The ugly duckling [Del Ruiz, Billy & Dodu Jenkins]

Je fais pas trop trop attention à son regard quand il voit mon visage, et puis c'est pas grave parce qu'il change pas avec moi, il me sourit toujours et puis il me rend bien service, ça oui ! Alors je souris aussi et puis je suis contente et soulagée qu'on ait un p'tit coin où dormir, parce qu'on aurait pas trouvé mieux ce soir, ça non ! Et puis le monsieur, il nous dit qu'il va chanter mais qu'il chante très mal, alors moi, ça me dérange pas.

- Contre les mauvais chanteurs ? Beh, c'est-à-dire que j'entends pas très très bien. Mais j'suis sûre que vous chantez pas si mal que ça !

Et puis c'est vrai, parce qu'avec mon accident, moi, j'ai eu un tympan abîmé, alors depuis, j'entends plus bien d'une oreille et puis l'autre et bah c'est pas ça non plus mais ça va. Dodu, par contre, il entend bien, et puis je sais qu'il est assez sensible à des sons, alors j'espère que ça va pas le déranger trop trop. Et puis au pire, on pourra se boucher les oreilles, ça oui !

La surdité est une solution. Les boules de quiès en sont une autre. Je saute  sur la table d'un unique bond impressionnant  sous les yeux écarquillés de l'assistance qui ne s'y attendait pas.  Et voilà, j'ai toute leur attention.

Une chanson, une chanson, les amis, pour mettre de l'ambiance !

Et je mets à claquer des mains en commençant  sans faute  une chanson dont j'avais le secret. Il ne sera pas dit que je me tromperais  dans le rythme des paroles ni les mots.


J'aime l'oignon frit à l'huile,
  J'aime l'oignon car il est bon.
  J'aime l'oignon frit à l'huile,
  J'aime l'oignon, j'aime l'oignon.


Les clients reprennent joyeusement  l'air entrainant malgré ma voix d'ours, certains faisant une meilleure interprétation de la mienne. Puis je me mis à claquer des doigts en me mettant au pas militaire sous les sifflets appréciateurs tandis que derrière son bar, Enrico  semblait satisfait de mon choix.

Au pas camarades, au pas camarades,
      Au pas, au pas, au pas,
      Au pas camarades, au pas camarades,
      Au pas, au pas, au pas.

Je m'interrompis un instant avant reprendre le  troisième couplet.


 Un seul oignon frit à l'huile,
  Un seul oignon nous change en Lion,
  Un seul oignon frit à l'huile,
  Un seul oignon un seul oignon....

Je continuais ainsi jusqu'à la fin de la chanson sous les applaudissements. Malgré tout, jamais un auditoire à l'oreille délicate n'aurait apprécié mon interprétation.

Je regarde mon sauveur toute surprisette de voir ça, ça oui ! Si je m'y attendais... Nom d'une courgettine borgne, c'bien vrai que c'est pas très beau son chant... Dodu aime pas ça, et du coup, ses mains sont pressées fort fort contre sa tête. Et puis, ça, j'avais jamais entendu, ça non. Une chanson d'oignons ? Nous, on aime bien ça, des oignons, mais pas au point de chanter une hymnes aux oignons, ça non.

- Ben ça...

Que je dis quand c'est fini et puis je souris beaucoup beaucoup quand même. Je reste un peu surprise encore, et je regarde sans trop savoir quoi dire, parce que c'est vrai que ça a mis une sacré ambiance quand même et puis même si c'était pas bien beau, j'crois bien que j'ai aimé aussi. Donc moi, je finis par rejoindre ceux qui ont entendu et puis je tape très fort dans mes mains et je souris.

- Votre chant, ça donne sacrément envie de faire une fête, ça oui ! Et puis aussi, j'ai bien envie d'manger des oignons maintenant... Dodu, a pas trop aimé je crois, mais c'est parce que son ouïe est bien trop fine. C'était pas bien beau, mais vous avez un sacré chic pour rendre joyeux !

