Surprise est née il y a 19 ans de ça d’une mère esclave et d’un père inconnu sur une planète Trinitaire, loin du système Dorado. Son prénom, Surprise, lui a été attribué par l’acheteur de sa mère, qui ne s’attendait pas à ce que son esclave se multiplie si peu de temps après son acquisition, sa grossesse ayant été très discrète. Croyant aux vertus rédemptrices de la magnanimité, il l’autorisa à garder l’enfant malgré la présence de sa première fille, Mee’Ra, sœur aînée de Surprise, alors âgée de cinq ans. Cependant, sa mère ne se plia jamais à appeler sa fille par le nom que ses maîtres lui avaient donné et offrit à sa fille en secret un autre prénom Mo’at qu’elles seules utilisaient en secret : Pae’ti.
La famille de notables trinitaires amateurs d’exotisme dans laquelle elle a grandi cherchait à offrir à leurs enfants les services de dames de compagnie mo’at après qu’un de leurs amis les aient convaincus de l’intérêt pittoresque d’avoir des esclaves. Leurs sept enfants avaient beaucoup apprécié l’idée, tout en restant dans la mesure digne d’une bonne famille trinitaire.
La piété exemplaire de leurs maîtres les a poussés à initier leurs esclaves à la foi, malgré leur profonde conviction de l’impossibilité pour les membres de la sous-race Mo’at d’élever leur âme par la prière. Aussi aucun esclave n’a été Présenté et aucun n’a jamais participé à aucune Prière de Communauté. L’accent de leur éducation religieuse a été très orientée vers la Prière en Soi et l’obéissance absolue aux dogmes de l’église trinitaire. La mère de Pae'ti, Mo’at de pure souche enlevée à sa planète d’origine, se montrait très peu réceptive aux efforts de ses maîtres pour lui montrer le Chemin, mais ces derniers eurent plus de succès auprès de ses filles, particulièrement pour la jeune Pae'ti, qui s’appliqua à prier chaque jour en espérant un jour que son Amour de l’Unique pourrait rejaillir sur sa famille à la peau couleur charbon.
Effrayée par le caractère docile de sa cadette, sa mère mit une ardeur décuplée à lui inculquer les valeurs de son peuple d’origine. En lui parlant mojat dès que possible de sa belle voix chantante et en tentant de passer à travers son amour un peu de celui de Calypso, ce qui ne suffit malheureusement pas à recréer pour ses filles les racines qu'elles avaient perdues au début de leur esclavage. Soucieuse de satisfaire sa famille, Pae'ti finit par développer tout un ensemble de croyances superstitieuses qui rejoignirent à sa foi. Si elle priait en regardant les étoiles, par exemple, elle aurait plus de chance d’être entendue. Dans son jeune esprit, bien loin de l’influence exercée par la déesse, l’Unique et Calypso se mêlèrent pour ne plus former qu’une seule entité vers qui diriger son esprit.
Pour devenir une bonne dame de compagnie, la jeune fille apprit des chants et des danses Mo’at auprès de sa soeur et de sa mère. Cette dernière leur racontait souvent que son clan, les Aoktoro, avait pour coutume de célébrer chaque moment important de la vie de ses membres par de grandes fêtes spectaculaires durant lesquelles on dansait selon des codes ancestraux, qui guidaient chaque pas en fonction de l'occasion. Les filles apprirent donc à danser pour la joie, les mariages, les chasses réussies et l'avènement de nouveaux chefs, mais aussi pour la tristesse des décès, mâtinée de l'espoir d'une vie meilleure... Et, bien que, travestir ainsi une tradition sacrée en divertissement pour des non-initiés aux rites du clan pesait énormément sur leur mère, elle y voyait le meilleur moyen pour ses filles de renouer avec leurs racines et leur transmit ainsi sa passion pour ces danses symboliques ancestrales.
La cuisine traditionnelle des Aoktoro fit aussi parti de leur apprentissage, malgré l’absence d’ingrédients originaires de Mo’tanui, ce qui n'empêcha pas la petite Pae'ti de se révéler être une élève assidue et très motivée, qui n'hésitait pas à créer certains plats plus... Expérimentaux, mais qui n'ont jamais suscité de grimaces de dégoût de la part de ses maîtres.
