First variation

Mod ? C'est décalé ça, Mod. Après tout, si elle veut pas me donner son vrai nom, libre à elle. Il n'y a donc que moi qui suis en train de tomber dans le panneau ? Le boulet... dois-je soulever la détresse de sa dernière répliqué ? Mais j'sais même pas quoi dire et elle a le temps d'échanger son magazine chelou contre un vieux vase, alors je laisse couler. Puis elle change elle-même de sujet, voulant agrémenter ma panoplie.

« _ Ça me va. On finira bien par trouver quelque chose d'approchant. Je suis la vitesse de ses pas. J'dois avouer que je sais pas foutre un pied devant l'autre en terme de danse... alors des claquettes... »

Les rues sont animées, les échoppes encore remplies, le temps calme. C'est décidément une belle journée. Je n'ai rien envie d'ajouter, juste me promener en bonne compagnie. Je suis sûr qu'elle trouvera de quoi combler les blancs.

"Boh, c'est pas compliqué ça. Suffit de taper du talon en sautillant." j'assure - même si j'ai jamais fait d'claquettes de ma vie.

Un peu plus loin une vieille dame a l'air de trouver mon vieux vase pourri absolument magnifique, alors j'lui échange contre un truc en bronze non identifié, que j'refile contre un com presque neuf, que j'échange encore contre un vieux bouquin en papier, reliure cuir ou simili j'en sais rien tiens. J'le sniffe - cuir. Oh. Oooh. Il parle de quoi le bouquin ? Botanique ? Planches lithographiées ? Ooooooh. Ca sent la Trinité, ça, et la vieillerie même, l'papier c'est plus trop à la mode ailleurs. Mon bichon, j'crois qu't'as pas la moindre idée d'la possible valeur de c't'antiquité. Moi non plus r'marque, ptet ça vaut rien, mais sauf belle trouvaille j'crois que j'ai mon gros lot du jour à montrer à Gianca. Nyuhuhu. J'me pendouille donc au bras de Nynniaw, tout sourire, contente de ma découverte.

"J'ai toujours pas vu de haut de fooorme..." je geins, faussement boudeuse.

Je reste sceptique. Ouais, bof, je sais vraiment pas mettre mes pieds les uns devant les autres lorsqu'il s'agit de rythme ou d'un quelconque danse. Alors des claquettes où les talons ne seraient pas de la même utilité que le reste de mes pieds me semble être tout à fait impossible, voire inimaginable.
Son excitation naturelle la pousse à retourner fouiller les stands tout en continuant notre petit chemin. Elle s'extasie devant les moindre merdes mais, pire que ça, elle arrive à faire de jolies affaires en échangeant ses petits bouts de merdes. Elle se termine même avec un holo flambant neuf. Quelle reine des affaires. Je souris, attendris alors qu'elle trouve à échanger le bijou de technologie contre un vieux livre croulant.

Elle tourne les pages, fascinée puis vient s'accrocher à mon bras avec le livre sous le sien. Je ne la questionne pas, si elle a envie de garder cet antiquité, ça me convient. Il faut se rendre à l'évidence : elle est bien trop mignonne. Elle me fait craquer. Je rougis et détourne le regard.

Notre balade continue et, en effet, aucune trace d'un haut-de-forme qui pourrait faire l'affaire. Je commence à être las de balader, il va falloir trouver un subterfuge. On est arrivé sur une place, on va trouver un truc.

« _ Je suis sûr qu'on va trouver, aies confiance en notre flair ! »

Et, en effet, peut-être bien que ce chapeau de paille pourrait jouer le substitut idéal. Je souris, vrai gamin.

Poisson ferré. Totalement ferré. J'espère qu'il va pas soudain me sortir qu'il a une copine sinon je boude.

Il me montre un truc et j'regarde d'un oeil dubitatif. Un chapeau de paille ? Sur un mec ça va faire paysan... quoique. J'm'écarte d'un pas, j'regarde, et très sérieusement j'enlève mon chapeau, ma charlotte, et j'me hiiisse sur la pointe des pieds pour lui mettre la charlotte sur la tête. Lààà. J'attrape le chapeau de paille, j'me rapproche à nouveau pour lui mettre, sauf qu'en fait j'profite qu'il fasse écran entre la rue et nous pour lui claquer un p'tit bisou sur les lèvres.

