Le plus grand ramen de toute la galaxie

" Quelques unes, ici et là. "

Il sourit comme un parfait menteur, puis il secoue la tête comme si ses mensonges lui faisaient presque honte. Il sortit un petit carnet qu'il gardait dans sa chemise, grand comme une main une fois ouvert, il feuilleta.

" Je garde toujours le nom de ceux et celle que j'ai aimé près du cœur. Il n'y a pas toujours de noms, mais parfois un simple souvenir me suffit. L'espace est une cruelle dame qui prends beaucoup. Dans mes amours, il ne reste plus grand chose de sérieux. Disons peut-être trois ou quatre actuellement. "

Abordage, meurtre, séparations à vie. Il en avait laissé derrière lui. Il ferma le carnet avec un sourire provocateur.

" Mais surtout, il me reste l'alcool et la nourriture ! "

Il attrapa son verre dont il bu une belle rasade.

Il me fait doucement sourire. Quelques unes ? Quel menteur, ce beau blond. Et lorsqu'il sort son petit carnet, je glousse doucement, quelques secondes. Et continue de sourire, amusée de la tirade poétique, presque romantique, qu'il laisse échapper. Une tirade plutôt juste, criarde de vérités. L'espace prend beaucoup. Et je recommence à sourire, amusée, quand il confesse n'avoir plus que trois ou quatre amours. Ce qui est déjà pas mal !

- Trois ou quatre reste un bon nombre, je trouve !

Quel dramaturge. Un véritable comédien ! Un acteur que je trouve finalement charmant, amusant. Je l'aime bien et suis presque navrée à l'idée que nos routes puissent ne plus se recroiser après ce petit concours et ce thé...

- L'alcool et la nourriture sont de bons compagnons ! Mais parfois, certains amours résistent à l'espace, heureusement.

Je m'amuse à le provoquer d'un regard, avant de continuer.

- Et dans quelle partie de ton carnet me listeras-tu ?

Il sourit, bien amusé par la question. Lui, il ne pense pas que l'amour puisse résister tant que ça à l'espace. Il l'espère un peu à chaque fois, mais ce n'était jamais le cas. Il fit tourner le carnet comme une toupie avant de manquer de l'échapper, l'alcool lui ayant engourdi les mains. Il le rangea, un peu pataud.

" Si mademoiselle me permet le salace, j'irais dans 'charmant fantasme'. "

Il se mit à rire.

" La vérité serait sans doute qu'il n'y a pas assez de catégories pour cette galaxie, tout y est noté au hasard du temps et du moment. Tu y serais noté dans un sympathique soirée, quelque part dans ma vie. "

Il pose sa joue dans sa main, s'accoudant avec un sourire taquin.

Je souris, amusée par la catégorie dans laquelle il me place. Ca me plait, à vrai dire. Parce qu'il rit et que je sais bien qu'il plaisante. Je ferais bien moins la maligne si c'était un homme bien différent... Je hais les hommes. Normalement.

- Dommage, je pensais que je serais un peu plus "spéciale" que les autres. Me voilà un peu déçue, m'enfin. Au moins je resterai un joli souvenir, je l'espère!

Je lui souris, recule légèrement, vide un nouveau verre cul sec. Je sens le monde tourner plus vite qu'à son habitude, les effets de l'alcool commencent à se faire sentir. Je me force à respirer lentement, histoire de retrouver un peu de lucidité.

- Toi, tu seras, dans mon propre carnet, dans les pages des doux souvenirs taquins. J'espère surtout pouvoir te recroiser, ce n'est pas souvent que je m'attache aux gens. Surtout aux hommes.

Mon sourire se mue en une moue provocatrice.

Persival hocha la tête. Trop ivre pour comprendre exactement la dernière phrase. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il s'attachait peu, lui. Puis que dans son équipage, il avait finalement peu de véritables amis sur l'Iceberg. Sei'kel le détestait, Ichabod n'était pas réellement aimable avec lui, Loukian l'appréciait mais il en était le supérieur. Il y avait bien le capitaine et le docteur, mais c'était encore là deux hommes qui aimaient rester seuls. Finalement, lorsqu'on observait bien la vie de Persival Favreau, malgré le fait d'être entouré en permanence, il était relativement solitaire. Toujours à porter des masques. Qu'il enlevait pour de très rares personnes. Il aurait aimé avoir Wulf avec lui dans l'espace.

L'alcool n'aidant pas, ce fut un sourire en demi teinte qui se posa sur son visage.

" Vous m'en voyez donc ravi. C'est là une rare chose, que l'on s'attache réellement à moi. Homme et pirate, après tout. "

Le sourire reprit des couleurs très rapidement.

" J'espère également te revoir. "

La tête me tourne, mais je le vois, son sourire mi-figue mi-raisin. Je ne m'en formalise pas, on ne se reverra sûrement jamais. Tant pis, je m'amuse bien! Alors je lève ce qui ressemble à mon dernier verre et sourit de toutes mes dents si droites.

- Alors trinquons une fois de plus, aux premières fois! Et aux rares choses de la vie!

Comme moi en train de parler à un homme... à l'aise. Qui l'aurait cru? Heureusement que l'alcool y est, dans le cas contraire, pas sûr que je sois restée si longtemps avec lui, seule, sans le moindre échappatoire d'une connaissance.
Je lui souris toujours, mes mains relèvent mes cheveux.

