A friend in need...

Hannabeth regarde Wulf tenter de s'expliquer en devenant aussi rouge qu'une tomate. Ses sourcils froncés se détendent alors qu'elle croit comprendre le problème et un fin sourire vient étirer ses lèvres.

"Tu sais, y a moyen de rien briser aussi, avec ce genre d'activité."

Malgré ses paroles moqueuses et amusées, la blonde libère ses jambes des bras de Wulf afin de reposer les pieds au sol. Elle reste tout contre lui, mais plus avec la même énergie qu'auparavant. Elle a toujours envie de lui, bien sûr, ses bras lui ont manqués et l'idée de s'abandonner à lui afin de laisser ses angoisses et problèmes de cotés un moment la tente tout particulièrement. Néanmoins, si le cœur n'y est pas de son côté, elle ne veut absolument pas qu'il se sente forcé. Cette danse se fait à deux de tout leur être ou pas dutout. Les brusques changements d'envies du rouquin sont étranges et difficiles à suivrez, mais avec tout ce qu'il vit, elle peut difficilement lui en vouloir. Sa voix se fait donc plus douce lorsqu'elle ajouté finalement, comme pour le rassurer sans jamais le nommer :

"Mais juste ça, c'est bien aussi."

Elle vient alors déposer un baiser sur ses lèvre, non pas passionné comme plus tôt, mais simple et doux, n'appelant à rien d'autre. Elle est là pour lui, peu importe ce dont il a besoin.

Il sait il sait. Elle est nulle son excuse, clairement. Au moins, Beth ne fronce plus les sourcils et ne semble plus vexée. Il ne la mérite pas. C'est vraiment une super copine. Sans aucun sous entendu amoureux. Ils aiment coucher ensemble. Ils aiment passer du temps ensemble à travailler ou faire des conneries (ou boire) mais ils ne sont pas ensemble. En couple, ils ne se supporteraient vraisemblablement plus au bout d'une semaine. Doucement, il la laisse descendre puis l'embrasser avec tendresse. Quelque chose qui prend au coeur et fait groumpher le rouquin pas à l'aise avec ce genre de sensation. Il l'enlace, proche de lui. Le désir n'est pas loin, vraiment mais il a tellement de trucs en tête...il ne sait vraiment pas.

"Je crois que c'est encore un peu tout cassé dans ma tête aussi. Ils auraient vraiment pu faire du mal à Wynn et Minipouce tu sais... à la rigueur, les tables, l'alcool tout ça, c'est cher et ennuyeux mais je m'en fiche au fond. Tout ce que je fais, c'est pour maman et les petits. Pour qu'ils aient une assurance qu'ils n'aient pas besoin de mendier. Un toit qui sera à eux quoi qu'il arrive, toute leur vie. Mais je ne veux pas que ce soit au détriment de leur santé. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si cet imbécile de Wynnstan s'était mis en tête de jouer les héros et avait été blessé pour moi..."

Hannabeth garde le grand rouquin contre elle, répondant à sa simple étreinte en glissant doucement sa main contre sa nuque. Elle l'écoute ensuite s'expliquer, bien qu'elle ne lui ait rien demandé, touchée qu'il s'ouvre à elle. La blonde connait suffisamment Cathwulf pour savoir qu'il ne le fait pas souvent. Tout comme elle, il n'aime pas exposer ses tripes, préférant afficher l'image d'un monolithe inébranlable pour ceux qui comptent sur lui. Aussi, dans le même ordre d'idée, Hannabeth comprend un peu trop bien la peur qu'il a pu ressentir et ressent probablement toujours.

"Je sais."

Elle sait aussi à quel point il sacrifie beaucoup pour sa famille et combien ils comptent pour eux. Ça crève les yeux, après tout, même pas besoin de le connaitre aussi bien qu'elle pour le voir. Elle se détache alors de lui juste assez pour pouvoir le regarder en face puis ajoute :

"Mais ils vont bien, tous les deux. C'est c'qui compte. Te rends pas cinglé par ce qui aurait pu arriver, surtout qu'tu y es pour rien."