Je descendis prestement de table sans louper mon atterrissage même s'il y avait eu un moment de flottement pendant lequel j'avais cru que j'allais m'écraser et me ratatiner sur le sol de la taverne. Quel maladresse ! Les clients étaient désormais avides des plats à l'oignon tout comme Billy si je ne me trompais pas sur le contenu des commandes qui affluaient.

Merci, c'était justement le but de la chanson. Pauvre Dodu, je suis désolé pour lui. Cortès va se faire un sacré paquet de fric, bien plus qu'en vous faisant payer votre chambre avec cette chanson. Puis-je satisfaire votre envie d'oignon  en commandant un plat pour vous madame ?

Nous, on regarde Monsieur le chanteur et puis on sourit vraiment beaucoup et Dodu il se débouche finalement les oreilles et puis il croise les bras, un peu boudeur. Mais dès qu'il entend parler de nourriture, bah il déboude tout de suite. Moi je hoche vivement la tête, c'est que j'ai sacrément envie d'oignons, ça oui.

- Oh bah sapristouillette, oui ! Ce serait vraiment bien gentil de votre part, ça oui !

Installez-vous, je vais commander un truc à l'oignon, et.. euh... y-at-il quelque chose que votre singe aimerait en particulier ? demandé-je, un peu hésitant car si je ne me trompais pas, il voudrait un morceau. Cortès recevait de plus en plus de commandes qu'il renvoyait vers les cuisines afin qu'elles s'en occupent.

- Oh bah, Dodu il est pas compliqué, et puis il mange tout pareil que moi ! C'est qu'il aime bien l'oignon, lui aussi ! Merci bien, monsieur, c'est vraiment très très gentil à vous !

Et puis on s'installe comme il nous a indiqué et puis on le laisse faire, en regardant toutes les commandes qui partent en cuisine grâce à la chouette chanson du Monsieur. Woaaah !

Je fis ma demande   auprès de Cortès et lui déclarai vouloir  un plat pour moi aussi. J'étais halluciné par le nombre de commande qu'avait suscité ma chanson alors qu'elle n'était guère belle chantée par moi. L'interprétation était néanmoins fidèle, ma mémoire ne m'avait jamais trahi  avec les chansons. C'était ma grande passion de les écouter et de les mémoriser.

Je prenais des nouvelles de la petite famille de Cortès, trois petits galopins à la bouille angélique et leur  charmante mère puis je revins m'asseoir  à la  table  de la dame et de son singe.

J'me demande toujours pourquoi j'ai du succès alors que j'ai une voix d'ours. V's avez une idée vous ?

Dodu et moi, on commence à avoir sacrément faim, et puis on est bien installés là, dans cette jolie taverne là, ça oui ! Et y a une bonne ambiance et puis les gens, ils sont tout contents.

- Eh bah, c'est que vous avez peut-être une voix d'ours, mais vous y mettez bien du coeur dans vos chansons, là. Et puis le coeur, ça parle à tous ceux qui savent écouter, ça oui ! Et c'est pas bien la voix qui compte dans ces moments-là, parce que ça rend tous les gens sapristouillement heureux et contents ! Et les gens ils aiment ça, ce qui arrive à les mettre en joie, ça oui ! Dites donc, vous chantez beaucoup, Monsieur ?

Je l'écoute puis je réfléchis à ses paroles. C'était vrai, j'aimais apprendre de nouvelles chansons et les chanter quand j'en avais envie. La passion parle à ceux qui savent écouter mais ceux qui privilégient la beauté de la voix doivent me détester de torturer ces pauvres chansons. Mais elles n'appartenaient à personne, elles étaient libres comme les mots. Tenter de les enfermer en les interdisant à un tiers, c'était nuire à la poésie.

