immense et trop honnête Brad, Junon ce Running back de folie, tombeur de ces dames, Ketchum ce vieux paternaliste, Mickey Mike le dingue, Gomez le furax, et tant d’autres types aussi dangereux qu’attachants, aux personnalités terriblement libérées. Donc, pas question d’aller se vendre comme une putain au plus offrant, il est bien où il est. Les Dredd le paient bien assez pour s’offrir de quoi satisfaire ses lubies (notamment une incursion enflammée du côté du Speed Racing, qui lui fait comprendre qu’il n’est pas taillé pour). Ces années entre copains (et pas mal de nanas satellites) sont les meilleures, le monde du Brutal Ball lui correspond à tous les niveaux. Au milieu de la corruption, du sang et de la destruction, il y aussi le beau geste et les belles âmes, des femmes et des hommes aux qualités humaines vraiment uniques, aux codes différents et plus francs qu’ailleurs, et jamais il ne s’est senti plus libre. Sur le ground et tout autour, il est pleinement lui-même. Et pourtant il sait déjà qu’il arrive au bout de l’aventure. Encore un titre et les Dredd signeront deux records : le nombre de championnats remportés et le nombre de victoires consécutives. Il veut le faire et il va se donner à fond toute l’année, distribuant des balles et des mandales avec grand panache. Et lorsqu’il soulève à nouveau la coupe la plus lourde de l’univers au-dessus des crânes de ses frères, il sait que c’est la dernière fois. Le sourire qu’il a alors, les commentateurs n’auront de cesse de l’interpréter les semaines suivantes. Pourquoi ne pas se lancer dans la ligue intersystème qui lui ouvre enfin ses portes ? « Trop vieux » répond-t-il alors.
Bronson a 33 ans lorsqu’il met fin à sa furieuse carrière sportive. Quasiment du jour au lendemain, il disparaît de la vie de ceux qui l’ont aimé et détesté dans les arènes. On raconte qu’il est parti vivre au sein d’un clan Mo’at pour goûter une retraite spirituelle et dresser le bilan mais la vérité est un peu différente. Notre homme a renoué avec la contrebande et s’est mis en tête de doter certaines tribus de marchandises qui leur sont interdites. Il se paye son aventure en jouant les bons samaritains, passe un temps fou à acquérir la confiance d’un clan, puis d’un autre, et dilapide sa fortune en cadeaux de toutes sortes avant de pouvoir toucher à la culture des natifs. Quelques temps avant qu’on l’aperçoive de nouveau sur Esperanza, je sais qu’il était entré en contact avec un groupe de Mo’at bannis. Ce fou leur a procuré des armes et les choses ont mal tourné. Je sais qu’il regrette beaucoup ce dernier épisode.
La suite se joue donc a Esperanza, quand notre diable rouge ressurgit avec une envie qui ne m’a vraiment pas étonné sur le coup : plonger dans la grand bain de la piraterie.
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C'est bon ? Tout est dans la boîte ? J'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi patient et attentif que vous. Et ne me remerciez pas, mon vieil ami mérite qu'on lui rende hommage. A demain.