Ça aussi, Beth sait ce que c'est. Porter tant de culpabilité sur ses épaules, elle l'a fait pratiquement toute sa vie, et cela à manqué à plusieurs reprises de l'étouffer. Les reproches de sa mère, la séparation de ses parents, la mort de son père, le sort de son équipage... Elle ne veut pas que Wulf se noie dans des ces eaux qu'elle connait tant.

Mais il y est pour quelque chose. C'est lui qui a eu l'idée d'utiliser l'étage comme plaque tournante pour aider les mo'at à rejoindre Renaissance. Lui qui a fait passer le mot d'une sécurité au Runny Amber. Lui qui a demandé aux deux petits de venir faire l'ouverture sans s'assurer que les vigiles seraient bien à l'heure. Lui qui a quitté ce poste qu'il s'est pourtant juré de tenir pour une affaire personnelle qui n'aurait pas du prendre le pas sur sa famille. Lui qui a été égoïste, encore. Il a beau essayer, l'altruisme c'est vraiment pas son truc. Il a l'impression d'avoir déçu son père et ça lui fait mal. Un homme doit protéger les siens, disait-il quand il allait bien - c'est ça qui fait de lui un homme, au delà des bagarres ou de la force pure, un vrai homme c'est celui qui protège. Il avait échoué en tant qu'homme. Il avait échoué en tant que père. Il n'était même pas un si bon grand-frère que ça. Il grogna, embrassant le front de la jeune femme.

"Ce qui est fait, est fait. Tu veux un autre verre ?"

La blonde affiche une moue peu convaincue à la réponse de Wulf. Ouaip bien sûr, il a la gueule d'un type qui ne s'en veut pas et est prêt à passer à autre chose, là tout de suite. Beth n'est peut-être pas psychologue, et même très loin de l'être même, mais elle n'est ni stupide ni aveugle. Elle ne croit néanmoins pas que ce soit une bonne idée d'insister, connaissant la tête de mule qu'est le rouquin, mais ignore maintenant sur quel pied danser avec lui. Le secouer comme un prunier? Le réconforter? Lui changer les idées? Simplement lui foutre la paix? Fuck, Searuweard, t'es pas facile à aider. Elle pousse finalement un bref soupire puis hoche la tête pour accepter son offre, se détachant de lui à contrecœur.

"Bonne idée. J'crois qu'un verre de plus peut pas nous faire de mal là, à tous les deux."

Un verre...ou plus. Wulf n'est pas du genre à laisser les autres boire gratis. L'alcool coûte cher et est son fond de commerce. Mais ce soir est spécial. Ce soir, il a envie de se bourrer la gueule, a fond, avec méthode et Hannabeth. Et lui-même sent bien qu'il ne serait pas fair play de la faire payer pour ça. Il attrape la bouteille de Kraken, les deux verres vides et s'assied contre le bar, sur le sol, face à la porte de son chez lui. Un jour, cela redeviendra la salle que c'était. Un jour. Pour le moment, c'est plein de poussière de ponceuse et de travaux en cours. Il sert deux verres bien chargés, tendant l'un des deux à la jeune femme.

"T'as des projets pour la suite de l'Albatros ?"

La blonde vient rejoindre Wulf en s'assoyant à côté de lui puis prend le verre qu'il lui tend en le remerciant d'un sourire. À sa question, elle inspire profondément, redressant fièrement les épaules, comme pour affronter de front la tâche colossale qu'elle a à accomplir. Boire davantage est définitivement une bonne idée, finalement.

"Plusieurs, oui. Depuis l'temps que j'en rêve, j'ai eu l'temps d'y penser. Mais il y a plusieurs choses que j'dois régler avant. On va devoir faire profil bas un moment, comme j'te disais,surtout vis-à-vis de l'UC. J'ai aussi perdu beaucoup de membres d'équipage lors de mon changement de cap. Surtout des mercenaires de l'UC ou d'anciens criminels payant leur dette en bossant comme Corsaire. Donc c'est pas une si grande perte au final, mais j'dois quand même recruter beaucoup avant que l'Albatros puisse tourner à plein régime de nouveau. Après... faudra prendre le temps de refaire nos preuves."