Le repas avec l'ingrédient indispensable, c'est à dire l'oignon, arriva rapidement servi par une jeune serveuse qui devait encore étudier à l'école et je hume avec délice ce qui était sorti des cuisines d'Enrico Cortès.

ça dépend des jours quand je suis d'humeur à le faire. Mais oui, j'aime beaucoup chanter.

Je me saisis des couverts parce que je ne suis pas un barbare quoi qu'en disent les mauvaises langues sur mon physique. Je n'étais sans doute pas désagréable à regarder, j'approchais à peine de la trentaine. Je goute mon morceau de viande qui explosa avec la saveur de l'oignon et du poivre dans ma bouche. Un délice ! Un régal pour les papilles ! Ou était-ce ma propre chanson qui me faisait apprécier positivement ce bras ? En tout cas, j'étais assuré de reprendre une assiette rien que pour satisfaire mon métabolisme d'homme costaud.

Les plats ils arrivent, et puis Dodu et moi on se jette sur la nourriture, sapristouille ! C'est bien bon tout ça, ça, oui, ça nous met l'eau à la bouche tout de suite et puis on avait sacrément faim ! C'est qu'on a eu une bien grosse journée, et puis pour une arrivée sur une terre inconnue et notre premier voyage comme ça, et bah c'est une sacrée aventure ! On sourit à Monsieur Gerardo pendant qu'on mange, parce qu'on est contents de l'avoir rencontrés, et puis même d'avoir entendu sa chanson à l'oignon qui rend si bien hommage au plat qu'on grignotouille avec bien beaucoup d'appétit.

- C'est une bien belle activité, ça oui ! Si Dodu il a l'occasion d'avoir des choux-fleurs dans les oreilles, moi, j'veux bien vous entendre chanter encore. Ca met de la joie dans le coeur, et on apprécie encore bien plus ce plat à l'oignon là ! C'est un bien bel accueil que vous nous faites, vraiment, on vous remercie de tout nos petits coeurs de médecins brinquebalantinets. Et puis, votre ami le monsieur tavernier aussi, parce que c'est bien gentil tout ça, et on oubliera pas ce que vous avez fait, ça non !

C'est tellement délicieux que je rompis même le pain pour récupérer le fond de mon assiette et j'en redemande encore. Il faudra que je dise à Enrico de complimenter sa  cuisinière d'épouse.  Qu'est-ce que j'avais faim putain.

C'est Lucia qui fait des merveilles derrière les fourneaux. Elle sait tout aussi bien  manier son mari Enrico, notre ami derrière le comptoir.,  répondit-je  en jeune plaisantin qui approchait de la trentaine d'année. Ne me remerciez pas, j'aime rétablir la justice des choses, c'est pour ça que je suis soldat. Vous avez un cœur d'or, ne laissez pas le dernier connard venu dire le contraire et j'ignore toujours votre nom avec tout ça.  

Mes yeux brillent quand je parle de justice, c'est mon obsession, je m'efforce d’être juste envers moi-meme et les autres.  Cette femme qui n'est guère très belle, mais sa conversation était agréable.  Ma mère m'avait bien élevée, elle aurait été fière de moi en voyant cette scène. Seulement si je ne m'étais pas barré comme ça de la maison.

- Oh, eh bah il faudra bien qu'on compliment Lucia alors, ça oui ! C'est que, on a pas souvent manger de la nourriture aussi bonne, ça non ! Faut dire qu'on mange pas bien souvent dans les tavernes comme ça, mais ça va bien changer ça.

Et puis je rougis un peu en me rendant compte que bah, on a bien oublié de se présenter. Sapristouillette, où donc que j'avais-je la tête ?

- Oh bah sapristouillette ! C'est avec toutes ces émotions si fortouillettes là, on a bien oublié les bonnes manières, nom d'un pois chiche poilu ! Moi, c'est Billy. Billy Jenkins. Et puis vous connaissez déjà Dodu.