- Il fait chaud ici... On peut pas ouvrir des fenêtres, non?

Je hurle un peu fort, mais un serveur tourne la tête dans ma direction. Et il m'ignore. Par réflexe, mon visage se transforme en une mine boudeuse.

- Sale type...

Valmont éméché, échauffé, n'apprécia pas vraiment le serveur et son manque de classe.

" Hey, la charmante mademoiselle t'a demandé d'ouvrir une fenêtre ! Je te conseille de l'écouter. Ça te prendra moins de temps que de faire réparer tes vitres. "

Valmont offrit un sourire presque doux au serveur en jouant avec son verre, le balançant de droite à gauche avec un air mutin. Le serveur soupira alors en ouvrant une fenêtre. Un objectif de réussi, par contre, tout le monde avait maintenant remarqué le duo.

Je souris, éméchée, et me réjouit de la pique que lance Valmont à ce stupide serveur qui m'a ignoré. Ce dernier soupire et ouvre une fenêtre, il a sûrement peur que notre duo explose ses fenêtres. Et il a sûrement raison, ne sait-on jamais ce qui peut arriver, on ne parait pas comme ça, au premier regard, mais je suis certaine qu'on en ferait des catastrophes. Pas autant que mon Crocket et moi, mais un peu quand même.
Je lui souris et explose de rire.

- Ah au moins maintenant, s'ils ne nous avaient pas remarqué à cause de mes cheveux explosifs, ils ont l'oeil sur nous.

Un clin d'oeil, je retourne mon verre sur la table.

- Merci pour la fenêtre, je commençais à étouffer. C'est terrible comme il fait vite chaud! Heureusement qu'on ne danse pas en plus de trop manger et boire des verres.

J'aime bien, danser. J'aime moins les gens qui se collent à moi quand je danse...

Valmont offrit un sourire à la belle. Il se moquait des regards sur eux. Ils étaient à Tortuga de toute manière.

" C'est une demande ? Je sais certainement pas danser, mais c'est sûrement là que se trouve mon atout de charme pour faire rire les gens."

Il lui fit une sorte de grimace, mi-gênée, mi-amusée.

Son sourire ne me rassure pas et mes doutes se fondent lorsqu'il reprend la parole, pour me faire une proposition inattendue. Mes yeux s'écarquillent, et pourtant, je me surprend à penser à l'éventualité d'accepter. L'alcool dans mes veines et son attitude charmeuse me poussent à baisser ma garde, à oublier mes craintes l'espace d'un instant. Mes cauchemars me quittent doucement, laissant place à un sourire tout aussi charmeur que le sien sur mon visage. Et je ris soudain.

-Je suis sûre que c'est un mensonge, tu dois être bon danseur, c'est obligé. Et puis au pire... je sais même pas si je suis douée non plus, je m'amuse, c'est tout.

Je me lève alors, dénuée de toute retenue, pose maladroitement mes mains sur mes hanches, relève le menton haut.

-Cap ou pas cap?

Persival la regarde un instant comme peu sûr de lui. Puis il fini son verre d'un coup sec et le claque contre la table.

" C'pas un Favreau qui va se défiler ! "

Il se lève, tanguant sur ses pieds au rythme de l’alcool.

Je ne l'attend plus et me lance sur la piste de danse. L'alcool m'aide à oublier mes inhibitions et je me laisse aller à la musique, mon corps tangue et mon esprit le suit. Je sens que le réveil, demain, sera difficile. Et pourtant, je m'en fous et continue à danser. Et lorsque je me retourne vers notre table, je ne vois plus mon compagnon de la soirée. Je laisse mon oeil vagabonder, quelques secondes, je croise son regard. Il danse à côté de moi, je suis surprise de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. L'alcool, sûrement. Alors je continue de danser, heureuse de pouvoir oublier les cauchemars l'espace d'un instant.

-Ton déhanché n'est pas si mal!

" Fais attention ! J'vais finir par me croire bon ! "

Il danse comme l'homme ivre qu'il est, mais au moins s'amusent-il. Dans le but totalement avouable de faire rire Azel, il enchaîne les pas les moins terribles de cette galaxie. Il danse en rond, agite les bras comme il y a trente ans, fais le robot.

"Woah ! Poum poum pouuuuu..."

Tant et si bien qu'il finit par tomber en arrière, tentant de se rattraper à ce qui traîne.

Mon visage se tord sous le rire incontrôlable qui me prend. Je manque de trébucher lorsque je sursaute à sa chute, me rattrapant de justesse à une chaise. La terre tourne et nous, on s'amuse. Je me rapproche de lui, toujours sur le sol. Je ris encore, incapable de m'arrêter.

-Bon ok, peut-être que tes pieds s'emmêlent un peu!

Je tend la main dans sa direction pour l'aider à se relever, je me penche un peu trop et me voilà déséquilibrée. Trop ivre pour me rattraper in-extremis une seconde fois à une chaise, la gravité me rattrape et je tombe. Sur mon ami du soir. Heureusement pour lui, je ne suis qu'un squelette, que la peau sur les os. Une plume. L'alcool courant dans mes veines m'empêche de ressentir le moindre malaise qui serait normalement mien, à la place, je ris, du rouge aux joues.