L'idée qu'on puisse douter de son allégeance pirate l'insupporte, mais elle doit faire avec, au vu de sa situation. Conrad lui a dit qu'il croyait que ce serait rapide. Elle n'y croit qu'à moitié, ayant vu plus d'une fois les regards haineux que certains pirates lui lancent, mais seul l'avenir leur prouvera qui a raison. Hannabeth chasse rapidement cette idée désagréable et un mince sourire étire ses lèvres alors qu'elle enchaîne.

"Sinon, j'compte faire en sorte que les esclavagistes soient nos cibles principales. Et si Calypso le veut bien, j'voudrais remonter le réseau d'information de mon père."

"Plein de projets." Il en avait plein aussi. Et puis...et puis. L'espace lui manque terriblement. Ne pas y retourner, surtout alors qu'il est entouré d'équipages, c'est une lutte de tous les instants et seul l'amour profond qu'il porte à sa famille arrive à tenir en respect son besoin de liberté. Ses chaînes, il ne les porte pas par plaisir, même s'il aime cuisiner, faire des cocktails et passer du temps avec son équipe. Il vide son verre d'une longue traite et le remplit. Parfois, comme ce soir, il sent la jalousie le ronger et son vieux démon lui souffler que c'est le bon moment pour sauter dans l'Albatros et retourner là haut. Ses yeux regardent le plafond.

"Si tu veux, j'écouterais ce qu'il se dit sur l'Albatros ici et je te tiendrais au courant de l'avancée des rumeurs. Pareil, si tu sais pas trop quoi faire de tes esclaves libérés, je peux te brancher sur des amis."

Il ne lui avait jamais dit jusqu'ici ce côté parfaitement illégal de ses opérations, refusant de mettre sa loyauté vis à vis de l'UC en question mais il veut lui prouver qu'il lui fait déjà confiance. Qu'elle n'a rien à lui montrer à lui. Il sait qu'elle est pirate.

La blonde sourit d'abord à sa première proposition. Elle est reconnaissante de l'offre, qui pourrait lui donner une idée de qui se méfier, mais c'est surtout l'implication dans les paroles de Wulf du fait que lui la croit d'ores et déjà pleinement pirate qui la touche. Il n'a même pas besoin de le dire franchement, ni elle de se justifier. C'est probablement aussi pour ca qu'elle se sent bien avec lui.

Sa seconde proposition, celle touchant les mo'ars, vient éveiller sa curiosité. Hannabeth observe donc de longues secondes le visage de son ami comme pour y trouver des réponses, mais aussi avec une note inédite, une sorte de respect nouveau pour lui. Elle sait que la question des esclaves mo'ats est sensible pour lui, mais elle ne le savait pas impliqué. Elle ignore toujours à quel point il l'est, mais quoi qu'il en soit, cette nouvelle information ne fait que confirmé l'opinion de la pirate sur lui : Cathwulf est quelqu'un de bien.

"Merci, j'te tiendrais au courant si le besoin se présente."

Elle a envie de le questionner sur ces amis en question, mais hésite. Elle connaît suffisamment ce genre de réseau pour savoir que le secret est essentiel afin qu'ils survivent, et elle ne voudrait pas mettre Wulf dans un conflit de lotauté ou toute autre situation délicate. Aussi, elle ajoute plutôt :

"Et toi? T'as des plans particuliers pour le Runny? Profiter des rénovations pour ajouter quelque chose à l'endroit que t'as toujours voulu, peut-être?"

Son sourire amusé suffit à dire "de rien". Pas la peine de s'emmerder avec de la politesse à la con entre amis, ils savent ce qu'ils se doivent mutuellement, cela suffit. Il n'empêche, le respect nouveau avec lequel elle le regarde lui fait plaisir. Un sentiment qu'il marque avec un sourire de beau-gosse ironique, plein d'auto-dérision. Il ne faudrait pas se prendre au sérieux trop longtemps. Pas lui. Par contre, le Runny, ça c'est sérieux.