Mieux vaut tard que jamais Billy, philosophai-je pour l'excuser de son oubli. C'est déjà un compliment en soi que tout le monde s'arrache ses petits plats aux oignons ce soir. Et c'est de ma faute.

Non pas que je m'en veuille énormément, j'étais content que les gens aiment ses préparations même si ça lui donnait beaucoup de travail. C'est juste que je m'étonnais toujours de l'impact de mes chansons alors que je ne savais pas très bien chanter. Peut-être était-ce parce que je savais bien jauger mon public en général et que j'avais un répertoire de chanson.

Vous savez ce qui me plait le plus dans ce système ? Les chansons mo'ats.

Il y avait bien des chansons pirates que j'avais apprises en dépit de mon aversion prononcée pour leurs auteurs.

- Ah ça oui, vous avez bien raison ! C'est qu'on a eu une bien grosse journée, et qu'ce plat aux oignons là, il réconforte bien l'estomac ! Ca vous arrive souvent de donner des envies aux clients, dites ?

Et puis quand il parle de chansons mo'ats, ça me fait quelque chose là, dans le coeur de la poitrine. On essaie bien d'oublier nos origines parfois, mais c'est pas super évidents, surtout que nous, on aime ça aussi les chansons mo'ats. Surtout moi, parce que Dodu je sais même pas si il connait ça. Moi, je chante pas très bien et ce serait pas moi qui reparlerait vraiment en mo'at juste comme ça, ça non !

- Moi aussi, j'aime beaucoup ça, les chansons mo'ats. Vous en connaissez, dites ? J'suis sûre que vous en connaissez !

Elle est bien joyeuse mais j'ai l'impression  que je réveillais  un vieux spectre en elle. Nous avions tous nos fantômes qui nous hantent, nous serrent le cœur  et qu'on gardait  au fond de soi.   Si Billy ne souhaitait  pas en parler, je ne  dépoussiérerais  pas son secret, il risquait de rouvrir de vieille blessure. Mais il n'était pas bon de les réduire au silence à jamais. Un jour ou l'autre, ils vous rattraperont et  vous en mettront plein la gueule. Je le savais et j'essayais rester honnête et juste avec moi-meme comme envers les autres. C'est tout ce je pouvais m'efforcer d'accomplir en même temps que de m'occuper de la discipline à bord.

Rarement. Mmmh... Je crois bien  que celle-ci vous plaira bien que je craigne que ma langue ne lui rende guère justice.

Sur la terre, un peu plus d’air
Pour respirer
Dans le ciel, un peu plus de soleil
Pour se réchauffer
Faut des nuages et des étoiles
Du vent pour souffler dans les voiles
Dans les forêts, un peu plus d’arbres
Pour y grimper
Et dans les champs, un peu plus d’herbe
Pour s’y coucher
Faut des Awäk des Tawtute
Des Taron'huan cachés dans les feuilles...

Mais celles que je préfère parlent de Calypso. J'ai entendu des histoires sur ses pouvoirs, et ceux qui en parlaient, c'étaient des braves soldats qui disaient que certains pirates nous échappaient mystérieusement, et c'est indéniable. De là, à dire qu'ils ont la faveur de Calypso...

Moi, je suis bien contente qu'il puisse m'en chanter encore une de chanson, surtout une mo'at. Je sais pas trop à quoi m'attendre avec son accent, mais c'est que ça fait bien longtemps que j'ai plus entendu de mojat, alors ça devrait pas faire trop trop bizarre, ça non. Enfin si, mais pas parce qu'il aura un accent bizarre. Par prévention, je vois Dodu qui se bouche les oreilles. Il est intelligent mon Dodu, il avait bien compris que le Monsieur il allait rechanter. Et puis il chante, et c'est beau. Pas la beauté du son, parce que il le fait pas très très juste, ça non. Mais y a l'intention derrière, et puis ça c'est vraiment beau.

