Nouveau départ [Eurydice]

Alors que nous marchons, c’est avec un certain déplaisir que Sœur Eurydice contrevient de nouveau à un de mes ordres directs, je me note intérieurement de la sanctionner sévèrement la prochaine fois que cela se produira. Peut-être ne comprend-elle pas correctement mes formulations, auquel cas je notifierais le Médecin-chef de vérifier son niveau d’instruction.

Conformément à mes propres instructions, je marche silencieusement dans les couloirs du vaisseau. On l’entend alors vivre : le grondement du générateur, les bruits de pas, les portes qui s’ouvrent et se ferment, le grésillement de l’électricité, des bruits d’entretiens. Alors que nous arrivons à l’infirmerie, le Médecin-chef est attiré par le claquement de ma canne.

> Sachez ma Sœur que jamais le doute ne s’installe à bord de ce vaisseau. Vous vous rendrez utile, Père Veilleur le Médecin-chef, y veillera je peux vous en assurer. Lui répondis-je en inclinant la tête en réponse à sa révérence et en le désignant d’un doux geste de la main.

> A présent je vais retourner à mes obligations, je vous souhaite de rapidement trouver vos marques Sœur Eurydice. S’il y a quoi que ce soit, croyez bien que vous aurez toute mon attention. Dis-je avec un sourire qui avait la douceur de la soie et le tranchant de la lame d’une guillotine.

Elle s'incline poliment face à l'inconnu et garde la tête humblement baissée pendant le petit discours de l'autre. Elle se retient de grincer les dents, toujours aussi incommodée par le ton faussement paternaliste de l'Evêque, la menace sous-jacente dans sa voix, et son faciès supposément aimable. Elle s'en méfie comme de la peste. Et à raison, très certainement. Nul doute que ses jours à bord de la Pierre porteront leur quota de péripéties. Elle pourrait presque s'en réjouir. Presque.
- Monseigneur. Salue-t-elle doucement avec une légère courbette.

Posant une main amicale sur l'épaule de Père Veilleur, sans que Soeur Eurydice puisse voir ce qu'il en était. Après qu'il ait hoché la tête, je m'éloigne avec le bruit et le rythme caractéristique de ma canne.

J'arrive seulement quelques dizaines de pas plus tard à mon bureau, Torgeïr se lève pour m’accueillir et me défaire de ma cape. Ne le remerciant pas pour ce qui tenait de la plus élémentaire des politesses, je pose mes yeux sur lui une fois assis à mon bureau :
> Torgeïr, nous avons une nouvelle venue à bord, elle me semble pleine de surprise. Tu seras mes yeux et mes oreilles, j'aimerai ne pas être surpris.

Comme à son habitude et à ma grande satisfaction, il s'incline sans mot dire et retourne s’asseoir sur son fauteuil, reprenant sa lecture de textes saints.