"Non, j'aimais bien le Runny tel qu'il était. Par contre je vais faire des changements à l'hôtel au dessus. Changer le mobilier pour que les filles n'aient pas trop de mauvais souvenirs et puis je dois trouver un nouveau gérant et ça, ça va être coton, crois-moi."

D'autant plus que ce n'est pas seulement un gérant de bar à pute qu'il recherche mais un contact, un associé dans sa manoeuvre de libération des esclaves. On ne le sait pas vraiment mais la plupart des filles (et des gars, il y en a) qui servent à l'étage sont des nouvellement libérés qui veulent payer pour un transfert sur Renaissance. Aussi, contrairement à beaucoup de gérants dans ces histoires, il ne fait pas de bénéfice sur elles, il ne prend que le strict nécessaire pour garder la structure en place et leur permet de s'envoler dès que possible. C'est pourquoi il a rarement de filles qui restent - sauf celles qui aiment ça, il y en a et...c'est leur choix, elles sont libres.

La blonde compatis. Elle sait pertinemment qu'il est difficile de recruter du personnel compétent et digne de confiance, surtout dans des situations délicates, elle même vivant ce genre de problèmes face à la nécessité d'engager près d'une quarantaine de personnes pour remplacer les pertes du au changement d'allégeance de l'Albatros.

"Ouai, j'imagine. C'est peut-être pas grand chose, mais si jamais je croise quelqu'un qui pourrait coller aux qualificatifs d'emplois, je te laisserais savoir."

Hannabeth attrape la bouteille de rhum et remplis une nouvelle fois leurs verres. Elle paiera Wulf plus tard pour ceux-là. Elle rejette ensuite la tête vers l'arrière, l'appuyant contre le versant du comptoir et légèrement contre l'épaule de Wulf, afin d'observer le plafond.

"T'aurais besoin d'autre chose pour le Runny? J'peux demander s'il y a des volontaires dans mon équipage pour venir te donner un coup de main. Tu sais combien les miens aiment cet endroit, donc j'devrait pouvoir t'en envoyer plusieurs, et puis ça les occupera pendant qu'on est à terre."

Il vide son nouveau verre et l'ivresse commence lentement à le gagner. Il jette un dernier coup d'oeil au Runny. Oh et puis zut, il sera toujours là demain et ils ont bien avancés tous les deux. Et puis il est un peu fatigué, maintenant qu'il y pense. "Et bien figure toi que le gamin et minipouce avaient tellement les foies de ma réaction à mon retour qu'ils ont enrôlés les mo'at libérés pour nous aider à nettoyer. D'eux-même, sans me demander mon avis. Faut être couillu. J'avoue que j'étais assez impressionné. Malheureusement, ça n'a pas suffit pour Wynnstan. Il s'est dégonflé dès que je suis arrivé. Enfin tout ça pour dire que c'est gentil de proposer mais j'ai toute la main d'oeuvre dont j'ai besoin. Par contre, je compte sur vous pour la cérémonie de ré-ouverture, cela va sans dire." Il ressert les deux verres. "Y aura un rhum spécial, tu m'en diras des nouvelles !"

Nouvelle gorgée de rhum pour imiter son ami, vidant son verre pour une énième fois. La blonde a peut-être un foi béton t une résistance supérieure à la moyenne en matière de résistance à l'alcool, il n'en demeure pas moins que la grande quantité qu'elle a maintenant bue en peu de temps commence à faire effet. S'ils continuent ainsi, ils seront complètement saouls dans les trente prochaines minutes à coup sur.

"Tant mieux alors. J'm'avoue pas déçue que t'ai un coup de main. J'te connais, t'es du genre à pas dormir tant que l'endroit sera pas remis à neuf."

Elle lève son verre de nouveau remplis par Wulf et offre un sourire au rouquin.