- C'est vraiment très très beau ce que vous faites, Monsieur Gerardo, ça oui. J'aime vraiment beaucoup, même que ça me touche droit dans le coeur. Et celles que vous préférez, vous vous en souvenez, dites ? C'est que, j'crois bien que je pourrais vous écouter là toute la soirée, ça oui ! Et puis, vous y croyez vous, à Calypso ? Moi je crois que les pirates de l'espace ils peuvent bien avoir les faveurs de Calypso, ça oui. C'est que, ils sont libres, eux. Et je crois bien que c'est ça qui plait à Calypso, ça oui.

Je me noyais dans le flot de parole de Billy qui mettent du baume sur mon cœur de mauvais chanteur. Mais je retenais sa question sur ma chanson préférée. Sur Calypso ? Ou ma préférée d'entre les préférée ? Je fermais les yeux et fredonnais.


Caly, Caly, Caly,

Âme immortelle,
Entends nos souffrances,
Les familles arrachées à leur monde,
Par des êtres au cœur noir,

Caly, Caly, Caly,

Ame immortelle,
Vois ce monde Mo'tanui,
Dévoré par les monstres de fer,
Amenés par les hommes des étoiles,

Caly, Caly, Caly,

Aide-toi même et je t'aiderai,
T'accorderai ma faveur,
Ne m'invoque pas en vain,
Ou tu payeras le prix,

Caly, Caly, Caly,

Calypso il sera ainsi,
Puissante Dame,


Je me tus, la suite avait d'autres couplets que j'aimais moins notamment sur les pirates. Mais la chanson évoquait la grande tragédie que vivait ce peuple depuis une centaine d'année. Ce que j'aime en cette chanson, c'est l'idée que l'aide ne peut venir que toi-même. Je ne veux pas croire à quelque chose si c'est pour me reposer dessus par la suite. Regarde ce qu'en font les trinitaires de leurs croyances ! Ils peuvent bien pourrir dans leur enfer personnel, je ne verserais pas de larme pour eux. A vrai dire, je n'ai pas réfléchi plus loin puisque la chanson demande le départ des êtres comme moi. Mais je crains que ce soit trop tard même si nous partions, notre empreinte resterait à jamais comme des cicatrices chargées de sel pour les mo'ats.

La chanson qu'il choisit, elle me met une sacrée claquoune dans la figure, ça oui. Sapristouillette, c'est bin mon histoire, mais c'est aussi bin celle de tas et puis de tas et puis de tas de gens. Ca me met un peu les larmes à l'oeil, aussi. Mais bon, je me reprends vite même si je reniflouille un peu.

- Moi je crois bien que l'aide elle peut bien venir quand on ouvre son coeur aussi à cette aide là et puis qu'on y croit, ça oui ! Comme moi tout à l'heure, ben j'y croyais fort que j'allais pas être abandonnée toute seule avec Dodu et puis vous êtes bien arrivé comme ça et puis vous nous avez aidé et ça, c'était fantastiquounet ! Mais cette chanson que vous chantez là, elle est ben triste. Parce que c'est bien vrai que les mo'ats, ils souffrent beaucoup de ça, mais je crois bien que cette chanson elle parle un peu à tout le monde, ça oui. Vous aussi vous avez dû connaître des situations tristationelles comme ça.

Mmmmh... J'aurais pu ne pas intervenir. Passer mon chemin. Cette chanson est certes triste, mais elle rappelle qu'un peuple souffre. Je  me souviens pour ceux qui choisissent  de fermer les yeux.

Je m'adossai ostensiblement sur ma chaise avant de continuer. J'en avais connu que trop mais l'important c'était d'avancer et de laisser le passé derrière soi.

On s'y fait Billy. Je crois que toute la question  est comment tu gères ce que tu vis. Personne ne peut le faire à ta place.  

- Ben oui que vous auriez pu ne pas intervenir, mais vous l'avez pas fait ! C'est pas les si et les suppositions qui comptent, ça non ! Parce que ces enfants, ils auraient pu ne pas faire ça aussi, ça oui ! Mais le fait est que eux, ben ils ont fait ça, et que vous, vous avez fait ça aussi.