Et hop, chapeau posé, j'redescends toute innocente. Il s'est rien passé non, pourquoi ?

Elle semble pas convaincue. Faut dire que c'est quand même une idée nulle, ce chapeau de paille. Je m'apprête à lui dire de passer notre chemin mais elle se hisse soudainement sur la pointe des pieds pour me foutre sa charlotte et le chapeau sur le crâne.
Je vais pour protester mais... mes lèvres rencontre les siennes. Euh. Wait ? C'est aussi vif qu'inattendu et je deviens cramoisi. Je cligne plusieurs fois des paupières, ne sachant pas comment réagir. Est-ce une invitation ? Ou juste une blague ? Ou alors un piège ? Avec ses grands yeux innocents, elle cache forcément un truc, nan ? Le pire, c'est que je peux pas m'empêcher de sourire béatement, une partie de mon cerveau répète sans cesse "elle t'a fait un bisouuus, elle t'a fait un bisouuuuus, elle t'a fait un bisouuus euuuh" et une autre partie de mon corps ne peut s'empêcher de réagir à cette proximité soudaine. Beaucoup trop d'informations d'un coup. Je vais exploser.

« _ Je... »

Ben, non. Je sais pas quoi dire. Trop de trucs. Incompétent. Je dois avoir l'air encore plus idiot avec le nouveau couvre-chef.

Oh c'te tête ! C'est magnifique ! J'peux pas m'empêcher d'éclater de rire, on atteint des sommets de ridicule ! Avec ce sourire d'imbécile heureux en plus, non c'est trop beau, ça mérite une photo. J'ris pas méchamment, mais vraiment, c'est super, super marrant, j'suis à deux doigts du fou rire.

"Nan vraiment ça t'va pas, faut autre chose." j'arrive finalement à articuler en reprenant un peu de sérieux, et j'me rapproche pour enlever le chapeau, en rigolant toujours un peu mais un brin plus séductrice. Est-ce qu'il va me le rendre ce coup-ci ? Nan pas l'chapeau, patate, le bisou.

C'est tout nul, elle a bien raison. Je voudrais même pas croiser ma tête dans un miroir à ce moment là à tel point ça doit être ridicule. Même Mod rigole, c'est dire à quel point je dois sembler nul. Je suis pas encore bien remis du p'tit bisous. C'était mignon. Touchant. Y'a une corde qu'à vibré en moi. Alors quand elle se rapproche pour remonter à hauteur de mon chapeau, je fais comme elle, j'approche mon visage du sien, ferme les yeux et dépose un petit baiser... sur le haut de son front.

Il va falloir apprendre à viser mon gars... Là on dirait plus un père avec sa fille. J'ose même pas décoller ma bouche. Bug intérieur. Irrattrapable.

...

....qu'il est bête çui-là alors. Mais mignooon ! Mignon comme tout. Irrattrapablement mignon. Il ose même pas s'décoller en plus on dirait. J'l'imagine les yeux ouverts fixement, la bouche en cul d'poule, et ça m'fait glousser.

"J'mords pas tu sais." j'explique à mi-voix, plus doucement.

Pas trop. Pas forcément en public. Tout ça. J'me décolle gentiment des lèvres du bonhomme.

"T'as d'jà quelqu'un ?" j'demande, la mine dépitée. En parlant j'glisse tout doucement les bras dans son dos, avec chapeau et charlotte.

Le fait qu'elle s'écarte d'un pas m'oblige à reprendre possession de mes muscles et éviter de garder la bouche dans une position informe dans le vide. Elle essaye de briser la glace, de me mettre en confiance, de me rassurer et de me déculpabiliser. Mais un tas de trucs m'empêchent d'être totalement serein. Alors qu'elle me plait. Elle est rafraîchissante. Elle met ses mains dans mon dos et je fuis son regard. Je suis incapable de le soutenir. Ses grands yeux améthystes me cherchent alors que je fixe un point, un peu plus loin.

« _ Non... »

Enfin, pas aux dernières nouvelles. J'ai bien eu des gens. Enfin. Voilà. J'suis incapable de les garder. C'est le destin, celui d'être militaire.