"Dis moi la date et on y sera. J'manquerais ca pour rien au monde. Ce sera un rhum de la maison?"

Ah mais nan, pourquoi elle a parlé de dormir ? A cette simple évocation, il semble au tavernier que toute la fatigue des derniers jours lui retombe dessus d'un coup. Comme si la colère qui le soutenait jusqu'ici s'était évaporée à son contact. Il sent ses paupières se fermer, papillonne pour lutter, vide un nouveau verre. Pour se réveiller quoi. Le rhum, c'est sensé servir à ça. "Ce sera une surprise Tu verras. T'auras jamais goûté ça, je te le promet. Réservé aux pirates par contre."

Il voulait y mettre de l'emphase mais pffff la flemme. C'qu'il peut être crevé... il allonge les jambes. Juste cinq minutes. Pour les reposer. Eviter les crampes. Tout ça.

Hannabeth sourit en continuant à vider son verre. Aussi têtue qu'elle soit, elle sait bien qu'elle n'arrivera pas à faire cracher le morceau à Wulf. Et puis, de toute façon, elle aime bien les surprises alors il serait dommage de la gâcher. Sa mention de "réservé aux pirates" la fait d'ailleurs sourire un peu plus.

"D'accord, j'vais être patiente."

Malgré le malaise un peu plus tôt, Hannabeth se sent bien, là maintenant. L'alcool la détend, physiquement et mentalement, et elle a toujours beaucoup apprécié la compagnie de Wulf. Elle lance d'ailleurs un regard à celui-ci et réalise qu'il est à deux doigts de tomber endormi. Elle hausse alors un sourcil avec un sourire amusé, puis lui enfonce un doigt entre les côtes pour les réveiller.

"Oy, Searuweard! Interdiction de t'endormir et d'me laisser seule pour continuer à boire."

"Hein ? Quoi ? Qui c'est qui dort ?" Surement pas lui. Ca non. Il va pas être saoul avant une fille quand même. Même si cette fille est Hanna et qu'elle tient l'alcool encore mieux que bien des gars qui font deux fois sa taille. Il adore d'ailleurs quand elle fait des concours avec les types au RA. C'est une super recette et elle gagne presque toujours ce qui l'amuse plus que tout. Il l'adore, Nabé. Vraiment. Il s'en mord la lèvre. Il a envie de le lui dire. Il ne sait pas comment. Les vrais sentiments c'est toujours plus compliqué. Et là, il sait pas pourquoi, il pense à Sarrazin et il a presque envie de pleurer. "Dit, Nabé. Si tu devais choisir entre l'Albatros et son équipage et l'amour de ta vie, tu choisirais quoi ?"

La blonde rit à sa réaction et profite de la brève confusion du rouquin pour se caler plus confortablement contre lui. L'alcool lui fait agréablement tourner la tête et, comme par ironie bien qu'elle n'a pas sommeil, elle ferme un instant les yeux pour profiter du moment. Le sourire de bien-être qui flotte sur ses lèvres alors disparaissent néanmoins aussitôt les dernières paroles de Cathwulf prononcées. Hannabeth se redresse et, l'expression figée, le dévisage un instant avant de répondre prudemment, sur ses gardes.

"L'Albatros."

Pourquoi tu m'dis ça là? Ou tu veux en venir? Merde, Wulf, me fais pas ça imbécile, ne vient pas tout gâcher...

Une peur sourde, presque panique, la prend au ventre. Si Hannabeth a récemment accepté d'avoir un amant régulier dans sa vie avec lui, il est l'exception à sa règle d'or. Parce qu'Hannabeth a si peur de l'amour qu'elle se refuse à toute situation qui pourrait le provoquer chez elle ou son partenaire, déniant tout en bloc. Pourtant, n'importe qui avec un minimum d'empathie pourrait voir que c'est ce qui lui manque et ce dont elle a besoin réellement.