Ah bah ça c'est vrai, et que même, le Monsieur Del Ruiz il est très gentil avec nous, et même Dodu il l'aime bien même s'il lui cassouille les oreilles, ça oui. Nous on est bien contents d'être avec lui, ça oui.

- Parfois on ferme les yeux et puis on peut rien faire ou peut-être on veut rien faire, mais y a aussi des gens qui ferment les yeux pour mieux écouter les cris, ça oui. C'est que, les trinitaires qui font du mal aux mo'ats, ils sont sacrément assurés dans leur besogne, ça oui. Ils savent bien ce qu'ils font, et puis c'est pas facile à nous tout seuls de faire un truc. Moi et Dodu on soigne quand on peut et tout, mais on peut pas faire quelque chose d'autre, ça non. Pas pour le moment, là.

Et puis je souris.

- Ben, vous, vous mettez du feu de la joie dans le coeur des gens qui vous écoutent. Nous avec Dodu, on veut essayer ça aussi, en soignant et puis en faisant des trucs. Ca fait du bien à la tristation des gens, ça.

Je ne trouvais rien à redire à ce qu'elle disait si ce n'était que j'avais l'impression d'avoir ma mère en face de moi à cet instant précis. Les néologismes en moins.  Elle m'avait réduite au silence en me donnant à réfléchir. Je ne savais plus trop quoi dire.

Merci Billy.

A part une banalité.

- Bah, c'est rien que la vérité !

Moi, j'souris à Gerardo, ça oui. Il est gentil avec nous, ça oui. Moi je suis bien contente qu'il soit là pour tout ça, et ça, je l'oublierai pas. Mais c'est bien vrai qu'on a eu une grosse journée, alors je commence à fatiguer.

- J'vous dis la vérité, Dodu et moi on commence à fatiguer, ça oui ! Mais on est très heureux d'avoir pu vous rencontrer et parler avec vous. J'espère bien qu'on aura d'autres occasions de se croiser, ça oui ! Et puis surtout, j'espère bien que ce sera pas parce que vous serez blessé ou malade, ça non !

L’agression verbale qu’elle avait subie de la part de ces jeunes et le repas qu’elle devait désormais digérer l’avait vidée. Je le comprenais. Quand elle parle d’avoir d’autres occasions de me revoir, je crains que les exigences du service ne m’en empêche.

Je vais v’s dire un truc qui n’est pas encore officiel, je vais bientôt recevoir les galons d’adjudant et un ordre de réaffectation. Il y a des chances que je quitte le système Billy. Je ne sais pas pour où mais j’espere que ce sera en bordure des frontières trinitaires. Ils le méritent bien pour ce qu’ils font aux Mo ats.

Dans mes yeux, il y a cette lueur sauvage et meurtrière qui étincèlent à l’idée de faire passer l’arme à gauche des hommes venant d’une nation d’esclavagiste. Ce n’est que Justice.

Reposez-vous bien Dodu et vous. Je passerais tant que je le pourrais encore.

Moi, même si j'essaie bien de pas trop le montrer, ben ça me touche sapristouillement, ce qu'il me dit, le Monsieur Gerardo, ça oui ! C'est un militaire, mais lui, il se bat quand même pour les mo'ats, et ça, il peut pas savoir à quel point c'est ben important pour moi, ça oui ! Alors je lui souris.

- Bonne chance pour votre affectation ! J'espère ben qu'vous allez vous plaire et que vous ferez tout ce qui vous plaira d'faire, ça oui ! Merci encore pour tout, merci !

Et puis après ces dernières salutations comme ça, Dodu et moi, on récupère bien toutes nos affaires et puis on nous donne une clé et on va dans la chambre qu'on nous prête gentilloument. Sapristouillette, quelle aventure rocambolesquinette !