« _ Mais c'est compliqué... »

Des excuses, Toujours des excuses.

C'est jamais simple. Enfin si. C'est toujours simple quand on sait pour quoi on signe. Il a pas l'air prêt à signer, en tout cas pas la même chose que moi. J'lève la main qui tient pas l'chapeau et la charlotte, j'patpat sa joue gentiment.

"Hey, fais pas cette tête. On est là pour s'amuser, non ? La vie est trop courte pour s'embêter avec les complications. Demain j'suis plus là rouquin, après-d'main on s'ra vieux et dans trois jours plus rien." On part vraiment demain. J'me décolle, et en r'mettant le chapeau d'paille à sa place j'plaisante : "Alors fais-moi un joli tricotis d'sourcils et t'prends pas la tête, tu veux ? Tu vas choper des rides avant l'âge."

Bien sûr qu'il peut refuser. J'suis pas sa mère. J'peux être lourde des fois mais jamais au grand jamais personne, et je dis bien personne, pourra jamais s'plaindre que j'aie insisté après un refus clair et net.

"Quand t'as décidé si c'est oui ou si c'est non tu m'dis, c'est tout. En attendant on continue à farfouiller !"

...

Elle arrive à me redonner le sourire, la p'tite. Alors j'souris à moitié. Puis je hausse les épaules en soupirant. Elle a raison. Évidement qu'elle a raison. Depuis quand j'me suis mis à penser comme ça ? On dirait un vieux.

« _ T'as raison. »

Elle est prête à continuer. Mais j'ai besoin d'une preuve de ce qu'elle avance. Et elle a tout autant besoin d'une réponse. Je l'arrête donc par son poignet qui n'a pas quitté ma main. Je le fais se retourner vers moi et je l'attire dans mon étreinte. Sans réfléchir plus longuement, je l'embrasse.

« _ C'est un oui. Je chuchote au creux de son oreille »

Je me sens maintenant vraiment plus léger. Moins vieux, aussi.

J'allais repartir et puis j'me sens tirée en arrière et... eh ben voilààà. J'me presse, je l'enlace, les mains nouées sur sa nuque. Et c'est un oui. Prrr.

"Tu vois. C'était pas si compliqué." j'souris doucement.

J'retourne chercher ses lèvres une seconde, pour taquiner, et j'redescends. On est toujours devant un vendeur de chapeau d'paille, paillasson, somnambule.

"Doit plus rester beaucoup de vendeurs par là, si ?"

Non, ça l'était pas. Elle revient vers moi. Je me laisse faire et elle repart, toujours aussi fugace. J'affiche un sourire un peu bêbête. Et je sais pas quoi lui répondre. Parce que j'ai pas saisi la question. Ou bien je m'en fout. Tout le reste peut attendre.

« _ Aucune idée, on a qu'à continuer par là ? »

Je pointe une rue plus loin. Je sais qu'elle est plus calme mais toujours bordée d'étales. J'ai juste pas envie qu'elle parte tout de suite. D'un geste tout à fait naturel, j'enlève le chapeau de paille. Ni vu, ni connu.

Il est mignon à faire des sourires de benêt comme ça lui. J'suis tellement irrésistible, oui, je sais, je suis la ruine de la nation. Quelle nation ? Aucune idée. En tout cas j'sais pas trop pourquoi mais j'l'aime bien... sûrement les sourcils. Il est très expressif des sourcils.

"Ouais, on a qu'à faire ça." j'souris.

Qui sait contre quoi j'vais pouvoir troquer un des grigris volés et sagement rangés dans ma poche ? Ou mon bouquin joli tiens.

Elle est d'accord. Cool. Moi je flotte au dessus du sol. Je suis bien. J'ai pas envie que ça s'arrête. J'ai pas envie de reprendre le boulot. Je veux juste passer du temps, simple. Les stands défilent sous mes yeux sans que j'y prête de réelle attention. J'ai plus grand chose à troquer, même si je pourrais me servir. Mon regard se pose pourtant sur un carnet cadenassé. Un truc plein de secrets. J'ai envie de mener l'enquête avec Maud. Je l'attrape sur la table et dépose mon chapeau en retour. Fasciné, je le tends entre nous.