"Ouais. J'ai choisi pareil. Et du coup, il renonce à lui-même pour moi. Si je l'aimais vraiment, je devrais le renvoyer d'où il vient. De toute façon, il reviendra peut-être pas. Je sais pas. Il me manque tellement, s'en est douloureux. Il va être furieux de voir le Runny comme ça. Comment on ose tout casser sans lui." Il sourit. Il est trop dans le brouillard pour se rendre compte de la panique de son amie. Il n'a absolument pas pensé à elle. Il l'adore. Il n'est pas amoureux. C'est très différent. C'est une amie, une soeur et une amante.

Un soupire de soulagement s'échappe des lèvres d'Hannabeth. Elle a presque envie de lui crier dessus pour lui avoir fait aussi peur, mais les paroles qu'il lui dit et le ton qu'il emploie l'en empêchent. Le coeur encore battant la chamade de sa frayeur, la blonde reste un moment en silence pour se calmer et prendre la pleine mesure de ce qu'il vient de lui révéler. Cathwulf n'est pas du genre à se livrer comme ça. Pas du tout même. Il est comme elle. Ce doit être un mélange de l'alcool et de la fatigue qui le fait s'ouvrir maintenant. Fuck, pourquoi elle a bu autant elle aussi? Elle n'a plus les idées claires et n'arrive pas à savoir qu’elle est la bonne attitude à adopter. Et bien qu'elle soit infiniment soulagée qu'il ne parlât pas d'elle, elle ignore ce que veut dire le pincement au coeur qu'elle ressent et bon sang que ça l'énerve.

"Est-ce qu'il sait? Ce qu'il est pour toi?"

Elle devrait lui laisser le temps de répondre, mais la frustration et l'amertume qui viennent alors s'installer dans sa poitrine sont exacerbé par l'alcool et elle ajoute sans vraiment en prendre conscience :

"Et j'suis pas un exemple à suivre là dedans, Wulf. Merde, j'sais pas si tu sais à quel point j'suis... fucked up."

"Non non ! Et il ne faut pas qu'il sache, jamais !" Il pourrait le perdre. Ne plus avoir cette complicité à laquelle il tient plus que tout. Sarrazin c'est son bras droit. Sans aucune arrière pensée. L'idée qu'on lui dise... il en frissonne. De toute façon y a pas de risque, il y pense presque jamais à jeun. C'est juste cet imbécile de Stackborn qui le lui a pris depuis, il lui manque terriblement. Sans parler de cette peur qu'il ne quitte plus jamais le Liberty. Qu'il ne revienne pas. Que l'amour des étoiles soit plus fort que...que. Il ne veut pas penser le reste. Heureusement, Nabé le sort de sa panique. Il rit soudain. Nerveusement. Le genre de fou-rire dû à l'alcool, la fatigue, peut-être les deux. "Ah, Nabé. J'sais pas ce que je ferais sans toi. T'es une vraie amie. On est aussi abîmé l'un que l'autre, c'est ptet pour ça qu'on s'entend si bien."

Hannabeth tire une grimace. Elle comprend tellement bien pourquoi il ne souhaite pas que ses sentiments se sachent. Elle fait la même putain de conneries à chaque fois et avec tous le monde. Ce n'est pas pour rien qu'il a fallu des années avant que quelque chose ne se passe entre elle et Wulf d'ailleurs. Cette peur que si les choses dérapent, si les sentiments dérapent, elle y perde un ami auquel elle tient énormément l'a retenue longtemps. Alors elle serait bien mal foutue de lui dire de s'ouvrir à celui qu'il aime, qui que ce soit d'ailleurs, bien qu'elle pense sincèrement qu'il fait un bêtise en se taisant. L'alcool aidant, elle ne garde néanmoins pas le silence. Le fou rire du rouquin lui arrache ensuite un sourire en coin, mais le coeur n'y est étrangement pas. Elle se sent lourde et vide. Triste aussi et ca, ça l'énerve. Hannabeth vient alors appuyer son front contre l'épaule de son ami en fermant les yeux. Ça tourne moins comme ça.