Le Standard des filles est pur et sans accent, car elles l'ont toutes les deux parlé dès leur plus jeune âge. Mais cet apprentissage s'est fait à défaut de lien avec leur planète d'origine, dont les jeunes filles ne connaissent la couleur verte qu'à travers les descriptions et les chants mélancoliques de leur mère. Bilingue grâce à sa mère, elle garde cependant une préférence pour le Standard, qui lui évite de trop se démarquer, comme tout bon enfant trinitaire. Pae'ti n’apprit ni à lire, ni à écrire, mais su très vite faire le ménage, repriser les vêtements et obéir à tous les ordres qu’on lui donnait. Dès ses treize ans, la jeune fille était devenue une dame de compagnie accomplie.
Puis vint le jour où sa sœur, offerte en cadeau au fils aînée de la famille, dû quitter sa famille et accompagner ce dernier, devenu Évêque au sortir de l’E-cque, dans sa mission de transmission de la foi au cœur du système de Dorado. Cet acte de dévotion pur rejaillit sur la famille, mais la séparation des filles mo’at fut très difficile et Pae'ti mit très longtemps pour s'en remettre. N'avoir jamais aucune nouvelle de sa soeur, surtout, n'améliorait rien. Car bien que le fils envoyait régulièrement de ses nouvelles, il ne faisait jamais mention de l'esclave qui l'accompagnait...
Quand le cinquième enfant trinitaire décida de rejoindre son frère, quatre ans après le départ de ce dernier, Surprise fut envoyée avec lui. Sur Hell, où le jeune prêtre exerçait, toutes les mains étaient les bienvenues, aussi ses parents décidèrent-ils d’appuyer la requête de leur cinquième fils et de faire don de leur jeune esclave mo’at à la communauté trinitaire de la planète minière. La joie de retrouver Mee’Ra rendit la séparation avec sa mère plus facile et Pae'ti promit de prier tous les jours pour cette dernière, qui devait rester avec ses maîtres jusqu’à la fin de sa vie.

Le voyage fut long, mais le paysage spatial fascinait la jeune fille, qui pouvait passer l'intégralité de son rare temps libre à admirer les étoiles. La beauté de ce vide froid et intimidant captivait littéralement Pae'ti, qui trouvait dans cette vision un calme qu'elle n'avait encore jamais ressenti auparavant et elle se prit bien malgré elle à rêver qu'elle naviguerait pour toujours à bord d'un vaisseau, allant de planète onirique en planète onirique, vivant une vie de rêve et de découverte... Mais elle s'interdisait bien vite de formuler trop de voeux. Après tout, ces rêveries sans but allaient à l'encontre de sa foi et de l'avenir qui avait été tracé pour elle.
Mais la déception qu'elle éprouva en atterrissant sur Hell dépassa de loin toute sa motivation. Cette planète était mauvaise. Les gens étaient mauvais. Ici, tout lui faisait peur, et ce malgré la présence de son maître, qui n'en menait pas plus large qu'elle... Le paysage désolé qui s'offrait à ses yeux contrastait brusquement avec ses rêves de planète luxuriante et quelque chose se tordit en elle : elle ne pourrait jamais travailler ici et ses maîtres étaient bien cruels de l'y avoir envoyée.
Le coup de grâce lui fut asséné à son arrivée dans la mission du fils aîné : Mee'Ra avait disparu depuis plusieurs mois avec d'autres esclaves Mo'at, toutes des femmes. Personne n'avait l'air de s'en soucier. Et cela ne faisait de doute pour personne : toutes avaient été les victimes d'un échange de biens et on ne les reverrait plus jamais.
Incapable d'un tel fatalisme, Pae'ti se jura de retrouver sa soeur et, avec cet objectif en tête, échappa à l’attention de ses maîtres. Ces derniers étaient si préoccupés par la gestion de la mission, qu'ils ne furent pas durs à duper de toute manière... Et Surprise embarqua sur le premier vaisseau en partance pour Esperanza qui accepta de la prendre, malgré ses moyens limités et ses origines plus que douteuses. Cet endroit semblait être sa meilleure piste pour retrouver les disparues, dont le sort ne faisait que très peu de doute pour les quelques personnes ayant accepté de parler avec elle de ce que tous semblaient considérer comme un traffic d'êtres humains plutôt que de la fuite d'esclaves ingénieuses...
Seule, appeurée, ignorante des règles de ce monde et perdue dans cet univers qu’elle ne connaît pas, avec pour seule ressource un sac de voyage dérobé à son maître contenant un peu d'argent et des vêtements d'homme trop grands pour elle, Surprise compte bien suivre son coeur guidé par sa foi et retrouver sa soeur.