« _ A ton avis, quelles genre d'histoires il peut bien raconter ? »

Oooh. J'le prends, moitié pour le cadenas moitié pour effleurer et mater les mains du bonhomme, et j'le r'tourne un peu dans tous les sens. Rien de suspect à première vue. J'me souviens à temps que j'suis pas censée savoir comment ouvrir ce genre de trucs, mais ça sonne beaucoup trop comme un défi.

"J'sais paaas... ptet les Amours Légendaires de Calypso et de l'Homme sans Nom, c'qui expliquerait le cadenas pour éviter qu'les enfants tombent dessus par accident ?" j'plaisante. Ca s'rait pas l'premier bouquin d'cul impliquant Calypso, houlà ! "Ou peut-êêêtre..." J'passe doucement la main sur la couverture, faussement songeuse. "...un recueil de recettes de grand-mère top-secret ? Le genre qui est l'héritage de toute une famille, destiné à sa seule descendance tout ça ?"

En vrai j'penche tellement pour un journal intime que j'en parle même pas. La seule chose qui cloche c'est que qui voudrait d'un journal intime usagé ? Pas moi.

"T'en penses quoi toi ? T'as d'autres idées ?"

Je hoche la tête au fur et à mesure qu'elle me fait part de ses idées au sujet du carnet. J'éclate franchement de rire sur le recueille de vieilles recettes. Je repose une main sur le carnet mais surtout pour envelopper celle de Maud. Je ferme les yeux, comme si je me concentrais sur ce qu'il pouvait se trouver à l'intérieur.

« _ Je voiiis... Je fronce les sourcils. Et si ! Les codes secrets des forces spéciales de l'UC ! A nous les robots ! On pourra écraser n'importe qui avec ça. A moins que ça soit de vieilles listes de courses. Je pousse un soupire. Faut ouvrir, pour savoir. Est-ce là une invitation ? »

J'éclate de rire moi aussi, ma p'tite main perdue sous la sienne.

"Tu penses qu'il a la clé ?" j'demande, en parlant du vendeur, en virevoltant pour aller me caler dans ses bras. A Nynniaw, pas au vendeur. "Ou qu'il va falloir l'ouvrir à la pince ?" Y a plein d'façons beaucoup plus subtiles d'ouvrir un p'tit cadenas, mais encore une fois j'suis pas censée être au courant...

J'ai pas le temps de regarder en direction du vendeur qu'elle est déjà là. Avec ses grands yeux et sa douce odeur. S'il vend ce truc, c'est qu'il a probablement oublié où se trouve la clé. Je fais la moue. Puis je la zieute quand elle parle de pince.

« _ Ah ben... c'est subtil, au moins. Mais on doit bien pouvoir trouver ça. Et il me suffit de faire un tour sur moi-même, toujours avec elle dans les bras, pour en effet poser mon regard sur une pince qui ferait bien l'affaire. Je reviens. En trois bas, je choppe la pince et brise le cadenas d'un coup sec. Triomphant, je reviens vers la belle. A toi l'honneur, je crois ? »

On touuurne et c'est rigolo, j'ai dix ans dans ma tête j'crois aujourd'hui mais bah. Il est tout chou et tout chaud, et moi j'suis bien et... et il le fait en plus, il prend vraiment une pince. Bon ben j'espère qu'la gamine du vendeur a pas laissé ses premiers bisous baveux là-d'dans parce que sinon le m'sieur il est mal.

Je colle un bécot gentil à mon rouquin du jour, j'ouvre au pif et j'commence à lire à mi-voix d'un ton très appliqué.

""Cher journal." Sérieux ? C'est pas juste un cliché ça ? "Cher journal. Aujourd'hui j'ai traité Cindy de morue parce qu'elle m'avait tiré les cheveux, alors Mr Smith m'a donné des lignes. C'est pas juste. Elle a pas eu de lignes elle. Sale morue." Ouep, c'est pas juste ça. "Mais je sais ce que je vais faire." Oho." J'lève la tête vers lui encore. "J'crois qu'on a trouvé les codes de l'arme ultime des armées de l'Union."