"Mouai, ça doit être ça... J'dis pas ça souvent, mais t'es un vrai ami toi aussi. J'aime pas t'savoir malheureux. Et puis tu sais pas, il t'aime p't'être lui aussi. Z'aurez l'air con chacun dans votre coin à pas vouloir vous parler. T'imagines?"

"On s'parle. Juste pas d'ça, c'est tout." Il la prend dans ses bras, la serre contre lui, luttant contre la fatigue lui aussi. Des flashs de Sarr arrivent dans sa tête, en désordre. La lumière d'un amusement dans son unique oeil océan. Un sourire canaille. Ses cheveux noirs comme l'espace. Et le souvenir d'avant, avec deux yeux, deux fois plus de sourires, quand ils étaient dans l'espace et rêvaient d'être libres. Il baille. "T'sais c'qu'il manque ici. Un lit. J'donnerais n'importe quoi pour qu'un matelas apparaisse sous nous et qu'on puisse roupiller comme ça."

"Mmm. J'comprend... Tu m'as pas dit qui c'était d'ailleurs."

Plus une constatation qu'une question, mais son esprit embrouillé ne voit pas la nécessité de clarifier. La blonde fait un effort pour ouvrir de nouveau les yeux et relever la tête vers lui. Il lui rend la tâche difficile en la prenant ainsi dans ses bras. Elle est bien et veut simplement y rester. Hannabeth finit simplement par changer de position, restant appuyée contre lui, mais désormais de sorte à pouvoir le regarder par dessous.

"Ouai, ca serait bien. T'as pas des lits à l'étage normalement? Quoi que ca implique de bouger..."

Son regard s'accroche alors aux reflets cuivrés dans la barbe de son ami et elle oublie aussitôt le projet "matelas". C'est que c'est foutrement joli comme ca, avec juste la lumière du bar plus loin, en contre jour. On dirait presque que sa barbe est faite de fins fils métalliques. Elle tend alors la main pour y toucher, glissant ses doigts dedans en lentes et douces caresses. C'est agréable ca aussi. C'est doux. Elle se demande même s'il l'entretient avec du shampoing.

Spoiler:

"Nan j'ai pas dit." Il étouffe un baillement. Ce qu'il peut être fatigué... Et l'espace d'une seconde, sa tête tombe, pour se relever en sursaut lorsque la jeune femme reprend la parole. Il ne dort pas. Foi de Searuweard il ne dort pas. L'idée du lit à l'étage se fait tentante. Des draps. Un matelas. Mais c'est loin et...flemme. Elle est chaude et moelleuse dans ses bras. Ses doigts dans sa barbe sont tous doux, tendre. Un souvenir enfoui refait surface, celle du petit garçon luttant contre le sommeil pour attraper ce moment secret où sa maman croit qu'il dort et vient lui faire un bisou de bonne nuit. Il revoit son père à la porte de la chambre. Ses yeux se sont fermés. Et si un murmure sort de ses lèvres, il est incompréhensible.

Bien trop absorbée par son observation de la lumière dans sa barbe rousse, elle ne répondra que distraitement :

"Mmm."

Elle reste ainsi sans pouvoir dire combien de temps exactement avant de réaliser qu'elle le fixe depuis beaucoup trop longtemps. Elle cligne alors de yeux et étouffe un bâillement avant de relever la tête vers lui et réaliser qu'il s'est assoupi. Le con, il l'a trahie. Hannabeth pousse un grognement, mais ne fait rien pour le réveiller. Au contraire, elle et calle plus confortablement dans ses bras, appuyant sa tête contre son torse. Boum boum. Elle peut entendre son cœur battre à un rythme lent et régulier comme ça, c'est apaisant. Boum boum. Elle enserre sa taille de son bras alors que ses yeux s'égarent sur les dessins de lignes de la main de chair de son ami. Boum boum. Ca lui fait du bien d'entendre ce son bien vivant, bien réel et si proche d'elle. Boum boum. Elle a fermé les yeux elle aussi puis, dans un murmure assoupi, lâche simplement ces quelques mots :

"Qui qu'il soit, s'il te brise le cœur, j'lui brise le nez."

Boum boum.